Satisfaite, Charlie avait tendu sa carte bleue à la vendeuse alors que celle-ci pliait soigneusement ses achats pour les entourer de papier de soie et les ranger dans le sac siglé. Elle avait fait une petite folie en achetant autant de jolies choses dans ce magasin de luxe, mais que voulez vous, elle ne supportait pas la frustration. Elle avait repéré cette petite robe bariolée dans la vitrine la veille, et elle n’avait pas arrêté d’y penser pendant la soirée, alors qu’elle était en chasse. Enfin, pas vraiment en chasse, mais en planque, dans l’espoir de débusquer un mutant qui ne s’était jamais présenté. Alors pour se consoler, elle avait décidé de faire de cette petite merveille sa propriété. Et du bracelet qui allait avec aussi, en double, parce qu’elle avait eu envie d’en offrir un exemplaire jumeau à Ivory. Elle était clairement la plus riche des deux en ce moment, et la gâter à l’excès était sa manière de s’excuser de devoir garder leur relation secrète et clandestine. Charlie remercia la vendeuse d’un sourire chaleureux, puis sortit de la boutique en trottinant et en chantonnant, comme elle le faisait si souvent quand elle était de bonne humeur.

Elle n’avait pas envie de rentrer tout de suite chez elle : cette après midi d’automne était absolument délicieuse, et elle avait envie de profiter de la douceur de temps pour se promener un peu. Elle ne savait pas vraiment où ses pas allaient la mener, mais ce n’était pas si grave, tout ce qui comptait, c’était de prendre l’air et de voir le monde tourner autour d’elle : cela faisait plus de quinze ans qu’elle avait quitté sa cage, 13 ans qu’elle était revenue à la vie civile, comme Ils disaient, et elle s’émerveillait toujours de voir qu’il existait des gens dont les principaux soucis dans la vie était de voir grandir leurs enfants et de leur payer des études, de promener leur chien ou de préparer leurs prochaines vacances. Des gens qui ne savaient pas ce que c’était d’avoir faim, soif et froid tout en même temps, de ne pas voir la lumière du jour des jours durant parce qu’ils étaient en isolation. Des gens normaux quoi, même pas mutants, surement pas hunters, qui vivaient une vie banale et sans grandes émotions, sans remous. Sereine. Elle les enviait un peu parfois, sans savoir si cela lui conviendrait vraiment en réalité. Elle n’avait jamais vécu ce genre de vie, alors … Charlie sortait son paquet de chewing gum à la menthe de son sac quand elle entendit des bruits suspects dans une ruelle à sa droite : un bruit étouffé, à peine perceptible pour une oreille peu entrainée. Le chuintement d’une lame. Dans une ruelle comme celle-ci, ce n’était pas bon signe, même en plein jour. Alors la petite blonde interrompit sa marche, puis s’avança sans hésitation dans la petite rue. Elle avait entendu un pas, surement féminin, et celui de plusieurs hommes qui semblaient essayer de calquer le leurs sur celui de leur…. Victime ? Oui, sans aucun doute, cette inconnue allait au devant de grosses déconvenues si personne ne faisait rien. Si Charlie n’avait qu’une conception très personne du bien et du mal, en revanche il y avait une chose qu’elle ne supportait pas, c’était que l’on puisse s’attaquer à quelqu’un en traitre. Elle-même quand elle chassait faisait toujours face à sa victime, et l’exécutait les yeux dans les yeux. Et là, à quatre contre une, c’était juste injustifiable. Impardonnable. Alors elle ne savait pas si ils étaient en chasse, ou juste une bande de petites frappes attirés par l’appât du gain ou une soif plus dégoutante encore, mais il était hors de questions qu’elle laisse faire. Absolument hors de question.

- HEP VOUS LA BAS LES TOQUARDS !

Elle avait parlé fort, bien fort, suffisamment pour que la bande de loubards se retourne et que la femme qui se faisait suivre puisse l’entendre aussi. Charlie avançait vers eux d’un pas déterminé, son sac de shopping coincé au niveau du coude, fonçant droit à la confrontation devant les yeux des quatre hommes interloqués.

- Bon d’habitude j’aurai fait un laïus sur Faire le mal c’est pas bien, les méchants sont pas très gentils etc, mais là j’ai juste la flemme, alors dégagez, presto.

Les hommes se regardèrent sans comprendre ce que pourrait bien leur faire une minuscule minette qui pourtant leur fonçait dessus comme un bélier contrarié. Le plus courageux d’entre eux fit un pas vers elle, l’air menaçant. Grand mal lui en prit.

- Ya un truc que vous comprenez pas dans l’impératif présent du verbe Dégager ? Vous-virez-le-plancher-zou !

Sans plus de sommation, Charlie leva sa main gauche et envoya un laser d’énergie en direction des quatre hommes. Oui, comme ça, en pleine journée, sans la moindre retenue, ni même chercher à se faire discrète. Son jet atteignit l’épaule d’un des types, qui glapit de surprise et de douleur. Il n’en fallut pas plus pour semer la panique : les trois autres se dissipèrent comme une volée d’oiseaux, alors que le pauvre malheureux décapait maladroitement en zig zag, craignant probablement un deuxième tir plus réussi… Que Charlie lui balança dans le derrière. Rien de suffisamment puissant pour le blesser durablement, mais il aurait du mal à s’asseoir pendant quelques jours. Satisfaite, Charlie tourna la tête vers l’inconnue, un petit sourire mutin sur les lèvres :

- C’est quand même pas de chance pour vous de tomber sur les quatre seuls délinquants de la ville, niveau criminalité classique ya pas grand-chose dans le coin normalement … Z’aviez vu qu’ils vous suivaient ? Pas trop secouée, ça va ?