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 ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn)

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MessageSujet: ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn)   ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn) Icon_minitimeDim 27 Mar 2016 - 18:14



– kids are all wrong, stories all off –
JANIS ET FINN / And I can't stop 'til the whole world knows my name. 'Cause I was only born inside my dreams. Until you die for me, as long as there's a light, my shadow's over you. 'Cause I am the opposite of amnesia, And you're a cherry blossom, You're about to bloom. You look so pretty, but you're gone so soon. – FALL OUT BOY.



Elle l’savait, pourtant, qu’c’était une mauvaise idée. Elle l’avait toujours su. C’était écrit, noir sur blanc. On lui avait dit, elle était prévenue. Bois pas, ou ça finira mal. Bois pas, ou tu vas t’faire mal. Mais le problème, dans tout ça, c’était pas la douleur qui lui brûlait les doigts. Le problème, c’était le type sous les phalanges repliées, et le sang qui maculait ses traits. Il éclaboussait la peau blanche qui le surplombait, les mèches blondes et folles, et semblait ne plus vouloir arrêter de sauter au visage de l’acharnée. Elle l’savait, que c’était une mauvaise idée.

Mais fallait croire que certains en avaient de plus mauvaises encore. Comme la bousculer, et ne pas s’excuser. La regarder de haut et l’insulter d’un coup d’œil, ne prenant même pas la peine de la traiter de moins que rien. Partir, pas s’retourner. S’faire reprendre par un imbécile un peu imbibé, et s’faire féliciter par un autre. Ça aurait pu s’arrêter là. Ça aurait pu passer — mais la connerie d'une viande aussi soûle n'était plus à prouver. Il avait fallu le mot qui blesse. Il avait fallu qu’il se sente obligé de la traiter enfin de moins que rien, elle qui se contenait avec force, les yeux rivés sur les shooters qu’elle réalignait aussitôt après les avoir vidés. Concentrée, laissant l’alcool lui brûler le gosier, noyant la rancœur sous un flot de vodka pure. Dégueulasse. Mais elle avait l’habitude. Dans les bars, les pires boissons étaient toujours pour elle. Elle finissait les fonds d’bouteille comme elle avait pu finir les assiettes de tous les connards pour qui il avait bien fallu bosser. C’était plus pour la frustrer, c’était plus pour la gêner. Les verres restaient alignés, et c’était tout ce qui comptait. Ne pas les bouger, ne pas les faire tomber. Boire, le plus vite possible, pour oublier l’affront qui menaçait purement et simplement de la faire sortir de ses gonds. Ignorer la présence du type à côté, qui avait plutôt l’air de ne pas avoir apprécié la provocation. Essayer d’se dire qu’il a tort. Qu’il faut pas s’énerver, qu’il vaut mieux s’laisser marcher sur les pieds. Étouffer la bête, lui foutre l’oreiller sur la bouche et la garder enfouie où elle était. Sous la peau, sous les ongles. Au fond des tripes — au fond d’la tête.

Le mot limite, le ricanement de trop. Au lieu de se poser au bout de la file si sagement positionnée, le verre avait fusé. Il s'était brisé sur le crâne de l’impudent, avait fait sursauter l’impertinent adjacent. Et elle avait les yeux qui étaient tombés sur les carcasses encore rieuses quelques secondes auparavant — titubantes, maintenant. Elle avait les cheveux qui s’échappaient de l’arrière de ses oreilles, venaient encadrer ses traits crispés. Et le blond n’attendait que le vermeille pour lui donner des reflets chatoyants : l’or et le rouge, couleur des guerres — l’or et le rouge, couleur des lions. L’autre l’avait mal pris, et pensait que l’affront serait facilement maîtrisé. En trois pas oscillants, il avait été sur elle. Sa main s’était refermé autour de la gorge blanche — ou du moins, avait tenté. Il s’était retrouvé la tête sur le comptoir, front contre bois sans avoir le temps de crier. Envolée, la rangée de verres bien alignés. Détruits, le calme et la sérénité. Boire, ça n’avait jamais aidé à se contrôler. C’était même pour ça qu’elle était venue là : lâcher les rênes, laisser le naturel aller, et tenter d’ouvrir un putain de portail. Aider son compagnon de beuverie à retourner chez lui, l’attraper par la main avant qu’il ne disparaisse et l’accompagner. Ne plus jamais remettre les pieds dans cette ville pourrie, ne plus jamais y repenser. Ne plus jamais revoir tous ces visages familiers, traîtres ou alliés. Désolée pour ceux qui croyaient encore en elle — pas pour les autres. C’était pour ça qu’elle était v’nue là, pour ça qu’elle avait commencé à aligner les verres à shooter. Ça avait échoué. Encore une fois, elle avait été lamentablement incapable de faire ce qu’on attendait d’elle. Et tout ce qu’elle avait gagné, c’était de trembler sans pouvoir s’arrêter. Trembler de savoir que se produisait la seule chose qu’elle craignait de voir arriver. Trembler d’sentir qu’elle avait réveillé la bête, et d'savoir qu’il n’y avait plus rien ni personne pour l’empêcher de se mettre à sévir.

