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 in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)

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MessageSujet: in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)   in every lost soul the bones of a miracle. (hyde) Icon_minitimeVen 6 Nov 2015 - 5:11


we are one of a kind, irreplaceable
no we can't be defeated



Elle était sortie de derrière son comptoir il y avait quelques minutes déjà. Ses yeux se perdaient avec les couleurs qui miroitaient sur les bouteilles d’alcool, sagement alignées sur les étagères. Elle sirotait son cocktail de la soirée, sans trop prêter attention à ce qui l’entourait, à la musique trop tapageuse à son goût ou aux courbes sensuelles des danseuses qui lui apparaissaient dans le miroir non loin. Tout ça, elle s’en foutait. Tout ça, c’était devenu un quotidien ; elle le voyait désormais jour après jour, soir après soir, avant que le couvre-feu ne vienne faire rentrer chacun chez soi. Et même avant cela, le strip-club n'avaient déjà plus de secrets pour elle. Même avant d'y bosser pour perpétrer les habitudes de vie de son nouveau corps, elle en connaissait les moindres recoins, y ayant fait travailler l'enveloppe précédente. Drôle d'ironie, parfois, que la vie. Si on lui avait dit qu'un jour elle se retrouverait coincée dans le corps de la barmaid dévergondée avec qui elle avait bossé, jamais elle ne l'aurait cru.

Elle rêvait toujours à partir. Mettre les voiles, respirer un autre air que celui, méphitique, qui circulait bien mal dans cette ville pourrie jusqu’à la moelle. Elle avait l’impression d’étouffer, comme une noyée qu’on aurait maintenue tête sous l’eau. Qu'on aurait empêchée, par tous les moyens possibles, de reprendre sa respiration, une bouffée d'air nécessaire à sa vie. Elle s’était jetée la tête la première dans la gueule du loup, et le regrettait chaque jour depuis. Tout ça pour un fantôme, un homme qu’elle était venue retrouver, et qu’elle n’avait pas encore osé confronter. À cette pensée, elle sentit le stress poindre au fond de son estomac, son cœur s’alourdir et sa gorge se nouer. Sans qu’elle ne s’en rende compte, ses doigts se mirent à tapoter le verre. Le petit bruit de ses ongles contre la surface polie dissonait avec la musique qui s’élevait dans la boîte de nuit — mais au vu du peu de son qu’il produisait, personne ne risquait de le remarquer. Elle, pourtant, finit par le sentir. Son souci de l'harmonie s’en rendit compte au moment même où le grognement de Toby, de l’autre côté du comptoir, lui parvint. Son collègue barman venait de poser brutalement ses mains sur la surface plane, son torchon coincé entre sa paume et le Formica. « Y’r’commence ! » Le verre resta sur le comptoir, mais le menton de la petite brune se tourna vers l’homme que son collègue fixait d’un œil noir. Le concerné semblait visiblement remonté, et criait quelques mots à l’une des danseuses, tendant la main vers elle comme pour l’attraper, la rappeler à l'ordre. La fille le fuyait et tentait de ne pas interrompre son numéro, s’éloignant tant bien que mal vers l’opposé de la scène. Le regard vide de la Hyde suivit l’étrange scène, tandis qu’elle se laissait tomber à bas de son tabouret. « T’embête pas, j’vais y aller. » Elle ramena son verre à ses lèvres, le vida d’un trait et le reposa sur le comptoir. Derrière elle, Toby grognait toujours, son regard peu amène foudroyant la large silhouette qui continuait de s’énerver. « C’est ça, vas-y. Si c’est moi j’vais l’exploser, ce con. » Elle ne put s’empêcher d’avoir un sourire en coin. Vu le gabarit du type là-bas, elle ne donnait pas cher de la peau de Toby le maigrichon, s’il se déplaçait. Mais c’était plaisant à entendre — et sûrement encore plus à dire.  

Elle ne releva pas et s’éloigna du bar. Son attention était entièrement portée vers l’objet des remontrances qu’elle s’était promise de faire. Pourtant, comme depuis le début de la soirée, elle avait la tête ailleurs. S’éloigner de Toby était une manière d’éviter de se faire demander à quoi elle pensait. Une autre façon de s’occuper, et de ne pas songer à la sensation désagréable qui lui hérissait les cheveux sur la nuque ; cette sensation affreuse de tourner en rond dans une cage géante, depuis qu’elle avait mis les pieds à Radcliff — et plus encore depuis qu'elle se retrouvait au coeur des ennuis ramassés par sa nouvelle enveloppe charnelle. Sa distraction et la pénombre, seulement éclaircie par les néons lumineux et les occasionnels flashs des stroboscopes, ne lui avaient pas encore permis de voir à qui elle allait avoir à faire. Tout ce qu’elle avait vu, c’était sa carrure. Trop grande pour que Toby ne s’énerve contre ce type sans y laisser des plumes. Trop large pour elle aussi, sans doute ; mais c’était bien le cadet de ses soucis. Elle en avait vu d’autres, la petite Hyde. Et un arrogant qui traitait les filles comme ses prostituées n’était plus pour l’effrayer.

Ses doigts tapotèrent un instant l’épaule, alors qu’elle lâchait un bête petit « Hé. », dénué de réelle conviction. Bien rapidement, pourtant, ses doigts se posèrent plus fermement sur l’épaule. L’alcool l’avait suffisamment remontée pour que son sang ne fasse qu’un tour dans ses veines, et l’irritation transparut finalement. « Hé, ducon ! Arrête ça, okay ? C’est pas tes put– » Le type venait de se retourner, et la brunette ne put s’empêcher d’avoir un premier choc. Elle recula d’un pas, ne pouvant retenir les quelques mots qui menaçaient, sous le coup de la surprise. « Fuck. » Le premier choc passé, elle se reprit. Le sifflement s’échappa d’entre ses lèvres serrées, alors qu’elle serrait les dents. « Juste, arrête ça, ou dégage, okay ? » Les mots tremblaient, au rythme où son cœur tambourinait. Elle n’était pas prête pour ça. Elle n’avait pas encore assez bu pour se retrouver dans cette situation. Elle n’avait pas assez vécu.

Et la peur la rattrapait, la centenaire qui avait pourtant tant évolué, et qui disait en avoir tant vu. Elle sentait ses jambes trembler, alors qu’elle leur ordonnait vainement de repartir en sens inverse. Ses yeux restaient accrochés à ceux qui lui faisaient face, sans qu’elle ne puisse lutter. Et elle tentait de se rassurer, tant bien que mal. Elle avait changé de corps. Elle n’était plus elle-même. Qu’elle soit prête à le revoir ou pas, il était impossible qu’il la reconnaisse, n’est-ce pas ? Il ne pouvait pas savoir.

Personne ne pouvait.


Dernière édition par Elisa Hyde le Ven 29 Jan 2016 - 18:22, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)   in every lost soul the bones of a miracle. (hyde) Icon_minitimeVen 29 Jan 2016 - 18:17


no we can't be defeated
Elisa & Lysander


Ce soir, c'était l'un de ces soirs où les pensées s'emmêlaient. Où il n'y avait plus la notion d'avant, d'après, où le passé rencontrait le présent sans s'annoncer, peignant autour de lui les décors avec une telle vivacité que l'homme n'était encore jamais parvenu à réaliser l'ampleur de ses délires.  Il avançait dans les rues comme en territoire conquis, regard hautain posé sur chaque personne qui ne détournait pas le regard assez vite. Phalanges cramoisies des coups assénés à celui qui ne l'avait pas détourné du tout, corps assomé jeté au coin d'une rue sans davantage de cérémonie. Il avalait les mètres d'un pas assuré, comme s'il repartait à la conquête de Louisville une fois de plus. C'était la première fois que l'homme s'aventurait de ce côté de la ville sans Loeven pour l'escorter. Ou le surveiller, tout dépendait des points de vue. Il était pourtant allé frapper trois coups à la porte de cet appartement où il logeait, près d'une demi-heure plus tôt. Il avait cogné contre le bois à s'en rougir la tranche de la main, appelant encore et encore celui qui ne se trouvait visiblement pas chez lui. La voix tonitruante n'avait trouvé aucun écho derrière la porte, personne ne daignant lui ouvrir. L'une des voisines s'était même aventurée dans le couloir, déblatérant des foutaises, lui annonçant qu'il n'y avait nul Johnny ici, ni à aucun des étages, d'ailleurs. Conneries. C'était donc sans son frère que l'halluciné Hyde avait rebroussé chemin, ne se laissant pas abattre pour autant. Ce n'était pas la première fois que son cadet refusait de l'accompagner au bordel, de toute façon. Il avait simplement été plus enclin à l'y suivre depuis les dernier mois, ce qui avait mis du baume au coeur au tenancier des lieux, ravi de le voir se dérider un peu. Loin de comprendre qu'il ne s'agissait nullement du plus jeune des Hyde, mais du dénommé Loeven Dickens qui endossait docilement ce rôle depuis plusieurs semaines maintenant.

