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 Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]

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Hippolyte Caesar
Hippolyte Caesar

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MessageSujet: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeLun 23 Nov 2015 - 23:12

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



Allongé sur le dos, il fixait le plafond. Au dessus de sa tête, un néon diffusait une lumière blafarde, et il nota avec un certain agacement la présence de toiles d'araignées dans l'angle du mur. Ca et là, des tâches brunâtres coloraient les dalles du plafond, accentuant plus encore sa mauvaise humeur. C'était un homme maniaque, toujours tiré à quatre épingles, vêtu de coûteux costumes faits sur mesure, et portant une barbe impeccablement taillée. Alors il avait horreur de la saleté, du laxisme en terme d'hygiène et de toute autre forme de laisser aller. Il regrettait déjà d'avoir mis les pieds dans cet hôpital, se demandant même s'il n'avait pas plus de risques d'attraper le choléra ici qu'au fin fond de l'Amazonie. C'était un hôpital, bon sang ! Un lieu de soins ou tout aurait du être impeccablement stérilisé et propre ! Il était donc le seul à s'en soucier ? Et pourtant, il restait silencieux tandis que le médecin auscultait son bras. Il n'avait pas prononcé plus de trois mots depuis qu'il était entré, se contentant généralement d'une syllabe ou d'un hochement de tête aux questions du praticien. Etait-il nécessaire de préciser qu'il n'était pas très bavard ?

Le médecin n'avait fait aucune remarque quant aux nombreuses cicatrices qui marbraient le corps du quinquagénaire, se contentant de s'intéresser à la plus récente. Il était tout de même curieux qu'un homme comme lui, directeur d'une des plus importantes et prospères entreprises pharmaceutiques au monde porte les marques évidentes de nombreux combats. Si une fois habillé il avait tout de l'homme d'affaire richissime, sans chemise il ressemblait plus à un soldat ayant vécu plus d'une guerre. La vérité était quelque peu différente. Directeur d'un laboratoire le jour, il était chasseur de transmutants la nuit. Et ses activités nocturnes étaient d'ailleurs la raison de sa présence à l'hôpital en cette fraîche matinée d'Avril. Lors de sa dernière chasse, il avait été attaqué par un monstre capable de maîtriser l'air. Ce dernier lui avait sectionné deux tendons et un muscle, paralysant son bras droit pendant plus d'un mois. Une trentaine de jours sans chasser, à voir, la mort dans l'âme, Victoire sortir traquer les mutants, à rejeter en bloc toute forme d'aide et à envoyer balader tous ceux qui osaient le prendre pour un vieillard handicapé. Il ne supportait pas qu'on le materne, qu'on le voit comme un faible, il préférait qu'on le craigne ou l'abhorre plutôt que d'être pris en pitié. C'était finalement sa manière à lui de se protéger, de s'assurer qu'on ne risquait pas de profiter d'un moment de faiblesse de sa part pour le faire sombrer. Fort heureusement, la plaie semblait avoir enfin cicatrisé, même si la guérison avait été nettement ralentie lorsque plusieurs points de suture avaient sauté, rouvrant l'entaille en grand. Et à qui devait-il ce petit cadeau ? A son fils, Marius. Le cadet des jumeaux. Son plus grand mystère, sa plus grande source de colère et de frustration, de culpabilité et de déception. Un concentré de génie et d’imbécillité à l'état pur dans le corps d'un gamin d'à peine trente ans. Car il en avait eu la preuve quelques semaines auparavant : Marius était loin, très loin d'être idiot. Il se faisait passer pour tel dans l'unique but de... De quoi, au juste ? Son père ne comprenait toujours pas ce qui poussait le gamin à se faire passer pour le roi des crétins.

- Vous pouvez vous relever et remettre votre chemise, Mr Caesar.


Obtempérant, il se releva, reboutonna sa chemise et passa sa veste de costume bleu marine. Il renoua sèchement sa cravate et se sentit à nouveau lui-même. Hippolyte Caesar, l'effroyable et impitoyable PDG de Caesar Pharmaceutics. Cet odieux personnage qu'aucun de ses employés ne voulait croiser dans les couloirs, cet asocial hermétique aux relations humaines mais surtout ce père qui avait savamment saboté l'éducation de ses enfants, privant le second d'amour et de tolérance pour ne dispenser que mépris et remontrances à son égard.

Le médecin tint un discours bassinant sur les dangers domestiques, le priant de faire attention à lui pour ne pas renouveler l'expérience qu'il avait vécu... Hippolyte leva les yeux au ciel. Il n'avait rien trouvé de mieux que de prétendre s'être accidentellement blessé en cuisinant pour ne pas avoir à avouer ouvertement que son activité favorite se résumait à massacrer des dégénérés. Il le regrettait déjà. Il fini par couper court à la discussion en quittant son siège et en remerciant sèchement le médecin. Il était bien placé pour savoir se gérer tout seul, autant sur le plan médical que sur le reste. Il failli d'ailleurs partir en oubliant le plus important. Sur la chaise voisine son trouvait son étrange compagnon d'infortune : Un gros lapin en peluche, avec des longues oreilles duveteuses et une bedaine rebondie. Intégralement blanc à l'exception de sa truffe rose et de ses grands yeux vert, il avait tout du compagnon de jeu rêvé pour un enfant.

Mais plus que cela, il faisait horriblement tâche dans les mains de son actuel propriétaire. Le médecin haussa un sourcil, mais le regard glacial d'Hippolyte le dissuada de dire quoi que ce soit. Il remercia sèchement l'homme en blouse blanche et quitta la pièce, arpentant vivement le couloir pour regagner le hall d'entrée. C'était là qu'il avait rendez-vous, là que Marius lui avait demandé de se trouver, la veille. Pour treize heures précises. Hippolyte jeta un œil à sa montre. Il avait un peu d'avance, et en profita pour s'acheter un café à une machine. Il était immonde. C'était donc trop demandé dans ce pays de trouver un automate capable de faire un bon café et non une pisse de chameau ? Il avala donc sa dose de caféine d'une traite et sortit fumer une cigarette devant l'entrée. Tous les visiteurs le regardaient avec un air amusé, se demandant bien ce que faisait cet homme en costume avec une si grosse peluche. Qu'il se sentait con, mon Dieu qu'il se sentait con... Il avait choisi le lapin sans même se rendre compte qu'il était presque la copie conforme de Chester, celui de Marius... Et n'avait pas du tout réfléchi au fait qu'il devait faire presque une fois et demi la taille du bébé. Marius allait sûrement le lui faire remarquer, et il n'était clairement pas d'humeur à supporter ses sarcasmes.

Un coup d’œil à sa montre, il était treize heures. Hippolyte écrasa le mégot de sa cigarette et rentra rapidement dans le hall, cherchant du regard la haute silhouette de son fils. Des infirmières traversaient les couloirs, des patients se succédaient devant les salles de soins, mais aucune trace de Marius. Cinq minutes, puis quinze, puis trente... Il était presque treize heures quarante lorsqu'il perdit patience. Lassé d'attendre, Hippolyte cessa de faire les cent pas et s'approcha du comptoir d'accueil dans l'intention de leur donner la peluche – ils pourraient bien la remettre au service pédiatrie, qu'est ce que ça pouvait bien lui faire ? - avant de quitter les lieux. Il avait été bête d'espérer que Marius ne jouerait pas avec ses nerfs. Bien trop naïf de croire que le fils qu'il avait tant malmené lui présenterait son petit protégé aussi facilement...
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeSam 28 Nov 2015 - 0:20

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



J’inspire lentement. Sautille avec précaution. Je sais que je suis un peu en avance sur le programme. Je sais qu’en théorie, je ne devrais quitter la sale de sport que demain et que je ne suis pas supposé commencer à faire des entraînements en extérieur avant deux semaines. Je sais tout cela mais je sais surtout une chose: que je connais mon corps, mes limites, mon organisme mieux que n’importe quel planning et que je suis en pleine forme. Ou Presque. Tant que je n’abuse pas, ça devrait aller. Son cœur bat trop vite J’échauffe mes épaules avec minutie, fais de même avec mes poignets. Il pourrait s'arrêter. J’attache des protections autour de mes articulations et commence à trottiner tranquillement dans un premier temps, attentif à tous les signaux de mon corps et tout particulièrement de mon cœur et de ma jambe. Tout résiste, tout semble bien aller. Je viens de faire un jogging, un entraînement léger en salle de muscu pour réveiller tous les muscles. Et maintenant, c’est l’heure de visiter la ville de manière plus originale que ce que je peux le faire en général. Je réajuste mon sweat, enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et révise le petit parkour que je compte faire et travailler dans les minutes à venir. Rien de bien compliqué, juste les éléments de base qu’il me faut acquérir pour pouvoir complexifier l’ensemble par la suite. La musique commence à pulser à mes oreilles, me donne un certain rythme. Je travaille toujours en musique, ou presque.

Les cascades, ce ne sont en fin de compte que des danses un peu plus sportives que celles qu’on fait en soirée. Les cascades, ce ne sont que des enchaînements à apprendre, à répéter, à perfectionner. Et lorsqu’on me parle de sport, je suis capable d’être extrêmement perfectionniste. Rien de compliqué, donc, ce sont les consignes pour commencer. Principalement de la course, quelques petits saltos, vaguement quelques jeux avec des échafaudages que j’ai repérés à quelques rues de là mais guère plus. Je ferme les yeux, inspirant lentement, me retraçant mon chemin dans ma tête. Chemin appris par cœur ce matin. Les cascades, ce ne sont que des danses un peu complexes, un peu risquées. Et j’ai toujours été très doué en danse, comme dans tous les sports en somme. J’ai cette capacité à visualiser mes trajectoires, cette capacité à jauger à l’instinct et à faire les bons choix. Pas de mutation, juste des facilités. Je fais craquer une dernière fois mes phalanges et file en trottinant définitivement vers un des quartiers de Radcliff les moins fréquentés et surtout le moins fréquenté par Moira, Seth, Astrid, mon père, Martial : en somme, par toutes les personnes pouvant me faire une remarque sur ma stupidité. Je suis une tête-brûlée, je suis un gamin têtu et capricieux et, putain, que j’aime courir. Parce qu’il n’est plus question de trottiner maintenant, il s’agit de courir au rythme de ma musique et de ces basses, avec ma montre qui surveille mon rythme cardiaque.

Cinq minutes, dix, vingt, une demi-heure. Et ma montre commence à s’affoler. Je saute par-dessus un muret, m’accroche à une rambarde pour me laisser glisser et esquiver l’escalier. Saute et me réceptionne sans la moindre difficulté. Je me relève pour partir, trébuche. J’ai le souffle court, le cœur qui bat à tout rompre dans ma poitrine. Je vous le donne en mille : c’est mon cœur qui craque le premier. J’ai beau faire du sport, j’ai beau m’évertuer à retrouver la forme, c’est lui qui craque toujours le premier. Pas ma jambe, pas mes muscles, pas ma volonté, juste mon cœur. Je trébuche, je m’étale dans un gémissement de douleur. Putain que je suis con et putain que je ne l’ai pas vu venir. Ca n’a rien de comparable, heureusement, avec la plupart de mes crises mais elle est tout de même bien là, cette pointe de douleur qui me transperce la poitrine. Je regarde ce bracelet qui hurle sa désapprobation et je m’aperçois de deux choses : un, que cette fois il faut absolument que je prenne des médicaments que je n’ai pas sur moi, et que deux, ça ne sert à rien d’attendre, je suis allé trop loin pour que ça revienne à la normale tout seul. Appuyé contre le mur le plus proche, je m’étrangle dans ma respiration trop rapide et ferme les yeux. Oh, et tiens, un nouveau regard sur mon portable m’apprend une troisième chose, tout aussi intéressante : je suis supposé retrouver mon père à l’hôpital. Son cœur bat trop vite. Il pourrait s’arrêter.

Mon cœur à moi aussi bat trop vite. Mon cœur à moi aussi pourrait s’arrêter. Mais mon cœur à moi n’a aucun intérêt. Celui de mon gosse en revanche... Je titube, transpirant bien plus que je ne le devrais. Une petite demi-heure de parkour de base, ce n’est pas ça qui est supposé me fatiguer au point de me faire dégouliner, loin de là. En revanche, mon cœur qui déconne, c’est une autre histoire. Je mets bien dix minutes à rejoindre l’hôpital, l’escalier me semble être une éternité. J’ai dit quelle heure à mon père, déjà ? Quatorze heures il me semble. Ou treize heures. Dans l’un des deux cas, je suis en retard, donc on va dire que je suis en avance d’une vingtaine de minutes. Je traverse le hall à grande vitesse, bouscule une personne avec une peluche et m’échoue à l’accueil. J’ai du mal à reprendre ma respiration qui se fait sifflante. Je fouille dans mes poches, extirpe mon portefeuille et l’ordonnance d’urgence refilée des jours plus tôt par mon cardiologue. « Marius Caesar, je… je me suis un peu surestimé, est ce que vous pouvez me… » Je n’ai pas besoin de terminer ma phrase qu’une infirmière arrive, s’empare de l’ordonnance et disparait. Je m’adosse à l’accueil, me saisi du verre d’eau qu’on me passe que je porte à mes lèvres d’une main tremblante. Je ne sais pas si c’est juste une impression, mais mon cœur semble être plus susceptible depuis ma deuxième vaccination. Je ferme les yeux, attends mes médicaments et tente de reprendre mon souffle. Si les battements de mon cœur ne me donnent pas l’impression de vouloir battre le record du monde de rapidité, ils sont encore trop erratiques pour que ça me rassure. Je patiente en regardant le Hall et ceux qui le tra…

Bien. Le rendez-vous devait être à treize heures, pas quatorze. Et je viens de me taper la honte devant mon père, quelques minutes avant de lui présenter mon fils. Bien. Parfait. Bravo Marius. Et en plus j’ai fait le con avec mon cœur. Bravo. Tout bon. Combo gagnant. Je regarde mon bracelet et mon rythme cardiaque, tire la manche de mon sweat pour le lui cacher, comme un gamin pris en faute. Oui, j’ai vingt-sept ans, et alors ? Je ne vous ai rien demandé donc gardez vos remarques pour vous. « Hey ! J’suis presque à l’heure, t’as vu ça ? » Oh. La peluche. L’homme à la peluche. La respiration difficile, je pointe le lapin du doigt. « C’est pour Sam ? Elle est chouette. » Je ne sais même pas ce que je raconte. J’en profite qu’il ne dise rien pour faire semblant que je suis ravi de le voir alors qu’en réalité… c’est bien plus compliqué que ça. « Je… on me file juste un médoc et c’est bon, on peut monter. Tu as fait bon voyage ? » Tu as fait bon voyage. Ah bah oui, hein, quand j’ai du mal à respirer, le cœur qui bat à contretemps, mon père en face de moi et tous mes neurones de désactivés, forcément, je ne suis pas dans le bon état d’esprit pour dire quoique ce soit d’intelligent. Pas que je sois habituellement dans le bon état d’esprit pour, mais disons que là c’est pire que la normale. Ce qui donne une idée.
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeSam 5 Déc 2015 - 12:05

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



Il était venu pour rien. Il s'était déplacé pour des broutilles. Pire que cela, il avait pris un jour de congé pour venir, chose qui ne lui était pas arrivée depuis 21 ans. La dernière fois qu'il avait volontairement pris des vacances, c'était pour être au chevet de Marius, après son accident. Et à nouveau, c'était pour lui qu'il faisait cet effort... Le reste du temps, c'était Victoire qui le traînait hors de son bureau pendant quelques jours, afin qu'il arrêté de travailler plus de dix heures par jour. Et elle avait alors droit à une tempête de mauvaise humeur et d'impatience : Son charmant époux ne supportait tout simplement pas de rester chez lui à ne rien faire, ou de partir en vacances. Rien que le fait de songer à occuper quelques journées à faire du tourisme ou se dorer la pilule sur une plage lui donnait la nausée, il avait l'impression de perdre son temps et de ne rien faire de productif. Pire que cela, il n'envisageait même pas l'idée de rester plus de dix minutes sans rien faire, le cerveau au repos... C'était une véritable torture pour ce bourreau de travail qui ne se reposait jamais vraiment. Finalement, ils se ressemblaient sur ce point, avec Marius... A une différence près : Hippolyte extériorisait son besoin de s'occuper en travaillant en silence, son fils... Courait partout et inventait mille et une conneries.

Alors il avait pris sa journée. Sa secrétaire l'avait regardé avec des yeux ronds sans comprendre, jusqu'à ce qu'il lui aboie de se dépêcher un peu de noter dans son agenda qu'il ne serait pas disponible ce jour-là. Elle n'avait pas posé plus de questions que cela, mais déjà dans les bureaux circulaient un nombre incroyable de rumeurs diverses et variées. Victoire lui avait même envoyé un texto un peu plus tôt dans la matinée pour lui dire qu'on lui avait présenté trois fois des condoléances pour un décès. Le décès de qui ? Le mystère restait entier.

Car si Hippolyte avait pris la décision de ne pas aller travailler ce jour-là, c'était pour faire l'effort d'être présent et de se comporter comme un père presque normal. Un presque de taille, puisqu'on ne le changerait pas si facilement. Il avait même éteint son téléphone professionnel, chose qu'il ne faisait jamais. Au moins, on ne pourrait pas l'accuser de ne pas faire d'efforts. Seulement, tout cela n'avait servi à rien, puisque Marius s'était moqué de lui. Il n'était pas là, et après quarante minutes d'attente, Hippolyte se retrouvait à céder le gros lapin en peluche qu'il n'en pouvait plus de trimbaler avec lui. Qui en hériterait, il s'en fichait totalement. Il était bien trop énervé pour se poser la question. Si énervé qu'il faillit gratifier celui qui venait de le bousculer d'une remarque cinglante. Mais il reconnu cette tignasse blonde en bataille d'un simple coup d'oeil.

Se tenant en retrait silencieusement, Hippolyte observait le pathétique spectacle qu'offrait son fils au beau milieu du hall de l'hôpital. A moitié affalé sur le comptoir, suant comme s'il venait de courir un marathon, et la respiration tellement sifflante que son père se demandait à quel moment il faudrait ramasser ses poumons sur le carrelage. Etait-il complètement idiot et irresponsable, ou était-ce un jeu pour lui ? A force, Hippolyte commençait à se demander si Marius n'était pas suicidaire en plus d'être mentalement limité... La colère engendrée par le retard de son fils venait de laisser place à une inquiétude peu commune, à laquelle il n'était pas habitué et ne savait pas gérer. Après tout, depuis quand avait-il perdu l'habitude de se faire du souci pour Marius ? Ah oui... 21 ans. Hippolyte avait passé plus d'années à le rabaisser et le brimer qu'à se préoccuper de son bien être, bien maintenant qu'il en éprouvait de la culpabilité, il ne savait pas comment s'y prendre. C'était incroyablement frustrant.

« Je me suis un peu surestimé »

Seulement un peu ? Hippolyte fut tenté de rire mais se retint de justesse. Marius semblait sur le point de s'effondrer si ce n'est de faire un arrêt cardiaque, et c'est tout ce qu'il trouvait à dire ? Quand finalement il se décida à regarder autour de lui pour poser un regard sur son père, Marius sembla enfin comprendre qu'il était non seulement très en retard, mais qu'il venait en plus de prouver une fois de plus son irresponsabilité. Les bras croisés devant lui, le lapin en peluche pendant dans son poing serré, Hippolyte fixait Marius avec un regard à la fois empli de reproches et d'inquiétude. Il ne savait pas quoi dire, ni quoi faire en dehors de l'enguirlander vertement. Après tout, c'est ce qu'il méritait, non ? Il mettait sa vie en danger sans le moindre scrupule ! Il se contenta néanmoins de secouer la tête pour lui montrer sa désapprobation. Ne pas s'énerver maintenant, ne pas le provoquer, ne pas chercher la dispute... Le mot d'ordre, c'était cordialité. Et mon Dieu que c'était difficile à tenir, comme rôle !

- C'est ça que tu appelles « un peu te surestimer » ? On dirait un petit vieux sur le point de rendre l'âme...

Voilà, le décors était posé, les choses étaient dites. C'était trop lui demander que de rester silencieux, finalement. Et courtois. Au moins, sa réflexion pouvait presque s'apparenter à de l'humour. De mauvais goût, certes, mais on pouvait voir cela comme une plaisanterie. Hippolyte fini par décroiser les bras et s'approcha du comptoir sur lequel l'infirmière venait de déposer un verre d'eau, des cachets de l'ordonnance de Marius. Il attrapa le papier légèrement froissé et le parcouru rapidement du regard. Ses yeux s'écarquillèrent malgré lui et sa main se serra instinctivement sur la feuille. Il ne les connaissait que trop bien, ces médicaments. Certains sortaient même de ses laboratoires. Et surtout, il savait que ce traitement était bien plus lourd qu'il n'y paraissait, absolument pas le genre de médication que l'on prescrivait généralement à un jeune de moins de trente ans mais plutôt à une personne d'au moins quatre vingts ans. Une fois de plus, il se fit la remarque que ce n'était pas normal, que ce n'était pas juste... Qu'il aurait du être en parfaite santé, qu'il aurait du pouvoir courir des heures sans que son cœur ne s'emballe... Et cette angoisse qu'il ressentait, Hippolyte n'arrivait pas à la gérer, elle se traduisait inévitablement par de la colère sur son visage. De la colère dirigée vers la génétique et cette putain de fatalité qui avait décidé de s'acharner sur Marius.

