(alec) – we're a broken people living under loaded gun.
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Sujet: (alec) – we're a broken people living under loaded gun. Mar 13 Oct 2015 - 0:43
– the catalyst –
Journée grise, journée froide. Une chaise, au fond d’une pièce grise et froide, elle aussi. Et sur la chaise, un homme et ses yeux, gris et froids. Il fixe l’autre siège de la pièce. Vide, à cette heure. Mais qui serait selon toute vraisemblance occupé sous peu. Il attendait depuis plusieurs longues minutes déjà. En avance, comme à l’ordinaire. Être à l’heure, c’est déjà être en retard, disait son père. Et le gamin avait grandi dans cette idée. Il était devenu adolescent en gardant ce principe en tête, puis, à l’âge adulte, avait tenté de l’inculquer à ses enfants. La ponctualité était une affaire de respect. Mais à ce moment précis, c’était surtout un souci d’ennui.
Il tournait en rond depuis le lever du soleil, le Lecter. Les journées étaient presque plus longues hors de prison que derrière les murs. Le monde avait avancé beaucoup trop vite, ces deux dernières années, et il avait l’étrange sensation de ne plus y trouver sa place. Il avait passé ce temps loin de tout, ne suivant le cours des choses que par les quelques visites que l’on avait bien pu lui rendre. Et si certaines personnes s’étaient faites un devoir de venir le voir, les premiers temps, ces derniers mois tout avait changé. Il s’était retrouvé complètement seul, livré aux simples informations que pouvait lui livrer le poste de télé, à accueillir les regards peu amènes de ses compagnons de bloc. Une fois qu’on rentrait dans un monde comme celui-ci, les autres savaient rapidement ce qu’on avait fait pour y atterrir. Les rumeurs se répandaient comme une traînée de poudre, et depuis la révélation au grand jour de l’existence des mutants et les premières vraies revendications des chasseurs, les regards se satisfaisaient de cette actualité. Avoir entre leur main un de ces terroristes en avait laissé certains perplexes, et en avait particulièrement allumé d’autres. Derrière les barreaux, le monde n’était en définitive pas bien différent d’en-dehors. Certains avaient tenté de lui faire payer la tentative d’assassinat contre un dégénéré, et d’autres avaient pris son parti en crachant sans vergogne que les transmutants n’étaient que des abominations, et n’avaient pas leur place en ce monde. Modèle miniature de ce qu’étaient devenus les Etats-Unis — et plus généralement, le monde entier. Un petit écosystème à part entière, un schéma simplifié de la guerre qui secouait la planète. Mais les hommes enfermés, eux, n’avaient personne pour les retenir. Certains n’avaient plus grand-chose à perdre, et les gardiens avaient parfois eu du mal à rétablir le calme et l’ordre. Ils n’avaient pas particulièrement tenté de couvrir le Lecter, ou d’empêcher les autres de lui tomber dessus. Et le quinquagénaire s’était débrouillé comme un grand, lorsqu’un ou deux balourds l’avaient coincé en retrait, après une journée un peu trop longue et un peu trop irritante. Il leur avait succinctement et peu diplomatiquement montré qu’être un sale chasseur de mutants était un peu plus qu’un titre honorifique. On l’avait collé en isolement quelques jours, autant pour lui que pour les autres, avant que la vie ne reprenne finalement son cours. Mais toutes ces altercations et tous ces débats sans fond en compagnie de profonds idiots n’avaient rien changé ; il était resté coupé du monde, du vrai. De sa famille et de ceux qui comptaient, de la guerre qui faisait rage à Radcliff, et qui menaçait de tous les faire tomber. Il avait tout loupé, et le faible nombre de visites qu’il avait reçues ne l’avait pas aidé. À peine sorti, il lui fallait rattraper beaucoup d’informations d’un coup. Calme, il n’avait pas cillé, accueillant tout ce qu’il lui fallait, prenant connaissance des récents événements, tels que les siens l’avaient vécus, et non tels que les médias les avaient relatés. On s’était chargé de l’aider à reprendre une place, comme on le pouvait, mais tous avaient d’autres chats à fouetter. Et le monde semblait courir bien trop vite, à chaque jour qui passait, tandis que lui restait planté là. Oublié par son ancienne vie, qui le fuyait comme la peste. Incapable d’en commencer une nouvelle, comme de reprendre ce qui avait été.