Poussant la lourde porte d'un mouvement d'épaule, l'atmosphère enfumée du bordel l'envahit dès le seuil passé. Les tentures bordeaux dressées le long des murs, les rires s'élevant de toute part, les notes de piano vrillant l'air sous les doigts déchaînés d'Emrys, les odeurs, les visages, la chair se dévoilant, tout le frappa de plein fouet tandis qu'il s'immobilisait un instant. Fermant les yeux, inspirant profondément, un sourire étira doucement ses lèvres. Il y était. A la maison. Une tape sur l'épaule le sortit de son moment de paix intérieure, tandis qu'il arquait un sourcil menaçant à l'égard de l'importun. Ce n'était que l'un de ses hommes, lui proposant de se délester de sa veste - en réalité, un agent de sécurité gardant la porte. Hyde s'en défit sans plus attendre, la chargeant dans les bras de son dévoué serviteur auquel il asséna à son tour une bonne claque entre les deux omoplates avant de s'introduire dans la salle principale, dévalant les quelques marches sans se retourner, sans même prêter attention aux paroles qui résonnaient dans son dos. Réajustant machinalement ce qu'il prenait pour les boutons de manchette en or aux poignets de sa chemise, s'arrêtant une fois de plus au beau milieu de la salle en hochant la tête d'un air satisfait, un sourire dévoilait déjà ses dents à la vue de tous ces clients venus se repaître de ses filles. Une nuit du tonnerre en prévision, de quoi surcharger ses caisses de billets et faire grincer les dents des épouses au petit matin. Jusqu'à en voir une tenter d'échapper aux mains d'un type bedonnant, visiblement assez alcoolisé. Un regard plus appuyé, et le voilà qui croyait reconnaître ce crâne dégarni aux pattes grises descendant sur les mâchoires, ce visage qui ne pouvait appartenir qu'à Daniels, ce vieux banquier qui savait bien fermer sa gueule quand il le fallait. Pas l'genre à contrarier chez le Hyde, et cette petite grue n'allait pas tarder à le regretter et à aller se faire pardonner à quatre pattes.

Cela devait faire cinq bonnes minutes que Lysander l'avait reprise, l'incitant tout d'abord à approcher avant de lui retenir le poignet d'une emprise brutale. Lui crachant l'ordre d'aller s'excuser auprès du banquier, et de lui laisser faire tout c'que sa petite cervelle voudrait, sans le faire payer. Avant de se retrouver à devoir en engueuler une seconde, tout aussi impertinente que la première, la menaçant tant et si bien qu'elle avait fini par détaler à l'autre bout de la salle au lieu de s'exécuter immédiatement. Qu'avaient-elles toutes, bon dieu, à lui tenir tête ? Le Hyde était en train de s'égosiller après une énième demoiselle, la menaçant de la jeter à la rue dès le lendemain matin, lorsqu'une main agrippa son épaule pour la deuxième fois de la soirée. Son dos tout entier s'était crispé, achevant de tendre ses nerfs irrités. La personne en question avait plutôt intérêt d'être quelqu'un d'important, ou il lui imprimerait son front en pleine gueule avant que.. « Lucille ?  » Lucille. Lucille, ce n'était pas les autres, ce n'était pas n'importe qui. Ce n'était pas une déception, de trouver Lucille devant lui, même s'il avait l'impression d'avoir rêvé ses paroles. Il s'était approché de manière indécente, subitement, collant sa carrure au petit corps de sa protégée après qu'elle lui ait balancé une nouvelle salve de paroles mordantes. « Qu'est-ce-que tu me racontes là, Lucille ? » Baissant les yeux vers elle, détaillant les traits de la petite dernière de la maison close, un frémissement vrilla la narine du mafieux tandis qu'il  la forçait à lever le menton vers lui. « Pourquoi tu trembles, Lucille, tu serais pas tombée malade toi aussi ? » Pas comme Martha, un mois plus tôt. Parce qu'un mois plus tard, y'avait plus de Martha, y'avait plus de brune à la peau de porcelaine dans le bordel. C'était la raison pour laquelle il avait ramené Lucille, un de ces soirs. C'était tout du moins ce que tout le monde avait cru, qu'elle venait remplacer Martha, même si elle paraissait trop belle, trop en santé, qu'elle détonnait sacrément dans le décor. Personne n'avait vu comme elle avait percé le coeur du truand, comme il s'était pris d'affection pour cette gamine paumée qu'il avait pris sous son aile. Lui offrir une place au bordel, c'était sa salvation. Il s'était senti si bon, Lysander, d'avoir ainsi sauvé cette môme aux grands yeux bleus et à la bouche en coeur. C'était pas comme avec toutes les autres, Lucille, c'était ce rayon de soleil qu'il avait empêché de s'éteindre, sa petite lumière à lui qui pétillait aux quatre coins du bordel. Mais elle tremblait ce soir, sa Lucille. Elle tremblait, et elle le regardait bizarrement, et elle lui parlait sur un ton qu'il ne lui connaissait pas. Et subitement, les notes de piano s'étaient envolées. Les lumières partaient en vrille, colorant les lieux à lui en faire plisser les yeux, jurant en portant un regard aux alentours. Tout changeait, tout se distordait. Ce qu'ils appelaient musique aujourd'hui et qui lui filait déjà la nausée au bar avait envahi les lieux, les filles redevenaient des inconnues, les clients des types qu'il n'avait jamais vu. « Merde ! » Les dents serrées, frottant l'arête de son nez tout en plissant les yeux, l'homme s'attendait à ne trouver en face de lui qu'une étrangère, un visage parmi tous ces autres qu'il ne connaîtrait pas davantage. Pourtant, en reposant l'azur de ses iris sur la jeune femme, son coeur manqua un battement. Parce que son sang pulsait encore trop fort à ses tempes, que le passé ne s'était pas entièrement volatilisé. Parce qu'il savait très bien qu'il n'était pas en 1924, qu'il savait très bien que Lucille n'était plus depuis bien longtemps, depuis que ses hommes étaient partis assassiner une famille du Sud de Louisville et qu'en allant y jeter un oeil il y avait trouvé le corps de Lucille, mais qu'il ne parvenait à s'ancrer dans le présent, pas encore. Et que cette femme ressemblait à Lucille, bien trop, éveillant la culpabilité au fond de ses tripes.  « Je suis désolé, pas tant pour ta famille que pour toi. T'aurais dû être sauvée. T'avais pas à te trouver là, pas cette nuit. Ils auraient jamais dû te faire ça, j'les aurais pas laissé faire, tu sais. C'est peut-être facile de mentir, mais là j'mens pas tu sais. Tu méritais pas ça. » Ce n'était plus vraiment Lucille, plus vraiment une inconnue pourtant. L'homme n'avait foutrement aucune idée de qui se trouvait en face de lui. Pas la moindre idée, d'à qui appartenaient vraiment ces deux grands yeux bleus et cette bouche en coeur.

(c) elephant song.

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MessageSujet: Re: in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)   in every lost soul the bones of a miracle. (hyde) Icon_minitimeSam 30 Jan 2016 - 22:45


time to listen to my confession.
i'm much less than I wanted to be


Depuis qu’elle était arrivée en ville, elle l’évitait. Elle avait tourné en rond, plus de deux mois durant. Essayant de l’observer de loin, de réfléchir à la manière de l’approcher. Plusieurs fois, elle avait failli y aller ; failli l’interpeller, et lui mettre les points sur les i. Lui reprocher de l’avoir abandonnée, lui cracher au visage toutes les fautes qu’elle lui imputait. Ou, tout simplement, aller le voir et tout lui expliquer. Mais chaque fois, elle avait fait chemin arrière. Lâche, terrorisée d’avoir à se retrouver nez à nez avec lui, ou tétanisée à l’idée que ses pires cauchemars deviennent réalité et qu’il ne la croie pas. Qu’il lui tourne le dos et qu’il disparaisse. Qu’elle ne le revoie jamais, qu’elle reperde sa trace pendant un siècle, à nouveau. Et rien qu’envisager cette hypothèse lui était insupportable. Alors dès qu’elle avait eu l’occasion d’aller lui parler ou de le confronter, elle avait reculé. Elle avait épousé la fuite, cette vieille amie au registre des pires attitudes à avoir. Une compagne de plusieurs vies, déjà, qui lui avait déjà permis de rester un peu plus longtemps dans un corps ou un autre. Une alternative qu’elle prenait bien plus souvent en considération depuis quelques années. Fatiguée de courir, fatiguée de mettre les pieds au beau milieu du danger à cause d’une insouciance qui finissait toujours par lui être fatale. L’innocence s’était muée en méfiance, et cette dernière s’accompagnait d’une faculté relativement élevée à prendre la fuite face au danger. Jamais elle ne cherchait à lutter contre le désir de détaler. Et à l’idée de se retrouver face au patriarche Hyde, elle n’avait pas rechigné sur cette tendance, et s’en était même plutôt félicité. Fuir était le meilleur moyen de rester en vie. Et dans ce cas précis, le meilleur moyen pour éviter de les confronter l’un et l’autre à des vérités dont ils ne voulaient sûrement rien savoir.