Le type avait essayé de se redresser, mais la main était venue se plaquer sur sa nuque. Pousser son visage contre le bois, faire tomber au sol tout ce qu’on avait pu avoir le malheur d’y poser, sur un bon cinquante centimètres. Et en moins de temps qu’il n’avait fallu pour le dire, le corps en route vers le lino avait renversé deux tabourets sur son passage, et heurté le sol. La masse blonde à cheval sur lui, empoignant ses cheveux pour marteler son crâne de ses phalanges fermées. Nez cassé, sang qui commence à gicler. Les yeux allaient gonfler, la lèvre se fendre. L’arcade s’entailler, les pommettes s’ouvrir. Elle le savait. Elle le voulait.

Tout oublié. Plus de bar, plus de cris. Plus de masse affolée de badauds qui s’écartent, plus de viande soûle qui essaie de s’précipiter sur elle pour la séparer d’sa proie et lui rendre la pareille. Elle en a oublié qu’elle n’était pas seule. Occulté la réalité au point de ne pas se rendre compte qu’il s’était levé aussi, et qu’il avait cogné pour qu’on la laisse s’énerver en paix. Pas de remerciements qui tiennent, pas de gratitude d’être aidée. Elle aurait été seule, elle se s’rait débrouillée. C’était bien ce qu’elle avait fait, toutes ces années : cogner, et s’faire cogner en retour.  Appuyer sur la détente, sachant l’horreur qu’elle laissait derrière elle. S’en vouloir, serrer les dents, mais continuer — incapable de faire autre chose.

Programmée pour sentir la chair céder sous ses mains frêles, les corps se fissurer sous sa hargne.

Hurler. Tuer.
Se replier. Frapper.

Ronger son os pour survivre, et ceux des autres pour vivre.


Dernière édition par Janis McLeod le Ven 8 Avr 2016 - 2:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn)   ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn) Icon_minitimeDim 27 Mar 2016 - 18:21

– some legends are told –
you bleed for me, i'll bleed for you. i caught you walking through walls, drowned with applause from the world that makes me crazy. we are, we are the shaken, we are the monsters underneath your bed - yeah, believe what you read. we are, we are mistaken, we are the voices inside your head - yeah, believe what you see.

C’est tard. L’heure limite du couvre-feu approche à grands pas et ça se sent – l’bar se vide, l’bar se meurt. Le patron jette des œillades répétées à sa montre en rangeant la vaisselle, torchon sur l’épaule et lassitude sur la tronche. Y a plus grand monde. Finn a l’regard qui se balade, scanne la salle et ses occupants. Il dresse un tableau mental des âmes paumées dans leurs verres.

Le Dépressif, à la table dans l’fond, le nez vissé sur sa chope de bière. Il boit et il boit, il demande rien à personne, trop occupé à avoir l’air prêt à s’jeter dans les abysses avec un boulet accroché au pied, histoire de s’assurer qu’il restera coincé dans les profondeurs. À la table d’à côté, la Gourgandine. Jupe trop courte et sourire qui sonne faux, elle se penche à tout va pour secouer son décolleté sous le nez de m’sieur Libidineux. Il se frotte régulièrement les mains sur les cuisses, se gênant pas pour se rincer l’œil – et qui peut l’blâmer, vraiment ? Finn soupçonne la donzelle de vouloir soutirer quelque richesse au pauv’ gars trop appâté par son joli jeu de jambes.

Au bout du comptoir, l’Idiot du village. Il parle trop fort, trop vite, avec les mains qui partent dans tous les sens. Il essaie d’attirer l’attention avec un charabia que personne n’comprend, mais il ne récolte que des regards méprisants et quelques sourires moqueurs ; ça ferait presque pitié. À deux tabourets d’écart, les Habitués. Rires gras et anecdotes qui n’intéressent qu’eux, ils monopolisent les ondes du bar et racontent leur vie au barman, se plaignent de leurs femmes – ou le manque de celles-ci – leurs boulots et tout ce qui peut leur venir à l’esprit. Finn a pris la peine de tous les renommer. En premier, m’sieur Coq. Il se pose en héros de tout c’qu’il raconte, fait mine d’avoir réponse à tout et cherche toujours à parler plus fort que les autres. Le diagnostic ? Sûrement une vie qui lui donne envie de s’arracher les ch’veux et un pantalon pas assez rempli. Après lui, son copain Freluquet. Il rigole aux blagues douteuses des autres, se fait taper dans l’dos amicalement et affiche un sourire parfois largué. Il parle pas des masses, plus discret qu’une souris ; on lit presque dans son regard qu’il regrette d’être là et d’avoir des amis aussi cons, mais qu’il peut pas s’empêcher d’revenir à chaque fois. Avec eux, lancé dans une tirade enflammée sur des histoires de procès, le Nerveux. Il s’énerve continuellement, peu importe l’sujet de conversation abordé – il râle et il gueule, jouant l’indigné alors qu’il ne s’intéresse qu’à ce qui l’concerne. Et enfin, le Rat. Des p’tits yeux fourbes, un sourire mauvais et du poison dans la bouche, quand il l’ouvre tout sonne faux, tout sonne pernicieux.

Une brochette peu reluisante, parce que dans ces heures-là, on n’trouve que les pires. Y compris Janis et Finn eux-mêmes ; c’est p’t’être bien les pires des pires. Le silence est tombé entre eux, la frustration venant pourrir leur oxygène et les tendre sur leurs sièges. Elle a les yeux perdus dans ses shooters de vodka – c’est dégueulasse – pendant que Finn s’empoisonne au rhum.