Au prix d'un effort surhumain, il s'abstint de faire le moindre commentaire et releva les yeux lorsque Marius fit remarquer qu'il était presque à l'heure.

- Si l'on considère que quarante minutes c'est un retard habituel chez toi, en effet, tu es presque à l'heure...

Le sarcasme était finalement sa meilleure arme face à l'incompréhension et l'incapacité chronique qu'il avait à se comporter comme un être humain normal. Il restait droit, presque crispé, sans parvenir à aller poser une main rassurante sur l'épaule de son fils pour lui demander s'il allait bien... Et pourtant, il avait le sentiment que c'était ça, la meilleure chose à faire. Finalement, il ne fit que tendre la peluche à Marius.

- C'est pour Samuel, oui... Je me suis dis que ça égayerait un peu sa chambre, même si j'imagine qu'elle est déjà pleine de cadeaux en tous genres... Maintenant que j'y pense, il ressemble un peu au tien... Enfin ressemblait...

Etant donné l'état actuel de Chester, la ressemblance était relative. Il se sentait maladroit et idiot... Finalement, leurs interminables disputes avaient un point positif : Hippolyte savait totalement les gérer. Tandis que se comporter comme une personne normale, c'était autre chose. Il avait fini par se dire qu'il valait mieux faire et dire le contraire de ce dont il avait l'habitude.

Et en parlant de contraire... Il pris le parti de ne pas réprimander Marius pour son attitude vis à vis de son cœur – Après tout il l'aurait envoyé bouler d'un « vas te faire foutre » - et préféra prendre le parti de faire une chose qu'il n'avait, cette fois, jamais faite auparavant. Il se dirigea vers le distributeur de confiseries le plus proche, y inséra quelques pièces et récupéra le paquet d'immondices gélatineux et bourrés de sucre qu'il venait d'acheter. Il le lança à Marius et pris la direction du service pédiatrie sans demander son reste. Ca ne lui était encore jamais arrivé de donner des sucreries à l'un de ces enfants. A vrai dire, les bonbons faisaient partie des choses qui n'entraient pas chez les Caesar, ce qui avait toujours beaucoup frustré Marius. Seulement cette fois, son fils avait besoin de sucre pour reprendre des forces... Oui... C'était une bonne excuse, finalement, et il essayait lui-même de s'en convaincre.
Supposant que Marius le suivait, Hippolyte répondit à sa dernière question, aussi bête soit-elle. Et il était finalement content de lui tourner le dos, car il ne pu s'empêcher de sourire avec amusement. C'était probablement la question la plus polie et... Gentille qu'il lui avait posé ces dernières années.

- Si tu considères que faire un trajet de dix minutes est un voyage, alors oui...

Il quittèrent le hall pour s'engouffrer dans un large couloir, avant de passer une porte qui débouchait sur un long corridor totalement désert. Hippolyte s'arrêta alors et se tourna vers Marius, incapable de masquer plus longtemps l'inquiétude qui déformait maintenant les traits de son visage.

- Tu es sûr que tu vas bien, Marius ? Je me fais du souci pour toi, tu malmènes ton cœur, tu pousses ton corps dans ses retranchements... Je t'en prie, ne fais rien d'inconsidéré, s'il te plaît. Je ne te demande pas de comporter comme un grabataire et de rester enfermé chez toi, seulement... Je ne veux pas apprendre dans les semaines à venir que ton cœur t'a lâché parce que tu as préféré le pousser à bout. Je ne te demande pas de le faire pour moi, pour ton frère, pour Samuel, mais simplement pour toi.

Si la situation n'avait pas été aussi grave, Hippolyte se serait lui-même demandé s'il n'avait pas de la fièvre. Ils étaient rares, les moments où le voyait s'inquiéter pour quelqu'un, et plus rares encore ceux où montrait ouvertement qu'il avait plus de considérations pour Marius que pour l'image qu'il pouvait renvoyer. Tournant les talons, il alla regarder le panneau d'affichage du service pédiatrique.

- Tu sais mieux que moi dans quelle direction aller alors... Je te suis...
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeSam 5 Déc 2015 - 17:57

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



Respiration laborieuse, transpiration abondante, je sais que je suis pâle comme la mort et que j’ai mauvaise mine pour le moment. En même temps… j’imagine que si on prend en compte que je suis en train de subir les prémices d’un arrêt cardiaque, ça peut sembler logique. Si je m’inquiète ? Bien sûr. Bien sûr que je m’inquiète, bien sûr que je suis terrifié. Qui ne le serait pas dans ma situation ? Un grand malade ou un imbécile et il faut croire que je ne fais partie ni de l’une, ni de l’autre de ces deux catégories. Même si pour le cas de l’imbécilité, j’imagine que l’on peut en discuter. Et que l’homme face à moi peut en discuter plus que quiconque. Mon père. Finalement, je suis en retard et il m’attend depuis quarante minutes. Même si je n’irais pas jusqu’à dire que je connais mon père, j’ai vécu suffisamment sous son autorité pour savoir qu’il n’est jamais en retard, jamais en avance, toujours pile à l’heure à la minute près. Et moi, je suis systématiquement en retard. Ce qui était au départ une énième provocation s’est cristallisé en une habitude que je n’arrive pas à perdre, et que je ne veux pas perdre, aussi.

Mon père, donc. Je sais que j’ai l’air con, que j’ai l’air vraiment mal, qu’il a sous les yeux la conséquence directe de mon immaturité, de mon irresponsabilité et de mon obstination. Je ne devrais pas faire de sport, je ne devrais même pas tester les limites de mon cœur. Mais je ne peux pas m’en empêcher parce que je refuse que quiconque se donne le droit de décider à ma palce de ce que je peux et ne peux pas faire. Le regard que pose sur moi le patriarche des Caesar est éloquent : reproche, colère, désapprobation. Mais ça me fait mal d’y percevoir aussi ce que je n’ai jamais vu dans ses yeux, aussi loin que peuvent remonter mes souvenirs. De l’inquiétude. Mon père s’inquiète pour moi. - C'est ça que tu appelles « un peu te surestimer » ? On dirait un petit vieux sur le point de rendre l'âme... Je serre les dents, je serre le poing, je me braque par réflexe face à cet homme qui a passé ma vie à me rabaisser. Avant de me rendre compte qu’à force d’agir comme ça… on n’avancera jamais. Et que si je lui ai proposé de venir voir Sam… ce n’est pas pour lui dire de dégager. Je ferme les yeux le temps d’un soupir. J’aurais aimé que cette rencontre se passe mieux que ça. J’aurais aimé que mon père puisse voir que je suis capable d’être père, que je suis capable d’être adulte, que je suis capable d’être responsable sans pour autant être obligé de me plier à son petit moule de fils parfait. Au lieu de ça… j’arrive dans un état pitoyable avec un cœur en carton et une crédibilité totalement inexistante. C’te vie de merde que je me traîne, tout de même. « J’essayais de me mettre un instant à ta place, espèce de papi. » Je finis par rétorquer sur le ton de l’humour. Faire de l’humour avec Hippolyte Caesar est un véritable challenge, je le sais bien, mais je tente le coup pour une fois. Et l’infirmière arrive pour me sauver la vie, m’apportant un verre d’eau et mes médicaments, reposant l’ordonnance sur le comptoir de l’accueil dans un regard noir. Je lui offre un sourire amusé, attrape mon verre d’une main tremblante et avale sans attendre les comprimés. J’observe du coin de l’œil mon père récupérer l’ordonnance, me retenant de justesse de la lui arracher des mains. Pas la peine de croire une seule seconde que les noms de médicaments inscrits dessus lui sont inconnus : je sais que certains sortent même de ses putains de labo. Lorsque ses yeux commencent à s’écarquiller en revanche, je détourne le regard. Je sais, Papa, je sais que ce n’est pas jojo tout ça, mon cardiologue me le dit à chaque fois que je le vois. Je préfère changer de sujet de conversation pour lui donner de quoi m’engueuler plutôt que de penser à cette ordonnance. - Si l'on considère que quarante minutes c'est un retard habituel chez toi, en effet, tu es presque à l'heure... Loin de m’en offusquer, je préfère lui offrir un sourire insolent et rebondir sur cette peluche qu’il tient. - C'est pour Samuel, oui... Je me suis dis que ça égaierait un peu sa chambre, même si j'imagine qu'elle est déjà pleine de cadeaux en tous genres... Maintenant que j'y pense, il ressemble un peu au tien... Enfin ressemblait... Il ressemble un peu au tien. Mon cœur qui se calmait lentement repart dans des bonds erratiques. J’ai beau avoir avalé quelques cachets, il m’en manque encore un qui ne devrait pas tarder avant que je ne sois complètement opérationnel. Un cachet et surtout une boite de comprimés. Il ressemble au tien. Je toise le lapin que je tiens dans mes mains, comme pour le mettre au défi d’entrer en concurrence avec Chester. « Oh, chouette, il sera content. Il est un peu gros pour son lit, mais je suis sûr que Sam va l’adorer. » J’essaye d’être normal. J’essaye de me comporter normalement mais il y a quelque chose d’incroyablement dérangeant dans cette discussion, dans cette conversation.

Je ne peux pas me comporter normalement avec mon père, et si je n’avais pas quelque chose à lui demander, sans nul doute que je lui aurais déjà posé la question qui me brûle les lèvres : pourquoi tu fais tout ça ? C’est vrai ça… pourquoi fait-il tout ça, au final ? Parce qu’il ne veut pas que je l’empêche de voir son petit-fils ? Parce qu’il veut se faire pardonner ? Parce qu’il veut récupérer mon fils et lui mettre dans le crâne que c’est un raté ou, mieux encore, que son père est un raté ? Parce qu’il se sent mal vis-à-vis de mon cœur et qu’il pense que ça va me simplifier la vie ? D’ailleurs, ça me parait extrêmement louche qu’il n’ait toujours fait aucune remarque sur mon cœur et sur mon attitude. Un regard sur l’ordonnance, qu’il devrait peut être songer à me rendre, une moquerie sur mon allure de grand-père – t’as pas vu la tienne, Papa ? – et c’est tout. Et c’est louche. Et… « Tu t’casses ? » Ma question tombe dans le vide alors qu’il me tourne le dos et fonce vers un distributeur.

Je crois que mon père a bu quelque chose. Déjà parce que pour se servir à un distributeur comme ça, c’est qu’il ne va pas bien, mais en plus pour revenir et me balancer un paquet de bonbons que j’attrape sans sourciller, c’est qu’il ne va pas bien du tout. « Papa ? » Ma voix est totalement perdue, comme moi. Eberluée. Comme moi aussi. Je le vois partir et lui fais la remarque que j’attends juste un dernier médoc et que c’est bon. Et je rajoute aussi une question totalement stupide, que l’on peut mettre sur le compte du caractère complètement surréaliste de la chose. Tu as fait bon voyage ? J’attrape la boite de médicaments dès qu’elle échoue sur le comptoir et me précipite à la suite de mon père, oubliant pendant une fraction de secondes que courir n’est pas vraiment dans les choses à faire pour les heures qui arrivent. - Si tu considères que faire un trajet de dix minutes est un voyage, alors oui... Je lève les yeux au ciel, considérant tour à tour le paquet de bonbons et la peluche. J’ai l’air d’un gamin à suivre avec un peu de peine mon père qui marche d’un pas vif, sûrement pour nous faire quitter le hall au plus vite. J’imagine qu’il a honte de moi, ou alors honte de son comportement. Ou qu’il est con et bizarre, tout simplement. - Tu es sûr que tu vas bien, Marius ? Je me fais du souci pour toi, tu malmènes ton cœur, tu pousses ton corps dans ses retranchements... Je t'en prie, ne fais rien d'inconsidéré, s'il te plaît. Je ne te demande pas de comporter comme un grabataire et de rester enfermé chez toi, seulement... Je ne veux pas apprendre dans les semaines à venir que ton cœur t'a lâché parce que tu as préféré le pousser à bout. Je ne te demande pas de le faire pour moi, pour ton frère, pour Samuel, mais simplement pour toi. Je m’arrête brutalement, à quelques mètres de lui. Machinalement, j’en profite pour ouvrir, enfin, le paquet et enfourner une poignée de bonbons dans ma bouche, histoire de me laisser le temps pour réfléchir. Parce que mon père a un comportement si étrange que je commence à me demander si je ne l’hallucine pas. Je mâche sans un mot pendant quelques secondes. C’est étrange de réfléchir à ce point à ce que je veux dire. Mais de toute manière… tout est étrange. Tu es sûr que tu vas bien Marius ? J’hausse les épaules. « Je pourrais te poser la même question, Papa. Tu es sûr que tu vas bien ? » Ma voix se teinte d’une légère moquerie et insolence. Je me fais du souci pour toi.

C’est incompréhensible. Lorsque mon père m’insulte, me rabaisse, m’humilie, je le regarde droit dans les yeux avec un aplomb hérité par l’expérience et par mon caractère de merde. Et là, alors qu’il me dit se faire du souci pour moi… je détourne le regard. Encore une fois. Je suis incapable de le regarder dans les yeux, je préfère contempler le mur, les tableaux, le corridor dans lequel nous sommes échoués. Un pas en arrière me permet de m’adosser au mur, diminuant légèrement cette fatigue qui me submerge le temps que mon cœur revienne totalement à la normale. Je grignote un nouveau bonbon d’un air songeur, toujours incapable de le regarder en face. Je ne peux pas lui dire que tout va bien, parce que c’est justement parce que tout ne va pas nécessairement bien que j’en viens à lui demander de l’aide. Mais lui en parler maintenant… J’inspire. « Je… Tu fais pas de souci pour moi, je sais ce que… je sais presque toujours ce que je fais du coup… » Arrête de te mêler de ma vie, bordel. Je me tais avant de déraper. Que c’est dur, bon sang, que c’est dur de maintenir une ligne de conduite loin des provocations et des insultes. « On va voir Sam ? » Je vais mieux. Un peu mieux. Suffisamment mieux, du moins, pour me traîner au niveau des ascenseurs parce que les escaliers sont hors de ma portée pour le moment. - Tu sais mieux que moi dans quelle direction aller alors... Je te suis... Cette fois, je souris vraiment, par réflexe stupide.

Si tout me semble surréaliste pour le moment, le fait d’indiquer le chemin à mon père, de savoir mieux que lui quelque chose… C’est génial. C’est gratifiant. J’indique du menton les ascenseurs à quelques pas. « Troisième étage, porte de droite, on longe le couloir, porte de gauche. Normalement. » Je tiens pour acquis qu’il me suit et m’engouffre dans l’ascenseur, toujours encombré de la peluche et du paquet de bonbons. Deux présents en moins d’une journée, mon père a fait fort, il ne va pas s’en remettre. Même si la peluche n’est pas pour moi, bien sûr. En attendant que l’ascenseur monte à l’étage, je considère d’ailleurs le lapin. « C’est vrai qu’elle ressemble à Chester. Tu as quelque chose avec les lapins ? Une passion cachée ? Un traumatisme que tu veux nous refiler, à Sam et moi ? » Je suis un bavard qui déteste le silence : il est donc parfaitement normal que je fasse la conversation en ne racontant que n’importe quoi. Non ? Et comme il est tout à fait d’usage avec moi, je saute du coq à l’âne sans m’arrêter un seul instant pour respirer. Je déteste les ascenseurs. « Tu sais, Sam est encore fragile, du coup, faut bien que tu te laves les mains si tu veux le prendre dans tes bras, et faut que tu fasses attention à sa tête, et faut que… » Tais toi Marius. Mon père a déjà eu des gosses, il sait à quoi s’attendre. Normalement. Je ferme les yeux, m’appuie au miroir qui couvre une des parois de l’ascenseur. « A quoi tu joues, au juste ? Tu te fais vraiment du souci pour moi ou c’est juste un genre que tu te donnes ? » Je sais que la question n’a pas vraiment lieu d’être mais c’est plus fort que moi.

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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeLun 7 Déc 2015 - 17:50

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



« J’essayais de me mettre un instant à ta place, espèce de papi. »

Sur le coup, Hippolyte avait haussé un sourcil. Parce qu'il s'était attendu à une remarque cinglante, pas à une petite vanne sur le ton de l'humour. Cette situation de trêve était décidément bien étrange et très déstabilisante, à tel point qu'il savait pas trop s'il devait sourire ou mal le prendre. A défaut, c'est un rictus étrange qui fendit son visage et qui n'avait rien de très convaincant. Fort heureusement, le sujet dériva rapidement sur la peluche qu'Hippolyte avait ramené, et que Marius tenait à présent dans ses mains. Cette fois, c'est un sourire un peu plus sincère qui éclaira le visage d'ordinaire si froid de son père.

- Pour le moment il est un peu gros mais tu verras... Ils grandissent très vite, à cet âge-là.

Il en savait quelque chose, lui qui avait eu trois enfants. Et s'il avait vu Martial et Marius au quotidien, ce n'était pas le cas pour Ileana. Il ne la voyait que deux à trois fois par an, et avait toujours été impressionné et à la fois meurtrit par sa croissance si rapide. C'était peut-être pour cela qu'il était moins sévère avec elle... Il se sentait quelque part coupable de ne pas avoir pu être là à chaque étape de sa vie, d'avoir été absent pour ses premiers mots, ses premiers pas, son entrée à l'école... Alors il compensait par un certain laxisme avec elle. Laxisme tout à fait relatif, puisqu'à le voir, on aurait tout simplement pu penser qu'il avait une attitude ordinaires avec son enfant, et non tyrannique comme avec Marius.

Seulement, l'envie de le rabaisser ou de le remettre à sa place s'était faite bien plus discrète depuis que l'inquiétude avait pris le pas de son attitude. Hippolyte craignait plus que tout le jour où on l'appellerait pour lui dire que son fils était décédé des suites d'un arrêt cardiaque, il n'en dormait plus la nuit et s'en rendait malade. Il aurait voulu pouvoir faire comprendre à Marius qu'il voulait l'aider et désapprouvait totalement de le voir mettre sa vie en danger, mais lui tenir tête signifiait provoquer une énième dispute. Et plus que de craindre la mort de son cadet, Hippolyte redoutait de ne pas avoir le temps de se réconcilier un tant soit peu avec lui. D'avoir enfin un dialogue correct et censé, sans hurlements, sans reproches, sans insultes. Cela lui coûtait énormément de ne pas l'assommer de remontrances et de rester silencieux, plus qu'il ne l'aurait cru, d'ailleurs. Il avait envie de le traiter d'idiot, d'inconscient, de crétin fini, de lui dire que s'il voulait que Sam grandisse sans son père, c'était le meilleur moyen pour y arriver... Mais il resta silencieux, contentant comme il pouvait toutes ses remarques. Il alla même jusqu'à lancer à Marius un paquet de bonbons, chose qu'il n'avait encore jamais faite jusqu'à présent.

Et alors qu'il se dirigeait à grands pas vers le service pédiatrie pour éviter toute question gênante... Ce « Papa ? » le fit tiquer et ralentir un instant. Bon sang oui ! C'était son fils, pas l'un de ses subordonnés à qui il donnait des ordres et dont il se fichait de la santé ! Pourquoi arrivait-il si facilement à mépriser les gens quand il était incapable de simplement rassurer son fils ? S'il se faisait un sang d'encre pour lui, tout ce qui lui venait à l'esprit était pessimiste et sombre. Lui dire « ne t'en fais pas, ça va aller », c'était finalement bien trop lui demander.

Alors il attendit qu'ils soient seuls pour lui poser cette épineuse question qui le démangeait depuis que Marius avait mis les pieds à l'hôpital. Et, perdant patience, Hippolyte leva les yeux au ciel alors que son fils esquivait la question pour mieux lui renvoyer la balle.

- Evidemment que je vais bien ! Ce n'est pas moi qui ai une malformation cardiaque, ici !

Il regarda un instant Marius mâchonner ses morceaux de gélatines bourrés de cochonneries avant de s'intéresser aux panneaux indiquant les différents services.

- C'est trop tard pour me dire ça, Marius. Je mentirais si je disais que je ne m'inquiète pas pour toi et pour ce que tu fais en ce moment. Regarde dans quel état tu es, c'est un miracle que tu tiennes encore debout...

Et comme toujours, il ne savait pas traduire son inquiétude autrement que par la colère. Parce qu'il s'énervait à la fois contre l'immaturité de Marius mais aussi contre lui-même, car quelque part il se sentait bête et impuissant face au mal qui rongeait le cœur de son fils, parce qu'il avait l'impression que toutes ces années de médecine et tous ces foutus diplômes ne lui servaient à rien face à cela. Hippolyte avait horreur de ne pas être maître d'une situation, de devoir laisser faire les choses et d'accepter la fatalité. C'était un homme de contrôle, pas un abruti qui laissait les événements venir à lui ! Non Marius ne savait pas ce qu'il faisait, il était en train de mourir à petit feu et son père avait l'impression que ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Alors il préféra lui demander dans quelle direction aller pour rejoindre la chambre de Sam, se disant que peut-être ce n'était pas le bon moment pour discuter de tout ça...