Mais ce soir, la fuite venait de prendre fin. Elle ne l’avait reconnu qu’au moment où il s’était retourné pour lui faire face — soit bien trop tard. La peur de se retrouver finalement au pied du mur, sans être prête à l’affronter, s’était emparée d’elle. Et elle en tremblait, la Hyde qui pourtant se dégonflait toujours avec fierté. Cette fois, elle aurait tout donné pour pouvoir disparaître. Être tuée, sur l’instant, changer de corps, et repousser une ultime fois cette confrontation. Elle priait pour que la crise cardiaque la prenne, et que personne n’ait l’idée de la ranimer. Elle ne s’était pas encore habituée à cette nouvelle enveloppe, le changement serait donc moins rude. Et elle priait, la Hyde, pour une mort qui n’arrivait pas. Elle entendait la voix de l’homme lui percer les tympans, la prenant pour quelqu’un qu’elle n’était définitivement pas. Il avait les yeux ailleurs, comme perdu dans un lointain passé dont lui seul avait les clés. Nombre d’idées sur ce qu’il voyait lui traversèrent l’esprit, mais elle ne s’arrêta sur aucune. Et il lui aurait été bien présomptueux de prétendre connaître les tréfonds de cette vie qu’il avait autrefois menée sous son nez d’enfant, sans jamais la lui dévoiler.

Ce nom qu’il s’acharnait à répéter était en train de la rendre folle. Lucille. Elle n’avait aucune idée de qui pouvait bien être cette fille. Aucune. Visiblement, il la connaissait. Et plutôt bien, si on en jugeait par la manière dont il s’était soudainement rapproché pour se coller à elle. Un léger dégoût gratta la croûte de terreur qui la retenait prisonnière. Elle sentait ses doigts sous son menton, sa poigne pour la forcer à le regarder. Et son sang recommença à bouillir dans ses veines, distillant progressivement la peur qui la laissait tremblante, hagarde et démunie. « Y a personne de malade ici. J’suis pas malade. Ôte tes sales pattes. » Elle ne se reconnaît plus, la Hyde, alors qu’elle repousse la main qui lui fait relever le menton, et qu’elle recule d’un pas. « J’m’appelle pas Lucille. Arrête de m’appeler comme ça. J’sais pas c’que t’as pris, mais ça te réussit pas. Soit tu sors, soit on te sort. Dans tous les cas, j’te conseille de t’calmer. » Mais il ne l’écoute plus. Un instant, il a l’air d’être parti totalement ailleurs. Et son regard change, tandis qu’il jure. Elle fronce les sourcils, la gorge toujours nouée, les genoux toujours oscillant, mais retrouvant tranquillement leur aplomb. « Hé. » Qu’elle claque des doigts sous ses yeux pour rappeler son attention à l’ordre, alors qu’il se massait l’arête du nez avec un air complètement perdu et désemparé. Elle connaissait cette impression de déboussolement complet, et le regard qui l’accompagnait. Chaque fois qu’elle se réveillait dans un nouveau corps, ils étaient siens. Ce soir, elle les voyait juste chez quelqu’un d’autre. Et, en l’occurrence, sur la dernière personne chez qui elle aurait aimé les entrevoir.

Pourtant, il semblait que le délire ne voulût prendre fin. Il se remit à lui parler et, selon toute évidence, elle était encore cette dénommée Lucille à ses yeux. Il n’en démordait pas, et il s’excusait de choses dont il se pensait coupable. Des choses qu’elle n’avait pas idée qu’il eût pu commettre, et dont elle ne savait absolument rien. Un instant, l’hésitation la prit. Dans ses iris, elle lisait la sincérité au cœur de toute la confusion. Elle se sentait mal pour lui. Mal de le voir comme ça, pris au milieu d’un capharnaüm de ce qu’elle soupçonnait être des réminiscences plutôt coriaces. Elle savait le regard de Toby sur son dos, et savait que Ben, le videur, ne devait pas être bien loin d’intervenir. Et plus que tout, elle sentait le tiraillement qui l’agitait, entre la volonté de le secouer encore plus brutalement pour lui faire reprendre conscience de ce qui l’entourait, et l’envie de l’éloigner de tout ce raffut qui avait l’air de lui brouiller l’esprit plus qu’autre chose. Un léger silence vint appuyer cette hésitation, et elle déglutit péniblement, passant sa main dans sa chevelure de jais en détournant un instant les yeux. « C’est bon, j’te pardonne. » Elle ignorait ce qu’il pouvait bien y avoir à pardonner, mais la pitié s’était trop étroitement mêlée à ses autres sentiments pour qu’elle ne l’occulte. « Mais tu peux quand même pas rester là. Allez. Viens. » Elle aurait dû sauver les apparences tant qu’il en était encore temps. S’il n’était pas connecté à la réalité, elle pouvait encore s’en tirer. Il la prendrait peut-être pour une hallucination complète, ne chercherait pas à la retrouver, et elle pourrait continuer de rester cachée. C’était l’ultime solution pour éviter la confrontation. Une solution qu’elle était en train de balayer, répondant aux vieux instincts de tendresse et d’inquiétude qu’une fille pouvait avoir pour son père.

Sa main se posa sur son dos, tandis qu’elle l’enjoignait à prendre la direction de l’arrière du strip-club. Pas besoin de l’irriter davantage en le faisant passer à côté de Ben. Pas besoin de risquer de déclencher une altercation entre les deux colosses, si l’un venait à regarder l’autre de travers. La soirée était suffisamment mal partie pour qu’elle ait envie de lui rajouter une dose de fierté masculine mal placée. « On va juste aller prendre l’air, le temps que tu reprennes tes esprits. T’as intérêt à rester calme. C’est pas parce que y a pas de gros bras à proximité que tes dents vont pas manger la poignée de la porte si tu fais le con, tu vois ? » Le ton calme qu’elle conservait contrastait avec la menace contenue dans les propos. Mais elle n’en avait cure, bien trop occupée à faire un signe de tête à Toby pour lui faire comprendre qu’elle gérait. Elle lisait l’incompréhension sur ses traits, et le voyait trépigner d’envie d’intervenir. Pourtant, pas question qu’il bouge. Pas question qu’il l’accompagne. Le colosse avait besoin de calme. Et le strip-club avait besoin que la vie reprenne tranquillement son cours à l’intérieur, pour faire son chiffre de la soirée avant que ne ferment les portes. « Par là. » Qu’elle lui tapote doucement le dos, comme on encouragerait un gamin à avancer dans une maison trop grande et trop noire. L’hésitation la tient toujours en tenaille, mais elle en fait fi. Elle se contente de suivre son instinct, les mots se formant sur ses lèvres sans qu’elle n’arrive à les retenir. « Je sais pas qui c’est cette Lucille, mais elle a dû sacrément t’marquer. Il lui est arrivé quoi ? » Elle se rendait à peine compte qu’elle lui parlait comme si elle le connaissait, tout en ouvrant la porte qui menait vers l’extérieur. Elle l’entraîna dehors, tira un tabouret pour forcer le battant à rester ouvert et ne pas se retrouver coincée au frais. Et ce ne fut que lorsqu’elle sentit le vent caresser sa peau qu’elle se rendit compte qu’elle avait oublié sa veste dans le club. Tant pis. Ça la forcerait à rentrer plus vite. Abrégeant le temps qu’elle passerait ici, avec lui, à mettre en danger ce lourd secret que ses lèvres semblaient mourir d’envie de dévoiler.
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MessageSujet: Re: in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)   in every lost soul the bones of a miracle. (hyde) Icon_minitimeSam 12 Mar 2016 - 17:11