Elle y arrive pas. Elle y arrive pas, et ça l’rend dingue. Ils ont fait des progrès pourtant, il se dit que ça devrait aller d’mieux en mieux, que bientôt il pourra s’tirer de ce monde devenu cinglé. Mais ça vient pas ; ça vient jamais. Il a envie d’exploser, de tout casser, de laisser l’humanité connaître le goût d’sa rage et de repeindre l’univers couleur carmin. Mais il se retient. Le cul vissé sur son tabouret, il enchaîne les verres de rhum sans adresser la parole à sa voisine – de toute façon, elle est déjà en train d’ruminer dans son coin. Ah c’qu’ils ont l’air fin, quelle belle paire ils font là. L’ignorance cordiale et les coudes qui s’effleurent quand ils se brûlent la gorge, pas besoin de prononcer un mot pour dire l’évidence.

C’est la merde, buddy. Continuons d’se bourrer la gueule et p’t’être que ça calmera la tempête.

Mais la tempête ne s’apaise jamais – elle est tout juste contenue, menaçant de se faufiler au travers de la moindre fissure. Et si Finn est doué pour les refermer aussi vite qu’elles apparaissent, on n’peut pas en dire autant de Jai. Il le voit, le Rat. Il le voit qui passe près d’eux et il l’a a l’œil, il le sent pas. Il a raison. Ce con s’permet de bousculer la blonde, la regardant avec le dédain des fiers ignares et proférant une insulte plutôt qu’une excuse. Finn se tend, Finn se crispe. Il le couve de ce regard noir, que l’autre ne semble même pas remarquer. Alors il se tourne vers sa camarade, pas sûr de piger pourquoi elle n’lui saute pas à la gorge. Elle essaie de se contenir et il se demande bien pourquoi – l’autre mérite d’apprendre sa leçon et elle ferait un parfait professeur. Sûrement qu’elle a trop peur de lâcher la bête. Il l’a déjà vue à l’œuvre, quand ils avaient l’espoir qu’une bagarre déclencherait son don. Les ténèbres qui peignent son visage de guerrière quand elle frappe ne trompent pas. Il sait c’qu’il a vu. Et il ne demande qu’à le voir à nouveau.

Ça prend un mot. Celui d’trop, celui qui finit de ronger la volonté vacillante de la donzelle pour qu’elle cède à ses pulsions. Finn ne bronche pas. Il observe le spectacle, continuant de boire, changeant simplement de tabouret pour ne pas être dans le champ de manœuvre de la furie. Et il se délecte du carnage, tandis qu’elle se pare de ses plus beaux atours. Les plus pourpres qui soient.

Du coin de l’œil, il aperçoit m’sieur Coq qui s’approche en gueulant. « Lâche-le, espèce de tarée ! » D’un geste vif et fluide, Finn abandonne son verre sur le comptoir et se saisit de son tabouret, qu’il écrase sur l’autre idiot. Le fracas résonne et le bois craque, les pieds restant coincés entre les phalanges du pirate tandis que le reste se disloque et échoue au sol, en même temps que la carcasse d’la volaille, qui doit sûrement voir quelques étoiles. Alors que Finn affiche un sourire railleur, un coup sorti de nulle part vient le cueillir à la mâchoire, le faisant trébucher jusqu’au comptoir. Il se rattrape, se redresse juste à temps pour éviter un nouveau coup. Le Nerveux est venu à la rescousse de ses acolytes. Le Nerveux reçoit un poing dans l’nez, et c’est un pied dans le ventre qui l’agenouille. Il veut se relever mais le genou qui vient cogner violemment dans son visage l’en empêche, le mettant K.O à son tour.

Le souffle erratique de Finn se mêle aux impacts portés par Jai, qui orchestrent la seule union brisant le silence. Quand il se retourne, il aperçoit le Dépressif qui n’a pas bougé d’un poil, visiblement peu perturbé par toute cette agitation. La Gourgandine et m’sieur Libidineux ont mis les voiles. L’Idiot du village l’observe avec la bouche grande ouverte, son verre à la main. Des Habitués, il ne reste que Freluquet – m’sieur Coq et le Nerveux sont assommés, pendant que le Rat est encore en train de se faire détruire le faciès. Les lippes de Finn se retroussent dans un angle sinistre, tellement que le dernier rescapé se lève avec les mains tremblantes, reculant d’un pas et puis deux. « Merde. Merde, fait chier, putain. J’ai rien à voir avec eux, j’te jure. » Il est mignon. Comme une proie prête à s’faire dévorer. « Dégage. » Et il se fait pas prier, le bougre. Il tourne les talons, non sans jeter un dernier regard à ses camarades malmenés, puis se précipite jusqu’à la sortie. Le grand méchant loup a traumatisé l’bar, semble-t-il.

Quand il pose à nouveau le regard vers le comptoir, il trouve une surprise. Un flingue, pointé sur lui. Faut croire que le propriétaire n’apprécie pas qu’on transforme son établissement en champ d’bataille. Pourtant, le sourire de Finn ne s’effondre pas – c’est même le contraire. Il s’étale comme une épidémie. « Quelle pagaille. N’est-c’pas ? » Il présenterait bien ses excuses, mais il est loin d’être désolé. « Prends ta copine et casse-toi, sinon j’hésiterai pas à m’en servir. » À en juger par l’acier de son regard, il est on n’peut plus sérieux. Pour faire bonne mesure, Finn lève les mains, histoire de paraître aussi inoffensif que possible. Difficile, quand il a l’sang des autres clients étalé sur l’épiderme et les vêtements. Il peut pas tourner la tête, prunelles vissées à la menace. Il peut pas bouger, l’autre est trop instable – suffirait d’un rien pour qu’il presse la détente.

