La nuit commençait à tomber sur la campagne du Kentucky, apaisant enfin les étendues brûlée par le soleil de la journée. La fraîcheur commençait doucement à reprendre la place de l'étouffante chaleur du sud, trop doucement au goût de Thaddeus qui monta un peu plus la climatisation du véhicule. Les roues de son imposante Jaguar filaient sur la petite route mal bétonnée, traçant à travers la petite ville de Radcliff déjà endormie. Si il était dehors si tard dans la soirée, ce n'était pas pour le plaisir de profiter des rues désertes de la campagne dépeuplée ; bien au contraire, le politicien aurait de loin préféré rester bien tranquillement dans sa grand maison de banlieue, un vers de Bourbon à la main et le nez dans un vieux polar. Mais la nouvelle qu'il venait d'apprendre, il devait lui en faire part, à elle. Il aurait pu se rendre sagement chez Oscar pour lui annoncer la nouvelle en premier. Mais ce n'était pas eux que Thaddeus voulait voir, pas ce soir, pas pour cette nouvelle-là. Ce qu'il venait d'apprendre, il n'y avait qu'elle pour le conseiller de manière adéquate. Il savait pertinemment qu'elle ne serait pas ravie d'une telle visite, si tard dans la soirée. Une visite qui d'autant plus n'avait pas grand-chose à voir avec la campagne ; pourtant ce n'était pas la responsable de sa course politique qu'il venait consulter. C'était la femme, l'amie qu'il espérait s'être fait en la personne de Jaime. Si elle était d'aussi bon conseil dans la vie quotidienne qu'elle ne l'était dans la lutte pour le pouvoir, alors il se dirigeait sans aucun doute vers la bonne personne. Mais pouvait-il lui faire réellement confiance ? C'était la question qui hantait Thaddeus depuis maintenant près d'un mois, date fatidique de la découverte de la jeune femme. Entrée sans prévenir alors que le politicien tentait de contenir une des pulsions de son pouvoir, de cette malédiction qu'il avait si bien camouflée depuis près de quinze ans, Jaime avait surpris le chasseur la main totalement recouverte d'une matière grisâtre. Le sang de Thaddeus n'avait fait qu'un tour alors qu'il avait sauvagement sauté sur la jeune femme, emprisonnant son cou frêle de sa poigne d'acier, prêt à le lui briser non sans remords. Après tout déjà à l'époque, le politicien ressentait quelque chose de spécial chez sa directrice de campagne, une fascination malsaine qui l'avait retenu de l'achever sur le champ, instant qui lui avait été fatal. Jaime s'était servi de se doute pour l’envoûter, et l'avait docilement convaincue qu'il ne craignait rien avec elle. La blonde lui avait promis, avec ses grands yeux bleus et sa voix suave sonnant d'une innocence factice à peine dissimulée, de ne pas le dénoncer, non jamais. Qu'elle n'y trouverait aucun intérêt si ce n'était ruiner sa campagne ainsi que sa carrière. Et ça, la belle n'en voulait pas, lui avait-elle assuré. Mais il ne pouvait s'empêcher de douter, voyant depuis bien longtemps clair dans le jeu d'influence de sa compagne. Il doutait de la moindres de ses paroles, et pourtant, continuait de boire chacune de celle-ci avec jubilation. C'était leur jeu, leur jeu à eux. Jeu dangereux mais auquel Thaddeus prenait un plaisir presque jouissif.

Le chasseur pénétra dans le cœur de la ville, où se trouvait le petit hôtel qu'occupait sa directrice de campagne, un de ceux qui se rapprochait le plus d'un palace ici-bas à Radcliff. Il gara son imposant véhicule sur le bord de la route, à l'entrée de l'établissement, avant de pénétrer dans ce dernier. Thaddeus se doutais que l’accueil de la jeune femme ne serait sûrement pas des plus chaleureux. Pourtant c'est l'air serein qu'il traversait la pièce, de son pas habituel, dominant de sa simple présence la totalité du hall de l'hôtel. Il connaissait déjà le numéro de chambre de la belle, lui ayant déjà rendu visite pour la campagne une ou deux fois. Aussi, il se retrouva bien vite devant la petite porte en bois. Il prit une dernière inspiration avant de frapper, se préparant d'avance à la tornade blonde qui allait s'abattre sur lui d'un moment à l'autre. Après quelques secondes d'attente, la porte s'ouvrit enfin sur sa directrice de campagne. " Bonsoir Jaime. "