no we can't be defeated
Elisa & Lysander


La délicatesse de lui accorder son pardon, un pardon dont elle n'était nullement maîtresse, détail que l'homme sembla oublier quelques secondes en manquant de se retrouver à nouveau perdu entre deux époques. Hochant la tête comme pour la remercier, même si cela ne le calmerait sûrement qu'un bref instant, avant qu'elle ne lui annonce qu'il était temps de partir. Bien. De toute évidence, il ne se sentait plus à sa place en ces lieux depuis que les notes électroniques avaient commencé à lui marteler le crâne et les spots lumineux à lui donner le vertige. Il n'aimait pas ça, définitivement pas, et se barrer semblait être l'alternative la plus alléchante. Même s'il n'avait nullement besoin de chaperon, pour ça. Un grognement de mécontentement pendu aux lèvres, l'homme se laissa pourtant conduire par la demoiselle, suivant la direction dans laquelle elle l'engageait en déposant sa main dans son dos, pestant intérieurement contre ces hallucinations qui ne s'annonçaient jamais, qui le laissait là, paumé, une fois de plus. Un sifflement moqueur lui échappa tandis que son regard s'abaissait vers la gamine qui l'escortait, qui se permettait de proférer quelques menaces qui avaient quelque chose de comique aux oreilles du mafieux. Ce n'était définitivement pas Lucille, trop farouche, trop mordante. C'était quelque chose qui l'amusait, ces femmes qui se permettaient d'essayer de lui tenir tête, comme si quelque chose avait clairement déconné depuis le siècle passé pour qu'elles se sentent soudainement si confiantes. A son époque, elles filaient doux, battaient des cils sans soutenir les éclats orageux de son regard, se détournaient timidement dès que les mâchoires se crispaient un peu trop. Y'avait bien que Sage qui rechignait à se laisser dompter, Grace un peu, sur la fin, deux sur les centaines qui avaient côtoyé le Hyde, ce n'était franchement pas grand chose. Mais là, ici, il ne savait pas si c'était le climat tendu de la ville ou simplement l'époque qui les avaient tant changées. Il y avait eu Meredith, ses muscles se crispant à sa simple évocation, la vile traîtresse qui avait piétiné son égo et meurtri son coeur en le vaccinant, la première d'une longue liste à refuser de se montrer docile. Rhaena pour suivre, la prétendue maîtresse des lieux en matière de criminalité, ce qui avait bien fait rire l'ancien avant qu'il ne comprenne qu'il ne s'agissait pas d'une blague. Et chaque nouvelle rencontre féminine le surprenait un peu plus encore, le dérangeait aussi quelque part, parce qu'il n'aimait pas ça, l'inconnu, les moeurs qu'il ne maîtrisait pas, qu'il ne tenait pas à partager. Et puis il y avait cette fille-là, ce presque sosie de Lucille qui n'avait plus rien de familier hormis son visage, doux visage aux traits trompeurs, courageuse créature qui n'hésitait pas à prendre les devants avec lui, sans se douter sûrement que sous ses airs de paumé se camouflait une cruauté sans bornes.

Elle reprit la parole, évoquant de nouveau ce prénom qu'il avait employé, cette fille qu'il avait été plus facile d'oublier lorsque tout ça était arrivé, vieux démon ressurgissant sans prévenir, sans qu'il n'ait pu s'y préparer. Il marqua une pause devant elle, son regard achevant de s'assombrir, avant de sortir définitivement de ce lieu qui n'était pas son bordel. Posant un premier pas à l'extérieur, inspirant l'air glacial de la nuit sans se rendre immédiatement compte qu'il avait oublié sa veste lui aussi, l'homme avança légèrement avant de finir par se retourner, pour la regarder à nouveau. Analyse perçante de sa posture, de ses expressions, l'observant sans aucune gêne, parce qu'il regardait s'il avait envie de regarder et que ça ne risquait pas de changer de sitôt. Et puis, sa langue finit par se délier, sans qu'il ne sache bien pourquoi. C'était peut-être l'effort que lui avait coûté son retour à la réalité, son esprit qui était toujours un peu chamboulé, ou bien l'impression qu'il pouvait parler, parler sans se poser mille questions, sans vraiment savoir pourquoi elle et pas une autre. « Elle a été assassinée. » Arquant un sourcil à son égard, comme s'il s'en foutait bien, comme si sa confession n'appelait qu'à jauger sa réaction à elle, l'homme aurait certainement pu dupper n'importe qui. S'il ne venait pas tout bonnement de s'excuser comme si le temps lui était compté, si derrière son ton grondant ne résonnaient pas les échos des regrets formulés quelques minutes plus tôt. Fourrant les mains dans les poches de son pantalon, la fixant sans ciller, s'approchant de quelques pas sans se départir de ses airs de prédateur, l'homme s'arrêta en face de la presque inconnue, la dévisageant encore et encore.  Reprenant la parole en baissant la voix, sur la confidence, la voix assurée bien que porteuse de nombreuses omissions, ne tenant guère à se désigner comme assassin, ni de préciser qu'il avait commandité l'exécution de sa famille. Pas devant une personne qu'il ne connaissait pas, parce qu'ici, il n'était rien, plus rien, les flics ne se prostituaient plus pour obtenir ses bonnes grâces et recevoir un joli tas de billets contre quelques bons services, et il n'aurait personne pour le couvrir s'il venait à se faire dénoncer. Ses actes avaient beau remonter à près de quatre-vingt-dix ans, sûrement que ces enfoirés ne manqueraient pas de rendre justice malgré tout à ces pauvres âmes qu'il avait pu arracher, au moins à ouvrir une enquête et à se rendre compte qu'il n'existait plus, et là ce serait la merde. C'était à peu près ce que Seth lui avait dit, et ça ne lui donnait pas envie de déconner, pas tant qu'il n'était pas certain de se refaire un nom, de se faire respecter. « C'est moi qui lui avait trouvé ce travail, qui l'avait prise sous mon aile. Elle ne venait pas de la bonne famille, apparemment, c'est pour ça qu'on a buté ses parents. Qu'on l'a butée elle, juste parce qu'elle portait le mauvais nom de famille. » La voix assurée qui ne l'était plus, les dents serrées laissant passer quelques mots qui lui déchiquetaient les tripes. Parce qu'il ne pensait plus à Lucille, Lysander. Il aurait préféré. C'était plus facile, bien plus que de laisser ses propres mots le prendre au piège, le forcer à se rappeler des articles de journaux que ces enfoirés lui avaient collé sous le nez au laboratoire. De ce fantôme qui lui apparaissait alors chaque jour, hantant cette chambre de torture sans qu'il ne puisse la repousser, pieds et mains liés, se contentant de subir cette présence à défaut de pouvoir l'ignorer. Parce que s'il fermait les yeux, elle se mettait à parler, et c'était presque pire de l'entendre que de la contempler. La douleur acide sillonnait le long de ses nerfs, trouvant son chemin jusqu'au cerveau, pour y déloger les souvenirs confinés, l'atroce vérité qui ne ressortait plus que la nuit, lorsque la pénombre envahissait son crâne et le laissait seul avec ses pensées. Il ne voulait pas y penser, vraiment pas, sinon il ne répondrait plus de rien. Sa tension nerveuse commençait à transparaître dans sa manière de se tenir, immobilité fébrile de ce corps qui pesait soudain bien trop lourd lorsque le coeur s'écrasait misérablement au fond de la poitrine. En une seconde, sa main s'était logée   sur son postérieur, sans prévenir, la collant à lui sans réfléchir une seconde de plus. « Mais j'vois pas en quoi ça t'intéresserait de savoir tout ça. » Non, vraiment pas. Lui, ça ne l'intéressait pas d'y réfléchir davantage. Pas quand la mince barrière le séparant de la douleur des réminiscences menaçait de s'effondrer. Pas quand les pièces s'assemblaient dans son crâne, reconstituant ses traits, ses yeux rieurs, ses sourires angéliques. Cet être qu'il avait aimé plus que tout, plus que sa propre vie, et pourtant c'est qu'il l'aimait sa vie, qu'il s'aimait lui, qu'il se serait laissé avoir pour rien au monde. Mais pour elle, il aurait renoncé, se serait battu à mort jusqu'à ce qu'ils tombent tous autour de lui, il l'aurait portée à bout de bras pour qu'elle ne s'effondre pas là, devant leur porte. Il l'avait su dès qu'elle avait ouvert ses grands yeux sur le monde, ce monde qui ne tournerait plus qu'autour d'elle, autour de sa sécurité, de son bonheur. Il avait vécu avec la certitude qu'elle grandirait, serait heureuse, préservée de la noirceur de ces années qui ne semblaient pas l'atteindre, qui ne la toucheraient jamais, il se l'était promis. La protéger, avant sa propre vie, parce que sans elle son existence n'aurait plus le même sens, plus de sens du tout. Mais il l'avait perdue, perdue à jamais, c'était ce qu'il se disait alors qu'il serrait l'inconnue dans ses bras, la ramenait contre lui sans la laisser se débattre, dents serrées et gestes brutaux, mécaniques, dépourvus de toute logique, de toute séduction, même si c'était sûrement ce qu'il avait prévu à la base, ce qui se soldait en une simple étreinte forcée. Son esprit s'emballait et il ne savait plus quoi faire pour l'arrêter, pour mettre un terme à la machine infernale qui retournait ses souvenirs en injectant son regard des éclats d'une folie passée, celle qui l'effleurait lors des moments de contrariété à Louisville, celle qui avait menacé de l'emporter tout entier lors de ces semaines de captivité à Radcliff, réouvrant les plaies, encore et encore, alors qu'il la serrait, de plus en plus fort contre lui, à s'en écraser la cage thoracique, comme si ça allait faire taire son coeur, le faire s'arrêter pour de bon. Mais déjà, ça résonnait dans son cortex comme un coup de tonnerre. Elisa. Elisa. Lui brûlant les yeux et le contraignant à tout lâcher, plaquant une main à son visage en sentant l'humidité se loger au bord de ses cils, un rugissement enragé brisant la nuit tandis que son poing s'abattait dans la façade du bâtiment. Elisa. Un nouveau coup. Elisa. Avant de s'arrêter, le souffle court. L'orage battant ses tempes et le vidant de ses dernières forces.  