Il suivi Marius jusqu'à l'ascenseur et s'y engouffra à son tour, les bras croisés devant lui. L'appareil mit un temps impressionnant à se fermer – probablement était-il prévu pour des idiots ayant besoin de deux minutes montre en main pour monter dans un ascenseur – et un silence s'installa entre Marius et son père. Le premier ne tarda pas à le rompre, mettant fin à cette ambiance gênante et pesante. Et Hippolyte resta un moment silencieux et songeur. C'était vrai, après tout... Pourquoi un lapin ? Pourquoi pas un ours ou quelque chose de plus exotique comme une loutre ou un panda ? Après tout, il en avait vu de toutes les espèces, dans le magasin, alors pourquoi avoir choisi spécialement ce gros lapin blanc ? Et après tout, si Marius semblait toujours adorer son lapin, pour une raison qui échappait totalement à son père, Sam pourrait très bien les détester ? De quoi aurait-il l'air si le premier souvenir de son grand père qu'avait le petit était celui d'un monstre armé d'un lapin difforme ? Il aurait du prendre le panda, c'était certain... Qui n'aimait pas les pandas ? Et depuis quand se posait-il des questions aussi bêtes et vides de sens, après tout ?

- Je ne vois pas de quel traumatisme tu parles, après tout, vu l'état de ton lapin en peluche, tu dors toujours avec... Alors à moins que tu ne sois illogique au point de confier tes nuits à une chose qui te fait peur...

C'était... Etrange... Surprenant, étonnant de les voir presque plaisanter ensemble. De voir ce sourire presque timide se dessiner sur les lèvres d'Hippolyte tandis qu'il tentait de faire de ses habituels sarcasmes cinglants de simples remarques teintées d'humour.

- En réalité je ne sais pas pourquoi j'ai préféré celui-là à un autre... Je lui ai trouvé l'air sympathique... Oh et puis tu sais très bien que je ne suis pas doué pour choisir ce genre de chose...

Etait-il nécessaire de rappeler qu'Hippolyte se sentait franchement con à l'idée de devoir se justifier quant au choix d'une peluche ? Et qu'il se sentait encore plus bête d'être incapable de trouver un argument valable pour expliquer pourquoi il avait choisi un lapin et non un ours ? L'ascenseur en était à peine au premier étage que déjà, Marius s'agitait, commençait à l'assommer de recommandations quant à Samuel mais dans le cas d'Hippolyte, les informations arrêtèrent de circuler après « si tu veux le prendre dans tes bras » … A aucun moment il ne s'était attendu à ce que Marius le laisse approcher de son fils à plus de deux mètres. Il était même encore surpris qu'il le laisse entrer dans la chambre et non attendre derrière la vitre, alors le prendre dans ses bras... Il en oublia de rire face à la situation, ou de regarder Marius avec un air à la fois blasé et désespéré. Il avait eu trois enfants dont deux jumeaux, il savait très bien comment se comporter avec les tout petits.

- Tu es prêt à me laisser le porter ?

A peine la question fut-elle posée qu'il la regretta. Hippolyte avait l'impression d'enchaîner les remarques idiotes et les questions sans queue ni tête, ça ne lui ressemblait pas... Mais rien de tout cela n'était habituel pour eux. Cette apparente entente qui était en réalité une simple trêve bancale et incertaine, ces tentatives d'humour maladroites... Ce n'est pas en quelques semaines qu'ils arriveraient à s'habituer à cela. D'ailleurs, Marius semblait l'avoir relevé lui aussi, puisqu'il ne tarda pas à lui demander à quoi il jouait.. Sauf qu'Hippolyte ne jouait jamais. En aucune façon. Et parce que c'était bien trop lui demander que de répondre du tac au tac, il laissa un nouveau silence s'installer entre eux. La porte de l'ascenseur s'ouvrir, il en descendit, toujours en silence, avant de finalement se lancer.

- Tu devrais savoir mieux que tout le monde que je ne joue jamais, Marius. Quand je t'ai dis que je voulais faire des efforts, ce n'était pas des paroles en l'air, c'était sincère. Tu m'as demandé de venir, je suis là. Parce que tu l'as voulu, et parce que je le veux aussi. Je sais bien que tout ceci est étrange, nous avons plus l'habitude de nous hurler dessus que de nous comporter comme des gens civilisés... Seulement je t'ai dis que j'étais fatigué de tout ça. Je me fais plus de souci pour toi que tu n'as l'air de le voir et je suis désolée si ça t'ennuie... Mais je ne vais pas feindre l'indifférence quand je m'inquiète réellement. Tu veux bien me faire confiance, cette fois ?

Il n'y avait ni colère ni agressivité dans sa voix, juste une certaine lassitude teintée d'inquiétude. Il n'avait pas prévu de se disputer avec Marius ce jour-là et espérait bien être en mesure de s'y tenir. Hippolyte longea le couloir, pris la porte de droite, continua tout droit et s'arrêta finalement devant la porte de gauche. Il y avait là deux rangées de couveuses dans lesquelles dormaient des nourrissons si petits que l'on avait du mal à imaginer que l'on puisse les porter sans les voir se briser comme du verre. Devant la grande baie vitrée qui occupait un des murs de la pièce, Hippolyte regardait les petits avec une expression... Etrange. Comme s'il cherchait à cacher ce sourire gâteux et ce regard brillant d'émotion. Il avait beau ne pas savoir encore dans quelle couveuse dormait Samuel, il était plus touché qu'il ne l'aurait cru de savoir que son petit fils dormait dans l'une d'elles. S'il prenait un coup de vieux en se sachant grand père ? Pas vraiment. C'était plutôt de la fierté, qu'il éprouvait. Alors oui. Quelque part, il était fier de Marius, et c'était difficile pour lui de l'admettre.

Lorsqu'il daigna relever la tête vers son fils, Hippolyte avait l'air passablement idiot, avec ce sourire et ce visage détendu qui ne lui ressemblait pas, mais c'était bien le cadet de ses soucis.

- Et bien, et bien... Il y a du monde, ici... Où est Samuel ?

Voilà qu'il se mettait à être aussi impatient que Marius... C'était le monde à l'envers. Une infirmière sembla alors s'apercevoir de leur présence et leur ouvrit la porte avec un grand sourire, s'adressant à Marius.

-Monsieur Caesar ! Vous venez voir Samuel ? Il s'est endormi il y a quinze minutes, mais la salle de convivialité est disponible, si vous souhaitez...

Elle s'approcha alors d'une couveuse et pris le nourrisson qui y dormait. Instinctivement, Hippolyte tendit la main vers Marius pour qu'il lui confie la peluche et ait ainsi les mains libres pour porter Samuel. Tout handballeur qu'il était, porter un tout petit et une énorme peluche, ce n'était peut-être pas l'idée du siècle.
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeMar 8 Déc 2015 - 0:13

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



- Evidemment que je vais bien ! Ce n'est pas moi qui ai une malformation cardiaque, ici ! Tu es sûr que tu vas bien Marius ?, Tu es sûr que tu vas bien, Papa ? Nos questions pourraient sembler tout à fait normal dans un autre contexte et dites par d’autres personnes. Sauf que venant de nous… Bon sang que ça sonne faux. Hypocrite. Sarcastique. Artificiel et surréaliste. Il s’inquiète pour moi. Je détourne le regard, incapable de plonger mes yeux dans les siens, trop mal à l’aise pour en avoir l’aplomb. Qu’il ne se fasse pas de souci pour moi, je suis supposé gérer comme un grand garçon une malformation que je me traîne depuis suffisamment d’années maintenant pour en connaître tout, des risques aux conséquences en passant par les limites qu’elle impose à mon organisme. Limites que je pensais bien connaître jusque là. J’inspire lentement en grignotant des bonbecs. Pas la peine de se faire du souci pour moi, donc. Je gère. Presque. Et c’est ce presque qui m’a fait arriver à l’hôpital presque – une nouvelle fois – à l’heure. - C'est trop tard pour me dire ça, Marius. Je mentirais si je disais que je ne m'inquiète pas pour toi et pour ce que tu fais en ce moment. Regarde dans quel état tu es, c'est un miracle que tu tiennes encore debout... Je contemple maintenant mes chaussures, serre le lapin dans mon poing pour me crisper sur quelque chose. Et respire lentement. Trop tard pour me dire ça. Ah bon ? Parce que si je t’avais appelé deux heures plus tôt pour te dire que j’allais faire une connerie, ça ne t’aurait pas inquiété du coup ? Je joue au con, je sais, mais je cherche surtout une porte de sortie. Regarde dans quel état tu es… La bonne blague. Une part de moi veut monter instinctivement aux créneaux et m’engager dans une confrontation douloureuse et pour lui, et pour moi. C’est un réflexe pavlovien cette affaire. Mon père me parle, je réponds en mordant pour l’éloigner de moi et me protéger de sa présence carrément néfaste pour ma santé mentale. Mais si une part de moi me hurle guerre ! guerre ! salsifi !, l’autre se fait omniprésente pour me rappeler que je veux demander quelque chose à l’homme face à moi et que je vais lui présenter mon fils. Et oui, si je lui présente Sam, c’est aussi pour qu’il soit moins enclin à m’envoyer bouler lorsque je vais lui parler d’Astrid. Je prends donc mon inspiration pour ne rien lui rétorquer de ce que je pense de son inquiétude et je m’entends plutôt lui proposer d’aller voir Sam. Enterrons la hache de guerre, enterrons la le temps qu’on sorte de cette maternité. Je ne l’attends pas lorsque je me dirige vers l’ascenseur : allez, go vers Sam et vers cette bulle de calme et de sérénité dont j’ai grand besoin pour ne pas craquer et bondir à chaque remarque de mon père. Cette situation est bien trop étrange pour durer et moi je me sens incapable de simuler cette fausse entente avec mon père plus longtemps.

Ce qui est terrible lorsque tu organises un dîner et invites des gens, c’est que lorsque l’ensemble commence à te gonfler, tu ne peux pas vraiment te lever et dire bon ben je vous laisse, j’ai de la route ou encore j’vais devoir y aller, faut pas que je rentre trop tard. Et bien là, je suis en train de vivre la même chose. Je me retrouve coincé avec mon père, avec une peluche dans une main, un paquet de bonbons dans l’autre, et la brutale envie de m’énerver contre lui pour l’envoyer paître. Mais ce n’est pas possible parce que c’est moi qui l’ai fait venir, parce que c’est moi qui ai organisé ça, parce que je me suis tiré tout seul une balle dans le pied. Et s’il y a six ans, lorsque je lui ai imposé ma présence dans son bureau, c’était aussi moi qui avais fait le premier pas, ce n’était pas vraiment dans la même optique qu’aujourd’hui. Et cet ascenseur se déplace à la vitesse d’une grand-mère. Et je ne supporte pas le silence. Il ne faut pas plus d’une minute pour que je recommence à parler, sans savoir où je vais, me contentant de suivre mon instinct et d’éteindre mon cerveau. Un lapin. Un chouette lapin d’ailleurs. La succession de questions donne une idée de mon état d’esprit, de ma nervosité et de mon incapacité à me taire. Et bien sûr, le niveau intellectuel de mon intervention dégringole à chaque point d’interrogation. Une passion, un traumatisme, je transforme le tout en sourire moqueur plutôt qu’en agression verbale, prenant sur moi pour ne pas accuser directement mon père. Surtout que ce serait totalement gratuit de ma part : je ne vois pas pour le moment ce qu’il peut y avoir de mal dans un lapin en peluche, surtout que celui là ne semble pas être conçu pour apprendre le hongrois ou réciter d’une voix robotique le tableau périodique des éléments. Pour le moment, hein… on parle de mon père, on parle d’un cadeau de mon père, j’imagine qu’il doit y avoir une couille dans le potage. Ou alors qu’il a de la fièvre. Ou alors que c’est peut être seulement un nouveau Chester que Sam pourra garder précieusement s’il ne vomit pas dessus. Raconter et penser des bêtises me détend, je me surprends à m’adosser à la paroi de l’ascenseur la plus proche pour confier mon regard au lapin, il faudrait d’ailleurs que je lui trouve un nom. - Je ne vois pas de quel traumatisme tu parles, après tout, vu l'état de ton lapin en peluche, tu dors toujours avec... Alors à moins que tu ne sois illogique au point de confier tes nuits à une chose qui te fait peur... Je fronce les sourcils, prends le temps de considérer mon père et son attitude pour savoir si c’est du lard ou du cochon, ce qu’il me raconte. Parce qu’avec lui… son sourire timide me perturbe plus qu’il n’y paraît et à mon tour, je lui souris discrètement, jouant avec les oreilles de la bête du bout des doigts. « Je m’obstine bien à voir comme un héros un connard assumé alors bon… je doute qu’il reste quoique ce soit de logique dans mes pensées. » Ce n’est qu’à moitié de l’humour mais ça, il n’est pas obligé de le savoir. C’est bien sûr lui, le connard que je persiste à admirer malgré toutes ces années et toute la rancœur accumulée. C’est plus fort que moi : je n’arrive pas à le considérer autrement que comme un homme auquel j’aurais aimé ressembler. Ou presque.

- En réalité je ne sais pas pourquoi j'ai préféré celui-là à un autre... Je lui ai trouvé l'air sympathique... Oh et puis tu sais très bien que je ne suis pas doué pour choisir ce genre de chose... Si mon sourire précédant était clairement teinté de scepticisme, cette fois il ressemble à un vrai sourire Mariusien, dans cette moue malicieuse, goguenarde, à la limite du rire et de la moquerie qui ne me quitte en général qu’en présence de mes parents. Ce sourire qui fait de moi quelqu’un d’assez jovial en temps normal. Ce sourire que mon père n’a pas du avoir souvent l’occasion de contempler. « Ah bah ça… c’est sûr que tu n’as pas de diplôme dans le domaine. Mais avec Chester tu t’en es bien sorti, faut croire que les lapins sont une valeur sûre, t’as bien choisi. » Je me mords la langue un peu trop tard. Je viens de faire un compliment à mon père. Sérieusement. Qui êtes vous et qu’avez-vous fait à Marius Alexandre Caesar, bon sang ? Le silence revient, l’ascenseur se traîne encore. Il faut que je fasse la conversation, je rebondis sur mes pensées les plus disparates pour ne pas laisser de blanc s’installer entre lui et moi. Laissez-moi seul dans une pièce, je suis capable de me taper la discut sans interruption pour passer le temps. Et voilà que je me surprends à parler de Sam et des principes de base lorsque tu t’approches d’un petit bébé trop mignon qui s’avère être ton petit-fils : attention, petite chose fragile, ne pas abimer sous peine de condamnation à mort. Je sais bien qu’il a eu des gosses, mais si on considère son attitude avec moi, je me demande s’il a un jour levé la tête de son journal pour me prendre dans ses bras… Surtout que si ça se trouve, il ne veut pas le voir. Qu’il veut juste se moquer, ou juste s’approcher de moi, qu’il va juste me faire la remarque que Sam est trop petit, ou trop moche, ou trop maigre, ou trop silencieux, ou trop insolent. Une bouffée d’angoisse me prend à la gorge et j’en manquerais presque sa question. - Tu es prêt à me laisser le porter ? Je regarde mon père par automatisme, sans savoir comment réagir à la question. D’instinct, j’ai envie de répondre si t’es sage mais je ne sais pas pourquoi – peut être sa spontanéité – je me rends compte qu’il est sérieux. Très sérieux. Et qu’il serait malvenu que je ne le sois pas en retour. Je déglutis, hausse les épaules en détournant le regard. « Peut être un peu, oui. T’es son grand-père. » Je refuse de le regarder en lui concédant ça. Et j’enchaîne immédiatement avec une question qui me taraude alors même qu’on atteint le bon étage : à quoi ça rime, tout ça, à quoi rime toute cette histoire au final ?

Je suis mon père des yeux lorsqu’il sort en silence de l’ascenseur. Je sais qu’il a entendu la question. Mais il a intérêt à y répondre s’il veut voir Sammy. Son premier mot n’a pas terminé de résonner que j’accepte de sortir de l’ascenseur, curieux comme je suis de savoir la suite. - Tu devrais savoir mieux que tout le monde que je ne joue jamais, Marius. C’est pas faux, et c’est certainement ça le problème. Mais soit. Admettons que ça puisse pour une fois être un argument en sa faveur. Quand je t'ai dit que je voulais faire des efforts, ce n'était pas des paroles en l'air, c'était sincère. Tu m'as demandé de venir, je suis là. Parce que tu l'as voulu, et parce que je le veux aussi. Je sais bien que tout ceci est étrange, nous avons plus l'habitude de nous hurler dessus que de nous comporter comme des gens civilisés... Seulement je t'ai dis que j'étais fatigué de tout ça. Je me fais plus de souci pour toi que tu n'as l'air de le voir et je suis désolée si ça t'ennuie... Mais je ne vais pas feindre l'indifférence quand je m'inquiète réellement. Tu veux bien me faire confiance, cette fois ? Je fais un pas pour m’écarter de lui et m’avancer dans le couloir. Au moins, ce n’est pas le bloc de glace habituel, sa lassitude et son inquiétude sont nettement palpables dans sa voix. Si je peux lui faire confiance ? Mon naturel me pousse à faire confiance aux gens. Je n’aime pas les embrouilles, je n’aime pas les disputes : la rancune serait une chose abstraite pour moi s’il n’y avait pas mes parents. Alors oui, j’ai envie de lui faire confiance. Mais en même temps… « Je peux toujours essayer. » C’est tout ce que tu auras pour le moment, Papa, je suis incapable de t’en concéder davantage. Je peux, pas je veux. Essayer, pas nécessairement réussir. Ma phrase en elle-même résume ce que je peux penser. Je regarde une nouvelle fois mon père pendant une fraction de seconde avant de me décider à avancer pour rejoindre d’un pas mécanique les couveuses. C’est marrant, d’habitude j’y vais en courant avec un grand sourire et l’envie de rire comme un demeuré juste parce que je suis content de voir mon fils. Aujourd’hui, je suis mesuré, je suis calme, je suis presque adulte et responsable. En quelques pas, on approche des couveuses et par réflexe, je monte sur la pointe des pieds – inutilement, bien sûr – pour mieux les voir et apercevoir mon petit bonhomme. Pas besoin de le chercher trois heures, mon regard file directement au bon endroit pour le couver du regard.

- Et bien, et bien... Il y a du monde, ici... Où est Samuel ? Mon père. Je l’ai oublié pendant une fraction de seconde. Je tourne la tête dans sa direction dans un sourire moqueur. « J’sais pas, d’habitude j’en prends un au pif, t’sais, j’ai pas bonne mémoire » Oui, je n’ai pas pu m’en empêcher. Les conneries et moi, on est tellement pote qu’elles s’invitent le plus souvent sans crier gare donc bon… en général, mes amis s’y font assez vite et n’y prêtent plus attention. Il ne faut pas plus longtemps pour qu’une infirmière vienne à notre rencontre et ouvre la porte. -Monsieur Caesar ! Vous venez voir Samuel ? Il s'est endormi il y a quinze minutes, mais la salle de convivialité est disponible, si vous souhaitez... C’est le retour du sourire mariusien, c’est le retour du moi lorsque mon père n’est pas dans les parages. « Carrément ! Je vais essayer de ne pas le réveiller, promis ! Vous lui avez mis quel pyjama ? » Mon père n’existe plus. Plus du tout. Il n’y a que moi et mon fils, et c’est naturellement que je fourre dans les mains de mon père tout ce qui m’encombre pour aller me laver les mains dans un lavabo adjacent et revenir récupérer le petit bout de chou que l’infirmière vient d’extraire de sa maison. « Heeey… » J’ai l’air foutrement débile, mais je n’en ai rien à faire. Et autant vous rassurer tout de suite : que mon père se foute de ma tronche, je n’en ai rien à faire non plus. « Coucou Sammy. » Ce gosse est adorable. Il ne lui faut pas longtemps pour me regarder de ses grands yeux à la couleur pas encore bien définie sans pleurer pour autant. Il faut croire qu’il a reconnu son papa. « Et oui… c’est Papa… tu vas voir, je vais te présenter quelqu’un. Il est pas commode, il a même l’air méchant, mais je vais te protéger tu vas voir. » Je remercie l’infirmière d’un clin d’œil en revenant vers mon père et en lui désignant une porte à quelques pas de là.

Et c’est une fois seuls, enfin tous les trois, dans la salle où l’on peut passer quelques temps avec le bout d’chou que je me rends réellement compte qu’il y a trois générations Caesar, là. Mon père, moi et mon fils. Je repositionne Samuel dans mes bras, subitement mis mal à l’aise par la pression que je sens sur mes épaules. J’ai pas intérêt à faire de connerie, bordel. De mon attitude avec Sam, parce qu’il faut bien dire que je suis complètement gaga avec lui, à son pyjama fait lui encore sur mesure par mon tailleur, sur lequel est inscrit bien lisiblement les enfants jouent au foot, les hommes au rugby et les dieux au handball, j’ai l’impression que mon père va trouver bien des choses à me reprocher et que son regard est déjà éloquent et de dédain, et de mépris, et de déception. Je n’ai pas envie de le lui donner. Pas du tout. C’est mon fils. Tu veux bien me faire confiance pour cette fois ? Je me mords la lèvre en regardant tour à tour Sam et mon père. « Et donc… Voilà. Samuel, je te présente ton grand-père. Papa, je te présente ton petit-fils. Tu… » Allez, Marius, fais un effort. J’inspire. Expire brutalement. « Tu veux le prendre ? »

Pourquoi j’ai dit ça ? Je ne veux pas qu’il le prenne. Je ne veux pas qu’il le prenne dans ses bras, il serait capable de le faire pleurer, il serait capable d’être méchant avec lui, il serait capable de se comporter en connard. Non, je n’ai pas confiance en lui. Alors pourquoi je lui demande, hein ? Dis moi non, Papa, dis-moi non, que je puisse à la fois être vexé et soulagé.