S’asseoir, et respirer. Chaque fois qu’il sentait que c’était un peu trop, qu’il commençait à s’enliser, c’était la solution pour laquelle il optait. De nouvelles responsabilités lui avaient finalement été accordées, en lien avec ses capacités ; sa gratitude pour le maire était immense, bien qu’habilement dissimulée derrière quelques plats et coutumiers remerciements. Ç’allait lui donner ce qu’il fallait pour passer le temps. Ce qu’il fallait pour se remettre sur pieds, replonger corps et âme dans cette guerre, côtoyer à nouveau ses semblables, et retrouver un rôle. Il avait toujours haï se sentir impuissant et inutile ; raillé et méprisé encore plus. Et avoir tant chuté, après ce foutu piège et ce satané procès, avait achevé de le mettre dans de mauvaises dispositions. Il n’était plus rien, aux yeux des autres chasseurs. Et l’envie lancinante de leur montrer qu’il avait parfaitement sa place dans leurs rangs — et peut-être même plus que beaucoup d’entre eux — le torturaient silencieusement, jour après jour. Il prenait son mal en patience, habile et confiant. Ils verraient rapidement que lui tourner le dos n’était pas la meilleure des idées. Ça ne l’avait jamais été.
La porte s’ouvre finalement. Le bruit d’un corps qu’on traîne, et les yeux du chasseur se relèvent vers son acolyte, chargé de récupérer la cible à interroger. Il reconnaît rapidement la carrure de l’homme, et il sent ses muscles se détendre. Assis dans l’ombre, silencieux, il laisse l’autre amener sa victime jusqu’à la chaise et l’y placer. « J’espère qu’il ne t’a pas donné trop de fil à retordre. » Il se lève doucement, s’appuie sur sa canne. Quelques pas vers le chasseur, s’approchant de celui qu’il n’a pas vu depuis plus de deux ans. Il fixe la proie, inconsciente sur la chaise. « Et qu’il n’en donnera pas trop quand ce sera l’heure parler. » Le sac sur la tête, impossible de voir son visage. Mais il le découvrira bien assez vite. Il prendra soin de délier cette langue suffisamment tôt pour se permettre d’être impatient. La torture n’avait jamais rien eu d’un jeu ou d’un plaisir. Il n’avait pas hâte de tremper ses mains dans le sang de cet homme, si celui-ci refusait de parler — ce qu’assurément, les gens ne manquaient jamais de faire. Et pour le moment, autre chose l’intéressait.
Il se tourne, appuyé à deux mains sur le pommeau de sa canne. Calme. « Comment vas-tu ? » Ses yeux gris détaillent l’homme. Il n’a pas vraiment changé. Un peu vieilli, peut-être ; comme tous les soldats de cette foutue guerre. La vie n’épargne personne. Et surtout pas ceux qui sont dehors.
(c) elephant song.
Alec Lynch
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Sujet: Re: (alec) – we're a broken people living under loaded gun. Ven 16 Oct 2015 - 18:37
brother fighting brother as their avarice corrodes
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eyes wide shut but they know, buried alive by the lies in their soul. their stride of a blind man's stroll well for whom does the next bell toll. i'm too many years in the zone, too many years to have built what i own. and many dumb fool try to take what I've grown, but these roots go deep and you can't blood a stone, cuz i fear no fall, no brawl, no scars w/carlisle lecter & alec lynch.