« Allons, pas b’soin d’en arriver là. J’vous remplacerai le tabouret. Promis. » L’autre ne rigole pas. Finn non plus. Il est fait comme un rat ; à croire qu’le karma a un sens aigu de l’ironie.


Dernière édition par Finn Taggart le Lun 2 Mai 2016 - 22:42, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn)   ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn) Icon_minitimeDim 27 Mar 2016 - 18:31


stay away from me, the beast is ugly
i keep it caged but i can't control it


Autour du ring aux cordes invisibles, le vide s’est fait. L’instinct de survie semble avoir rattrapé les plus téméraires, projetés dehors ou prostrés au sol. Leur absence laissait un silence prudent dans leur sillage, comme une traînée de poudre que la petite bête déchaînée achevait de colorer de carmin. Incapable de s’arrêter, incapable de se raisonner. Perdue dans les tréfonds de son animalité, dans les affres de sa violence, elle ne voyait plus rien que le visage tuméfié qui prenait rapidement forme sous son nez. Les yeux qui se gonflent, se pochent. Le nez qui se tord, et qui ne peut s’empêcher de continuer de craquer. Le sang lui maculait les poings, la peau de ses phalanges s’arrachait. C’était pas parce qu’elle a l’habitude qu’elle était immunisée, et elle le savait. Elle le savait, et elle s’en foutait. Y avait plus rien qui comptait, hormis défouler sa rage sur ce type. À en oublier qu’il n’avait fait que l’insulter, et que même la pire des enflures ne méritait pas ce type de punition ; pas pour si peu. Mais elle s'est bel et bien égarée, à en perdre de vue qu’il n’était pas responsable du reste — et que la seule coupable de son incapacité à ouvrir un portail pour laisser le requin d’à côté retourner dans ses eaux vermeilles, c’était elle.

Rien à faire. Elle a la furie qui lui bat les tempes, le cœur qui ne se gorge de sang que pour l’aider à asséner des coups toujours plus violents. Elle sent ses bras faiblir petit à petit, mais l’adrénaline vient empêcher son corps de crier stop. Empêcher sa raison de percer le voile de ténèbres qui l’obscurcissait, et qui l’empêche de se retrouver. Elle s’est perdue. Dans sa douleur, dans sa culpabilité. Dans l’alcool qui navigue au gré de ses veines, et dans la sensation d’impuissance qu’elle éprouve à percevoir des voix sans être capable de les atteindre. À être enfermée dans cette putain de ville, à voir sa liberté à nouveau menacée. Y a plus personne pour faire taire les chuchotis, plus personne pour l’aider. Et elle les entend, l’acharnée. Elle les entend, à l’autre bout de ce bar, derrière ce comptoir. Elle entend les murmures, les rires ; elle perçoit les sirènes de polices. Elle ne sait pas où ça va, elle ne sait pas d’où ça vient. Tout c’qu’elle sait, c’est que ça lui parvient. Que les cris poussés derrière la barrière fantomatique, elle est la seule à les capter — et qu’ils la rendent folle. À exister, à se pavaner. À la narguer. Et par-dessus tout, à rester hors de sa portée.

Folle — elle frappe. Folle — elle serre les dents. Folle — son poing reste accroché à la mâchoire du type. Elle réalise qu’elle lui a salement détruit la joue. Oublié d’enlever sa bague, oublié qu’elle aurait pu lui faire encore plus mal. Il est dans un état pathétique, et c’est à s’demander s’il est encore conscient ou non. Elle devrait s’arrêter là, et elle le sait. La lucidité perce, rayon de lumière tamisé au milieu d’un amoncellement de rouge : si elle continue de frapper, elle va l’tuer. C’est pas ça qu’elle veut. Ça ferait débarquer les drôles de flics qui s’prennent pour les gardiens des enfers. Ils s’mettraient à japper des ordres, à montrer les dents, à sortir les griffes — à mettre en joue les deux seuls véritables cerbères ici et à finir par les abattre, faute de pouvoir les contrôler. C’était pas ça qu’elle veut. Elle le mériterait peut-être, mais pas lui.

Pourtant, elle sent son bras se lever. Elle sent la violence armer son poing, à nouveau. Une main qui s'écarte de la carcasse, tremblante, prenant de l'élan tandis que l’autre s’est refermée sur le col du corps ensanglanté et quasiment inanimé. Un léger crachotement. Le sang déboule sur les lèvres, amas coagulé qui vient tacher le poing serré sur le vêtement. Et pour toute réponse, les phalanges serrées se hissent un peu plus haut. Elle est prête : prête à les laisser retomber, prête à asséner le coup de grâce et à l'envoyer piquer une tête entre les bras de Morphée. Prête à se relever et à r’garder à qui ce s'rait le tour après. Inconsciente que la salle s’est vidée, et que le peu qui a été assez fou pour rester a déjà reçu son compte. La réalité est trouble ;  faire sombrer dans l’inconscience le morceau de chair sanguinolent qu’elle tient entre ses griffes est terriblement alléchant. Trop, peut-être. La frontière du bien et du mal lui apparaît, et elle sait que ce serait de trop. Elle sait que depuis quelques minutes, tout est déjà de trop. Pourtant, rien ne l’empêcherait de faire ça. Absolument rien. Hormis, peut-être, quelques mots mêlés aux chuchotis. Quelques paroles bien réelles, émergeant du bouillon de sa folie.