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Hippolyte Caesar
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeMar 8 Déc 2015 - 19:01

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



A quel moment s'était-il dit que ce serait une bonne idée de venir ? Pourquoi avoir accepté de se déplacer jusqu'à l'hôpital plutôt que d'inventer une excuse tout aussi bancale qu'inutile ? Il aurait pu dire à Marius qu'il était trop occupé pour voir Samuel, qu'il avait autre chose à faire, qu'il n'avait pas le temps... Seulement ça ne lui ressemblait pas. Lui qui avait eu la hantise que jamais son fils ne lui présente le petit, ç'aurait été se trahir que de refuser de venir. Seulement, maintenant qu'il était là, la situation lui semblait tellement surréaliste qu'il se demandait à quel moment il allait se réveiller. Hippolyte et Marius, se parlant presque normalement, sans se hurler dessus, retenant à grands peines les reproches et les insultes qu'ils avaient l'habitude de s'échanger. Car si Hippolyte n'avait pas promis à Marius se faire des efforts, il l'aurait déjà traité d'idiot et l'aurait traîné de force jusqu'au service de cardiologie pour exiger un rendez-vous en urgence avec un cardiologue. Il l'aurait regardé avec tout le mépris du monde et n'aurait pas tenu compte de ses protestations...

Au lieu de cela, il essayait de bien se tenir et c'était autant la culpabilité et l'inquiétude qui prenaient le pas sur tout le reste. Coincé avec son fils dans cet ascenseur, il ne savait ni quoi dire, ni quoi faire. Finalement, c'était plus désagréable mais surtout plus simple de se disputer. Toute cette situation n'avait rien de normal ou de logique, et c'était à se demander si, finalement, ils étaient fait pour se parler calmement. Et pourtant, il tiqua lorsque Marius lui répondit. Autant il était habitué à ce qu'il le traite de connard, autant... Un héros ? Mais quel héros ? Comment pouvait-on haïr un héros, rejeter un héros ? Ca n'avait aucun sens ! Hippolyte se mordit la langue pour ne pas lâcher cette remarque qui le démangeais : « Je ne suis pas un héros, Marius... Je n'en ai ni l'étoffe, ni la prétention... ». Un héros ne se serait pas composté de cette manière, un héros brandirait fièrement l'étendard de la liberté, ce qu'Hippolyte n'avait jamais fait. Non pas qu'il le regrettait, seulement il n'avait jamais eu l'intention de jouer les héros. Alors cette remarque le décontenançait plus qu'autre chose.

Et d'ailleurs, Marius le surpris un peu plus par la suite. Si déjà son sourire étonna son père par sa spontanéité et sa bonne humeur, c'est surtout le compliment qui le laissa sans voix. Depuis quand son fils lui souriait-il de la sorte en lui reconnaissant son bon goût ? C'était impossible, quelqu'un lui avait lavé le cerveau ! Hippolyte fut tenté de lui demander ce qui lui arrivait, mais se contenta finalement d'un maladroit « Merci » prononcé à mi-voix. Trop d'incohérences dans cette histoire... Entre le sourire et le compliment de Marius et son père qui lui concédait un merci, il y avait autant de quoi rire que de quoi s'inquiéter. Si bien que la question du comportement d'Hippolyte sembla presque plus logique que tout le reste. Après tout... Savait-il réellement pourquoi il faisait tout cela ? Il voulait voir Samuel, certes, voulait tenter de racheter ne serait-ce qu'un peu son comportement auprès de Marius... Et il y avait aussi une forme d'opportunisme derrière tout ça, mais il se garda bien de le préciser. Son fils n'avait pas besoin de tout savoir, c'était inutile.

Devant la vitre de la chambre des nourrissons, la tension s'apaisa. Hippolyte cherchait du regard une petite bouille qu'il aurait pu reconnaître, allant jusqu'à demander avec impatience à Marius où était son petit protégé.

« J’sais pas, d’habitude j’en prends un au pif, t’sais, j’ai pas bonne mémoire »

Immédiatement, Hippolyte se tourna vers Marius avec un regard effaré, n'ayant visiblement pas saisit la plaisanterie.

- Quoi ? Mais tu es irres... Ah d'accord. C'est une plaisanterie. Très amusant...

Il se tourna à nouveau vers la vitre, le visage fermé. Il s'était fait avoir, une fois de plus. D'un autre côté, on ne pouvait que le comprendre : Il était plus habitué à la colère de Marius qu'à ses plaisanteries. Lorsque l'infirmière vint les voir, Hippolyte se retrouva rapidement avec les bras chargés des affaires de Marius, qui semblait presque sautiller d'impatience. Si son père haussa un sourcil sur le moment, il y voyait aussi quelque chose d'attendrissant. Après tout, il était lui aussi passé par cette période, la première paternité, la joie de voir son enfant remuer et s'animer dans ses bras. A ceci près que la retenue d'Hippolyte n'était pas nouvelle. Il avait toujours été bien plus mesuré que Marius quand bien même souriait-il bêtement après la naissance des jumeaux. Il le trouvait pourtant un peu trop vif et fronça les sourcils en le voyant se précipiter vers le lavabo pour se laver les mains. Il se retint de lui dire de se calmer, qu'il risquait de réveiller les autres petits ou de faire peur à Sam... Il se répétait que Sam était son fils, c'était son rôle de s'en occuper... Quand bien même désapprouvait-il totalement cette excitation. Visiblement, Marius se fichait totalement de l'avis de son père, puisqu'il se dirigeait déjà vers la salle de convivialité. Le portrait qu'il dressa de son père lui fit lever les yeux au ciel tandis qu'il se dirigeait vers le lavabo pour se laver les mains à son tour. Tout était prévu pour le bien être des petits, mais Hippolyte luta tout de même contre l'envie de demander à l'infirmière si les couveuses étaient bien stérilisées, si les repas étaient contrôlés, de quels traitements médicamenteux ils disposaient... Si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait fait subir un véritable interrogatoire à l'infirmière pour s'assurer qu'elle prenait correctement de Samuel. Son petit-fils, la nouvelle génération Caesar. Rien que cela lui semblait surréaliste.

Hippolyte récupéra la peluche, fourra le paquet de bonbons dans la poche de sa veste et suivi Marius, qui était déjà installé et en grande conversation avec Samuel. Silencieusement, Hippolyte alla poser le lapin en peluche sur un sofa et s'approcha du petit bout d'homme qui remuait dans les bras de son père. Il était si petit, semblait si fragile... Il ignorait combien de semaines d'avance il pouvait avoir, mais il semblait pourtant bien se porter. Une mine réprobatrice se peignit sur les traits d'Hippolyte, jusqu'à ce que Samuel se mette à agiter ses petites jambes, lui arrachant un sourire attendri. L'innocence cristallisée dans un si petit corps, dans un si petit être... Il aurait pu le regarder ainsi pendant des heures, des jours même, de peur de ne pas réussir à imprimer dans ses souvenirs ce visage si jeune, si pur. Objectivement parlant, il était frêle, son crâne était encore démesurément gros par rapport au reste de son corps, et ses yeux étaient un peu globuleux... Un petit crapaud, finalement... Mais l'objectivité, Hippolyte l'avait mise au placard. C'était le plus beau et le plus adorable bébé qu'il ait jamais vu. Et il ne put s’empêcher d’ailleurs de faire cette remarque banale, éculée, que tout le monde faisait, en général.

- Il te ressemble… Tu étais aussi petit, à la naissance, mais tu avais toujours l’air contrarié. Combien de semaines d’avance a-t-il ? Ils s’occupent bien de lui, j’espère ? Et… Je sais. Je pose trop de questions.

Il avait surpris le regard désapprobateur de Marius et avait compris qu’il valait mieux se taire s’il ne voulait pas que la rencontre avec Samuel se termine maintenant. Et finalement, Marius se décida à lui proposer de le porter. Pendant un instant, Hippolyte le regarda sans répondre. Il n’y avait pas besoin d’être devin pour voir qu’il n’avait absolument pas envie de confier le petit à son père. Cette façon de serrer l’enfant contre lui, ce regard suspicieux, cette hésitation… D’un autre côté, qui n’aurait pas réagi de la même manière ? Étant donné le comportement qu’Hippolyte avait eu avec Marius pendant quinze ans, c’était à se demander comment il avait pu passer du stade du père bienveillant et presque affectueux à celui de monstre moralisateur et rabaissant. Alors il hésita… Devait-il décliner la proposer pour rassurer Marius, pour lui prouver qu’il n’avait pas changé et était toujours le même connard au cœur de pierre ? Ou faire ce que tout son être lui hurlait, à savoir accepter ? Bien sûr qu’il avait envie de prendre Samuel dans ses bras et de nouer un contact avec son petit fils, aussi maladroit soit-il… Alors, sans prononcer un mot, il tendit les bras pour que Marius y dépose le nourrisson. Cela faisait bien vingt ans qu’il n’avait tenu un bébé dans ses bras, et il en était chaque fois ému. Enfin… Ému à sa manière. Si Hippolyte avait été un humain ordinaire avec de vraies émotions capables de vous submerger, il se serait mis à pleurer. Seulement, Hippolyte Caesar n’était pas ce genre d’humain. C’était un homme froid, calculateur jusque dans ses attitudes, et son contrôle s’exprimait malgré lui dans un moment qui aurait dû être marqué par l’allégresse et non la retenue. Pourtant, c’est un sourire béat qui se dessina sur ses lèvres tandis qu’il berçait doucement le petit.

- Bonjour, Samuel…, murmura-t-il doucement.

Le bébé le regarda alors avec de grands yeux, jusqu’à ce que son visage se déforme en une grimace apeurée. Il allait se mettre à pleurer, c’était certain… Hippolyte appréhendait déjà les larmes et le « je le savais » de Marius. Pourtant, rapidement, l’expression du petit changea. Il s’agita dans ses langes, un sourire fendant sa bouille lunaire. Et, comme si le visage de son grand-père avait quelque chose de particulièrement ridicule et amusant, il se mit à rire.


- … J’ai dit quelque chose de drôle ? Demanda-t-il en relevant les yeux vers Marius.

Comment comprendre le vocabulaire inexistant d’un enfant, après tout ? Tournant à nouveau son regard vers Samuel, Hippolyte remarqua l’inscription en français brodée sur le petit pyjama. Si ce n’était pas un cadeau de Marius, il était prêt à lui léguer l’intégralité de son entreprise. S’il trouvait l’idée ridicule – après tout, allez demander à Hippolyte de trouver quoi que ce soit amusant – il avait fini par s’y habituer, avec Marius. Il aurait même été étonné que Samuel n’ait pas droit à un petit body original.

- Tu lui as offert le ballon, avec ?

Autant prendre les choses avec humour, de toute manière. Portant la main au visage du petit qu’un morceau de lange couvrait, Hippolyte fut surpris de se voir subtiliser un doigt. Samuel semblait avoir décidé que l’index de son grand père était un jouet fabuleux et l’agitait à présent dans ses petites mains potelées. Il le porta à la bouche, comme le faisaient tous les bébés, et eut l’air déçu lorsqu’Hippolyte le lui retira doucement.

- Non non… On ne mange pas le doigt de son grand-père… C’est de la vieille carne, ton père a déjà dû te le dire…

Hippolyte avait dépassé le stade où il se disait que Marius devait véritablement le croire malade. Ce n’était peut-être pas faux, finalement… Il était peut-être malade depuis des années, atteint d’une curieuse maladie qui faisait de lui un mauvais père et passablement un connard. Il avait juste l’air d’un parfait idiot gagatisant sur un nouveau-né, ce qui était suffisamment rare pour le relever.
Se souvenant alors de l’une des raisons pour lesquels Marius l’avait fait venir, il releva la tête.

- Tu ne voulais pas me parler d’autre chose, d’ailleurs ? Tu m’as dit qu’il y avait un problème avec ton cœur…

S’il se doutait de ce qui allait suivre ? Absolument pas. S’il savait qu’il risquait de s’énerver à tout moment, encore moins…
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeMar 15 Déc 2015 - 22:57

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



J’ai cette conviction depuis que je suis tout petit que je ne suis pas assez bien pour mes parents, pas assez bien pour m’appeler Caesar, pas assez bien tout court. Ce serait un mensonge que de dire que je ne sais pas d’où ça vient, ce serait du déni que de dire que je ne suis pas conscience que c’est totalement stupide ma part, mais le fait est que c’est bien implanté dans mon crâne maintenant. Et pour ça, il faut remercier l’indifférence de ma mère, les remarques de mon père et ma propre connerie. Depuis tout petit, donc, je suis persuadé que c’est parce que je ne suis pas à la hauteur, ou pas comme il faut mais ça revient au même, que mes parents se comportent comme ça avec moi. Et quelque part… je les comprends. Je sais que ce n’est pas normal, mais en même temps… leur attitude se justifie presque lorsqu’on voit la différence nette qu’il y a entre moi et Martial, entre moi et mon père, entre moi et ma mère. Si on mettait de côté la ressemblance physique et le caractère de merde qu’on se traîne tous, on pourrait se demander si je ne suis pas le fils du facteur. Et depuis que j’ai Samuel, depuis que je viens le matin avant l’entraînement le regarder dormir et le prendre dans mes bras, je commence à comprendre qu’il y a franchement quelque chose d’illogique dans le comportement de mes parents ou qu’il y a vraiment quelque chose chez moi qui ne leur convient pas. Parce qu’en toute objectivité, je ne vois pas comment je pourrais considérer mon fils comme un moins que rien étant donné qu’il est plus ou moins la huitième merveille du monde. En tout objectivité. Heureusement que je suis totalement sous le charme de mon petit Sammy à moi, là, parce que sinon je ne pourrais pas m’empêcher de me demander à quel moment exactement mes parents ont été dégoûté de moi. A quel moment, exactement, j’ai commencé à les désespérer au point que ma seule présence leur soit insupportable. Heureusement que j’ai Samuel devant moi, dans une couveuse que je repère immédiatement, parce que sans ça, je me connais suffisamment pour savoir que je serais en train de cogiter des pensées sacrément noires. J’inspire, chasse mon père de mes pensées, chasse mes problèmes de mes pensées, chasse mon cœur et ses conneries de mes pensées.

Samuel mérite mon entière concentration. Il y a du monde ici, où est Samuel ? La question de mon père flotte à mes oreilles et j’oublie de réfléchir que c’est à mon père que je parle lorsque je lui réponds sur le ton de la conversation que d’habitude, j’en prends un au pif sans me poser de question. Typiquement le genre de connerie que je peux sortir à mes potes, typiquement le genre de réponse mariusienne à ce type de question. Un sourire moqueur plane lorsque la réaction de mon père ne se fait pas attendre. Son air effaré me donne envie de lui éclater de rire au visage. C’est con, n’empêche : il a l’habitude que je l’insulte, que je le provoque, que je lui réponde avec insolence et que je lui hurle dessus, mais il n’a pas l’habitude que je me foute de sa gueule. Et il n’a pas d’humour… pas d’humour du tout. - Quoi ? Mais tu es irres... Ah d'accord. C'est une plaisanterie. Très amusant... Son visage fermé me fait lever les yeux au ciel. Est-ce l’atmosphère ou la proximité de Samuel, je ne sais pas, mais je suis à mi-chemin entre l’extrême tension et la détente parfaite. Et lorsque l’infirmière me voit et me reconnait, j’oublie une nouvelle fois l’existence, la présence de mon père pour sautiller dans la direction de mon gosse. De mon fils. De mon petit Sammy. En quelques minutes, il est logé dans mes bras, calme comme un ange et radieux comme un bébé. Sans attendre de pleurs de sa part, quêtant plutôt un sourire, je glisse mon auriculaire entre ses lèvres pour qu’il trouve de quoi têter, habitude que j’ai commencé à prendre il y a quelques jours sous les conseils d’une sage-femme.

Perdu dans mon monde et dans mes pensées, ce n’est que lorsque je relève la tête dans la salle adjacente que je me rends réellement compte de ce qu’on fait, là. Trois générations de Caesar dans une même pièce, Moi, mon père et mon fils. Et une bouffée d’angoisse me vide les poumons, une boule tombe dans mon estomac. Il n’en faut guère plus pour que Samuel le sente et se mette à s’agiter entre mes bras. Je le repositionne comme je peux, si mal à l’aise que je me demande pourquoi mon gosse n’est pas déjà en train de s’égosiller à plein poumons. J’inspire. - Il te ressemble… Tu étais aussi petit, à la naissance, mais tu avais toujours l’air contrarié. Combien de semaines d’avance a-t-il ? Ils s’occupent bien de lui, j’espère ? Et… Je sais. Je pose trop de questions. Et je sursaute. Il me ressemble ? Je regarde précipitamment mon père et mon fils, comme pour mieux y chercher des points communs. Toujours l’air contrarié ? Aussi petit ? J’ai un frisson qui me surprend, dérouté parce que me dit mon père et j’imagine que mon regard aussi perdu que perplexe, aussi angoissé qu’hébété peut passer pour désapprobateur lorsque je le fixe à nouveau. Il y a définitivement quelque chose de surréaliste aujourd’hui et je ne sais pas si je suis supposé en profiter ou fuir cette situation. Le fait est que… Mon père a l’air vulnérable. Vraiment. Plus que lorsqu’on se dispute, plus que cette fois où il avait le bras en écharpe. Je ne crois pas me souvenir l’avoir vu aussi vulnérable depuis l’affaire Malaria. Je pose trop de questions. Putain… sérieux, on dirait un gosse pris en faute.

C’est peut être de le voir comme ça, aussi vulnérable, aussi… ému ?, qui parvient à me convaincre de lui proposer de prendre Samuel dans les bras. Chose que je regrette aussitôt, bien sûr. Je ne veux pas lui confier mon fils, je ne veux pas qu’il le prenne, je ne veux pas qu’il me l’enlève, je ne veux pas que… L’hésitation de mon père ne m’échappe pas une seule seconde. L’atmosphère se teinte d’une tension étrange, moite, presque palpable. Oui, non, peut être ? Je te préviens Papa, décide toi vite sinon je te fous à la porte. Parce qu’il n’y a pas de bonne réponse. Si tu acceptes, je vais angoisser parce que je ne te fais pas confiance et que j’en suis incapable. Si tu refuses, c’est que tu le rejettes, c’est que tu me rejettes, c’est que tu n’as rien à faire dans sa vie. La gorge sèche, je m’impatiente et m’apprête à lui dire que c’est trop tard lorsqu’il tend les bras. Je ne le quitte pas un seul instant des yeux, tentant du mieux que je peux de lui faire comprendre en un regard que s’il faut le moindre faux pas, c’est mort, en déposant avec une délicatesse prononcée Samuel dans ses bras, veillant à ce qu’il le tienne bien. Sur le qui-vive, je détaille mon père, je refuse de cligner des yeux de peur qu’il m’enlève mon fils ou qu’il fasse quelque chose. - Bonjour, Samuel… Je déglutis, incapable de me détendre. Et si Samuel était mieux dans les bras de mon père que dans les miens ? Et si mon père le laissait tomber ? Et si… J’ai du mal à respirer, je suis incapable de dire quoique ce soit. La seule chose que je vois, c’est que mon père est bizarre. Comme cette situation. Et que le seul normal dans cette pièce, c’est Samuel qui vient de comprendre à quel point mon père est malfaisant. Je me crispe dès que je vois une grimace se former sur la tête de mon fils, bondissant dans un « Si tu veux je… » Putain. Il ne pleure pas. Il sourit. Il sourit le con. Non, pas le con, c’est mon fils, il n’est pas con, il est adorable et il sourit à mon père. Putain. Je n’arrive pas à faire la part des choses entre cette jalousie brutale qui naît et ce soulagement infini qui apaise mes craintes. Je déteste entendre mon fils pleurer, c’est physique. Mais le voir sourire à mon père... - … J’ai dit quelque chose de drôle ? Je ne suis pas capable de parler, je ne suis même pas capable de sourire, je me contente de hausser les épaules. « T’as p’t’être une tronche de clown. » je grommelle. Je n’ai jamais été jaloux de Martial. Jamais. Je suis conscient que face à mon frère, de toute manière, je ne peux pas faire le poids. En revanche, pour le reste… Je suis jaloux comme un pou. Et là, ça ne fait pas exception même si je sais bien que je suis ridicule. J’ai les poings serrés, je me force à ne pas ordonner à mon père de me rendre mon fils lorsqu’il remarque le body. Je lève les yeux au ciel, rageant de ne même pas pouvoir le maudire ou me maudire jusqu’à la quatre-vingt-quatrième génération puisque ça toucherait mon fils. - Tu lui as offert le ballon, avec ? Je prends sur moi pour expirer et respirer normalement. Je prends sur moi pour me forcer à cesser d’être ridicule et ravaler ma jalousie.