La chasse, la vraie. La cause, l’action sur le terrain ; il n’y avait que ces choses qui, désormais, résonnaient à l’esprit du Lynch comme une indestructible assurance. Quelque chose qui ne faillirait jamais dans ses volontés, quelque chose qui ne serait jamais remis en question : avec les jours, Alec avait appris à oublier le bandeau rouge accroché à son bras, le noir dans lequel il se drapait jour et nuit, pour faire illusion. Il s’était acclimaté, rattrapé par c’qui était parfaitement immuable, et ne changerait jamais : il était un chasseur, jusqu’au bout de ses doigts, jusqu’au bout de ses flèches. Le prédateur au regard perçant, placé en hauteur, attardant des yeux attentifs sur le reste du monde. Le décor qui l’entourait du moins ; ce soir, c’était le centre-ville de Radcliff qu’il hantait, comme un spectre qui était prêt à déployer ses ailes, d’un instant à l’autre, pour bondir sur une proie. Là-bas, des dizaines de mètres sous ses pieds. Accroupi au rebord d’un toit d’immeuble, il avait inspecté les rues en l’attente du signe qu’on devait lui donner. A un moment donné. La précision était maîtresse en cet instant – et l’hésitation n’avait pas sa place ici : Alec l’avait donc chassée, de la même manière que toutes les voix torturées qui servaient de connexion entre ses neurones. Sous le reflet diffus d’une lune blanchâtre, ses démons avaient disparu, pour laisser placer à l’instinct. L’instinct pur et dur, aussi glacial et puissant qu’une chape de béton le séparant du reste du monde. Il en oubliait presque Calista, ses doutes, ces questionnements qu’elle avait eu le malheur de formuler à haute voix ; et à nul autre que lui, l’inébranlable Alec, qui, derrière les apparences, se sentait se désintégrer en petits morceaux. Radcliff l’empoisonnait de l’intérieur ; après toutes ces années, à servir sans l’ombre d’une hésitation, la cause qui vibrait sous sa peau, et avait donné tout un sens à sa vie. Tout c’la semblait être il y a trop longtemps déjà – treize années, qui avaient fusé à toute vitesse, aurait-il dit. Mais dont il ne gardait que des souvenirs aussi nets qu’une lame de rasoir, mémoires qui lui collaient à la peau désormais plus qu’autrefois. Il avait eu l’habitude de chasser, tuer, passer son chemin – ne jamais se retourner, gouverné par l’assurance née dans ses tripes là, au-dessus du cadavre de ses parents. Et maintenant ? Maintenant ? Gouverneur absolu de tout ce qui gravitait sur cette vaste planète, le temps avait érodé quelque chose en Alec ; cette quelconque dévotion qui se mourait à chaque jour nouveau. Il n’y avait plus de cause, si ce n’est celle de Thaddeus Lancaster ; plus aucune chasse, si ce n’est celle qui aidait le maire de la ville à prouver quelque chose. Et ça le bouffait de l’intérieur, le faisait furieusement rager – nager dans une impuissance qui le débordait de part en part ; les rares moments d’évasion étaient ceux dont il profitait au maximum. Ici, maintenant, ses doigts serrant le bout de sa flèche, la corde de son arc prête à être tendue, en l’attente du moment décisif. L’adrénaline, une certaine excitation au bout des lèvres – ses sens en éveil, à l’écoute de tout ce qui l’entourait, à l’observation du moindre signe. Il cherchait, cherchait l’instant où l’air se tendrait subitement, et où tout basculerait.
Les dégénérés n’étaient pas différents ; non. Il y avait quelque chose de l’Alec Lynch de treize années plus tôt, qui subsistait encore dans ses veines, dans les fibres de ses muscles et toutes les convictions nées dans son cerveau. Un coup de feu retentit, se répercutant en écho dans les rues vidées par le couvre-feu – c’était un imbécile de chasseur qui venait de tirer, et avait manqué sa cible qui plus est : des dizaines de foulées devant eux, le dégénéré fuyait à toutes jambes. Il allait disparaître d’un instant à l’autre – sa mutation lui permettrait de s’en sortir, et la soirée serait perdue. Tous le savaient, ils accéléraient désespérément l’allure derrière le fuyard. Rien n’y ferait. Et quand bien même les questionnements n’avaient de cesse de maintenir éveiller le Lynch, le chasseur en lui savait ce qu’il fallait faire. Il banda l’arme, une profonde inspiration d’air glacé s’infiltrant dans ses poumons. Une seconde, deux. Quelques-unes à peine. Avant que la flèche ne file, sifflant dans l’air pour trouver son chemin dans la cuisse du dégénéré. De quoi ralentir sa course, l’étourdir pour un instant – pas de quoi pourtant mettre fin à la traque. A quelques