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 + the fear in me just won't go away. (aloys)

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Invité

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MessageSujet: + the fear in me just won't go away. (aloys)   + the fear in me just won't go away. (aloys) Icon_minitimeDim 21 Juin 2015 - 21:02

see no light of day
hozier & aloys



Je déteste les samedis.

Je ne sais pas pourquoi, mais ç’a toujours été comme ça. Le samedi, mon père se tirait pour la journée, me laissait avec ma mère comme si j’étais rien d’autre qu’un chien qui pouvait se garder tout seul, et dont il pouvait revenir s’occuper le lendemain seulement. Il rentrait dans la nuit, je l’entendais, faute de trouver le sommeil. Et pour couronner la mauvaise image que j’avais ce jour de la semaine, il a fallu qu’il meure un samedi. C’était aussi un samedi que Narcisa m’a annoncé qu’elle se tirait aux Etats-Unis, qu’elle me laissait derrière comme si je n’avais jamais eu la moindre importance pour elle. Mais c’est une autre histoire. Bien différente. À cette époque-là, je détestais déjà les samedis.

Et ce samedi était une journée de merde — pardonnez ma grossièreté. Depuis le matin, il pleuvait. J’aime la pluie, pourtant. Par chez moi, il ne pleuvait que rarement, et j’adorais écouter le bruit que faisaient les averses sur le bois de la terrasse, sur le toit, et même les carreaux. Mais là, je ne supporte plus la pluie. Ça fait trois jours que ça dure, et ça commence à me courir sur le système.

Je m’efforçais de rester calme. Installé derrière le comptoir, j’observais sans ciller les torrents qui se déversaient sur Radcliff, et plus particulièrement sur la rue que j’apercevais de derrière ma vitrine. J’avais l’impression de regarder l’eau tomber depuis que j’avais ouvert, il y avait deux heures. Et je pense que si on mettait de côté le café que j’étais allé boire dans l’arrière-boutique, je n’étais pas bien loin du compte.

Finalement, je décidai de me secouer. Une grande inspiration, et me voilà décollé de mon fabuleux comptoir en formica. Première étape : un autre café. Ensuite, j’irais faire un peu de tri dans les tableaux que j’avais rachetés récemment, en proposer certains à la vente et en garder d’autres dans ma petite pièce personnelle. Voilà qui aurait lieu m’occuper jusqu’à midi. Midi, et c’est tout. Pas question de passer l’après-midi de cette journée pourrie enfermé là à attendre le client invisible.

Pendant que le café coulait, je regardai l’eau ruisseler sur la vitre de l’arrière-boutique, rendre complètement floue l’image de la cour intérieure, à tel point que je ne pouvais plus distinguer clairement les plantes et objets en tout genre qu’elle contenait. Le rendu avait quelque chose de très artistique, se contentant de mêler les couleurs, sans pour autant offrir des contours fixes à l’observateur. Une photographie ou une peinture pourrait difficilement retranscrire cette drôle d’impression. Mais certains bons photographes ou bons peintres pourraient probablement offrir un rendu illusoire suffisamment habile pour nous y faire croire.

J’attrapai ma tasse et je retournai derrière mon comptoir. Je bus une gorgée de café chaud avant de poser le récipient sur le formica, et de soulever le drap qui recouvrait deux tableaux que j’avais laissés là la veille, en attendant de les installer dans la boutique. J’en saisissai un, et j’allais pour le caler contre un meuble à quelques mètres de là, quand l’inespéré se produisit : la sonnette retentit. Un rapide coup d’œil m’apprit l’identité de mon visiteur. Un visiteur qui ne m’était pas inconnu, et justement un grand amateur d’art. Un homme qui avait peint certains des tableaux que j’avais pu revendre, à mon grand étonnement. Je ne lui avais jamais vraiment demandé comment il pouvait se prétendre auteur de si vieux tableaux, mais la réponse m’était plus ou moins apparue seule. Et depuis, il m’intriguait. Je prenais pourtant le temps avant de lancer la conversation sur le sujet.

Mais en le voyant débarquer, en ce samedi pluvieux, je compris qu’aujourd’hui ne serait peut-être pas non plus le meilleur jour pour lui en parler. Il avait l’air d’arriver d’une autre planète, une planète qui ne connaîtrait pas la lumière du jour, une planète où tous les monstres possibles et imaginables auraient pu jaillir de chaque coin d’ombre pour vous dévorer vivant. Son attitude m’interpella, mais je ne fis pas la moindre remarque. Je me contentai de lui sourire. Simple. Poli. Comme le veulent les bonnes manières.