Allez, putain, Papa, rends-moi mon fils. Je veux qu’il me sourie, je veux qu’il me reconnaisse comme son père même si je ne vaux pas grand-chose. Je suis nerveux, inutile de le préciser. Ma main file dans mes cheveux pour les ébouriffer. « Ouais, un ballon en peluche qui a des grelots, pour pas qu’il se fasse mal avec mais que ça l’amuse. Mais il l’aura que lorsqu’il sortira définitivement de couveuse, ce sera sa récompense » Mes mots sont crispés et s’ils sont bien pensés, ils ont du mal à être naturel. Je ne quitte pas Samuel des yeux. Je ne détache pas un seul instant mes pupilles de son petit corps qui gigote dans son pyjama légèrement trop grand. Je me tends instantanément lorsqu’il kidnappe un doigt de mon père pour le porter à la bouche, comme le mien précédemment et je ne peux m’empêcher de faire un mouvement quand mon père le lui retire. Doucement. Mon père, faire quelque chose avec délicatesse. - Non non… On ne mange pas le doigt de son grand-père… C’est de la vieille carne, ton père a déjà dû te le dire… Je n’ose pas parler, conscient que je n’ai pas vraiment le droit de ruiner ce moment de « complicité » entre mon fils et son grand-père mais il est clairement visible que je ne suis pas tranquille. Et il faut avouer que voir mon père se comporter comme un homme normal, laissant tomber pour un temps sa chape d’indifférence… ça a quelque chose de rassurant. Mon père n’est peut être pas qu’un monstre, finalement. - Tu ne voulais pas me parler d’autre chose, d’ailleurs ? Tu m’as dit qu’il y avait un problème avec ton cœur… Ok.

Okay. Je retire ce que je viens de dire. Mon père est un monstre manipulateur, un putain d’enfoiré et un enculé de surdoué. Il est exaspérant à savoir mettre les sujets douloureux sur le tapis au moment même où je commençais vaguement à envisager de me détendre. Je tends les bras sans répondre autre chose que « Si tu veux parler de ça tout de suite… passe moi mon fils d’abord », ne lui laissant pas le choix de me rendre Samuel. On va avoir une longue conversation dans les minutes à venir, mon père et moi. Et je sais que la présence de Samuel nous empêchera de hurler et d’en venir aux mains. Personnellement, j’aurais préféré en parler sans mon fils à proximité, par exemple à la cafétéria ou à l’extérieur mais ici, c’est aussi une bonne solution. Je m’assois sur la banquette, posant délicatement mon fils sur mes jambes. Samuel est bien calé, là. Il a l’habitude en même temps, c’est sa position préférée avec celle qui le voit dormir sur mon ventre lorsque je prends le temps de m’allonger sur la banquette, chaussures enlevées, pour le regarder gigoter sur moi. Il attrape à nouveau mon doigt, je m’assure qu’il est bien à son aise et qu’il s’endort à nouveau avant de regarder mon père. Je prends mon inspiration. Ma main, celle dont il a volé l’auriculaire, est posé sur le ventre de Samuel et se soulever au rythme de sa respiration tranquille, si différente de la mienne, si différente de mon deuxième enfant à naître. « Papa… » Je cherche mes mots. Par où commencer ? Je n’en ai aucune idée. J’opte pour le plus logique, le plus simple et le plus compliqué. Autant y aller cash. « Papa, j’suis encore enceinte. » Je le regarde dans les yeux, une fraction de seconde avant de percuter la connerie que je viens de dire. « Enfin… je… pas moi… mais… » Putain que c’est compliqué. En essayant de déranger le moins possible Samuel qui roupille, indifférent à la galère de son père, j’extirpe mon téléphone, ouvre les dossiers, extirpe l’échographie de mon ou ma deuxième. « Il ou elle est prévu pour fin août. Et il ou elle a le même problème cardiaque que moi apparemment. Et faut que tu trouves un moyen de le ou la soigner. S’il te plait. » Je débite tout, sans m’arrêter, sans respirer, sans faire la moindre pause. Sans le quitter un instant du regard.

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Hippolyte Caesar
Hippolyte Caesar

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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeSam 26 Déc 2015 - 0:12

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



Depuis quand ne s'était-il pas sentit aussi humain ? Depuis quand n'avait-il pas laissé tomber le masque d'Hippolyte Caesar, l'intransigeant et glacial chef d'entreprise pour ne plus être que... Hippolyte Caesar, un humain comme les autres, avec des sentiments et des faiblesses ? Depuis bien trop longtemps, à vrai dire. Par son métier, il avait appris à ne montrer que le pire de lui-même, la froideur, la cruauté, l'absence de conscience morale... Il avait oublié ce que c'était que faire preuve de douceur et de délicatesse avec un nourrisson. Tout simplement parce qu'il n'en avait pas tenu un dans ses bras depuis plus de vingt ans. Il se sentait presque pataud à ne pas savoir faire preuve de naturel tandis que Samuel s'agitait dans ses bras, trouvant dans la figure sévère de son grand père quelque chose de particulièrement drôle. Face à un homme coupable d'escroquerie, de cruauté envers ses propres enfants, d'adultère... De meurtre aussi, quelque part, c'était l'innocence incarnée qui s'exprimait. Tant de pureté qui éclairait d'une lumière aveuglante la noirceur de l'âme d'Hippolyte au point de le brûler. Quelque part en lui, une petite lueur de sentimentalisme aurait voulu le voir verser une larme pour son premier petit-fils, le voir abandonner tout ce contrôle qui aurait, tôt ou tard, raison de ses nerfs. Mais tout était calculé, chez Hippolyte. Chaque mimique, chaque sourire, chaque mot étaient savamment choisis et maîtrisés pour ne pas abuser de l'euphorie qu'il ressentait au fond de lui.

Et pourtant, le simplement fait de le voir ainsi sourire, avec patience et mesure face à Samuel, était surprenant. Hippolyte n'était pas un homme facile, ni patient, ni sentimental. C'était un roc et une véritable pourriture. C'était à croire que, quelque part, la présence de Samuel le soignait de toute cette méchanceté profondément ancrée en son cœur. Méchanceté parfois volontaire, souvent poussée par son irascible caractère d'asocial. Tout à son moment de complicité avec Samuel, Hippolyte en oublié même les remarques de Marius. Son fils était tendu, comme n'importe quel père qui n'aurait pas eu son enfant dans les bras... Et ça, il ne pouvait que le comprendre. A sa place, Hippolyte aurait été nerveux, peut-être même sur la défensive... En cela, ils se ressemblaient, avec Marius. Ils avaient cette tendance à surprotéger leurs proches, leur famille, leur sang... Et pas forcément de la manière la plus délicate qui soit.

Mais pour l'heure, Hippolyte avait éclipsé la présence de Marius, son regard sombre rivé dans les yeux bleus de Samuel qui gigotait dans ses langes. Finalement, c'est lorsque son fils grommela quelques mots qu'Hippolyte fut brusquement ramené à la réalité. Sa récompense... Marius se mettait à parler comme lui... Hippolyte se contenta de hausser un sourcil sans rien ajouter, conscient qu'il ne ferait qu'agacer plus encore Marius. Seulement, il avait l'impression de voir son propre reflet dans une glace – certes déformé – et n'était pas certain qu'étant donné ce qu'avait vécu Marius, ce soit une bonne idée. Alors Hippolyte se contenta simplement de hocher la tête sans rien ajouter. Il reporta son attention sur Samuel, qu'il berçait distraitement, jusqu'à ce que la question fatidique tombe. Pourquoi Marius l'avait-il fait venir ici sinon pour son cœur ? Car il était évident pour Hippolyte que jamais son fils n'aurait accepté de lui présenter Samuel de bonne grâce sans une idée derrière la tête. Et quand Marius lui demanda de lui laisser reprendre le petit, Hippolyte compris immédiatement que la suite ne lui plairait pas.

Il fronça les sourcils, son masque de froideur se reconstituant petit à petit tandis qu'il déposait Samuel dans les bras de son père. Il avait fallu de longues minutes à Hippolyte pour se détendre, pour laisser tomber son rôle habituel et adopter celui – plus délicat – d'un humain ordinaire... En revanche, il ne lui avait pas fallu plus de dix secondes pour retrouver son calme et son sérieux habituels. Il s'assit alors face à Marius, raide et tendu, n'ouvrant même pas la bouche pour l'inciter à se lancer. La balle était dans son camp, Hippolyte n'allait sûrement pas lui tenir la main. Marius sembla hésiter, provoquant l'accroissement de l'agacement de son père, puis...

« Papa, j’suis encore enceinte. »

Éberlué, Hippolyte haussa un sourcil et ne put s'empêcher de répliquer.


- Pardon ? demanda-t-il sèchement.

Quelle idiotie Marius venait-il encore de lui pondre, cette fois ? Quelle mouche l'avait piqué ? Il divaguait, ça n'avait pas de sens ! Et lorsque Marius continua à hésiter, Hippolyte ne chercha même pas à l'aider. Il s'était mis tout seul dans la panade, qu'il s'en dépêtre donc comme un grand ! Son regard glacial rivé dans celui de Marius, Hippolyte n'essayait même plus de lui faciliter la tâche. Il avait compris que la suite serait catastrophique. Il était bien trop habitué aux frasques de Marius, bien trop habitué à... A être déçu, finalement. Il se contenta donc d'écouter, impassible, son visage ne démontrant à aucun moment son irritation et sa colère. Les bras simplement croisé sur la poitrine, sa respiration était calme, posée, rien ne trahissait l'incommensurable colère qui bouillonnait dans ses veines... Si ce ne sont ses yeux. Deux iris bruns au regard dur qui semblaient prêt à foudroyer Marius sur place.

Car son père n'était pas bête. Loin de là. Il faisait partie de cette catégorie de personnes capables de réfléchir à une vitesse ahurissante, de résoudre des problèmes complexes quand des citoyens lambda cherchaient encore à en comprendre l'énoncé. Hippolyte était intelligent, et surtout il savait compter. Il ne lui fallu pas longtemps pour faire le calcul : de mars à août, il ne s'écoulait que cinq mois. Trop peu pour que la mère de Samuel soit à nouveau enceinte, donc. Ainsi, son incapable de rejeton avait mis une autre fille enceinte. Encore une inconnue qu'il connaissait à peine ou bien pouvait avoir le fol espoir de voir enfin le roi des abrutis se caser plus de deux mois ? Ah ! Elle était bien bonne, celle-là... Marius était un inconstant, un indécis, un petit con incapable de se fixer ou d'assumer des responsabilités... Et le voilà qui allait se retrouver père pour la seconde fois dans la même année... Hippolyte fut tenté de rire, mais il n'en fit rien. Il resta simplement silencieux, fixant Marius avait toujours la même colère dans le regard. Il pris alors le parti de ne pas relever le fait que Marius lui avouait inconsciemment qu'il allait être le père de deux enfants nés de mères différentes. Parce qu'il savait que malgré toute la bêtise dont était capable son fils, Marius n'était pas idiot au point de penser que son père n'aurait pas fait le rapprochement.

- Si je te suis bien... Tu me demandes de reprendre ton dossier médical, que tu gardes secret depuis des années, afin que je puisse aider ton futur enfant ? Car soyons clair, Marius... Je ne peux pas t'aider en me basant sur les maigres informations que tu m'as données. Et tes médecins ne m'ont rien dit de plus que « votre fils a une malformation cardiaque congénitale. Je n'ai jamais eu ton dossier sous les yeux, je ne connais que les médicaments que tu prends.

Il n'y avait aucune agressivité dans sa voix. Au contraire, Hippolyte était d'un calme effarant et presque effrayant. Mais par égard pour Samuel, il refusait d'hausser le ton. D'autant qu'il savait comment fonctionnait Marius : Se mettre à hurler revenait à le voir se braquer et hurler plus fort encore. Non, il était simplement calme, posé et on ne peut plus sérieux. Car toute cette histoire était sérieuse. Hippolyte refusait tout simplement l'idée qu'un autre Caesar puisse subir le même sort que Marius. Qu'un enfant à peine né puisse courir le risque de voir sa vie prendre fin à quelques mois seulement. C'était intolérable.

- Si tu veux que j'aide ton enfant, Marius, il faut que tu acceptes que je t'aide toi, d'abord. Parce que je ne peux rien faire sur un enfant qui n'est pas encore né si je n'ai pas toutes les clés en main. Or, je sais que l'idée te rebute. Ne me prends pas pour un opportuniste, je ne fais pas ça pour avoir accès à ton dossier... Enfin... Je vais être honnête, pas seulement. Ce n'est pas de la curiosité morbide, si je peux t'aider et aider ce petit également... Je le ferai.

Bien sûr qu'Hippolyte voulait voir ce dossier médical que Marius lui cachait. Bien sûr qu'il en avait besoin pour l'aider... Mais surtout, il fallait qu'il réussisse à convaincre son fils qu'il aurait probablement besoin de lui de la même manière qu'un cobaye.

- Alors je t'écoute. De quoi as-tu besoin ? De mon côté, si tu veux mon aide, il me faudra toutes les radios de ton cœur, les scanner, des analyses de sang, des tests d'efforts... Tout ce que tu pourras me fournir au sujet de ton cœur et de ta pathologie.

Un instant, Hippolyte baissa les yeux vers Samuel, son regard s'adoucissant en voyant le visage si détendu et apaisé du nourrisson.

- Je n'en parlerai pas à ton frère, si c'est ce qui t'inquiète...

Ca, il s'y engageait, et plutôt deux fois qu'une. Martial avait bien d'autres chats à fouetter, et Hippolyte avait compris une chose essentielle depuis sa dernière rencontre avec Marius : Pour obtenir autre chose que des « non » catégoriques et sans appel de sa part, il fallait jouer selon ses règles, et accepter de se plier à son avis. Tout cela coûtais beaucoup à Hippolyte, mais il était conscient que son orgueil était loin d'être l'élément principal en jeu. C'était avant tout la vie de Marius et de son enfant qui l'était. Son enfant... Bon sang mais combien comptait-il en avoir dans l'année ? Ne pas poser de question à ce sujet, c'était la clé de la bonne marche de cet entretien.
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeVen 1 Jan 2016 - 23:28

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



Je récupère mon fils. Ce n’est même pas une demande, c’est un ordre que je donne à mon père sous couvert d’une fausse et surtout absente politesse. S’il veut savoir pourquoi je lui ai demandé qu’on se voie, il doit me rendre mon fils. J’ai trop peur qu’il lui fasse quelque chose, j’ai trop peur qu’il le frappe, qu’il le laisse tomber ou qu’il refuse de me le rendre. Tu veux savoir ce qu’on fout là, Papa ? Alors rends moi Samuel, laisse moi porter mon fils, laisse moi m’installer sur la banquette, laisse moi profiter de sa respiration calme comme d’un bouclier devant ta colère et ta méchanceté qui ne vont certainement pas tarder à pointer le bout de leur nez. On va avoir une longue, très longue conversation je sens. Et si je ne pensais pas l’avoir en présence de mon fils, et bien… peut être est-ce mieux ainsi. Au moins, on tentera de ne pas crier, au moins il ne me frappera pas et moi je ne le frapperai pas non plus. Lentement, je m’installe convenablement, prends le temps d’installer aussi Samuel et de le laisser téter comme à son habitude mon auriculaire.

Finalement, je ne peux plus attendre plus longtemps. Oh, connaissant mon père, lui serait capable de patienter des heures avec son calme et son indifférence les plus complets mais moi… j’en suis incapable. Je finis par me jeter dans l’eau, cherchant mes mots et terminant par opter par le plus direct. Je suis encore enceinte. Alors je vous arête tout de suite, les deux du fond qui veulent médire, mais oui, j’ai parfaitement conscience que j’aurais pu choisir une autre formulation que ce magnifique et déjà historique je suis enceinte. Je sais que ce doit être la phrase la plus stupide du monde, la réaction de mon père me le confirme dans la seconde avec son - Pardon ? éberlué, mais au moins… j’espère que ma phrase a le mérite d’être claire. Il n’est pas con, mon père, il va forcément additionner les indices et arriver aux bonnes conclusions. Mais je patauge. Je cherche mes mots, je me noie dans une explication que je tente d’articuler dans des je, moi, mais et autres monosyllabes. Je rends les armes, fixant mon père avec un aplomb dont je ne me serais pas pensé capable. Nos rétines se heurtent, son regard dur me fracasse mais je garde le nord. En quelques phrases, je résume la situation. Août. Problème cardiaque. Papa, soigne mon deuxième enfant.

Je fixe mon père dans l’attente d’une réaction. Peut être que je surestime ses capacités, mais je pars du principe qu’il a déduit de mes quelques phrases tout ce qu’il y a à déduire. Rien dans son attitude ne pourrait laisser paraître ce qu’il se passe dans son esprit si ce n’étaient ses yeux. Glacials. Sa colère est palpable, ma main posée sur le torse de Samuel se fait plus présente comme pour mieux le protéger, par réflexe. Je ne sais pas quoi dire de plus mais je refuse que ce silence se poursuive. Mon s’il te plait m’a écorché les lèvres, je tente un « Papa, dis quelque chose… » nerveux. Dis quelque chose, bordel, ou alors casse-toi. Ne me laisse pas dans le silence, ne me laisse pas dans l’ignorance de ce qu’il se passe dans ta tête, s’il te plait, sinon c’est moi qui me casse avec mon fils et je te promets que tu ne le verras plus jamais. Déjà qu’il ne faut pas trop que tu comptes sur des visites régulières… Je commence à menacer mon père dans ma tête, meublant le silence d’inepties pensées. Je m’apprête même à passer aux injures quand il se décide à réagir. - Si je te suis bien... Tu me demandes de reprendre ton dossier médical, que tu gardes secret depuis des années, afin que je puisse aider ton futur enfant ? Car soyons clair, Marius... Je ne peux pas t'aider en me basant sur les maigres informations que tu m'as données. Et tes médecins ne m'ont rien dit de plus que « votre fils a une malformation cardiaque congénitale. Je n'ai jamais eu ton dossier sous les yeux, je ne connais que les médicaments que tu prends.

Je le fixe, sans décrocher un mot. Je pourrais me targuer d’être un grand habitué à cette voix posée et calme, si dénuée d’agressivité qu’elle en devient bien plus qu’effrayante, mais c’est impossible. C’est impossible de s’habituer parce qu’au fil des années, je l’ai associée à mes pires cauchemars, cette voix qui me rappelle l’indifférence de ma mère. Dénuée d’émotions, dénuée de colère, elle dévoile bien plus les choses absentes que tout le reste. Tu me demandes. C’est lui qui demande, au final. Moi… putain, moi je le supplie. Soyons clair, Marius. Je relève le menton. Tu crois que je n’y ai pas pensé, Papa ? Tu crois que je n’ai pas compris à la seconde où je me suis résigné à t’envoyer ce texto que tu allais avoir besoin de connaître l’intégralité de mon dossier médical, celui là même que personne d’autre que moi et mon cardiologue n’a feuilleté en six ans ? « Je sais. » C’est la seule chose que j’arrive à articuler, pour le moment. J’ai envie de le secouer et de lui hurler que oui, je sais que je vais forcément devoir tout lui refiler, de ces interdictions explicitement formulées à mes différentes hospitalisations. Que là, je prends sur moi, je prends affreusement sur moi parce que si je m’écoutais, je le foutrais à la porte de cette pièce. J’ai envie de lui hurler encore une fois qu’avant de lui envoyer ce putain de SMS, j’ai parcouru toutes les pistes possibles, que lui et son entreprise, que lui et son fric, que lui et son cerveau est ma dernière solution envisageable avant de me résoudre à en parler à Martial. Samuel posé sur mes genoux m’en empêche efficacement, je me force à me détendre pour qu’il ne se réveille pas en sentant son père sur les nerfs. Son père.

- Si tu veux que j'aide ton enfant, Marius, il faut que tu acceptes que je t'aide toi, d'abord. Parce que je ne peux rien faire sur un enfant qui n'est pas encore né si je n'ai pas toutes les clés en main. Or, je sais que l'idée te rebute. Ne me prends pas pour un opportuniste, je ne fais pas ça pour avoir accès à ton dossier... Enfin... Je vais être honnête, pas seulement. Ce n'est pas de la curiosité morbide, si je peux t'aider et aider ce petit également... Je le ferai.  Alors je t'écoute. De quoi as-tu besoin ? De mon côté, si tu veux mon aide, il me faudra toutes les radios de ton cœur, les scanner, des analyses de sang, des tests d'efforts... Tout ce que tu pourras me fournir au sujet de ton cœur et de ta pathologie. Je me mords la lèvre, fermant les yeux. Sans blague, qu’il va en profiter, que quitte à ce que je me résigne à lui donner le beurre, il veuille au passage l’argent du beurre et la crémière. C’est le contraire qui m’aurait surpris. Je pourrais tempêter, m’énerver, le traiter de tous les noms mais je suis fatigué. Je détourne le regard, glissant mes pupilles vers Samuel qui dort tranquille, indifférent au sort de sa petite sœur, ou de son petit frère. Si tu veux que j’aide ton enfant… Il fait du chantage ou bien ? Je secoue la tête. Putain que c’est dur. Je n’arrive pas encore à déterminer ce qui est le pire entre devoir céder face au chantage de mon père et l’autoriser à porter Samuel. Je me mords la lèvre, tentant péniblement de faire le tri entre ce que j’ai envie de dire, ce qui est acceptable de dire, ce qui est stupide à dire et ce que je suis supposé lui répondre. - Je n'en parlerai pas à ton frère, si c'est ce qui t'inquiète...