Elle relève le nez, et ses yeux clairs tombent sur le patron de l’établissement. Le voile d’irrationalité se lève progressivement de sa vue, lentement ; presque hésitant à trop en dévoiler. Il en laisse suffisamment pour qu’elle comprenne l’idée — Finn est en danger. Elle ne sait pas c’qu’ils se disent, mais son p’tit doigt lui dit que les projections de sang sur le comptoir, le plancher et les tabourets alentours ne sont pas étrangères à l’arme à feu que le gaillard tient braquée vers son compagnon de massacre. Le petit poing hargneux retombe lentement. Doigts dépliés qui viennent se poser à plat contre terre. Frêle peau à vif sur ses phalanges, lambeaux mouchetés de sang s’en décollant. La douleur ne lui parvient pas. L’adrénaline est trop forte, le cœur bat trop vite. Elle n’est pas à l’épreuve des balles, et elle le sait ; mais voilà : Finn non plus. Et s’il est coincé là, c’est à cause d’elle ; s’il en est rendu avec une arme braquée sous le nez, c’est à cause d’elle aussi. Alors elle desserre complètement sa prise sur sa victime. Ses jambes la hissent : elle ne tremble pas, ne ressent pas encore la fatigue du massacre. Peut-être parce que celui-ci n’est pas encore terminé — qui sait.

Gestes en suspens, temps figé. L’autre a le doigt sur la gâchette, et semble prêt à tirer sans sourciller. Pourtant, elle le voit — ce léger tremblement, provoqué par son instinct de survie. Une arme à feu contre deux francs-tireurs. Incapable d’être partout à la fois. Et dans ce genre de cas, c’était bien souvent la logique de l’auto-défense qui prédominait : tirer sur la cible mouvante, celle qui va pour tuer — celle qui vient de se mettre à bouger, et de se jeter vers le comptoir ensanglanté. Le revolver se détourne, le coup de feu part. Elle a déjà glissé vers le côté pour esquiver la balle ; sa main attrape le poignet armé, l’attire brutalement vers elle. Le bar accueille son patron au creux du ventre, alors qu’elle se sert de son élan pour passer par-dessus la surface de bois. Elle tord le membre et, en moins de temps qu’il ne lui faut pour le dire, elle lui a fait une clé de bras, a cassé deux doigts. Il a lâché le revolver et elle l’a récupéré pour lui poser sur la tempe, appuyant son corps frêle sur son dos et son bras tordu, le forçant à embrasser le bois verni ruisselant d’alcool et de paillettes pourpres. « Si tu r’pointes ça vers lui encore une fois j’repeins l’comptoir avec ton sang. » Elle braque plus fermement le canon sur la peau pâle. Et elle appuie — fort, trop fort. Le petit déclic menaçant a retenti, à peine la phrase terminée. L’arme est chargée — et elle persiffle, la furie, la rage entre les dents, la férocité se dégageant du moindre de ses mouvements. « Mais dis-moi juste c’qui m’retient de l’faire maintenant. » Incapable de s’arrêter, incapable de trembler. La poigne assurée, les yeux fous d'une démence qui l’a à nouveau possédée. Et les voix derrière la faille crient, à nouveau. De bonheur ou de malheur, elle l’ignore — tout c’qu’elle entend, c’est le raffut qu’ils font, et qui l’empêche de distinguer les contours de la raison.
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MessageSujet: Re: ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn)   ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn) Icon_minitimeSam 23 Avr 2016 - 21:53

– some legends are told –
you bleed for me, i'll bleed for you. i caught you walking through walls, drowned with applause from the world that makes me crazy. we are, we are the shaken, we are the monsters underneath your bed - yeah, believe what you read. we are, we are mistaken, we are the voices inside your head - yeah, believe what you see.

Se faire menacer par le canon d’un flingue, ça n’lui a jamais fait peur. Pas plus qu’une épée, un sabre, une dague, ou n’importe quelle lame. Pas plus que des poings serrés, des canons prêts à tirer, ou même une putain d’armée. Il est persuadé de n’plus avoir peur, Finn. Il se trompe un peu – la peur est là. C’est ce qui provoque la montée d’adrénaline, la rage de vaincre, la soif de vivre et de tuer. La peur rend humain. La différence chez lui, c’est qu’il n’a pas peur d’avoir peur. Sa peur ; il la broie, il l’avale, il la transforme en brasier et il s’en sert pour tout massacrer. Vous savez c’qu’on dit : même les monstres ont peur. C’est bien c’qui fait d’eux des monstres et il n’fait pas exception à la règle. Si ses prunelles vissées sur le canon trahissent son appréhension à l’idée de le voir se vider, sa posture, elle, laisse paraître un danger imminent. Sa tentative d’air innocent est lamentable, malgré ses mains levées et son immobilité. La commissure de ses lèvres prend un angle trop lugubre, ses crocs se découvrent avec une ferveur qui n’trompe pas et ses muscles se bandent à l’instar de ceux d’un fauve prêt à bondir. Il a le regard d’un junkie venant de s’injecter une dose de son poison favori dans les veines ; et le sien n’est autre que la violence.