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MessageSujet: Re: in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)   in every lost soul the bones of a miracle. (hyde) Icon_minitimeSam 26 Mar 2016 - 5:39

Elle a été assassinée. Bah tiens. Une autre issue l'aurait étonnée, à tout bien y penser. Fallait dire que depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vraiment croisés, elle avait appris quelques petites choses sur lui, sur la vie qu'il avait menée. Il avait appris ce qu'être une Hyde signifiait, et le poids que ce nom de famille pouvait porter. Les connotations qu'il traînait à sa suite. Être une Hyde, c'était avoir des ennemis. Être craint, et vouloir être éliminé pour ça. Être une Hyde, ç'avait un côté roublard, un côté vermine. C'était savoir se retourner dans toutes les situations, et ne jamais se laisser assommer par les coups bas qui pouvaient survenir de n'importe quel côtés – voire de tous à la fois. Elle avait appris ce dans quoi il avait trempé, et elle avait senti plus d'une fois des frissons glacés dévaler son échine à cette idée. Comment avait-elle pu être si naïve, si crédule ? Comment avait-elle pu se laisser berner de la sorte ? Être une enfant ne justifiait rien. Elle aurait dû avoir une idée de ce qu'il en était. Elle aurait dû se pencher sur les failles, au lieu de les occulter et d'idéaliser cet homme qui, dans le fond, et selon la plupart des témoignages, n'était qu'une belle ordure. Pour elle, il avait tout été. Le seul parent qui lui était resté, le repère d'une vie et d'une innocente. Un modèle, avait-elle cru – et peut-être l'avait-il dans le fond été bien plus qu'ils ne l'avaient tout deux prévu. Aujourd'hui, elle n'était plus dupe. Aujourd'hui, elle avait fini par se résigner à l'idée qu'elle s'était trompée. Elle avait accepté l'idée qu'enfant, elle n'avait pu deviner, et qu'il avait été naturel de fermer les yeux sur ce qui aurait pu attiser sa curiosité. Il ne lui avait donné aucune raison de véritablement douter de lui. L'enfant n'était pas à blâmer – de toute manière, qu'aurait-elle pu y changer ? Mais aujourd'hui, elle ne se ferait plus avoir. L'innocence et l'inconscience, c'était terminé. Il l'ignorait, mais rien ne serait plus aussi simple désormais.

Elle écoute les explications, et elle sent son coeur se serrer. La Lucille aussi, portait le mauvais nom de famille. Tuée à cause d'un nom, sans un regard pour ce qu'avait été sa vie, son existence. Sans une considération pour son chemin à elle. Étrange ressemblance avec sa propre mort, glas sonné par quatre petites lettres qui s'alignaient pour être son patronyme. Elle voit la ressemblance, sent les liens lui nouer les tripes. Mais elle ne dit rien, ne laisse rien paraître. Elle a croisé les bras, en apparence fermée à ce que ce type a à lui dire – quelque peu tiraillée entre la captivation et la répulsion, en réalité. Il a pas l'air bien, et elle se dit, pendant un moment, qu'il est peut-être en train de faire les liens. Mais c'est impossible ; il n'a rien. Il ne sait pas qu'elle est en vie, ne sait pas à qui il a affaire. Il pense se retrouver face au sosie d'une de ses putains, et il n'y a aucune raison pour que ça change avant qu'elle ne le décide. Mais rapidement, les doutes sont balayés. Au moment où la main de l'homme empoigne ses fesses et la force à se coller contre lui, elle est certaine qu'il ne sait pas qui elle est. Elle sait qu'elle devrait le repousser. Lui en coller une, et l'envoyer bouler. Mais il la serre, et refuse de la lâcher. Elle se tend, un instant ; se crispe, en percevant les mots qu'il susurre. Mal à l'aise, prisonnière d'une poigne qui fait naître des flammèches d'enragement au fond de ses iris, et qui lui donne envie de le castrer comme n'importe lequel des attardés qui a pu l'embêter ces quatre-vingt dernières années. Pourtant, impossible de bouger. Presque impossible de lui répondre, les mots figés dans la gorge, coincés dans la trachée. Elle voudrait lui cracher la vérité, mais quelque chose l'en empêche. Au lieu de ça, les phrases qui se glissent hors de ses lèvres ne sont que le venin du mépris qui semble animer sa personnalité, depuis qu'elle a élu domicile dans cette nouvelle enveloppe. « Peut-être parce que j'vais devoir donner une bonne raison à mon patron de pas t'empêcher d'revenir. » Ou peut-être parce que tu m'dois bien ça, comme j'te laisse allègrement me tripoter.

Mais alors que les mots se sont échappés, il semblait déjà ailleurs. Et tandis qu'elle s'interrogeait sur la manière de s'échapper de sa poigne, elle le sent qui lâche prise. Qui s'éloigne. Son regard a changé, lorsqu'elle repose les yeux sur lui. Il a ramené une main devant ses traits. Et soudain, elle n'a plus du tout envie de rire. Plus envie de sourire, ou de se moquer. Le vieux fou qui se tient sous ses yeux ne lui fait plus pitié, ni n'anime plus le moindre malaise en son coeur. Il ne l'a pas reconnue, et elle le sait. Mais la souffrance qui vient soudainement crever la surface de ses lèvres en un cri la paralyse. La sensation d'une rupture dans le temps l'étouffe tout à coup. L'impression de regarder la scène se jouer, au travers d'un écran. Le poing qui s'abat une fois sur le mur, et la fait sursauter. Reculer d'un pas. Elle croit voir un mauvais rêve se dérouler sous ses yeux. Revirement de situation inattendu, à la hauteur de l'instabilité de l'homme qui lui fait face. Figée, elle se sent dans l'incapacité d'intervenir. Perdue par ses sentiments, noyée dans le désir qui la submerge. L'envie de lui hurler « arrête, papa ! c'est moi ! », et de le forcer à arrêter ce carnage. Mais elle n'y parvient pas. Elle se croit immobile, tétanisée par l'effroi et la surprise. Sortie d'un autre âge. Inadaptée.