Je sursaute presque et relève la tête. Mon « Pardon ? » éberlué m’échappe par réflexe, comme pour occuper l’espace le temps que mon cerveau interprète la menace et sache comment y répondre efficacement. « Tu te fous de ma gueule ou ça se passe comment là ? » Oui, je sais, je parle à mon père là et pas à un pote lambda, donc mes expressions pourries je devrais me les garder mais je ne suis plus à ça près. Le jour où mon père méritera mon respect, je surveillerai mes mots. D’ici là… Je secoue la tête. « Bien sûr qu’il est hors de question que t’en parles à Martial, c’est même pas à remettre sur le tapis, je considérais ça comme acquis. Quant à ce que tu me demandes… » Je me mords la lèvre, vire du premier plan de mon téléphone l’écho de mon deuxième enfant pour fouiller dans mes dossiers. Rapidement, je déterre un dossier volumineux, affiche le premier document, tends mon portable à mon père. L’avantage des IPhones c’est qu’ils ont un grand écran. Le désavantage, c’est qu’il va pouvoir directement remarquer les interdictions listées en rouge. Alcool, effort, pratiques sportives. C’est marrant, je pourrais cocher chacune d’entre elles en cherchant celles que j’enfreins régulièrement. « Tiens, c’est mon dossier complet, je l’ai numérisé et je peux te l’envoyer. Mais… » Je souffle. Alors, Marius, courage, c’est bientôt fini. « Ca fait pas longtemps que je sais pour le cœur de mon gosse, du coup, j’ai pas trop eu le temps de me renseigner sur le sujet. Ce que je comprends pas, c’est si… » Je prends Samuel dans mes bras pour me rapprocher de mon père, récupérer mon téléphone. Je fais défiler la page, ignore le descriptif complet de mes symptômes pour arriver à une liste de données que je ne comprends pas du tout. Je bascule mon portable sur le côté, ouvre en parallèle un deuxième document, celui sur le cœur de mon enfant. « J’arrive pas à comprendre s’il a la même chose que moi. » Je lui laisse le portable entre les mains en retournant m’asseoir. « J’imagine que tu le verras vite quand tu liras tout le dossier donc autant te le dire tout de suite mais… » J’inspire en fermant les yeux, m’enveloppant dans une nonchalance et une désinvolture qui détonnent avec ce que je m’apprête à dire. « Pour mon cœur, ça s’aggrave ces derniers temps. Assez rapidement, j’ai presque pas été hospitalisé les premières années, là, depuis un an, un an et demi plutôt, ça s’accélère. Que ce soit bien clair : je ne te demande pas de m’aider. » Je veux qu’il me regarde dans les yeux. « Papa, je ne veux pas que tu cherches comment m’aider. C’est même pas négociable, je ne veux pas que tu te disperses, je veux juste que tu trouves un moyen pour que mon gosse… pour que mon gosse aille bien. » J’insiste bien sur toutes les négations. Je veux qu’il comprenne que ma santé à moi, je m’en fiche. Complètement. J’y suis habitué maintenant, je fais avec, là n’est pas la question. L’important, c’est mon gosse. « Sur ce dossier, t’as tout. Mes différentes prises de sang, les résultats préliminaires puis définitifs, mes hospitalisations… c’est mon cardiologue qui me l’a filé, il me suit depuis le début donc en théorie, il y a tout. » Tout, mais falsifié pour ne pas faire ressortir ma nature de mutant. Je ne me suis aperçu que tard que mon cardiologue me protégeait activement sur ce plan là. Je tends la main pou récupérer mon portable. « Si je te l’envoie, je veux ta promesse, pour ce qu’elle vaut, que personne d’autre ne le lira. Personne d’autre, ça inclut Maman. Tu te doutes bien que si je te demande ça à toi, c’est parce que j’ai pas trouvé d’autre solution, hein. » Qu’il ne se fasse pas d’illusions.  

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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeDim 3 Jan 2016 - 1:17

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



La colère n'était pas le sentiment qui caractérisait le mieux Hippolyte. D'ailleurs, il se mettait rarement dans états de rage indescriptibles... Il était plutôt le genre d'homme à intérioriser sa colère, à la garder nichée au fond de lui pour mieux la distiller par petites touches glaciales et incisives. Il explosait rarement... Il préférait cent fois installer un malaise fait d'attente et d'incertitude que de donner à l'objet de sa colère une réponse immédiate. Mais il n'était pas colérique. Il était froid, manipulateur, vicieux, rusé, intelligent, profondément méchant et sournois, mais certainement pas colérique. Sauf avec Marius... Il était capable de le pousser dans ses retranchements, de mettre ses nerfs à vif et de provoquer chez lui un véritable raz de marée viscéral. Là, à cet instant, Hippolyte avait juste envie de secouer son fils jusqu'à ce que ses idées se remettent en place et qu'il agisse enfin en adulte.

Il avait parfois l'impression que Marius n'était pas comme tous les êtres humains. Qu'il ne réfléchissait pas avant d'agir, pesant le pour et le contre, mais qu'il laissait parler son cœur au point de se rendre compte de ses erreurs trop tard et ne plus pouvoir rien faire que de les accepter. Pire encore, il semblait incapable de s'en dépêtrer correctement ! Pourtant, Hippolyte voyait bien que son fils faisait tout pour être un bon père avec Samuel... Mais ça ne changerait jamais rien au fait que le petit était le fruit d'une regrettable erreur de ses parents. Si Hippolyte était autant en colère après Marius, ce n'était pas pour rien : Il voyant en lui le reflet de ses propres erreurs, de sa propre tromperie, vingt et un ans plus tôt. Un lourd secret qu'il gardait depuis bien trop longtemps maintenant et qui lui pesait chaque jour un peu plus sur la conscience. La question lui brûlait les lèvres... Les mères de ses enfants savaient-elles qu'elles n'étaient pas seules dans la vie de Marius ? Ou bien avait-il fait la même bêtise que son père, à savoir ne rien dire tant qu'il en était encore temps ?

Marius allait de nouveau être père... D'une autre femme... Et l'enfant était atteint lui aussi d'une malformation cardiaque... Trop d'informations, trop de nouvelles d'une importance capitale qui faisait tourner le cerveau hyperactif d'Hippolyte à plein régime. Pourtant, malgré l'inquiétude qui commençait à planter ses crocs dans son cœur, prête à lui sucer le sang tel le plus opportuniste des vampires, il restait impassible. Un rythme cardiaque régulier, aucun tremblement trahissant son angoisse, pas même un plissement soucieux du front. Tout était mesurée et méticuleusement calculé : Hippolyte était calme et bien décidé à le rester pour ne pas risquer de réveiller Samuel. Il se contenta donc d'exposer posément ses conditions à Marius, de lui demander son dossier complet... Comme s'il s'était agit d'une conversation banal sur la météo ou leurs hobbys respectifs.

Son visage de marbre fini cependant par se fracturer lorsque Marius répondit, avec toute la délicatesse et la civilité qu'on lui connaît.

- J'ai vraiment l'air de plaisanter... ? Lâcha sèchement son père.

Hippolyte plaisantait rarement... Jamais, même. Ou peut-être parfois avec Victoire, à qui il accordait ses sourires, un discours plus léger... Elle était l'une des rares personnes à être autorisée à voir au delà du voile de froideur qu'il s'imposait. Marius, lui, connaissait ses colères les plus noires et les plus extrêmes. Deux opposés tout aussi exceptionnels l'un que l'autre. Et pourtant, malgré l'apparente agressivité de Marius, l'état de son enfant restait sa priorité. Il fini par consentir à montrer le dossier à son père, qui prit le téléphone qu'il lui tendait pour en parcourir les pages. Ses yeux filaient d'un bout à l'autre du document, chaque terme se gravait dans son esprit qui en analysait les tenants et les aboutissants. Il y avait quelque chose de rageant, chez Hippolyte : Il avait une formidable mémoire et une capacité d'analyse extrêmement rapide. Une simple lecture du dossier lui suffisait à en connaître les grandes lignes et à se faire une idée plus que générale de l'état de Marius : Il allait mal. Très mal. Et s'il le savait déjà, avoir autant de données médicales sous les yeux pour le lui prouver lui pinçait curieusement le cœur. Ce n'était ni un sentimental, ni un homme facile à impressionner, mais cette fois il sentait le sol se dérober sous ses pas. S'il n'avait pas été assit, il lui aurait probablement fallu une chaise. Marius allait mal et son état empirait...

Pendant un long moment, Hippolyte resta silencieux, hochant simplement la tête quand Marius disait quelque chose. Il étudiait chaque donnée, avait déjà imaginé mille et une solutions et hypothèses, mais toutes bien trop farfelues pour fonctionner. Mais surtout, ses sourcils se fronçaient à mesure qu'il voyait les interdictions défiler sous ses yeux. Marius n'avait plus le droit de pratiquer le moindre sport, de faire des efforts physiques trop intenses, de boire, de fumer... Si Hippolyte était certain que jamais son fils ne toucherait à une cigarette – ayant déjà un père et un frère fumant comme des pompiers – il était moins sûr du reste.

- Dis-moi... Que je me fasse une idée de la gravité de la chose. Tu respectes ces interdictions ? Ou bien tu passes outre ?

Il aurait voulu que Marius lui mente. Il aurait voulu qu'il lui prouve qu'il avait tort de penser que le jeune homme était suffisamment responsable avec sa santé pour ne pas la mettre plus encore en danger. Oui il aurait voulu... Mais il se doutait qu'un simple regard de Marius suffirait à lui montrer qu'il avait raison. Il n'ajouta rien de plus, écoutant simplement ce que son fils lui disait, prêt à faire une indigestion de mauvaises nouvelles. Son était s'aggravait... Plutôt que de tout de suite poser la question qu i lui brûlait la langue, Hippolyte choisi de garder pour plus tard la casquette du père soucieux, celle qui lui allait si mal... Pour adopter celle du scientifique, du chercheur.

- Il n'a pas la même chose que toi, non... Regarde ici, dit-il en pointant une grosse artère, C'est l'artère pulmonaire, elle communique entre les poumons et le cœur pour apporter un sang chargé en oxygène au reste du corps. Inutile de te faire un dessin, son bon fonctionnement est vital. Or, la tienne est rétrécie, et cette petite valve qui communique entre le cœur et l'artère également. On appelle ça une sténose pulmonaire, ça signifie que ton cœur doit fournir davantage d'effort pour pomper le sang et alimenter son organisme... D'ailleurs, d'après ton cardiologue tu souffres également d'une sévère arythmie cardiaque. Combine les deux et tu as un beau cocktail de symptômes mortels. C'est pour ça que tu t'essouffles facilement ou que ton cœur s'emballe. Il n'arrive pas à subvenir aux besoin de ton organisme, et s'il force trop, c'est l'arrêt cardiaque assuré. Seulement il y a deux choses que je ne comprends... Une cardiopathie se décèle à la naissance, voire même avant... Nous aurions du le voir... La seule explication que je vois, c'est que les symptômes étaient trop insignifiants à la naissance et qu'ils se sont accentués avec l'âge... Tu disais que les problèmes s'étaient aggravés ces derniers temps... Sur ta dernière radio, l'artère encore plus comprimée... Tu as été malade ces derniers temps ? Ou tu as eu un accident qui aurait pu favoriser tout ça ?

Bien sûr qu'il songeait à l'état déplorable dans lequel il avait trouvé Marius quelques mois plus tôt... Lorsqu'ils s'étaient reparlés pour la première fois depuis six ans. Hippolyte était à mille lieues de se douter qu'il s'agissait en réalité des effets néfastes du NH24.

- Tu ne veux peut-être pas que je t'aide, mais sache que ça s'opère. Ce genre de malformation se soigne bien, aujourd'hui... Il suffirait que tu consentes à une subir une intervention pour rétablir le bon fonctionnement de ton cœur. C'est une opération assez lourde, et tu ne pourrais certainement pas te dépenser comme tu le fais pendant plusieurs mois. Seulement, songe à l'après : Quelques mois de convalescence pour des années à ne plus avoir à te soucier de cette histoire après...

C'était presque surnaturel de saisir cette pointe de supplication dans la voix d'Hippolyte. Comme s'il implorait Marius d'accepter de se faire soigner au lieu de continuer à jouer avec sa vie. Chose qu'il ne comprenait définitivement pas... Conscient que Marius allait s'impatienter, il poursuivit.

- Le petit n'a pas la même chose. C'est d'ailleurs étonnant qu'il ait une malformation différente... Les cardiopathies ne sont pas si héréditaires et... Sa mère est-elle sujette à des problèmes de santé ? Est ce qu'il lui arrive de boire plus que de raison ? Ce genre de problème peut-être causé par une trop grande consommation d'alcool pendant la grossesse... Regarde..., il lui montra à nous un élément sur l'échographie du cœur du bébé. Ce n'est pas très visible ici, mais on voit un petit trou entre les deux ventricules de son cœur. Ce qui veut dire que le sang oxygéné et le sang chargé en dioxyde de carbone communiquent alors qu'ils ne devraient pas... Son cœur bat trop vite, j'imagine ? Il est obligé de travailler deux fois plus pour envoyer la même dose d'oxygène à l'organisme... C'est un organe intelligent, le cœur, totalement indépendant du cerveau, seulement il a rarement conscience de ses limites. Là aussi, si ça peut te rassurer, c'est opérable. On peut tout à fait vivre correctement après une opération de ce genre. Seulement, on ne peut rien faire tant qu'il est dans le ventre de sa mère, il faut espérer qu'il n'y aura pas de complications jusqu'à l'accouchement... Tu me suis, jusque là ?

Hippolyte venait simplement de se rendre compte qu'il avait débité tout cela à un rythme effréné. Passionné qu'il était par les sciences et la médecine, il avait tendance à rapidement s'enflammer lorsqu'il expliquait une pathologie. S'il s'était appliqué à n'utiliser que des termes simples et à vulgariser la chose au point qu'il avait l'impression de ne dire que la moitié de la vérité, il espérait tout de même que Marius ne lui demanderait pas de tout répéter...

Il avait tout expliqué, tout déblayé... Il restait à promettre à Marius qu'il n'en parlerait à personne. Et ça, c'était autre chose. Un nouveau mensonge qu'il allait devoir inventé pour Victoire, comme si l'idée ne lui donnait pas suffisamment envie de vomir... Il poussa un léger soupir et se décida enfin à répondre.

- Tu sais que ça ne m'enchante pas de faire ça... Mais je préfère mentir à ta mère que te laisser ou laisser ton enfant mourir. Tu ne peux pas me demander de me désintéresser de ton cas, Marius. Tu ne peux pas me demander d'être aussi indifférent, j'en suis incapable. Je te mentirais et je me mentirais à moi-même si je tentais de passer outre. Je ne te comprends pas... Pourquoi accordes-tu si peu d'intérêt à ta vie ? Pourquoi la mets-tu sans cesse à l'épreuve pour voir où son tes limites ? C'est ta façon de te prouver que tu es vivant ? Ou au contraire de prouver à ceux qui t'entourent que ta vie n'a pas d'importance ? C'est plus grave qu'une malformation, Marius. Tu te refuses le droit de vivre correctement par... Je ne sais pas... Je ne sais même pas ce qui t'empêche de laisser la médecine faire ce qui est bon pour toi. Explique-moi, Marius... Dis-moi pourquoi tu fais ça... Pourquoi tu te comportes si bien avec ton enfant quand tu maltraites autant ton existence ?

Il venait de reconnaître que Marius s'occupait bien de Samuel ? Oups... La chose lui avait échappé... Mais ce qui était dit était dit. Plus que jamais, Hippolyte se trouvait dépourvu face à Marius. Il était tel un joueur de poker possédant la meilleur main qui soi... Mais qui préférait se coucher plutôt que d'abattre une combinaison redoutable et remporter ainsi la partie.




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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeDim 10 Jan 2016 - 15:02

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



L’une des règles d’or de survie en terrain hostile, ou face à mon père mais ça revient à peu près à la même chose, c’est de ne jamais se croire, se penser, se prétendre ou même s’imaginer plus intelligent que lui. Jamais. Oh, ne vous en faites pas, moi je l’ai très vite compris. Dès que j’ai aussi compris que je n’avais pas envie de travailler à l’école, que envoyer des boulettes de papier mâché était plus intéressant qu’ânonner bêtement mes tables de multiplication et que la carrière de faiseur de pizza que je briguais déjà à l’époque ne convenait pas à mon père, j’ai rapidement laissé tombé toute prétention. Et donc… je crois que depuis cette époque, je n’ai jamais été naturellement sérieux face à lui.

Et si d’ordinaire, être obligé de réfléchir et de ne pas dire de connerie m’insupporte, surtout en présence de personnes extérieures, là… je n’y pense pas. Non, pire : je n’y pense plus. J’en oublierai presque que c’est mon père en face tant le sujet est d’importance. On ne parle pas de moi, on ne parle pas de mon père, on ne parle pas de cette colère latente entre nous deux et de ces années de conflits, on ne parle, au final, que de mon enfant à naître. Je lui parle de ça, du moins, parce que s’il percute rapidement le principal, à savoir que malgré tous nos différents, je vais lui filer mon dossier médical, je vais lui filer ce que je cache à tout mon entourage depuis six ans et plus encore ce que je cache à mon jumeau, si mon père est à la hauteur de sa réputation du côté de la déduction… il l’est aussi du côté de la connerie. Je n’en parlerai pas à ton frère. Je sursaute, autant de surprise que de colère. Il se fout de ma gueule, le contraire n’est pas possible. Déjà qu’il va profiter de ma vulnérabilité pour grappiller ce qu’il peut, mais il se permet de remettre ça sur le tapis en plus de me faire du chantage. Parce que oui, pour moi, c’est clairement du chantage. Et si j’en ai l’habitude avec lui… ma colère n’est bridée que par ma volonté et de ne pas réveiller Sam, et de ne pas le faire fuir avant de lui avoir arraché une promesse. - J'ai vraiment l'air de plaisanter... ? Sa voix sèche donne le ton, la mienne répond dans l’immédiat. « Avec toi, on sait jamais, tu es un tel plaisantin quand tu t’y mets… » Il n’y a aucune chaleur dans ma voix, je bâillonne la petite voix qui me souffle que je viens de parler comme il le fait si souvent. Sans ton, juste un sarcasme filant entre mes lèvres, guidé par la colère contenue de celui qui ne veut pas exploser. Pas pour le moment du moins. Aujourd’hui, je n’ai pas le droit d’être Marius, aujourd’hui je n’ai pas le droit d’être celui qui hurle, qui tempête, qui proteste, qui ne raconte que des conneries et qui se fait passer pour plus con qu’il ne l’est.

Pour Samuel autant que pour son petit frère, ou sa petite sœur, il faut que je sois le Marius que je déteste, celui qui ressemble à son père et fait encore plus ressortir leurs dissemblances. Celui qui ne plaisante pas, celui qui est sérieux, mature, responsable et désespérément pessimiste. Je prends sur moi, fais glisser sur l’écran de mon portable mon dossier médical intégralement numérisé des jours plus tôt. Je le tends à mon père et par réflexe, pas de survie cette fois-ci, plutôt tout le contraire, je le fixe dans l’espoir de guetter la moindre réaction. Ce sont ses yeux, et la vitesse à laquelle ils se déplacent sur l’écran, qui imposent sur mes nerfs une tension croissante. Je parle par principe, pour ne pas laisser de place à un silence angoissant. Mon dossier complet. La mauvaise nouvelle concernant mon gosse. Mes débuts de recherche, au détour d’une insomnie ou d’une grasse mat’ avortée vers six heures du matin. Il n’y a d’ordinaire que dans deux domaines, et encore, que je peux mobiliser ma concentration suffisamment pour être redoutable : le sport et les mathématiques. Notre enfant, à Astrid et à moi, a réussi l’exploit de s’emparer de ce trophée. Je n’arrive pas à comprendre s’il a la même chose que moi. Je me suis renseigné sur le sujet… mais pas assez. Ses sourcils se froncent, je me doute qu’il arrive à la liste, la longue liste, des interdictions. Beaucoup de médicaments bien sûr mais aussi, et surtout, beaucoup d’interdictions que je ne respecte pas, loin de là. - Dis-moi... Que je me fasse une idée de la gravité de la chose. Tu respectes ces interdictions ? Ou bien tu passes outre ? Je ne prends même pas la peine de répondre, mon regard est éloquent comme ce petit sourire qui suinte au bout de mes lèvres, celui qui me fait mentir lorsque je dis qu’aujourd’hui, je ne suis pas le Marius habituel. Il n’est jamais bien loin de toute manière… Je soupire alors que mon père décide de passer à autre chose.