« Bonjour. »

Je posai le tableau contre le meuble, relâchant doucement ma prise sur le cadre dont il avait été décoré, et détaillai quelques instants mon visiteur. Je n’osais faire la moindre remarque sur son aspect pour le moins étrange, et sur l’état émotionnel dans lequel il avait l’air de se trouver. La politesse m’ordonna cependant de trouver quelque chose à dire, et d’engager la conversation avec le client potentiel. Et comme rien d’autre ne me venait à l’esprit, je crus bon d’aborder le sujet le plus banal qu’il fut.

« Sale temps, hein ? »

Toujours souriant. Toujours doux. Toujours aimable. Il est des choses qui ne changent pas.

« Ça fait longtemps que je ne vous ai pas vu. »

Et j’ignore ce qui s’est passé, mais le regard de cet homme et son attitude, eux, ont changé.


(c) elephant song.
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Maxence Sanderson
Maxence Sanderson

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MessageSujet: Re: + the fear in me just won't go away. (aloys)   + the fear in me just won't go away. (aloys) Icon_minitimeDim 21 Juin 2015 - 22:45

see no light of day
hozier & aloys



Aloys tremble, debout devant sa porte. Il sait pertinement qu’il n’est pas sain de rester enfermé chez lui mais il a peur. Peur de remettre un pied dehors. Quelque part, il est brisé parce qu’il a peur de tour, parce qu’il sursaute, parce qu’il sait qu’ils vont revenir le chercher et recommencer  à le torturer, à jouer avec lui, à le découper pour regarder sa peau se refermer et… Non. Ils ne viendront plus jouer avec lui parce qu’Aloys est mortel. Plus que cela, même. Il est humain. Quelle sensation étrange de se savoir déchu, après cent soixante deux ans d’errance dans un monde et dans un temps qui n’étaient plus les siens. Aloys tremble, debout devant la porte de son trop vaste et trop vide appartement. Il inspire. Prend sur lui. Aujourd’hui, il pleut. Et Aloys a toujours aimé la pluie. La pluie nettoie, la pluie cache les larmes, la pluie dégringole sur son visage, sur sa peau, sur ses joues, se faufile dans sa nuque et glisse sur ses omoplates. Aloys a toujours aimé la pluie, c’est pour ça qu’il descend, sans manteau, sans pull. L’air frais le tétanise dès qu’il met un pied hors de l’immeuble, mais la foule n’est pas là, n’ose pas lutter contre les éléments et c’est cela qui le pousse, lui, à sortir. Aloys a peur, mais Aloys doit aller marcher, un peu. Ca lui fera du bien.

Le belge inspire et sent les premières gouttes de pluie. Le plus dur, ce sont les premiers mètres. Croiser une personne. S’apercevoir que les voitures roulent lentement. Le plus dur, c’est de savoir vers où se diriger. Il a rapidement les cheveux trempés, plaqués dans sa nuque, et la peau qui frissonne de froid. C’est vrai qu’il doit faire attention, maintenant, à ne pas attraper froid. Il n’a pas l’habitude d’être malade, il n’a plus l’habitude de faire attention à quoique ce soit. Alors il tremble, parce qu’il n’a rien pour le protéger de la pluie et du vent qui le frigorifie. Lorsqu’il aperçoit cette boutique, Aloys trottine et se cache sous le petit auvent. Il secoue la tête, comme un chien trempé, et fait gicler quelques gouttes sur la porte fermée. Et il la pousse, parce qu’il commence à avoir vraiment froid à rester ainsi dehors. Lorsqu’il fait un pas, comme les fois d’avant, une sonnette retentit. Et comme les fois d’avant, Aloys a le réflexe de chercher la cloche qui vient de s’agiter. Il oublie, toujours, que les cloches n’existent plus. Ce sont des carillons électroniques. Il se perd, dans la technologie. Elle a trop vite évoluée à ses yeux ralentis dans le temps. Elle a trop vite changé, il n’a pas eu le temps de s’y adapter. Alors il est bien dans ces boutiques de vieilleries, parce qu’il s’y sent chez lui. Il y a quelques temps – des mois ? Des années ? – il a trouvé dans les peintures à vendre l’un des tableaux qu’il avait maladroitement dessiné quelques années après son départ de Miribel. Un vieux tableau. Vieux, comme lui. Aloys tremble, mais ce n’est plus de froid. Il va mourir. Il essaye de s’en souvenir, mais ça lui échappe la plupart du temps. Mais pas là, pas au milieu de choses qui vont finir par être plus vieilles que lui. Il va… « Bonjour. »  Aloys sursaute et cherche la voix de celui qui vient ainsi de l’interpeller. Bonjour a-t-il dit. C’est le gérant. C’est le vendeur. Aloys se morigène : il doit se reprendre, ce n’est guère poli de garder ainsi le silence lorsqu’on le salue de la sorte. Il doit se reprendre, surveiller ses manières. S’il n’est plus Aloys, Seigneur de Miribel, il reste un de Miribel. Et un de Miribel n’ignore pas les salutations. La voix étranglée, il lâche dans un souffle un « Bien le bonjour, Monsieur. » qu’il aurait aimé plus convaincant. Mais il a du mal à respirer, et il a toujours froid à être aussi trempé. A dire vrai, il n’ose même pas s’avancer trop loin dans la boutique de peur d’abimer ce qui l’entoure. Il se connait, le Miribel, il sait qu’il est capable de trébucher sur ses propres lacets.