Pourtant, ses mains s'activent. Alors qu'il arme une deuxième fois le poing, ses pieds se sont posés l'un devant l'autre. Elle a tendu les bras vers lui, écarté les doigts. Prête à le saisir, à lui demander de suspendre son geste. Prête à le supplier, s'il le fallait. Son chagrin force sa conscience à se tasser dans un coin de son esprit, tandis que tout son corps s'accorde dans la direction opposée. Elle se voit agir, la poupée brune. Désincarnée par les battements frénétiques de son coeur, et la violence qui, entière, la déchire. « Arrête... » Murmure rauque, sorti du fond des âges, masqué par le bruit de l'impact que fait le second coup, finalement lâché. Elle a un tressaillement. La chair de poule couvre sa peau, sans qu'elle ne sache si elle est provoquée par le froid ou l'irréelle situation. Elle se sent comme droguée. Distante de ses propres mots, désolidarisée de ses propres gestes. Étrangère. Inadaptée, et déplacée. « Arrête, s'il te plait. » Le papa reste suspendu à son palais, refuse d'éclater. Petit mot bloquant tout sanglot qui aurait pu accompagner sa détresse et son désarroi à le voir ainsi. Elle sent sa gorge se nouer, ses mains se posent sur la carcasse du géant qui aurait autrefois été des plus rassurants, mais qui n'avait plus aujourd'hui que des airs dépossédés et inquiétants. « C'qui s'est passé... T'aurais rien pu faire pour l'empêcher. » Et elle ne se reconnaît même plus, la Hyde, à tenir de pareils propos. C'est sa désincarnation qui parle, fierté mise de côté. Il l'ignore, mais l'orgueil qui habite d'ordinaire sa progéniture a temporairement disparu. Les reproches viendront plus tard, totale contradiction avec les mots qui, actuellement, peuvent être prononcés. Mais c'est habilement qu'elle les a lâchés ; parfaitement consciente qu'ils peuvent s'appliquer à Lucille. Que, dans la tête de l'homme, et dans l'hypothèse où il se reconnecterait avec la réalité, ce serait très certainement la conclusion qui en découlerait. Mais elle savait la charge contenue dans ces six pauvres mots. Elle savait ce qu'elle avait voulu dire, réponse à la colère et la culpabilité féroce qui semblaient animer le patriarche Hyde.

T'aurais rien pu faire, papa. C'est pas ta faute, papa.
J'doute pas que tu aies tout fait pour me protéger, malgré la désolation et le supplice auxquels tu m'as condamnée. J'doute pas que tu n'aies voulu que mon bien et que, si t'avais été là, tu aurais tout fait pour empêcher ça.
C'est ta faute si c'est arrivé, mais j'doute pas que tu m'aies aimée, et que tu aurais tout fait pour l'empêcher.
J'en ai jamais douté.
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MessageSujet: Re: in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)   in every lost soul the bones of a miracle. (hyde) Icon_minitimeDim 24 Avr 2016 - 22:06


no we can't be defeated
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Les mains qui vinrent se poser dans son dos lui arrachèrent un léger sursaut, brève crispation entre ses omoplates contribuant à redresser faiblement son corps voûté par la culpabilité. Ses paumes à lui se collèrent au mur, comme pour se soutenir, lui ramenant en pleine gueule le souvenir de cette nuit d'hiver, des semaines auparavant. Briques similaires sous ses doigts meurtris, fatalité vrombissant dans son crâne tandis que le sol s'écartelait sous ses pas malhabiles. Le visage aux traits fins de celle qui avait volé sa vie pour vis-à-vis imaginaire, ce faciès angélique distordant l'air avant de disparaître dans un battement de cil. Meredith. Tout était de sa faute, à elle. L'homme tremblait et ne se souciait plus de cette maigre emprise qu'exerçait sur lui l'inconnue, jusqu'à ce que ses mots ne deviennent la seule chose encore susceptible de l'ancrer dans la réalité. Titubant légèrement vers l'arrière, ne cherchant guère à éloigner la demoiselle sans pour autant se retourner pour lui faire face, chaque cellule de son coeur  semblait en ébullition, prête à le laisser imploser là, au beau milieu de cette allée, à libérer tout ce qu'il avait pu refouler depuis des mois. T'aurais rien pu faire pour l'empêcher. Dans ses oreilles, ça résonnait, encore et encore, tandis qu'un ricanement rauque venait brûler son thorax et éclater dans la ruelle. Secouant sa carcasse de manière totalement inappropriée, sans qu'aucune envie de rire ne s'arrache pourtant à son coeur insidieusement envahi par la colère. « J'aurais pu l'empêcher, ç'avait toujours été le cas jusqu'ici, empêcher les emmerdes, j'aurais pu cette fois-ci. » C'était après tout l'un des secrets de cette immortalité qui l'avait toujours rendu intouchable aux yeux de ses pairs, cette putain de chance de cocu qu'il s'était traîné toute sa vie, à miser sur les bons deal, à ne jamais se voir trahi. Ou ce satané flair qui démasquait quiconque susceptible de retourner sa veste avant même qu'ils n'aient eu le temps d'y songer une fraction  de seconde. Cueillant les traîtres avant les moindres dégâts. Prospérant sans ne jamais trébucher. Diable invincible auquel il n'était d'autre choix que de vendre son âme sans rechigner. C'était un jeu, un jeu pipé dès le départ, un jeu dont il était censé demeurer le seul maître sans que ses adversaires ne sachent jamais quelle longueur d'avance il possèderait toujours. C'était malhonnête, mais l'homme sans honneur n'en avait jamais éprouvé le moindre remord. Ç'avait toujours été lui avant toute autre chose, sa famille et lui, ses acolytes les plus proches et quelques rares associés. Quelques noms autour desquels son existence s'accrochait, pour lesquels il avait été prêt à jouer avec le temps, l'espace, dans le seul but de les préserver. Éviter qu'une balle perdue n'atteigne Camille lors d'une embuscade. Qu'Ambrose ne vienne coller une raclée à leur cadet, que Johnny ne se terre chez lui après ça. Qu'un petit con n'approche sa gamine de trop près. De la pire situation à la plus maigre des contrariétés. Tout devait fonctionner comme il l'entendait. L'homme ne souffrait aucun désappointement. Il en avait usé et abusé durant des décennies, dans une facilité déconcertante. Et on le lui avait arraché, au moment où il en avait eu le plus besoin. Au moment où il ne s'agissait guère de corriger une broutille, un chiffonnement de passage. Au moment où c'était le centre de son existence qui se retrouvait mis à mal.

« C'était mon boulot de l'empêcher. » Son boulot de père. Le seul encore capable de surpasser l'importance de toutes ses autres affaires. Les dents serrées crachaient les mots dans la nuit, plus pour lui-même que pour cette inconnue dont il semblait oublier progressivement la présence. « J'aurais tout fait pour l'empêcher. » Murmure prononcé pour elle, pour celle qu'il aurait aimé voir apparaître sous son regard déchiré, celle qui ne se présentait que par intermittence en surgissant des limbes de son esprit torturé. Mais nuls traits poupins, nuls yeux rieurs, nul doux sourire ne se présentait à lui, définitivement revenu dans cette époque maudite, dans cette ville dégueulasse qui ne serait jamais sienne. « T'étais la seule que j'aurais toujours sauvée. » Les mots s'évaporèrent dès la barrière de ses lèvres franchie, simple chuchotement destiné à ne trouver que l'au-delà, le néant, paroles insensées lui arrachant pourtant la gueule dans une grimace de douleur brute. C'était l'évidence qu'il avait porté avec lui depuis qu'elle était née, ce qu'il n'avait jamais eu besoin de dire à quiconque, parce que tous savaient à quel point le Hyde aurait pu tomber mille fois pour sa môme. Sûrement pour ça qu'ils l'avaient jetée devant leur demeure comme une vulgaire poupée de chiffon, pour le faire sortir de sa tanière, montrer les crocs, se laisser piéger sans merci mais sans regrets, parce que plus rien n'aurait jamais eu autant d'importance après ça. « J'ai tout perdu, tout, à cause de cette garce. » La tension nerveuse qu'il commençait à dégager ne présageait rien de bon, crispant chaque parcelle de son corps. Il devait se calmer, ne pas laisser la haine injecter ses veines, ça déclenchait les crises, c'était la conclusion que Roos avait fini par en tirer la dernière fois. Les recherches concernant sa fille avaient tendance à le faire disjoncter, à le retrancher dans ces distorsions du réel, sûrement parce qu'il savait pas gérer, Lys, que son crâne ne parvenait pas à faire les connexions sans que ça n'interfère un peu trop avec sa psyché. « Ta faute, salope, la prochaine fois que je te croise tu regretteras c'que tu m'as fait, c'que t'as fait à ma... » Les yeux fermés avec ténacité tandis que les images défiaient dans son crâne, ramenant encore et encore le visage de Meredith comme une déchirure dans son cortex. Livide, l'homme acheva de s'écarter de l'inconnue, se retournant pour lui faire face en dardant sur elle un regard noir que les ombres quittèrent dès qu'il la reconnut. Bouche bée, comme s'il s'était presque attendu à trouver la chasseuse dans son dos, sa main écrasa ses traits une nouvelle fois alors qu'il tentait de se ressaisir, oscillant de gauche à droite comme s'il était prêt à s'effondrer. « J'suis pas dingue, tu sais. » Il était certainement nécessaire de le préciser, surtout après qu'un nouveau rictus ne se soit immiscé au coin de ses lèvres. « Mais ta ville, cette ville, c'est une sacrée saloperie, tu l'sais ? » Appuyant son dos fatigué contre le mur en fourrant ses mains dans ses poches, Lysander la toisait de nouveau, comme si les précédentes minutes n'avaient pas existé. Et c'était sûrement le cas, pour lui, lui qui ne se rappelait guère ce genre d'écart, de perte de contrôle. Reprenant la conversation comme s'il ne venait pas juste de parler tout seul et de se mettre dans un état de nerf impossible. « Y'a rien pour moi ici, et j'peux même pas me barrer. Là d'où je viens, les choses ne sont pas les mêmes. Là d'où j'viens, le monde ferme sa gueule et tout se passe très bien. Mais ici, ici... » Inclinant la tête en arrière en fixant un instant les morceaux de ciel lui apparaissant entre les toits. « Ici vous êtes sacrément timbrés. J'sais pas ce qui a pu se passer durant toutes ces années pour que vous deveniez cinglés à ce point, mais ça devait être quelque chose. » Pour le moment, c'était sans doute lui pourtant, le plus cinglé des deux. S'humectant les lèvres en s'apercevant que son discours n'avait sans doute rien de cohérent aux oreilles de la jeune femme, l'homme arqua un sourcil en retrouvant lentement son sourire carnassier. « Si je te disais d'où je viens, t'y croirais jamais.  » Lui laissant la possibilité de demander, ou non, sans savoir s'il était capable d'y répondre, une fois ses grands airs envolés.