A autre chose de bien plus intéressant. Mon gosse. Mes questions. Ses doigts pointent une photo de mon cœur, de celui de l’enfant, je me mords la lèvre. - Il n'a pas la même chose que toi, non... Regarde ici, Sans m’en rendre immédiatement compte, je m’avance un peu. J’écoute. Immobile. Immensément sérieux. J’écoute ce qu’il me dit, j’enregistre sans m’en rendre compte là encore le moindre de ses mots. Les termes trop techniques, il les évite, les autres, je les comprends. Les yeux rivés sur mon père, je m’efforce d’assimiler le maximum, conscient qu’il ne répètera pas. Lorsqu’on est face à mon père, il faut soit jouer au con, soit assumer qu’on est con. Il en vient sans le savoir, j’imagine, à l’une mes interrogations de ces dernières semaines. Mon état s’aggrave, il faudrait être stupide, plus stupide encore que stupide, pour ne pas s’en rendre compte. Tu as été malade ces derniers temps ? Ou tu as eu un accident qui aurait pu favoriser tout ça ? Un frisson dégringole ma colonne vertébrale. Papa et Maman sont des Hunters. La voix de mon frère résonne et résonne encore à mes oreilles, même des semaines après. Si je refuse d’assimiler ce qu’il m’a dit, c’est là et ça reste là. Tu as été malade ces derniers temps. Je le fixe calmement. Tu seras surpris, Papa, de voir à quel point le Marius que tu as en face de toi est odieux, autant dans ses mensonges que dans ses terreurs. Je refuse de lui concéder une phrase, une vérité, le moindre indice qui pourrait le pousser à suspecter quoique ce soit. Il ne faut jamais sous-estimer Hippolyte Caesar, jamais. « Non. Pas depuis mon accident de moto. » Mais bien sûr. Ma voix est égale, presque naturelle. Au fond… je meurs de trouille, je bouillonne d’énergie, je suis un feu follet qu’on contraint à l’immobilité létale. Je veux hurler, je veux partir, je veux bouger, je veux le secouer. J’ai bien compris que mon cœur était en train de mourir à petit feu, je me doute bien, même que si la valve se ferme un jour totalement… je comprends tout ça mais ce que je veux savoir, c’est ce qu’a mon enfant, pas ce que j’ai moi. « Mais on s’en fiche de moi, je t’ai dit. Si on n’a pas la même chose, lui et moi, qu’est ce qu’a Globule ? » Parce que oui, mon gosse, il ou elle aura forcément un nom avant la naissance, comme Samuel qui s’appelait Crevette. Dans tous les cas… je croise les doigts pour que mon père comprenne le message et se concentre sur l’important.

- Tu ne veux peut-être pas que je t'aide, mais sache que ça s'opère. Ce genre de malformation se soigne bien, aujourd'hui... Il suffirait que tu consentes à une subir une intervention pour rétablir le bon fonctionnement de ton cœur. C'est une opération assez lourde, et tu ne pourrais certainement pas te dépenser comme tu le fais pendant plusieurs mois. Seulement, songe à l'après : Quelques mois de convalescence pour des années à ne plus avoir à te soucier de cette histoire après... Je serre les dents. Vraiment. Et entre mes dents serrées, malgré ma mâchoire crispée, ma voix se fait menaçante, insistante, plus froide encore d’une colère difficilement contenue. « On. S’en. Fout. De. Moi. Qu’est-ce qu’a exactement mon deuxième enfant ? » J’articule tous les mots, je n’en oublie pas un, histoire que ça s’imprime dans son crâne. Il est hors de question qu’on change de sujet, il est encore plus hors de question qu’on s’imagine une seule seconde que je me fasse opérer. Je hais les hôpitaux, vraiment. Je les hais, je les déteste, je les crains et je les fuis. Je hais l’idée même qu’on m’endorme, qu’on me découpe, qu’on joue avec mes organes et plus encore avec mon cœur, je crains l’immobilisation, j’angoisse à la seule mention de convalescence et je ne parle même pas de l’expression opération lourde. Un frisson d’angoisse, un frisson de terreur, une volonté farouche et une concentration extrême, il me faut bien tout ça pour garder le silence et mon calme après ça, il me faut bien tout ça pour patienter ces quelques secondes qui me paraissent être une éternité, ces quelques secondes que mon père met à me décrocher des mots intéressants et pertinents. - Le petit n'a pas la même chose. C'est d'ailleurs étonnant qu'il ait une malformation différente... Les cardiopathies ne sont pas si héréditaires et... Sa mère est-elle sujette à des problèmes de santé ? Est ce qu'il lui arrive de boire plus que de raison ? Ce genre de problème peut-être causé par une trop grande consommation d'alcool pendant la grossesse... Regarde... Je me penche par réflexe pour voir ce qu’il me montre. Ce n'est pas très visible ici, mais on voit un petit trou entre les deux ventricules de son cœur. Ce qui veut dire que le sang oxygéné et le sang chargé en dioxyde de carbone communiquent alors qu'ils ne devraient pas... Son cœur bat trop vite, j'imagine ? Il est obligé de travailler deux fois plus pour envoyer la même dose d'oxygène à l'organisme... C'est un organe intelligent, le cœur, totalement indépendant du cerveau, seulement il a rarement conscience de ses limites. Là aussi, si ça peut te rassurer, c'est opérable. On peut tout à fait vivre correctement après une opération de ce genre. Seulement, on ne peut rien faire tant qu'il est dans le ventre de sa mère, il faut espérer qu'il n'y aura pas de complications jusqu'à l'accouchement... Tu me suis, jusque là ?

Tu me suis jusque là ? Non, je ne suis absolument pas, c’est pour ça que je te regarde avec des yeux de merlan frit et la bave aux lèvres, comme un bel imbécile. Je ne décroche pas un mot, je fixe mon père l’air de dire tu me prends pour une bille juste avant de me rendre compte que… oui, il doit certainement me prendre pour une bille. Et que je n’ai jamais rien fait pour lui prouver le contraire, merci Merlin. « Oui, son cœur bat trop vite, c’est même ça qui m’a fait pensé que c’était comme moi, parce qu’en général, mes crises démarrent par mon cœur qui fait le con. » Je me mords la lèvre. « Si je comprends bien, pour éviter l’hypoxie, le cœur accélère le rythme histoire de compenser et de fournir aux cellules le taux nécessaire d’oxygène pour que tout fonctionne. Mais du coup, le gosse risque pas d’avoir des problèmes aux niveaux des doigts et des pieds s’il manque d’oxygène dès sa croissance ? C’est de ce genre de complication que tu crains à la naissance ? Il risque d’y avoir des conséquences au niveau du développement neuronal aussi ? » Je n’ai pas vraiment besoin de réfléchir pour laisser mon cerveau filer de conclusions en déduction, d’hypothèses en raisonnement logique tout droit hérité de mon amour pour les mathématiques. Je n’ai pas vraiment besoin de me forcer pour poser les questions qui me semblent pertinentes. Pire encore : je ne me force pas non plus pour poser des questions qui prouveraient ma conneries, je n’y pense même pas. J’essaye juste… de comprendre. « Astrid ne boit pas… enfin… » Je lui dis maintenant qu’on était à moitié éméché le soir où on a conçu la petite chose ? « non, elle ne boit pas, elle est pas con à ce point. Et elle sait pour mon cœur, donc j’imagine que si elle avait des antécédents familiaux, elle me l’aurait dit, elle sait que je n’plaisante pas là-dessus. » J’hausse les épaules comme je peux, avec Samuel endormi ce n’est pas le plus simple, avant de m’adosser à nouveau à la banquette et de lever les yeux vers le plafond d’hôpital qui me fout les jetons. L’opérer. « On ne l’opérera pas tout de suite j’imagine, mais… tu peux m’assurer qu’il vivra normalement ? » Ma plus grande crainte. Ma plus grande angoisse : voir mon enfant perclus d’interdit avant même de savoir marcher, le voir être enfermé dans des murs avant même d’exister.

Je soupire, mes pensées naviguant dans tout ce qu’il vient de me dire, mes angoisses tournées autant vers mon fils que vers Globule, autant vers ces opérations qui planent sur nous que ce dossier médical que mon père tient entre ses doigts par l’intermédiaire de mon portable et qu’il aura réellement en sa possession dans quelques jours si ce n’est quelques heures. Je veux ta promesse que personne d’autre ne le lira. C’est ma condition, c’est la promesse que je veux lui arracher, ce soupçon de promesse qui, d’ailleurs, prouve que malgré tout ce que je peux dire, hurler, crier, clamer, je ne demande au fond qu’à lui faire confiance, même un peu. N’en parle à personne. Ne le montre à personne. A défaut de me respecter, respecte mon choix. Le soupir de mon père sonne comme un sarcasme et une moquerie à mes nerfs à fleur de peau. Sa réponse, elle… - Tu sais que ça ne m'enchante pas de faire ça... Mais je préfère mentir à ta mère que te laisser ou laisser ton enfant mourir. Tu ne peux pas me demander de me désintéresser de ton cas, Marius. C’est à mon tour de soupir et de serrer les dents. Mais qu’il me lâche, bordel, qu’il me lâche. Pendant vingt six ans il n’en a rien eu à faire de moi, pourquoi est ce qu’il se décide trop tard de faire un peu attention à moi, hein ? Je me passe une main sur le visage. Tu ne peux pas me demander d'être aussi indifférent, j'en suis incapable. Je te mentirais et je me mentirais à moi-même si je tentais de passer outre. Je ne te comprends pas... Pourquoi accordes-tu si peu d'intérêt à ta vie ? Pourquoi la mets-tu sans cesse à l'épreuve pour voir où sont tes limites ? C'est ta façon de te prouver que tu es vivant ? Ou au contraire de prouver à ceux qui t'entourent que ta vie n'a pas d'importance ? C'est plus grave qu'une malformation, Marius. Tu te refuses le droit de vivre correctement par... Je ne sais pas... Je ne sais même pas ce qui t'empêche de laisser la médecine faire ce qui est bon pour toi. Explique-moi, Marius... Dis-moi pourquoi tu fais ça... Pourquoi tu te comportes si bien avec ton enfant quand tu maltraites autant ton existence ? Ma main reste sur mon visage, plus dans une tétanie subite que par volonté de me cacher. Je ne sais pas ce qui me perturbe le plus : qu’il me fasse l’ombre d’un compliment ou qu’il me pose des questions auxquelles je ne peux pas répondre.

En général, je déteste le silence, je déteste les mutismes de mon père, ces longues secondes qu’il laisse traîner avant de me répondre. En général, j’exècre l’absence de bruit, l’absence de répondre, cette angoisse qui monte, ce stress qui prend ses aises pendant que mon père s’amuse à me laisser mariner. Là… c’est moi qui me tais. C’est moi qui écoute les battements de mon cœur pulser à mes oreilles comme le tic-tac d’un compte à rebours lancé il y a six ans maintenant. Je compte jusqu’à soixante avant de me décider à tenter de répondre. Pourquoi est ce que j’accorde si peu d’intérêt à ma vie ? « Parce qu’elle n’a aucun intérêt. » J’articule lentement, priant intérieurement Skippy le grand Gourou pour qu’il ne m’interrompe pas. « Globule, il a une mère extraordinaire, qui l’aimera, et il m’aura moi, qui l’aimera aussi. » Je me lève, avec la ferme intention de me barrer parce que je ne peux pas supporter la présence de mon père dans la même pièce que ça. « Je ne suis rien, Papa. Rien qui ne vaille la peine de se battre. Le seul domaine dans lequel j’aurai pu être quelqu’un, il m’est inaccessible. C’est toi qui me l’as dit le premier d’ailleurs. Et n’essaye même pas de tenter de me convaincre du contraire, Papa, j’en ai rien à faire. » Je ne sais pas si c’est de porter Samuel ou cette atmosphère étrange dans laquelle on baigne tous les trois, mais ma voix est à l’extrême opposé de sa vitalité habituelle lorsque je termine. « Ca fait six ans que je sais que je vais mourir plus tôt que la normale. Au début, ça m’a fait flipper, maintenant… je me suis fait à l’idée. C’pas que je flippe plus, c’est que je l’ai accepté, alors… il est hors de question que je m’interdise de vivre pleinement les années qu’il me reste. Même si ça doit me tuer. La différence avec lui, Je désigne Samuel du menton « et son petit frère ou sa petite sœur ? C’est qu’ils vont devenir des personnes exceptionnelles et que je ne veux pas qu’on leur en enlève la possibilité à cause d’un patrimoine génétique de merde ou d’une connerie dans le genre. » Je pose la main sur la poignée, très calmement. « Maintenant si tu veux bien, puisque tu es d’accord pour continuer à te renseigner sur les meilleurs moyens pour sauver la vie de ton petit fils ou de ta petite fille, merci d’ailleurs, je vais continuer à aller foutre ma vie en l’air. » Je suis fatigué. Autant de devoir justifier mon inconséquence et mon immaturité que de devoir réfléchir à ce propos. J’aimerais que la vie se résume à bouffer des papillons et péter des confettis, bordel, on se prendrait moins la tête qu’avec des histoires de pathologie cardiaque, de mutation, de Hunters et d’autres merdes dans le genre.

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Hippolyte Caesar
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeDim 10 Jan 2016 - 15:28

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



Hippolyte Caesar n'était certes pas le genre d'homme à se mettre facilement en colère, du moins pas ouvertement, mais il était têtu. Borné, catégorique, et quand il avait une idée en tête, il n'en démordait pas jusqu'à parvenir à ses fin. La plupart du temps, il gagnait. Surtout dans son métier. Il était suffisamment autoritaire, charismatique et menaçant pour gagner, et pouvait se targuer d'avoir si mener son entreprise d'une main de fer en partie grâce à cela. Et puis parfois, il se heurtait à des obstacle, des résistances... Comme une écharde douloureuse qui serait venu se ficher dans sa paume sans qu'il puisse l'en arracher. Souvent, il balayait l'obstacle comme un fétu de paille, mais il arrivait aussi que l'élément perturbateur lui résiste, lui tienne tête...

Il n'en était pas de plus tenace que Marius. Car s'ils refusaient tous les deux de l'admettre, et ce catégoriquement, les deux Caesar se ressemblaient. Beaucoup. Dans leurs regards de défi, dans leur droiture, leurs convictions, et cette façon qu'ils avaient de ne jamais courber l'échine devant qui que ce soit. Marius était le gamin le plus têtu qu'Hippolyte ait jamais eu à côtoyer, et désespérait de lui faire entendre raison un jour. Son fils avait décrété qu'il ne voulait pas que l'on s'occupe de son cas, et le père pouvait être certain que quoi qu'il dise, Marius ferait la sourde oreille. Très bien. S'il refusait de l'écouter, alors Hippolyte continuerait à remuer le couteau dans la plaie, à lui asséner la même rengaine, encore et encore, jusque Marius finisse par en avoir marre. Et s'il y avait bien une chose qui les différenciait, c'était bien ça : Hippolyte était d'une patience redoutable, là où son fils ne supportait pas d'attendre. C'était finalement à celui qui se fatiguerait le premier. A ce petit jeu, Hippolyte était très doué et avait affûté son talent sur des gens autrement plus impressionnants que Marius. C'était un fait, il n'excellait que dans deux aspects positifs de sa vie : Son métier, et la chasse aux transmutants. Autrement dit, deux devoirs, deux choses sérieuses à des années lumière de la complexité des relations sociales. Car dans ce domaine, il méritait un zéro pointé. Plutôt que de tenter de rassurer Marius d'un ton affectueux, plutôt de l'écouter, de le laisser argumenter, il le traitait comme un enfant. Car aux yeux d'Hippolyte, son fils était encore un gamin, perdu, pataud, qui avait besoin d'être guidé pour ne pas se casser la figure. Il avait passé tant d'années à se battre avec Marius, avait été si souvent absent à cause de son travail que finalement, il n'avait pas vu ses enfants grandir. Il n'avait pas pris le temps de savourer chaque étape de leur évolution et de leur croissance, se contentant d'avaler goulûment les années sans un regard en arrière. Il venait finalement d'être rattrapé par ses propres erreurs et, à l'instant même où ses yeux s'étaient posés sur Samuel, il avait ressentit deux choses contradictoires : L'allégresse, la joie d'être grand père, de voir ce petit être s'agiter dans les bras de son père comme un ange tombé du ciel... Et la lassitude, la fatigue, le poids des années qui s'était brutalement effondré sur ses épaules.

« On s'en fout de moi »... Quelques mots prononcés d'une voix glaciale, mécanique, si semblable à la sienne... Hippolyte arqua un sourcil, stupéfait. Il avait l'impression de voir son propre reflet dans une glace, avec trente ans de moins. Il ne pouvait nier que lui aussi aurait fait passer la vie de ses enfants avant la sienne, parce qu'ils étaient plus importants, plus précieux que n'importe qui d'autre à ses yeux. Marius avait la même attitude que lui et pourtant, il ne pouvait la tolérer. Hippolyte ne pouvait accepter que son fils se fiche royalement de mourir, pas plus qu'il ne pouvait accepter l'idée qu'un sportif de haut niveau, avec une hygiène de vie « presque » irréprochable puisse mourir d'un arrêt cardiaque, quand lui-même avait une santé en béton armée malgré les quantité de nicotine et de goudron qu'il ingérait chaque jours. Il y avait une ironique malheureuse dans cette histoire.

Marius lui ressemblait, et c'est probablement ce qui risquait de le tuer. Ca et leur principale différence : Si Hippolyte était prêt à donner sa vie pour sa famille, il n'en était pas pour autant suicidaire. Marius, lui, refusait de se faire soigner pour... Une raison qui échappait à son père. Il était parfaitement possible de les guérir, lui et son enfant à naître. Alors pourquoi refuser à ce point un traitement certes lourd mais nécessaire pour lui sauver la vie ? Cette question demeurait un mystère et Hippolyte la rangea soigneusement dans un coin de son esprit. Il repris son exposé, expliquant à Marius les détails de sa pathologie et les différences avec celles de son enfant. Et alors qu'il s'attendait à ce que son fils ne comprenne rien ou pas plus d'un mot sur deux... Il fut stupéfait de l'entendre répondre avec autant de pertinence et de logique. Même les termes scientifiques y étaient, chose qu'Hippolyte n'aurait jamais cru possible, venant de Marius. Malgré lui, un rictus impressionné se dessina sur son visage tandis qu'il l'écoutait parler en hochant la tête.

- C'est exactement ça. Son cœur doit compenser un déficit en oxygène en battant plus fort et plus vite, mais il ne pourra pas tenir indéfiniment comme ça. Ou alors il faudrait qu'il soit bien plus gros, et la nature n'aime pas franchement ce genre de chose. Le cœur humain est comme une grosse pile alimentée par l'oxygène, mais si on le soumet à un tel exercice sur le long terme, il va s'épuiser bien plus rapidement et... Tu connais la suite. Pour ce qui est des conséquences que tout cela pourrait avoir à la naissance, tout va dépendre de la taille de la malformation septale du petit. Si elle est de petite taille, il ne devrait pas y avoir trop de problèmes au niveau cérébral, mais il risque d'avoir quelques retards de croissance. Ne me regarde pas comme ça, ça signifie simplement qu'il sera plus petit et chétif, mais tout ça se corrigera une fois son cœur opéré. En revanche, si c'est une malformation importante... Je ne peux rien te garantir. Je ne sais pas s'il y aura des dommages cérébraux... Tout ce que je te dis ici tiens de la théorie d'observations que j'ai pu faire au cours de ma carrière, mais je ne suis pas cardiologue.

Hippolyte se tut pour laisser le temps à Marius de répondre à ses questions. Il fronça les sourcils faces aux réponses relativement vagues de son fils. La mère de son enfant buvait, oui ou non ? Il se pinça l'arrête du nez lorsque Marius lui posa cette question qui semblait tant lui tenir à cœur. L'enfant vivrait-il normalement ? Bonne question...

- Je ne vais pas te mentir, Marius. Je ne peux rien t'assurer car encore une fois, en théorie tout devrait bien se passer. Il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas en pratique, mais tu dois savoir plusieurs choses. En effet on ne pourra pas l'opérer à la naissance, il sera bien trop fragile et son organisme sera encore en pleine adaptation. Il est donc probable qu'au début, il doit vivre avec un appareil d'assistance respiratoire à proximité. Ensuite, il devra prendre un traitement quotidien, pour éviter tout rejet ou complication. Mais si ça peut te rassurer, ce genre de traitement s'allège avec les années. S'il est soigné par un bon cardiologue et si tu veilles à ce que son traitement soit bien suivi, ton enfant devrait avoir une vie parfaitement normale. Ce que je peux te promettre en revanche, c'est de tout faire pour que tout se passe bien.

Il aurait pu lui dire que tout irait bien, lui promettre la lune et un avenir radieux... Seulement si les choses se compliquaient, il aurait à assumer son mensonge. Et puis finalement, Marius lui demanda de lui accorder une chose : Son silence au sujet de toute cette histoire. Si Hippolyte était prêt à le lui accorder, il ne comptait pas accepter de ne pas s'occuper de son cas. Il le refusait, même. Il n'était pas un bon père, il ne l'avait même jamais été. Mais il ne serait pas le monstre qui irait enterrer son fils sans avoir tenté de le sauver. Il le laissa parler, tandis que l'effroi et la colère coulaient le long de son échine en lui arrachant d'incontrôlables frissons. Il ne voulait pas entendre ça, il ne voulait pas écouter ça, il voulait nier en bloc tout ce que Marius était en train de lui expliquer de cette voix lasse et monocorde qui ne lui ressemblait pas. Il voulait revoir ce gamin turbulent qui lui donnait du fil à retordre, il aurait préféré l'entendre hurler, jurer, le provoquer, inventer des âneries...