Comme Jai. Ils n’sont rien de plus qu’un duo de drogués, pas foutus de décrocher, incapables de résister. La tentation est partout, à tous les coins d’rue – dans chaque cellule de chaque être qui les frôle de trop près. Ils sont nucléaires, devenus des mines ambulantes. Personne n’peut savoir quand et où ils vont exploser, suffit d’un pas de travers pour que la sentence tombe sans préavis. Deux fois plus tranchante, deux fois plus ardente. Deux fois plus meurtrière. Leur association a d’quoi filer des cauchemars ; c’est le Kraken qui s’allie au Croquemitaine pour semer le chaos, la Guerre qui s’allie à la Mort pour faire des ravages. Les cavaliers sont en marche et l’Enfer les suit dans leur sillage.

L’Enfer, que Finn risque de rejoindre plus vite que prévu, à en juger par l’arme pointée sur sa personne. Il a beau n’pas avoir bougé, le patron non plus. Ils sont là, à se fixer en chiens d’faïence. Comme des cons. Sûrement que l’type ne veut pas presser la gâchette sans y être forcé, tandis que Finn attend une ouverture – n’importe laquelle. C’est à ce moment qu’il se rend enfin compte du silence environnant. Rien d’bien étonnant, les clients sont tous partis ou assommés, il ne reste plus personne. Même les derniers résistants ont mis les voiles en voyant un flingue s’ajouter à la partie. Oui mais voilà : on entend même plus les coups portés par Janis. Ce qui veut dire qu’elle a stoppé, et que c’n’est qu’une histoire de secondes avant qu’elle ne réalise la posture dans laquelle se trouve Finn. Une histoire de secondes, avant qu’elle n’intervienne. Il essaie même pas de retenir le gigantesque sourire victorieux qui vient fendre son visage à cette simple idée. L’autre est foutu.

Avec tout le flegme du monde, ses bras se baissent dès que Janis entre dans son champ de vision. Il la voit, éviter la balle tirée dans sa direction, sauter par-dessus le comptoir. Se jeter sur l’intrus telle une louve affamée. Le malmener avec une facilité presque déconcertante. Elle le désarme, le cogne, le maîtrise. Elle inverse les positions, incrustant le canon à la tempe du type, tellement fort que ça laissera sans aucun doute une cicatrice – l’arme est encore chaude du coup tiré, et est vraisemblablement en train de brûler le pauv’ gars. Finn aurait presque pitié, s’il n’était pas déjà occupé à jubiler.

Les menaces fusent. Les babines se retroussent. Les yeux se voilent d’une folie que Finn commence à connaître. Semblerait qu’elle ait la violence dans l’sang, la p’tite. Dans l’sang et dans l’cœur, jusque dans les tréfonds de l’âme. Pas d’la même façon que lui. Et c’est bien ce qui l’intrigue plus qu’il n’accepte de l’avouer. « Jai. » Trois lettres, balancées du bout des lèvres, de cette voix grave et presque autoritaire. Un appel pour tenter de la sortir de sa torpeur, le phare dans la tempête.

Prenant appui sur un tabouret, il escalade le comptoir à son tour pour rejoindre son acolyte. À distance pour commencer, pour n’pas venir se foutre entre la prédatrice et sa proie. « M’est avis que c’gueux a compris la leçon. » Y a qu’à le regarder : paralysé, il arrive même pas à prononcer le moindre mot. Il reste là, bloqué sous la poigne de la furie, le visage tordu par ce que Finn interprète comme un mélange de terreur et de douleur. Et lentement, l’pirate s’approche, jusqu’à ce que son visage ne soit plus qu’à quelques centimètres de celui de Jai. Il ne la touche pas, conscient qu’elle est un peu paumée, un peu enfermée dans un tourbillon pourpre. Sa voix s’élève à nouveau, plus posée, lancée comme une bouée à la mer. « On lui pardonne pour c’te fois, pas vrai ? T’peux le lâcher. » Usant de toute la douceur dont il est capable, il vient poser une main sur le poignet de Janis, leurs peaux pâles aussi parsemées de rouge l’une que l’autre. Son autre paluche vient cueillir le flingue tranquillement, aidant la donzelle à s’en délier sans geste brusque. À l’voir faire, on croirait presque assister au désamorçage d’une bombe à retardement. Qui aurait cru qu’il ferait un si bon démineur ?

Une fois l’opération terminée, il prend la place de Janis pour aider l’type à se redresser. Mais sa bienveillance a des limites et il a tôt fait de planter ses prunelles dans les siennes, agrippant son col pour l’attirer à lui violemment. « Un mot sur not’ passage ici, et on reviendra t’voir. Sauf que j’la stopperai pas. Tu veux pas finir comme lui, si ? » Brutalement, il force l’homme à tourner la tête vers le Rat, qui gît toujours à terre, à demi défiguré par les assauts de Jai. Puis il amène leurs regards à se croiser à nouveau, arquant un sourcil inquisiteur, attendant une réponse. Le type se contente de secouer la tête en signe de négation. « Bien. Surtout qu’les gens qui parlent trop, chez moi, on avait pour coutume d’leur coudre les lèvres. » En guise de final pour son discours, il lève sa main tenant le flingue pour l’abattre violemment sur le crâne de leur victime. Qui, assommée, s’effondre au sol dans un bruit sourd. Ça, c’est fait.

Satisfait et fier comme un paon, Finn se tourne vers sa comparse et lui tend l’arme, ne sachant trop qu’en faire. « T’as l’air d’le manier comme une chef, t’as qu’à l’garder en souvenir. » Venant de lui, c’est un cadeau. Un cadeau d’pirate.