pas de lui, l’échelle de secours lui permit de rejoindre le sol en quelques secondes à peine ; le mutant avait laissé toute une trainée de sang comme indice pour le traquer – et cette fois, ni tare ni quelque aide que ce soit ne pourrait venir tromper les chasseurs. Alec se lança à sa poursuite, sans même attendre les autres, ou avoir quelque considération que ce soit pour eux – il travaillait en équipe, jusqu’à une certaine limite, et était née désormais dans son esprit, la conviction que ses coéquipiers ne feraient que lui nuire. Le poste de police, tout autant que le groupe de Lancaster, n’étaient pas uniquement composés de bons éléments – au contraire, il y en avait certains que Lynch dévisageait volontiers comme des psychopathes qui se défoulaient dans ce qu’ils jugeaient presque comme un hobby plus qu’une véritable cause. La pire ironie qui soit, pour un monde tel que celui de la chasse : pour le fils déchu, l’orphelin qui avait vu sa vie s’effondrer, il n’y avait probablement pas pire cauchemar que de voir ce en quoi il croyait, pollué de la sorte. Par des parasites incapables, ou un maire aux idées tordues qui n’avait désormais plus aucune limite, plus aucune décence dans ce qu’il entreprenait. En des foulées agiles, précipitées, le traqueur retrouva la piste que son gibier avait laissé – celui-ci avait dû opter pour l’option de se planquer quelque part, et d’attaquer le premier imbécile qui remonterait jusqu’à lui. Choix stupide, sûrement. Lynch avait délaissé son arc, raccrochant celui-ci dans son dos : vacciner le transmutant avant de l’emmener serait probablement une meilleure option – s’il devait arriver à de tels extrêmes, il le ferait. Sinon, menacer un transmutant de lui prendre son pouvoir, c’était toujours un bon moyen de lui faire cracher le morceau, des vérités qu’eux seuls pouvaient connaître. Uprising ; et cet autre groupe. Les événements de la fête foraine. Les prochaines bombes dispersées à travers la ville, au gré de leurs caprices et de leurs délires : les mutants étaient si dangereux qu’il y avait un certain nombre d’informations à leur arracher – c’n’était pas son boulot à lui, mais désormais, la politique était que chacun dégénéré avec un minimum de savoir devait être ramené, pour être interrogé. Torturé probablement ; acte que Lynch méprisait, il n’était pas devenu chasseur pour ça, pas pour s’abaisser au niveau de ceux qu’il débusquait, et éliminait.
Les indices le conduisirent jusqu’à une autre ruelle, perpendiculaire, à l’espace bien plus restreint ; l’atmosphère ici, était tendue, synonyme d’un silence qui était tombé bien trop brutalement. Aux aguets, Alec avança prudemment, ses pas aussi silencieux que ceux d’un chat en pleine traque. Le dégénéré sembla sortir de nulle part, apparaissant comme il avait disparu – uniquement grâce à son talent de transmutant, sa capacité à se rendre invisible au gré de ses envies. D’un bond en arrière, le chasseur parvint à éviter la lame du couteau qu’il avait sur lui ; à quelques centimètres de son torse pourtant, la lame siffla dans l’air, tranchant le vide aussi aisément qu’elle l’aurait blessé, s’il n’avait pas eu d’excellents réflexes. De son perchoir, Lynch aurait aisément pu lui tirer une flèche chargée de sédatif, qui l’aurait rendu incapable d’utiliser ses pouvoirs pour plusieurs heures, et quasiment endormi à l’heure qu’il était – il jouait avec le feu, clairement, appréciant plus que de mesure l’adrénaline bien particulière qui naissait de ce genre de rencontres. Alors que l’autre attaquait à nouveau, il lui attrapa le poignet, retenant le coup qu’il voulait lui infliger. D’un mouvement souple et agile, Alec déboîta l’épaule du dégénéré, avant de lui lancer un coup de coude dans la mâchoire. La lame du transmutant pourtant, trouva son chemin jusqu’à l’épaule du chasseur, créant une profonde entaille qui eut le don de faire ressurgir la colère qu’il refoulait si souvent. D’une prise bien placée, il fit rouler la carcasse du transmutant par-dessus lui, l’abattant brusquement sur le sol ; et dire que s’il l’avait mal fait, il aurait pu lui fracasser le crâne contre le bitume, et tout serait perdu. Il avait pourtant agi avec une maîtrise glaciale et implacable, profitant de la paralysie temporaire de son adversaire pour attraper une des flèches sédatées qu’il avait gardées jusque-là. Une injection, directement dans la jugulaire à son cou, et le transmutant tomba, inconscient en moins de temps qu’il n’en eut fallu à la plaie