Car il aurait su le gérer. Il aurait su comment réagir si Marius avait été comme d'habitude. Cette fois, il était tout simplement impuissant, incapable de savoir comment bien réagir. Y avait-il seulement une bonne réaction à avoir, de toute manière ? Alors il se contenta d'écouter et de suivre Marius du regard lorsqu'il se dirigea vers la porte. Il s'apprêtait à exploser, sa colère ayant atteint un tel degré qu'il était inconcevable qu'il parvienne encore à la contenir. Seulement, lorsque Marius se retourna, les yeux de son père tombèrent sur Samuel, sur ce visage paisible d'un enfant dormant profondément. Alors, au lieu de hurler, Hippolyte resta calme, mais sa voix tremblait de fureur.

- Dis-moi, Marius... Depuis quand te préoccupes-tu de ce que je te dis ? Depuis quand mes paroles ont un tel intérêt pour toi ? Toi qui n'a jamais fais que faire le contraire de ce que je te disais, je trouve que tu accordes beaucoup de crédit à ce que je t'ai dis il y a six ans. Alors permets-moi de te dire une chose qui, j'espère, ne ressortira pas par l'autre oreille : Tu es un imbécile. Un foutu crétin. Ta vie n'a aucun intérêt ? Vas donc redire ça à Samuel dans quelques années ! Qui ira lui répondre quand il demandera pourquoi son père est mort ? Tu crois que sa mère sera ravie de lui dire « ton père est mort parce qu'il a été trop con pour se faire soigner tant qu'il en était encore temps » ? Tu crois que Samuel ne voit pas déjà en toi un héros ? Arrête de débiter des âneries de ce genre, tu veux ? Tu seras un bien meilleur père que je ne l'ai jamais été, et pour ça ta vie vaut la peine d'être vécue. Tu as la responsabilité de deux enfants, maintenant. Tu crois peut-être que la vie se résume à « être quelqu'un », laisser son emprunte ou ce genre de connerie ? Qu'est ce qu'on en a à foutre que les gens se souviennent de toi dans cinquante ans pour quelques buts marqués ? Ce qui compte c'est que tu vois tes enfants grandir, que tu vieillisses auprès de la femme que tu aimes, et je m'en contrefous que ce soit niais ! Tu ne comprends donc pas ? Pourquoi irais-je aider ton enfant quand tu refuses que j'aide le mien ?

Il n'avait pas haussé le ton un seul instant. Pas un décibel de trop, rien qu'une voix parfaitement maîtrisée mais surtout suintante de colère et de frustration. C'était sa manière à lui de montrer à lui de montrer à Marius qu'il tenait plus à lui qu'il ne voulait bien l'admettre. Hippolyte se leva alors, remis sa veste de costume en place et déposa le sachet de bonbons ainsi que la peluche sur la petite console posée à l'entrée de la pièce.

- Je vais te donner une bonne raison de me détester et de penser tout le mal que tu veux de moi, Marius. Parce que crois-moi, tu vas m'avoir sur le dos, et pour un bon bout de temps. Tu sais que j'ai raison... Ne me mens pas. Tu dis t'y être habitué, mais ose me dire en me regardant dans les yeux que tu n'es pas mort de peur à chaque nouvelle attaque de ton cœur... Ose me dire que tu n'as pas peur... Je ne te lâcherai pas avec ça, je sais que tu es suffisamment intelligent pour comprendre pourquoi. Je ne cherche pas à me racheter, mais je ne te laisserai pas mourir à petit feu.

Alors, conscient que cette discussion n'irait pas plus loin, ou plutôt ne pourrait rien engendrer d'autres que des cris et une énième dispute, Hippolyte ouvrit la porte de la salle et s'apprêtait à en sortir lorsqu'il se tourna une dernière fois vers Marius.

- Je vais contacter un cardiologue spécialisé dans le traitement des cardiopathies chez les enfants... Il exerce à Paris, mais ça ne sera pas un problème. Il me doit un service, et c'est le meilleur dans sa spécialité. Je te tiendrai au courant dès que j'aurais du nouveau. Et d'ici là, par pitié... Ne fais rien d'inconsidéré.

« Ne fais pas de cet enfant un orphelin alors qu'il n'a même pas vu le jour », se retint-il d'ajouter avant de quitter la pièce. Cette journée avait été étrange. Elle avait démarré sur une entente presque trop artificielle pour être réelle, et s'était achevée sur un énième désaccord, une autre dispute... Et ce n'était pas près de s'arranger.
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius]   Come on home and return to the canvas of life... [Hipporius] Icon_minitimeDim 17 Jan 2016 - 22:49

Come on home and return to the canvas of life...
Hippolyte & Marius



On s’en fout de moi. Je veux que mon père comprenne ça, qu’il se le mette dans le crâne et s’inspire du comportement de ma mère pour les dix prochaines minutes. On s’en fout de moi : je ne suis pas important comparé à mes enfants, je ne suis pas important tout court, d’ailleurs. On s’en fout de moi, parce qu’il est hors de question qu’on perde une seule seconde avec ma pathologie et qu’il est encore moins question que j’accepte de me faire opérer. Ce n’est même pas négociable, c’est un fait, et c’est tout. Point, fin de l’histoire, fin de la discussion. Ma voix est calme, motivée dans son contrôle par la présence de Samuel qui dort comme un bienheureux. Calme, sifflante, menaçante. Je le mets au défi de poursuivre sur cette voie, au risque de voir cette conversation être brutalement abrégée. Même si je ne compte pas partir, même si je veux savoir ce qu’aura mon enfant, si on peut le soigner et s’il vivra. J’imagine que mon père ne m’a jamais vu aussi calme, aussi discipliné dans ma nervosité, ma colère, mon inquiétude et mon impatiente. J’imagine, même, que personne ne m’a jamais vu ainsi. Même pendant les matchs de Hand, lorsque sur le terrain, je me comportais comme le leader de l’équipe avec lucidité et autorité, je n’étais pas ainsi. Je n’ai jamais été comme ça. Je n’ai jamais été père, en même temps. Mon regard est fixé sur mon père et je refuse de céder à un seul instant. Qu’il essaye de m’user, j’ai décidé de ne pas craquer. Pas aujourd’hui. On s’en fout de moi, Papa, comprends le et passons à autre chose. Je note sans m’y attarder sa réaction, à la limite de la stupéfaction. Si en temps normal, j’aurais souri, là, je reste impassible, reflet sans le savoir du comportement offert pendant toute ma vie par mon paternel. Attentif, dans une immobilité bien trop prononcée pour ne pas être porteuse de sens, je l’écoute enfin parler de mon futur enfant. J’écoute. J’absorbe. J’assimile. Je cesse de considérer ce qu’on me dit avec une désinvolture immature, pour une fois j’écoute pleinement. Pour retenir, pour apprendre. Ce n’est pas une stratégie, ce n’est pas un théorème, dans mon esprit ce n’est rien de tout ça : c’est encore plus primordial que tout le reste. Et connaissant mon père, je n’aurai pas le droit à un replay. Tu me suis jusque là ? Non, je ne souris pas, je ne lâche même pas une petite plaisanterie, je me concentre sur le sujet de la discussion sans digresser une seule seconde. Quelques phrases, quelques conclusions, des termes choisis avec soin. Ce n’est guère compliqué au final : c’est un raisonnement de ce qu’il y a de plus simple, avec des prémices, des théories et des implications. Les gens ont tendance à croire que parce que je suis stupide, je suis incapable de m’intéresser à un sujet et encore moins d’en tirer des éléments pertinents. Non. Je suis stupide, c’est un fait, mais je suis aussi capable de comprendre de quoi on me parle. Et si le rictus qui se dessine sur ses lèvres s’apparente à une moue impressionnée, je décide inconsciemment de ne pas en tenir compte. Il n’y a rien d’impressionnants, il n’y a qu’un profond intérêt pour le sujet. Finalement, mon père hoche la tête, répondant au moins à l’une de mes questions implicites : ce que j’ai dit est pertinent. Je fronce les sourcils. Pour ce qui est des conséquences, tout va dépendre de la taille de la malformation septale. Je me mords la lèvre. Ce n’est pas que le sujet est compliqué, c’est qu’il y a tellement de variables que je n’arrive pas à avoir les idées claires sur la gravité de la chose. Si elle est de petite taille, il ne devrait pas y avoir trop de problèmes au niveau cérébral, mais il risque d'avoir quelques retards de croissance. Ne me regarde pas comme ça, ça signifie simplement qu'il sera plus petit et chétif, mais tout ça se corrigera une fois son cœur opéré. En revanche, si c'est une malformation importante... Je ne peux rien te garantir. Je ne sais pas s'il y aura des dommages cérébraux... Tout ce que je te dis ici tiens de la théorie d'observations que j'ai pu faire au cours de ma carrière, mais je ne suis pas cardiologue. Je ne suis pas cardiologue. Je sais Papa, je sais. Mais malgré tout ce que je peux hurler, tu es mon super-héros, tu le sais ? Tu es celui qui a toujours réponse à tout, tu es celui qui sait tout, tu es celui qui maîtrise tout, tu es l’invulnérable. Tu n’es pas cardiologue, Papa, mais tu es mon père. Et je sais que la plus petite de tes hypothèses serait aussi véridique que la plus certaine des théories. Je me mords la lèvre une nouvelle fois, assimilant l’ensemble et me demandant déjà comment je vais pouvoir m’y prendre pour expliquer le tout à Astrid, plus tard. Astrid, justement, qui arrive dans la conversation. Si elle boit ? Si elle est malade ? Je secoue la tête. Non et non… enfin, il me semble. En repositionnant Samuel, j’imagine son petit frère ou sa petite sœur, dans quelques mois. Et l’angoisse revient, plus présente encore lorsque j’imagine des médecins malmener son petit corps, l’ouvrir, le… l’opérer. Ce simple mot me terrifie. Vraiment. - Je ne vais pas te mentir, Marius. » Ca me changera. « Je ne peux rien t'assurer car encore une fois, en théorie tout devrait bien se passer. Il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas en pratique, mais tu dois savoir plusieurs choses. En effet on ne pourra pas l'opérer à la naissance, il sera bien trop fragile et son organisme sera encore en pleine adaptation. Il est donc probable qu'au début, il doit vivre avec un appareil d'assistance respiratoire à proximité. Ensuite, il devra prendre un traitement quotidien, pour éviter tout rejet ou complication. Mais si ça peut te rassurer, ce genre de traitement s'allège avec les années. S'il est soigné par un bon cardiologue et si tu veilles à ce que son traitement soit bien suivi, ton enfant devrait avoir une vie parfaitement normale. Ce que je peux te promettre en revanche, c'est de tout faire pour que tout se passe bien. Si tu veilles à ce que son traitement soit bien suivi… Cette phrase m’arrache un petit sourire. Je m’imagine avec mon gosse, dans quelques années. Allez, Globule, viens prendre tes médicaments, ceux-là même que je refuse de prendre parce que ça me gonfle d’être enchaîné à une boite de comprimés qui font gagner de l’argent à mon père à chaque achat. Un nouveau frisson me prend lorsque je me rends compte que je ne serai peut être pas là pour lui dire ça. Vie de merde, quand on y pense. Et stupidité de merde. Si ça peut te rassurer… Ca ne me rassure qu’à moitié, Papa, parce que ça m’oblige à mettre le nez sur mon propre cas. Je me passe une main sur le visage, je soupire. « Tu as une idée de l’âge à partir duquel on pourrait l’opérer ? J’imagine que ce ne sera pas avant quatre ou cinq ans, non ? » Ma question, même si la réponse m’intéresse pour ce qu’elle est, attend avec anxiété le verdict. Si je considère depuis longtemps la perspective d’une mort prématuré avec angoisse mais résignation, je commence à me rendre compte d’une chose : les chances pour que je ne voie pas grandir tant que ça mes enfants sont élevées.

Très élevées. Et j’ai vingt-sept ans. La trentaine me semble loin, putain, tellement loin. Trois ans ça me semble long, extrêmement long, et pourtant, mis en perspective avec l’âge qu’auront mes enfants… ce n’est rien. Strictement rien. Dans trois ans, Samuel babillera, entrera à la maternelle. Et ce sera tout. Mon deuxième ne sera certainement pas déjà opéré. Et moi… j’arrache à mon père la promesse qu’il n’en parlera à personne. Je la lui arrache, avec toute la volonté que je peux avoir. C’est déjà pénible de partager ce secret avec Astrid et mon père, je ne veux pas que d’autres soient au courant. Encore moins mon frère. Encore moins celui à qui, j’imagine, je manquerai le plus. Je crois. Je ne veux pas qu’il se sente oppressé dans les années à venir, je veux encore moins qu’il entre dans la balance dans ce choix que je fais de refuser l’opération.

Parce que je sais que si Martial me le demande, alors j’accepterai. Ou je me fâcherai avec lui. L’un comme l’autre… je regretterai et ça, je ne veux pas. Pourquoi est ce que j’accord aussi peu d’intérêt à ma vie ? Parce que ma vie n’a aucun intérêt. Je suis calme, lorsque je me lève, incapable de rester plus longtemps en présence de mon père. Heureusement qu’il y a Samuel dans mes bras. Ma vie n’a aucun intérêt, c’est toi qui me l’as dit, Papa. Je n’ai aucun intérêt, je ne suis qu’un parasite, un raté, un minable, un imbécile, un ingrat, un insecte sous ta chaussure, une punaise désagréable dont tu n’arrives pas à te débarrasser. Tu vois, Papa, j’ai bien retenu. Tu sais, Papa, même si j’ai toujours su qu’un père n’avait pas à se comporter comme ça avec son fils, j’ai toujours su aussi que tu étais un héros autant qu’un connard, et que moi j’étais juste le vilain petit canard de la famille. J’ai la main sur la poignée, presque sidéré par ma voix calme et monocorde. Inhabituellement posée. Je vais continuer à aller foutre ma vie en l’air. En une phrase, tout est dit. Je n’arrive même pas à savoir si je me parle à moi-même ou si je m’adresse à mon père, pour le coup.

Et lorsque je croise le regard de mon père, je me rends compte d’une chose assez étrange. Je suis calme. Résigné. Posé. L’attitude de mon père en temps normal, ou peu s’en faut. Et lui… sa colère est si tangible qu’elle trouble un instant mes traits et que je resserre ma prise sur Samuel, instinctivement, comme pour le protéger de ce qui va venir. Les colères de mon père… je dois être celui qui les connait le mieux. Mais non, lorsqu’il parle, sa voix vibre de fureur mais reste contrôlée, dans une maîtrise qui me ferait pâlir de terreur si j’avais dix ans de moi. Au lieu de ça… je fais un pas en arrière. - Dis-moi, Marius... Depuis quand te préoccupes-tu de ce que je te dis ? Depuis quand mes paroles ont un tel intérêt pour toi ? Toi qui n'a jamais fais que faire le contraire de ce que je te disais, je trouve que tu accordes beaucoup de crédit à ce que je t'ai dis il y a six ans. Alors permets-moi de te dire une chose qui, j'espère, ne ressortira pas par l'autre oreille : Tu es un imbécile. Un foutu crétin. Ta vie n'a aucun intérêt ? Vas donc redire ça à Samuel dans quelques années ! Qui ira lui répondre quand il demandera pourquoi son père est mort ? Tu crois que sa mère sera ravie de lui dire « ton père est mort parce qu'il a été trop con pour se faire soigner tant qu'il en était encore temps » ? Tu crois que Samuel ne voit pas déjà en toi un héros ? Arrête de débiter des âneries de ce genre, tu veux ? Tu seras un bien meilleur père que je ne l'ai jamais été, et pour ça ta vie vaut la peine d'être vécue. Tu as la responsabilité de deux enfants, maintenant. Tu crois peut-être que la vie se résume à « être quelqu'un », laisser son empreinte ou ce genre de connerie ? Qu'est ce qu'on en a à foutre que les gens se souviennent de toi dans cinquante ans pour quelques buts marqués ? Ce qui compte c'est que tu voies tes enfants grandir, que tu vieillisses auprès de la femme que tu aimes, et je m'en contrefous que ce soit niais ! Tu ne comprends donc pas ? Pourquoi irais-je aider ton enfant quand tu refuses que j'aide le mien ? J’encaisse l’ensemble, certes, mais j’encaisse mal. Parce que… il y a trop de choses. Beaucoup trop de choses. Et je retiens tout, forcément et pas seulement ce que j’accepte d’entendre. Ce qui compte c’est que tu voies tes enfants grandir. Je lutte. Vraiment. Je lutte pour ne pas céder, je me mords la joue, je me mords la lèvre. Il a beau garder sa voix sous son contrôle… Je l’entends hurler. Vraiment. Et ses hurlements me vrillent les tympans. J’ai du mal à respirer. Trop de choses. Trop de choses justes, trop de phrases qui auraient du rester non-dits pour me simplifier la vie. Tu seras un bien meilleur père que je ne l’aie jamais été. Il se lève, je ferme les yeux, sentant l’amertume de mon sang saturer mes papilles, ma joue trop malmenée pour me contenir. La colère de mon père, en général, n’éveille en moi qu’une colère mêlée de terreur. Là… Si je ferme les yeux, c’est parce que je pleure. Parce que je commence à me rendre compte d’une chose, à vraiment me rendre compte d’une chose : je vais mourir. A plus ou moins long terme. Je ne vais pas voir mes enfants grandir. Je ne serais pas un meilleur père que mon propre père parce que je serai absent. - Je vais te donner une bonne raison de me détester et de penser tout le mal que tu veux de moi, Marius. Parce que crois-moi, tu vas m'avoir sur le dos, et pour un bon bout de temps. Tu sais que j'ai raison... Ne me mens pas. Tu dis t'y être habitué, mais ose me dire en me regardant dans les yeux que tu n'es pas mort de peur à chaque nouvelle attaque de ton cœur... Ose me dire que tu n'as pas peur... Je ne te lâcherai pas avec ça, je sais que tu es suffisamment intelligent pour comprendre pourquoi. Je ne cherche pas à me racheter, mais je ne te laisserai pas mourir à petit feu. » Je détourne une nouvelle fois le regard, je me concentre sur Samuel, laisse ma respiration devenir chaotique, même si elle reste sous contrôle. Non, je ne suis pas en train de faire une crise. Je suis juste en train de me rendre compte que je vais merder. Encore. De la façon la plus cruelle qu’il soit parce que je ne pourrai pas me rattraper. Et mon père continue. Encore. Ose me dire que tu n’as pas peur. Ce n’est pas que je n’ai pas peur, Papa, c’est juste que je pensais m’y être résigné. Et tu viens de me rappeler dans tes cris contenus qu’en fait… Je ne veux pas mourir. Une larme fuit mes pupilles, se réfugie dans ma nuque, glisse sous mon menton, chatouille mon omoplate. La deuxième a moins de chance, elle se heurte à ma barbe. Je vais contacter un cardiologue spécialisé dans le traitement des cardiopathies chez les enfants... Il exerce à Paris, mais ça ne sera pas un problème. Il me doit un service, et c'est le meilleur dans sa spécialité. Je te tiendrai au courant dès que j'aurais du nouveau. Et d'ici là, par pitié... Ne fais rien d'inconsidéré. Ne fais rien d’inconsidéré. Je lui tourne le dos. Volontairement. J’essaye de contrôler mes larmes. De contrôler mes sanglots. De contrôler ma voix. « D’accord. Je t’envoie mon dossier dès que je rentre chez moi alors. Envoie-moi le nom du cardiologue alors. Ferme la porte, j’vais rester un peu avec Sammy si tu t’en vas. » Si je ne suis pas très satisfait du résultat, j’ai au moins la satisfaction de ne pas entendre ma voix se briser. Je serre Samuel tout contre moi, le réveillant malgré moi. Je l’enlace, cale sa petite tête dans ma nuque. Casse toi, Papa, pitié casse toi. Je ne veux pas que tu me voies comme ça. Les jambes flageolantes, je me laisse tomber sur un siège qui tourne toujours le dos à la porte. Putain, j’ai l’air con à pleurer comme un crétin, à sangloter avec mon fils dans les bras qui ne comprend plus rien à la vie.

J’suis désolé Sam. Mais Papa va mourir parce que Papa refuse d’être opéré, parce que Papa ne sait pas quoi faire, parce que Papa a peur et surtout parce que Papa est débile. Je me mords la main pour contenir mes larmes, sans succès autre que marquer mon épiderme. Papa je te déteste. Pourquoi t’as fait ça, hein ? Ca m’allait, de mourir d’un arrête cardiaque, ça m’allait parce que je savais qu’Astrid et Crescentia seraient là pour Sam. Ca m’allait parce que je ne me rendais pas compte que je voulais, moi aussi, voir mes enfants grandir. Je te déteste Papa parce que tu m’obliges à faire un choix entre une opération qui me terrifie et une angoisse permanente.

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