Le sourire qu’il lui adresse cherche à détendre l’atmosphère alors qu’il la contemple, ses iris s’attardant sur chaque gouttelette vermeille venant tacher son visage de poupée sanguinaire. « On devrait lever l’ancre avant qu’la police n’ait la bonne idée d’se pointer, non ? » Il sait pas encore trop comment ils s’organisent ces jours-ci, mais il semblerait qu’ils aient l’chic pour se pointer quand il n’faut pas. Autant dire qu’il a pas franchement envie de s’faire attraper et enfermer où qu’ce soit, merci bien. Il a déjà connu ça dans son passé miteux, c’est pas pour réitérer l’expérience dans un futur franchement cinglé.


Dernière édition par Finn Taggart le Lun 2 Mai 2016 - 22:43, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn)   ※ kids are all wrong, stories all off. (jainn) Icon_minitimeJeu 28 Avr 2016 - 23:01

Y a plus rien, autour d’elle ; plus rien d’autre que sa proie, le flingue qu’elle tient entre les mains, et la conscience du moindre de ses muscles crispés. Elle pourrait le tuer, ici et maintenant. Sans le moindre remords, sans même trembler. Un geste net, sec. Elle aurait la force de lui tordre le cou plus facilement qu’on ne le soupçonne — la sous-estimer, c’est devenu le quotidien des gueux qui peuplent l’humanité. Mais elle ne fait rien ; rage suspendue entre deux eaux, doigt pressé sur la détente, prêt à appuyer rien qu’un peu plus fort pour savourer la couleur de la cervelle contre le bois. L’autre tremble sous ses mains, mais ça ne suscite pas la moindre pitié. Elle a beau se haïr, chaque fois qu’elle retombe, elle est pour le moment bien incapable d’y penser. Ses yeux fous ne quittent pas le visage crispé et geignard, ses oreilles ne parviennent pas à se fermer pour occulter les dizaines de murmures qui la font délirer. Elle voudrait s’en débarrasser, les éliminer — si seulement leur vider un chargeur dessus avait pu changer quelque chose. Mais elle ne peut rien faire, et il n’y a rien à espérer. La seule option qui lui parvient, c’est de presser une fois pour toutes la gâchettes, et de laisser le bruit de la détonation couvrir les chuchotis pour l’espace d’une minuscule fraction de secondes. Et elle envisage sérieusement l’option, la petite bête blonde, ses babines retroussées en une expression de fureur profonde, ses yeux noyés dans un désespoir qu’elle serait bien incapable d’expliquer.

Et alors que son nom éclate comme une bulle, non loin d’elle, elle se rend compte d’une présence qu’elle avait naturellement intégrée à son environnement. Elle le savait là, debout derrière le comptoir ; cette extension d’elle-même, cet homme qui la regardait sans ciller. Ce phare qui s’était imposé à elle sans qu’elle ne le réclame, ce type qu’elle n’aurait jamais pensé vouloir protéger un jour. Dans sa tête, les choses avaient été simples et concrètes : le tuer, ou réussir à le renvoyer d’où il venait. Et puisqu’elle était bien incapable d’ouvrir un portail, alors le tuer était la seule option qu’il restait. Mais il avait joué ses cartes, le gredin, et le piège s’était refermé autour d’elle en même temps que de lui. Elle n’avait pas eu le choix de changer son fusil d’épaule, n’avait pas eu le choix de le laisser entrer dans sa vie. L’idée de partir avec lui s’était rapidement instillé dans son esprit, et elle avait commencé à se rendre compte de la lumière qui émanait de ses yeux clairs. Là où Altaïr, lui, était à la fois son ombre et son reflet, comme elle pouvait être les siens, Finn s’était approprié une toute autre place. Et la curiosité fascinée qui se dessinait au fond de ses iris lui avait fait libérer une place sur le piédestal où il aimait se tenir, désireux de voir ce que cette violence blonde avait à offrir. Et elle n’arrivait pas à comprendre ce qu’elle foutait là, bien incapable de saisir ce qu’il voyait. Il regardait fixement une facette qu’elle haïssait de tout son être, et savoir ces deux yeux lucides braqués sur le tourbillon carmin qui lui habitait l’esprit l’empêchait de réussir à l’occulter. Alors qu’il l’observait, elle se rendait compte de ce qu’il était ; alors qu’il la détaillait, elle n’arrivait plus à fermer ses propres paupières sur l’essence même dont elle était composée. Terreur, douleur, culpabilité ; incapable de comprendre c’qu’elle voulait être, et c’qu’elle était.

Il escalade le comptoir à son tour, et elle ne bouge pas. Lorsqu’il reprend la parole, elle raffermit sa prise sur le revolver, appuie un peu plus encore le canon bouillant contre la tempe. Ses dents se sont encore davantage serrées, mais elle n’a pas cillé. Elle sent la présence tiède et envoûtante s’approcher d’elle ; son visage entre dans son champ de vision, et elle sent sa respiration s’accélérer. Y a quelque chose qui lui dévore les tripes, quelque chose qui la consume de l’intérieur. Et elle n’est pas capable de dire si c’est la proximité de Finn, ses mots, ou les yeux qu’il pose sur elle. Elle n’est pas capable de savoir ce que le mélange de tout ça provoque en elle, et elle sent la panique la gagner. Alors qu’elle avait commencé à trouver des repères dans le monde, il avait débarqué, et il avait tout foutu en l’air. À nouveau, elle avait l’impression de se retrouver comme une enfant qui avait tout à apprendre ; mais pas sur le monde, cette fois : sur elle-même.