du Lynch pour se refermer. Sa peau s’était déjà raccommodée, comme les fibres de ses muscles, sous son épiderme : il n’y avait plus aucune trace du coup de couteau que lui infligé l’ennemi. Plus rien, pas même un quelconque témoignage de leur échange musclé. Quelques secondes plus tard, les autres arrivèrent à leur hauteur, à temps pour ramasser le corps lourd et immobilisé de leur fuyard. « J’vais l’emmener. J’voudrais pas qu’il disparaisse sur le chemin. » et sans un autre mot à l’égard de ses compagnons inutiles, Alec prit le volant du véhicule qu’ils avaient amené avec eux – abandonnant volontiers les autres derrière lui, pour continuer la tournée aux fugitifs. Arrivé à la zone industrielle à l’extérieur de la ville, Lynch débarqua le transmutant à demi-conscient, le trainant par le bras jusqu’à l’intérieur d’un vieux bâtiment crasseux, où la poussière planait dans l’air, tout autant qu’une âpre odeur de moisi. Un endroit où il n’avait clairement, pas l’intention de s’attarder, relâchant brusquement le fruit de sa chasse sur la chaise qui serait le lieu de son dernier supplice. Mains liées dans le dos, la tête ballante sous le sac opaque qui lui bloquait la vue, le transmutant ne semblait plus si impressionnant désormais ; l’avait-il seulement été, à un quelconque moment ? « J’espère qu’il ne t’a pas donné trop de fil à retordre. » la voix sembla tout droit sortie d’outre-tombe, et pourtant familière au point d’éveiller un frisson électrique tout le long de l’échine du chasseur. Surpris comme il l’avait été, si la voix avait été celle d’un ennemi, celui-ci aurait aisément pu avoir le dessus sur lui : l’œil hagard, rattrapé par les deux années qui avaient filé à toute allure, Alec chercha l’origine de la voix. Là, dans un recoin ténébreux, l’opacité de la nuit protégeant la silhouette vague de tout dérangement imprévu. Alec se raidit, aussitôt qu’il reconnut le visage de l’homme à quelques pas de là : à bien des égards, Felix ressemblait à son père. Et le patriarche Lecter rappelait à Alec le gamin qu’il avait été, treize ans plus tôt, désespéré, désemparé. Il en avait parcouru du chemin, depuis ; mais c’était comme si, pour une fraction de seconde, tout cela avait disparu – comme si Alec Lynch n’était plus un redoutable chasseur, mais un gamin fêtard qui rentrait de l’Université où il échouait lamentablement, pour découvrir les cadavres de ses parents. « Et qu’il n’en donnera pas trop quand ce sera l’heure parler. » le flottement indécis qui avait saisi toute l’âme du chasseur l’avait laissé silencieux, pour un long moment. « Il ne devrait pas. Il va être encore dans le cirage pendant dix minutes, au plus. Je ne l’ai pas vacciné, ça peut toujours aider. Mais il ne devrait pas pouvoir utiliser sa dégénérescence avant les prochaines trois heures. » oui, il avait toujours ce même air venimeux, quand il dévisageait un transmutant – quand il dévisageait son reflet dans le miroir. Ça, ça n’avait pas changé ; beaucoup d’autres choses, en revanche, étaient différentes désormais. « Comment vas-tu ? » et presque malgré lui, Alec fuyait déjà le regard de son mentor – en quelques sortes – il avait appris beaucoup de choses de Felix, mais il avait toujours eu ce sentiment puissant, le savoir qu’il était porteur de l’héritage des Lecter. De Carlisle Lecter lui-même. En était-il digne ? Une question qui lui échappait désormais, et qu’il n’cherchait pas à appréhender, à vrai dire. Décevoir, c’n’était pas sa spécialité. « J’vais bien. » finit-il par déclarer, sachant pertinemment pourtant que c’était un mensonge éhonté. Pas de quoi s’étaler en de longues séances de discussion, auxquelles ils n’étaient certainement pas habitués, l’un comme l’autre. Ses doutes, ses questionnements, ses tares, il les gardait pour lui. Et pour Calista. Parce qu’elle… elle c’était différent. « J’avais entendu dire que Lancaster avait… offert une seconde chance à certaines personnes. » ce n’est qu’enfin qu’il releva les yeux vers l’homme à quelques pas de là ; le visage de Carlisle lui renvoyait tout une foule de souvenirs, qui dansaient à son esprit comme des tortures qu’il s’infligeait à lui-même. « Je n’savais pas que vous reviendriez dans l’activité, aussi vite. » et à la botte du maire, qui plus est. Ce même maire qui tuait des humains, et avait asservi les Lecter d’une quelconque façon ; Alec n’savait pas encore qui, ni comment, ni avec quoi – mais tout autant que le reste, sa confiance en eux avait changé, bien contre sa volonté.