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MessageSujet: Re: in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)   in every lost soul the bones of a miracle. (hyde) Icon_minitimeLun 18 Juil 2016 - 7:48

Ah il était beau, le roi d’une autre époque, échoué dans cette ruelle aussi minuscule que misérable. Si les secrets s’étaient bien avisés de remonter à la surface du temps où elle se promenait à ses côtés, bien en santé et confortablement lové dans son tout premier corps, dans sa toute première vie, elle comprenait maintenant l’étendue de ce qu’il était. Elle la voyait, la violence — celle qu’elle avait brutalement découverte dans le cœur du monde, une fois sa naïveté envolée. Elle connaissait cette hargne qui semblait pulser dans ses veines, et en avait vu plus d’un faire bien pire que d’écraser son poing contre un mur. Elle ne le disait pas — elle ne disait rien. Quasiment muette, à en oublier le feu qui brûlait dans ses propres veines, depuis qu’elle s’était glissée dans la peau de cette fille. Elle s’était tue pour quelques secondes, l’arrogante petite sauvage. Elle regardait le colosse s’égarer, encore et toujours, perdu dans un flot de pensées inconnu au reste du monde ; perdu dans le vacarme de ce flux tumultueux qui composait ce qu’elle comprenait aisément comme étant des crises hallucinatoires. Elle n’avait aucune idée de l’ampleur que ça prenait, ou que ça avait déjà pris ; tout ce dont elle pouvait se douter, c’était d’où ça venait. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour faire ses calculs, et pour comprendre que de le voir ici, à cette époque, n’avait rien de naturel. Et elle avait passé suffisamment de temps à errer dans cet égoût géant que devenait progressivement la planète Terre pour savoir que ce gêne, le gêne X, celui qui faisait de lui, d’elle, de Camille, de Lilo et de tant d’autres, des êtres hors du commun, se transmettait génétiquement. Restaient alors deux options : soit il était devenu fou à cause d’un quelconque effet secondaire de son don. Soit quelqu’un avait jugé bon de lui faire ce foutu vaccin dont on parlait tant, récemment, et l’homme souffrait alors des puissants effets qui l’accompagnaient. À rapidement analyser l’état des choses, rien d’autre ne lui venait. Mais dans l’une comme l’autre des options, une chose était sûre : il n’était certainement pas au mieux de sa forme, et il était hors de question de le laisser se promener à un tel degré d’instabilité.

Il ne peut pas s’empêcher de se lamenter — et elle sent les émotions contradictoires de ce foutu corps se remettre à l’œuvre. La tendresse et l’inquiétude font de la place pour l’exaspération, et elle profite qu’il regarde ailleurs pour lever les yeux au ciel, secouant doucement la tête. C’était peut-être son boulot, mais aujourd’hui, les choses avaient changé. Et ce qui s’était passé, personne ne pourrait jamais rien y changer. Mais lorsqu’il s’adresse directement à elle, elle ne peut s’empêcher de vriller à nouveau ses yeux sur la silhouette. Sa mâchoire se contracte, imperceptiblement. Et elle sent son cœur dérailler, se remettre à battre bien plus vite qu’avant. Est-ce qu’il sait ?

Non. Non, c’est impossible. Elle ne lui a rien dit, et des hallucinations ne peuvent rien le faire deviner. Ce ne sont que des illusions, qu’il ne croira jamais vrai, quand bien même l’ironique hasard lui ferait visualiser une vérité depuis longtemps envolée. Elle pourrait lui dire, briser les secrets, arrêter de garder les choses sur le bout de la langue. Mais quelque chose la retient, et le silence subsiste. Elle ne peut que continuer de l’écouter, et froncer les sourcils lorsqu’il parle d’une garce. Comprendre qu’elle avait vu juste, et que quelqu’un l’avait visiblement vacciné — ou du moins, c’était l’option la plus viable au vu des informations qu’elle possédait. Et voilà qu’il s’adressait maintenant à la garce en question, visiblement. Fallait qu’il se ressaisisse, fallait qu’il récupère des fibres de conscience. Fallait qu’il se sorte de cet état, qu’il soit capable de rentrer chez lui et qu’elle puisse respirer. Digérer. Pas prête à l’affronter, pas prête à lui avouer la vérité. Elle se plait à croire que le bon moment n’est pas arrivé, mais au fond d’elle, elle le sait : l’instant propice n’existe jamais.

Un léger rire soupiré s’échappe d’entre ses lèvres, alors qu’elle croise les bras sur sa poitrine, le laissant passer une paluche lasse sur ses traits. J’suis pas dingue, tu sais. Et elle peut pas s’empêcher d’en avoir un sourire railleur, secouant doucement la tête. Non, il n’est pas dingue, et elle le sait. Il en a juste mangé plus que quiconque ne le devrait, et il s’en est retrouvé cruellement affecté. Maintenant, faut le temps de reprendre pied, le temps de recouvrer un tantinet d’instabilité. Mais il a raison, dans le fond — c’est clairement pas cette ville qui va l’y aider. « J’sais. Si ça peut te rassurer… C’est pas ma ville. J’suis juste piégée là, comme tous les autres idiots du coin. » Et elle s’adosse contre le mur, plongeant ses yeux dans ceux qu’il a dardés sur elle. Son sourire ne s’estompe pas, alors qu’elle l’écoute. Il semble avoir regagné la surface, et aligner des propos bien plus cohérents que quelques secondes auparavant. Tant mieux. « Le monde est devenu fou. J’sais plus trop quand ça a commencé. Mais c’était pas beau à voir. Ça l’est toujours pas. » Elle lâche un léger soupir. À dire vrai, dès le moment où ces gredins ont posé les pattes sur elle, le monde est devenu plus affreux qu’elle ne pouvait le supporter, même en fermant les yeux. Et depuis, ça n’a pas vraiment changé — depuis, tout ce qu’elle voit lui donne envie d’gerber. « Et à mon avis, c’est pas près de s’arranger. » Long live America.