Et elle sent la main de l’homme se poser sur son poignet, en même temps que ses certitudes et son envie de tuer ne cèdent. Les voix se sont effacées derrière celle de Finn, phare dans l’obscurité, seul répit que le monde était encore capable de lui donner. Et elle s’y accroche, la blondinette — de toutes ses forces. Elle sent l’arme quitter ses mains, le visage de Finn s’éloigner du sien. C’qu’il y a au fond de son cœur n’a pas cessé de brûler, alors qu’elle le sent prendre ses distances pour attraper le type et le relever. Elle regarde alternativement le sauveur et la proie, se laisse bercer par la gravité de sa voix, par les menaces qu’il profère avec une terrifiante tranquillité.

Et elle ne sort de sa léthargie qu’au bruit de l’impact entre le flingue et le crâne. Le corps s’effondre, inanimé, alors qu’elle bat des cils pour rejoindre la réalité. Ses lèvres se scellent, ses yeux se lèvent vers la mine fière de son acolyte. Son cœur bat toujours, alors que l’adrénaline est pourtant retomber. Elle ne comprend pas, et elle ne cherche pas à y discerner quoi que ce soit ; ça l’obsède, mais elle ne dit rien. Elle va se calmer, ce n’est qu’une question de minutes — ça finit toujours par s’estomper. Pourtant, lorsqu’il lui tend l’arme, lâchant quelques petits mots à son attention, l’état de son myocarde ne fait qu’empirer. Elle déglutit doucement, laisse ses yeux passer de l’homme à l’objet qu’il lui tend. Elle sent le regard perçant la détailler, bien incapable de l’occulter. Elle n’a pas envie d’un flingue ; elle en a déjà plusieurs, soigneusement alignés dans sa planque à l’appart’. Ce sont ses bébés, et elle n’a pas l’utilité d’en avoir un nouveau à s’occuper. Mais celui-là, il est accroché au bout de n’importe quelle main. Celui-là, il est différent. Et elle n’arrive pas à refuser, n’arrive pas à l’envoyer bouler. Ce n’est même pas un modèle avec lequel elle affectionne tirer, mais elle ne s’en soucie pas ; et alors que ses doigts frôlent ceux de Finn pour attraper l’arme, elle sait celui-là, ce s’ra celui que jamais elle ne perdra.

Faut s’tirer. Il soulève un bon point, mais elle n’arrive pas encore à répondre. Son cœur ne veut pas se calmer, et cette défaillance cardiaque commence à l’énerver. Elle renifle doucement, glisse le flingue dans sa ceinture. Ses mains viennent essuyer le sang sur ses joues, mais ne l’étalent plus qu’elle ne l’efface. Elle le voit dans l’miroir à sa droite, et elle s’observe un instant. Insiste. Ça veut pas partir. Les traces de sa folie ne veulent pas s’éclipser. Elle frotte un peu plus, obsédée par le rouge qui lui peint les joues, se trouvant soudainement des airs plus monstrueux que jamais. Et son cœur refuse de se calmer, s’emballe encore davantage alors qu’elle sent sa gorge se serrer. Elle a encore dérapé. Elle n’est pas capable de se contenir, pas capable d’être aussi patiente et mesurée que quelqu’un de normal. Elle n’a rien de ce qu’il faut pour pouvoir s’intégrer : pas de bouton stop, pas de limites à la cruauté. Elle n’a ni lucidité ni entendement, et elle entend ces voix dont tout le monde refuse d’accepter l’existence. Comment, alors, le loup peut-il espérer se glisser un jour dans les rangs des moutons en toute impunité ?

Faut s’en aller, faut s’tirer. Mettre les voiles avant que les flics ne rappliquent, éviter que quiconque les trouve au milieu de ce carnage. Mais Jai, elle est incapable de bouger. Ses yeux fixent le reflet vermillon que sa vision déformée d’elle-même fausse. Et du coin de l’œil, elle voit le reflet du monstre qui l’a attrapée, démasquée et déchaînée. Faut s’tirer, mais elle ne peut pas bouger. Pétrifiée par une monstruosité dont il lui semble alors qu’elle ne sera jamais capable de se débarrasser. Elle sait que les sirènes ne sont pas loin, hurlantes, prêtes à déverser sur eux leur fuel et leur colère. Prêtes à leur faire payer les ravages dans cet endroit miteux, et à mettre les animaux en cage.

Et finalement, elle les sent — les doigts, glissant dans sa paume. L'attirant à sa suite sans qu'elle n'ait le temps de réagir. Quelques mots grognés, que son étrange état ne lui permet pas de convenablement capter. Tout c'qu'elle sait, c'est qu'il a réagi pour elle. Si elle ne le suit pas, alors il va l'entraîner. Ses jambes se sont actionnées pour emboîter le pas à l'homme. Et ils s'échappent, les monstres, peu soucieux du chaos laissé derrière eux. La nuit les avale dès l'instant où ils lui font l'affront de lui présenter leurs visages maculés de rouge. Et lorsque les forces de police arrivent finalement, tout est déjà terminé. Le carnage a pris fin — et pour la soirée, la tempête est passée.


( the end )
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