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Sujet: Re: (alec) – we're a broken people living under loaded gun. Mer 28 Oct 2015 - 2:39
– can't forget –
Beaucoup de chasseurs intégraient la torture à leur processus de traque et d’exécution. C’était comme un petit supplément, une manière d’agrémenter leur activité de plaisir. Le Lecter, lui, n’avait jamais vraiment vu l’intérêt à cela. Son plaisir était de rentrer chez lui et de pouvoir se dire qu’il avait très certainement sauvé une voire plusieurs vies, en agissant ainsi. Se dire que l’abomination à laquelle il avait ôté l’existence ne mettrait plus jamais personne en danger, et qu’il avait accompli ce pour quoi son père l’avait formé. On lui avait enseigné qu’une vie, dégénérée ou non, était toujours une vie. Elle était à respecter et à accompagner sans s’en jouer. Si on ne torture pas un animal sur le bord de la route, si on se contente de l’achever pour abréger ses souffrances, pourquoi ne pas faire de même avec les transmutants ? Ils avaient beau être considérés comme des nuisibles, certains animaux l’étaient tout autant. Mais qui prenait le temps d’arracher les ailes du moustique, avant de l’écraser pour l’empêcher de piquer ? Personne. Les gens écrasaient l’araignée du talon sans se donner la peine de lui arracher les pattes pour s’amuser de sa souffrance auparavant. Et à la lumière de ces simples faits, Carlisle Lecter n’avait jamais compris qu’on ne montre pas la même hâte et le même respect à achever les dégénérés. On ne joue pas avec la nourriture. Voilà ce qu’on lui avait enseigné. Voilà ce qu’à son tour, il avait tâché d’inculquer. Voilà ce que, maintenant, il voyait être oublié.
Les interrogatoires déplaisaient à beaucoup. La plupart ne voyaient pas de différence entre leur pratique et celle de la cruauté gratuite. Mais lui la connaissait. Lui la pratiquait, et une fois qu’il avait obtenu ce qu’il voulait de son otage, il se contentait de lui redonner comme convenu sa liberté ; que ce soit, alors, d’une balle dans la tête, ou d’un simple coup de ciseau pour défaire ses liens. Il ne faisait jamais durer ce que d’autres appelaient le plaisir. Plus vite c’était terminé, plus vite chacun y avait trouvé son compte. Et si sa proie parlait sans qu’il n’ait besoin de lever le petit doigt sur elle, il ne lui ferait rien. Une parole était une parole. Il savait ce qu’il avait besoin d’apprendre, et il ne voyait pas l’intérêt d’en réclamer plus ; pas d’intérêt à jouer avec la vie d’autrui. Soutirer des informations était un art qu’il pratiquait à merveille ; avec ou sans torture. Et c’était précisément la raison pour laquelle Thaddeus lui avait fait confiance sur ce coup. Suffisamment confiance pour lui redonner de l’importance aussi vite, et le faire revenir dans la danse aussi tôt.
Alec fuyait le regard de son ancien mentor. Il avait conservé le silence pendant de longues secondes, avant de finalement répondre. Un hochement de tête du Lecter, un regard approbateur ; comme d’ordinaire, le Lynch avait bien fait son travail. Il lui avait ramené sa proie dans une santé potable, malgré la plaie apparente à la jambe, et capable de parler. D’autres auraient visé la mâchoire avant de réfléchir à l’aspect pratique, mais pas lui. Lui avait été correctement entraîné. Lui avait été formé à réfléchir, puis agir. C’était ce qui faisait la différence entre les chiens fous et les gens comme eux ; ces chasseurs que la vengeance ou le goût du sang aveuglait, et les experts méthodiques qu’eux étaient. Rien n’énervait plus le patriarche Lecter que de voir les insatiables exécuter ce qu’ils appelaient une noble tâche. Ils ne comprenaient souvent rien à rien, incapables de percevoir l’importance de la mission dont ils avaient été investis ; incapables de voir plus loin que le bout de leur nez. Mais Alec, lui, était de l’autre trempe. Il était de ceux qui pensaient, de ceux qui avaient des idéaux bien ancrés, mais fondés. Pas de tueries pour le plaisir : éliminer les dégénérés était un objectif motivé. Pas un sport. « Parfait. » Trois heures suffiraient amplement. Certains en auraient peut-être douté, mais il y avait des quotas à remplir. Et surtout, le bourreau en devenir avait autre chose à foutre de sa journée.