Mais lorsqu’il lance une perche, derrière sa fierté et ses grands airs, elle ne peut s’empêcher de le jauger un instant. Sachant d’où il vient, sachant ce qu’il a fait ; elle n’a plus rien à apprendre, la brunette — ou presque. Mais au fond d’elle, elle s’interroge : le lui dirait-il vraiment ? À elle, une parfaite inconnue dans cette ville de timbrés, pour le citer ? Le lui dirait-il, à elle, la barmaid du strip-club, alors qu’il n’a jamais été foutu de balancer la vérité à sa propre fille, la chair de sa chair — la seule qui, dans le fond, aurait dû savoir pour être en mesure de se protéger ? « Essaie toujours. » Et au bout du compte, c’est la curiosité qui l’emporte. Elle le dévisage, le sourire un peu retombé, les yeux légèrement plissés. Elle veut qu’il le lui dise. Elle est au courant, elle n’a rien à découvrir — mais elle a besoin qu’il le dise. Besoin de l’entendre, de sa bouche. Besoin de savoir qu’il lui a menti, pendant toute la vie qu’ils ont partagée ensemble. Et elle le fixe, avec cet air de défi au fond des prunelles. D’un air de susurrer qu’il y a bien des choses qu’elle est prête à croire. Et que peut-être qu’elle aussi a des secrets difficiles à avaler. Peut-être plus gros que les siens, qui sait. Peut-être, aussi, bien plus difficiles à encaisser.
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MessageSujet: Re: in every lost soul the bones of a miracle. (hyde)   in every lost soul the bones of a miracle. (hyde) Icon_minitimeMar 16 Aoû 2016 - 12:54


no we can't be defeated
Elisa & Lysander


La voilà qui attisait sa curiosité, à se dire piégée elle aussi, sans avoir l'air de se foutre de sa gueule. Tiens donc. « Et t'irais où, si t'étais libre ? » Il la dévisageait, à attendre sa réponse avec un certain intérêt assorti de ce sourire vissé au coin des lippes. Hochant la tête au sujet de ce monde devenu fou, incontrôlable. C'était peut-être le fait de ne rien maîtriser qui le conduisait à tant abhorrer cette époque de merde, à ne même pas essayer, trop certain de ne pas y rester. Il devait bien y avoir une solution, un passage entre ce monde-ci et le sien, un autre type dans son genre qui lui servirait de pont dans le temps, le contraire était insupportable, impossible à envisager. Y'avait des moments comme ceux-là, où tout semblait possible, s'il cherchait bien. Le genre d'instant éphémère qui greffait un peu d'espoir derrière ses côtes et regonflait son aplomb pour quelques secondes, avant de se vider comme un ballon de baudruche. C'était pas grand chose, ça suffisait juste pour reprendre pieds, pour ne pas se laisser couler trop longtemps. La conversation se poursuivait et il s'y accrochait, sans la moindre envie de se détourner, de regagner cette demeure qui n'était pas la sienne. Il appréciait son hôte, sans doute un peu trop, à l'avoir vue revêtir les traits de son Elisa alors que son esprit lui jouait des tours, alors qu'elle le ramassait dans la ruelle où Meredith l'avait laissé. Elle lui avait été familière avant même d'avoir le temps de s'imposer en parfaite étrangère, sans qu'il ne cherche à la repousser, à lui cracher qu'il n'avait pas besoin de son aide. Elle l'avait aidé, Roos, et il lui était redevable à vie, d'une dette qu'il n'aurait de cesse de chercher à rembourser. Pourtant, malgré tout, ce n'était pas chez lui. Ce ne serait jamais chez lui. Et c'était pas tant la faute au décor, qu'à ces faciès inconnus. Le loup n'avait jamais été si solitaire qu'on le prétendait, le coeur attaché et la meute pour repère. Ce n'était plus que du vent, tout ça. S'y attacher relevait d'une folie qu'il n'était pas prêt à abandonner. Quitte à le raconter. Quitte à le dire à haute voix, à disparaître dans la nuit sur ces confidences qui l'auraient ancré dans la réalité pour quelques heures, qui auraient laissé le souvenir de ce qu'il avait été entrer dans la tête d'une inconnue. Ça lui donnait presque l'impression d'avoir existé, là où il n'était plus personne. Ça redonnait vie au Hyde, et effaçait la loque humaine.

« De Louisville. » Ce fut tout ce qui daigna sortir, au début. Comme si le reste demeurait coincé en travers de sa gorge, ou peut-être même dans sa tête, comme si les mots ne parvenaient à s'exprimer correctement. « Le Louisville d'il y a longtemps. » Les airs malins s'étaient estompés, le sourire aussi. Ne restait que cet air paumé, à se demander ce qu'il était en train de foutre, au juste. Et y'avait ce besoin de continuer. De laisser la vérité résonner aux oreilles de l'inconnue, à ses oreilles à lui. « T'étais pas née, et tes parents non plus. J'ai peut-être connu ton arrière-grand-mère, qui sait. » Le ton donnait dans l'humour, pourtant les prunelles avaient terni, et aucun éclat ne daigna les ranimer, pas même alors qu'il plaisantait - quoique l'hypothèse l'effleura tout de même, c'est qu'il en avait rencontré du monde, à cette époque là. « J'avais de sacrées affaires, à Louisville. Des affaires de famille, transmises de père en fils, t'vois le genre. La ville, ce qu'il y avait autour, c'était mon royaume. C'était pas facile, mais c'était ma vie, et ça m'plaisait comme ça. J'donnais les ordres, et personne venait s'interposer - ou pas longtemps, quoi. » Il repensait à Camille, cet homme de main devenu son plus proche ami, celui qui avait fait du si bon boulot, celui dont il devinait facilement le sort aussi. Il n'aurait jamais lâché Elisa, et sûrement qu'il avait fini par mourir sur ces mêmes marches, à tenter de la défendre, alors que le père se trouvait déjà loin. Cette simple perspective alourdissait encore cette culpabilité qui revenait ronger ses tripes, alors qu'il poursuivait d'un ton moins assuré. « Toute ma vie était là-bas, j'donnerais tout pour y retourner. Malheureusement, ces enfoirés m'ont déjà tout pris. » Sa voix trembla indisciblement, de rage en apparence, de toute autre chose probablement. L'homme n'était pas sentimental. Jamais. C'était bien le seul sujet qui avait été susceptible de le mettre à mal en quarante-deux ans de vie, de voyages en tous genres, de morts récupérés à l'aide de ce don que la nature lui avait donné. C'était la première erreur qu'il ne pourrait rattraper, la pire de toute, sans nul doute. « J'suis arrivé ici en décembre, j'ai rien compris. Peut-être que si j'avais pas disparu juste avant qu'on me dégomme la cervelle, tout ce serait réglé avec moi. Ils auraient pas perdu leur temps à m'chercher, ils se seraient barrés avant qu'on les trouve. » Il la fixait sans se détacher, l'observant sans la voir, proférant ces hypothèses qui ne l'effleuraient d'ordinaire que dans les pires moments, sans qu'il s'y attarde. C'était les mots de ce connard du laboratoire, que c'était de sa faute à lui, que c'était sûrement parce qu'on voulait sa peau qu'on avait eu celle de ses proches alors qu'il se faisait la belle sans prévenir. Le Hyde s'était mis à trembler légèrement, perdant le fil de ce qu'il était en train de raconter, oubliant que l'inconnue ne comprenait sans doute rien à ce qu'il pouvait raconter. « J'me suis retrouvé là en un battement de cils, sans même le vouloir. L'instinct de survie, sûrement. Si c'est pas putain d'ironique. » Marmonnant ses derniers mots plus pour lui même qu'autre chose, parce que c'était franchement con de survivre dans un trou pareil, sans la moindre envie de poursuivre, abandonnant toutes ses raisons d'exister derrière lui. « J'voulais repartir, m'occuper de ceux qui ont cru bon de s'élever contre les Hyde, les décimer avant même qu'ils n'aient pu songer à nous trahir. Mais avant que j'ai pu faire quoique ce soit, j'me suis retrouvé le cul vissé à une table de labo avec de la merde plein les veines. » La voix tremblait pour de bon, cette fois, mélange de détresse et de colère inépuisables à chaque fois que les souvenirs revenaient. « C'est là que j'ai su que tout avait été mis à feu et à sang, à Louisville, parce qu'on m'trouvait pas, qu'on m'prenait pour un lâche qui s'était fait la belle en se retrouvant pris comme un rat. » C'était sûrement ce qu'il avait le moins digéré, en lisant les premières lignes du journal qu'on lui avait collé sous le nez. L'idée que ces enfoirés aient pu s'imaginer une seconde qu'il était parti, lui qui ne vivait que pour ce domaine qu'il avait construit. « Mais j'serais jamais parti. Jamais. J'aurais encore préféré y crever que de foutre le camp. Je les aurais jamais laissé derrière. » L'iris brillant, à vif, l'homme laissa son dos se voûter contre le mur en y appuyant l'arrière de son crâne dans un bruit sourd. « C'est ma gosse, qu'ils ont trouvée. Pendant que j'étais là, à plus pouvoir y retourner. Ils ont trouvé ma gosse. Et j'pourrai jamais y retourner. J'pourrai jamais remonter assez loin pour empêcher ça. J'la reverrai jamais, j'la vengerai jamais. »

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