Et il ne sait pas quoi dire, aussi. Alors que toute son éducation le pousse à faire la conversation avec cet homme qui l’a accueilli dans sa boutique. Aloys est mal à l’aise et se demande même s’il est obligé d’acheter quelque chose. Il n’aurait peut être pas du… « Sale temps, hein ? Ça fait longtemps que je ne vous ai pas vu. » Aloys a envie de disparaître mais il se force à avancer. Il faut qu’il prenne sur lui. Il entend encore la voix de son précepteur. C’est inacceptable. C’est inacceptable qu’un de Miribel oublie à ce point son rang, son statut, la noblesse de son comportement. C’est inacceptable qu’un de Miribel veuille disparaître. Assumer. Responsabilité. Le belge prend le temps de respirer avant d’esquisser ce qu’il peut offrir de mieux en terme de sourire. Et sa voix douce, un peu plus claire que précédemment, s’élève à nouveau chez l’Antiquaire. « Ce sont les anges qui pleurent, disait ma grand-mère en une telle occasion. Effectivement la météo n’est guère clémente pour un début de week-end, mais il faut bien de l’eau pour nourrir les pâturages, n’est ce pas ? » Aloys tente d’avoir une apparence acceptable mais c’est peine perdue : son polo porte les stigmates d’une séquestration puisqu’il laisse apparaître un visage légèrement émacié et une large cicatrice sur son bras droit, reste de sa première vraie blessure. Ses doigts glissent d’ailleurs sur cette marque pour terminer sur le tatouage posé sur son avant bras. Amusant que ce soit le même membre que porte le fardeau de ses deux seules séquestrations en plus de seize décennies de vieillesse. Mais ça ne fait pas rire Aloys. Loin de là. « J’ai… j’ai été retenu ailleurs. Je crains n’avoir pas pu passer pendant plusieurs semaines en effet. J’espère que cela ne vous a pas causé trop d’inquiétudes… » Il se mordille la lèvre. Reste droit Aloys, reste calme. Ne panique pas. Ne replonge pas. Range tes souvenirs, cache les dans un coin de ta mémoire avec ceux d’Auschwitz et tu verras, tout ira mieux. Il inspire, encore. La respiration, d’après son précepteur de chant et de diction, est la source du contrôle. Tant qu’il maîtrise sa respiration, il ne s’effondrera pas. « Avez-vous reçu d’autres peintures de la même époque que la dernière fois, j’imagine que vous n’avez pas de Delaroche, mais peut être d’autres de ses contemporains ? » Aloys et la peinture, ça date de son enfance. Véritable passion, voilà qui est peut être son seul et unique parachute. Phare dans la nuit de sa solitude. Il ne peut pas rentrer à Miribel, alors qu’il en a besoin. La peinture, c’est ce qui le rattache à son éternité, c’est ce qui le rattache au domaine de ses ancêtres. C’est ce qui le rattache au présent, aussi.



(c) elephant song.
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+ the fear in me just won't go away. (aloys)

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