Lorsqu’il lui demanda comment il allait, le fixant comme à son habitude, sans ciller, Alec garda quelques instants le regard détourné. Au bout de quelques — trop longues — secondes, il répondit par l’affirmative. Le bruit du mensonge se fraya un passage dans les oreilles du Lecter, mais il ne releva pas ; pas encore. Il y reviendrait en temps et en heure, comme le déplacement méthodique d’un pion sur le plateau. Pour le moment, il accordait au Lynch le crédit du doute et des secrets. Le revoir, après tout ce temps, alors qu’on lui donnait encore pour de longues années à purger à peine quelques jours auparavant, devait déjà être suffisamment éprouvant. Et quand il se mit à justement mentionner la grâce dont son ex-mentor avait bénéficié, celui-ci détourna les yeux, posant son regard métallique sur la silhouette encore inconsciente qui leur faisait face, à tous deux. La dernière phrase s’envola sans qu’il n’ait répondu à la proposition précédente. Pas un sourire n’anima son visage ; pas l’ombre d’une joie de reprendre du service, et de se dérouiller après des années à moisir en prison. Il sentait une certaine retenue dans les paroles de son vis-à-vis ; comme une once de jugement, habilement masquée sous les propos polis. « Tu sais ce qu’on dit : à la guerre comme à la guerre. Je crains que notre ami Lancaster avait de la suite dans les idées en faisant les preuves de son apparente générosité. » Ses deux mains se joignirent sur le pommeau de sa canne, alors qu’il s’y appuyait. Il lui avait paru évident que le maire ne le libérait pas par simple bonté ; amitié ou pas. Il avait besoin de soldats, et il avait besoin des meilleurs qu’il pouvait trouver. Gracier un homme contre qui toutes les preuves avaient afflué avec tant de véhémence était un coup risqué, et sûrement pas joué de manière inconsidérée. « Enfin, je ne vais pas m’en plaindre. Je commençais à trouver le temps long. Et je le trouverais ici aussi, s’il fallait que je reste enfermé. » La simple idée de rester parqué chez lui le répugnait. Peut-être aurait-il encore préféré rester derrière les barreaux que de ne plus avoir le droit de faire quoi que ce soit. « Ils ont au moins eu l’intelligence de ne pas m’envoyer courir le dégénéré dans les rues comme si de rien n’était. » La canne présentait un net handicap, mais plus que ça encore, il aurait été particulièrement imprudent de reprendre aussi rapidement ce genre de service. Quoi de mieux pour se retrouver sous les feux des projecteurs, et retourner aussi sec au frais pour les vingt prochaines années ? « Il y en a quand même qui y ont pensé. » Il secoua brièvement la tête, dans un geste contenu. « C’est pire que ce à quoi je m’attendais. » Mais quoi, exactement ? Tout. Absolument tout. Il ne reconnaissait plus ses amis, sa famille. Il ne reconnaissait plus Lancaster, ni ses convictions. Tout partait à vau l’eau, et on l’avait fait sortir de là pour regarder le spectacle. Y assister, et constater, bien tristement, l’étendue des dégâts.
