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 (aloys), slay your demons while you're awake.

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Maxence Sanderson
Maxence Sanderson

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MessageSujet: Re: (aloys), slay your demons while you're awake.   (aloys), slay your demons while you're awake. - Page 2 Icon_minitimeSam 20 Aoû 2016 - 14:28

Se reposer. Pour Aloys, le repos est non pas une chose abstraite mais un concept avec lequel il n’a plus rien à voir depuis des années. Non pas que son immortalité ait remplacé pendant tout ce temps le sommeil mais… mais elle lui a conféré une telle résistance à la fatigue, allant de paire avec sa capacité à se régénérer de tout, qu’il en a oublié les limites des êtres humaines normaux. Se reposer. Voilà quelle était l’exigence de ses confrères lorsqu’ils lui ont intimé de quitter les urgences et d’aller dormir un peu. Se reposer. Le repos est loin, bien loin de ses préoccupations désormais, lorsqu’il regarde dans les yeux cet homme qui le dépasse d’une bonne tête, voire plus, et qui a des biceps au diamètre équivalent à deux fois les siens. Il est fatigué, Aloys, pourtant. Epuisé. A bout. Il tire sur ses limites, il puise dans ses réserves, sans cesse. Et psychologiquement, il n’est pas mieux, le belge, l’ex-immortel. Il est épuisé, fatigué, si las de vivre, que cela peut se lire sur ses traits juvéniles. Et s’entendre dans son discours. Il a essayé, il a essayé tant de fois de dépasser sa vieillesse, de s’intégrer à une époque, de se faire aux us et coutumes changeant, mouvants, suivant des tendances et des modes, il a essayé tant de fois d’ignorer son âge et de se reconstruire, de repartir à zéro pour ressentir une nouvelle fois en son sein l’étincelle de vie qui anime toute personne, mais… mais rien, strictement rien. Cela fait des années qu’il a abandonné, cela fait plus de quatre décennies qu’il a lâché prise, lorsqu’il a été expulsé de la vie de sa dernière épouse et rejeté loin de son enfant. On lui a arraché le cœur bien trop de fois, à Aloys. On lui l’a forcé à se réinventer bien trop de fois, l’Aloys. Alors qu’on ne le contraigne pas, qu’on le laisse vivre, survivre, qu’on lui laisse faire ses propres choix, suivre ses propres décisions, se heurter à ses propres échecs et qu’on ne s’interpose plus sur son chemin, maintenant que son petit compte à rebours s’est remis en marche, maintenant que le sablier est sorti de son immobilité et que les grains de sable que sont les heures ont recommencé à s’égrener lentement, sans retour en arrière possible.

Il est vieux. Et personne ne semble capable de le comprendre, pas même cet homme qui lui fait face et qui, pourtant, connait de près, très près, le mal dont a souffert Aloys pendant plus de quatorze décennies. Une proposition, voilà ce qu’Aloys articule, une proposition à prendre ou à laisser, mais que le Lynch n’a pas à remettre en question. Il prend son inspiration, il repousse le dossier, il inspire lentement pour rejeter au loin les images et cette terreur qui lui noue les tripes, afin de mieux regarder dans les yeux ce petit enfant assis devant lui. Qu’il le laisse l’aider, voilà tout ce qu’Aloys demande. Incapable d’exiger. Qu’il le laisse l’aider, voilà tout ce qu’Aloys propose, avec sa générosité presque maladive, presque excessive. Il porte vraisemblablement dans ses gènes la clé de l’immortalité déchue, de la mortalité retrouvée, il porte vraisemblablement en lui les réponses aux questions de la connaissance du chasseur qui a eu la malchance d’être infligée de l’attribut des dieux.
Le silence que ce dernier lui offre trouble un instant le chirurgien. Un instant, un court instant. Il réajuste ses manches, il se lève, il frotte machinalement son tatouage, Aloys bouge, Aloys sort de son immobilité pour offrir un marché. On ne peut plus rien faire pour lui, trop d’années se sont écoulées, trop d’années sans réponse, trop d’années sans frein, trop d’années, trop de morts, trop de génération et d’époque, trop. En revanche, il n’est pas trop tard pour d’autre et de cela, Aloys n’en est que trop conscient. Des réponses et de l’aide, il a le temps de les lui proposer. « J’dirais pas vraiment que j’ai eu des réponses. » Le centenaire fronce les sourcils avant de murmurer d’une voix douce, en contraste avec le visage sombre de son interlocuteur, un « Parce que je ne les ai pas. Mais que je vous propose simplement de les chercher ensemble… » qui ne se veut pas provoquant. Sa main tendue se heurte à un soupir, se heurte à des rétines, se heurte à du vide. Et à des mots lâchés sans conviction, comme par simple politesse. « On verra c’qu’on pourra faire… si vous vous faites pas tuer avant. » Un frisson, Aloys laisse retomber son bras sans aucune force. Il est solide, le Belge, il est solide, l’ancien immortel, mais même les roches les plus résistantes ont leur point de rupture, même les roches les plus solides peuvent se polir, s’éroder, s’abimer avec le temps, pour perdre de leur éclat, cet éclat qui brille dans ses pupilles lorsqu’il les darde sur le chasseur. « J’vous tiendrai au courant. » Il reste immobile, Aloys, lorsque le dos de l’homme franchit le pas de la porte, sans même lui laisser le temps de dire quoique ce soit. Mais en même temps, que peut il donc répondre à cela, que peut il donc répondre à tout cela, d’autre qu’un souffle discret, d’autre qu’un « Vous saurez où me trouver » presque inaudible. Les jambes d’Aloys chancèlent, ses doigts se réceptionnent au fauteuil offert aux visiteurs et s’y agrippent pour le maintenir debout. Et lorsque son regard finit par se détourner de la porte fermée, c’est pour s’attarder sur le dossier abandonné sur le bureau, un dossier auquel il devra bien un jour se confronter véritablement pour exorciser ces cauchemars qui marquent leur passage de cernes sur son visage.

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