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Alec Lynch
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SUR TH DEPUIS : 26/04/2015
Sujet: Re: (alec) – we're a broken people living under loaded gun. Mer 28 Oct 2015 - 17:11
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Lecter. Pour beaucoup le nom était synonyme de peur, de monstres qui attaquaient avec appétit, les dégénérés qui occupaient les rues de Radcliff. Lecter. Synonyme de déchéance également, le visage du patriarche de la famille placardé à la une de journaux qui avaient fait couler beaucoup d’encre – des quantités noires semblables au sang des victimes que la famille avait amassées. Pour lui, le patronyme était similaire à cette place qu’il avait perdue à l’instant même où il n’était devenu que l’orphelin des Lynch, le gosse de vingt ans et quelques découvrant les corps sans vie de ses parents. Lecter, chez lui, signifiait rédemption, salut – Salvation. Le père de son meilleur ami était devenu un mentor, l’homme qui avait pris ses mains vides et salies du sang des géniteurs pour en faire des armes à même d’arracher la justice d’entre les affres de la vie. Ce ne serait pas le reste du monde qui le ferait pour lui, pas alors que l’ennemi, le meurtrier de ses parents, était un transmutant capable de créer des flammes d’un simple petit mouvement de doigts. Alec avait appris à tuer les pyrugistes comme tous les autres – les incendies grandioses qu’ils pouvaient provoquer avaient fini par ne plus l’effrayer – avant même l’apparition de sa tare traitresse, le fils revanchard n’avait pas eu peur de se faire consumer par l’assassin de ses parents, ou par l’ardeur de sa vengeance. Il s’y était perdu avidement, raccroché uniquement par les instincts et les préceptes du père Lecter : sans Carlisle et ses croyances, sans Felix et son savoir, Alec serait probablement devenu comme ces traqueurs de la nuit envers lesquels il n’avait que peu d’affection. Ces fous furieux qui se baignaient âprement dans les martyrs subis par leurs victimes : même au moment de d’arracher la vie au Duncan qui l’avait privé de tous ses repères, le fils Lynch n’avait pas été un bourreau sadique – une, deux, trois, quatre ; ses attaques s’étaient limitées aux flèches qu’il avait envoyées dans le corps de son ennemi. Toutes à des zones précises, des faiblesses mortelles pour n’importe quel être humain normalement constitué : ouais, sûrement que la première, fichée droit dans les intestins du souffre-douleur, avait été envoyée uniquement pour le faire souffrir. La mort était venue rapidement pourtant, probablement plus rapidement que celle qu’il avait offerte à ses deux parents – ces humains sans histoire qui n’avaient fait que vivre leur vie. Son père, qui n’avait fait qu’accomplir son boulot : l’homme à la tête de l’empire Duncan avait été un arnaqueur de première, un connard qui pliait les autres à sa volonté grâce à sa dégénérescence ; peu importaient les apparences, Alec avait eu le temps d’étudier sa proie dans tous les sens, il avait su de quoi il en retournait, avant même de venger ses parents. Ça n’avait pas été une grosse perte pour l’humanité, sans conteste ; ce que le chasseur en herbe qu’il avait été avait retenu, c’était que sans son meilleur ami pour l’aider à se relever, sans les préceptes de la chasse, il n’aurait jamais pu affronter le tueur de ses parents. Il ne l’aurait jamais retrouvé, et l’injustice serait restée telle quelle : une plaie béante fichée dans son âme, paralysant son être tout entier. Le gamin pourri-gâté qui ne serait rien devenu de mieux qu’un connard en puissance, paumé de la tête aux pieds, bien incapable de reprendre dignement la place de son père dans l’entreprise familiale.
Grâce à la chasse, grâce à Carlisle Lecter, survivait en Alec l’assurance d’avoir au moins satisfait ses parents d’une quelconque manière. Tant de reconnaissance, qu’il avait éprouvé à l’égard de l’homme qui avait perfectionné son éducation, alimenté sa discipline et rendu chaque parcelle de son corps apte à la survie ; Alec ne s’était jamais détourné du modèle qu’avait été le père de Felix. Quand bien même on l’avait accusé de tous les maux, quand bien même le nom Lecter n’avait été que trop trainé dans la boue, le Lynch avait été de ces figures immuables, toujours dressées en support et en soutien à ceux qui avaient tant fait pour lui. Il ne s’était jamais détourné de Felix, et même le silence lourd de sens qui les séparait désormais, n’érodait guère la dévotion qu’Alec sentit ressurgir au moment de dévisager les traits fatigués de son tuteur. « Parfait. » l’appréciation du maître, le mot unique qui passa ses lèvres, suffit à éveiller l’orgueil du Lynch. La chasse n’avait jamais été une distraction pour lui, en rien un amusement qui lui permettait de faire fi de la réalité du monde : pour lui, les dégénérés et leur extermination avait constitué la réalité – la seule réalité à laquelle il avait eu la volonté de se rattacher, dans les miettes de son existence. La chasse était une cause, un devoir important qui ne tombait que sur de rares épaules – somme toute, il s’agissait presque d’un honneur de devoir accomplir les actes sanglants qu’il avait commis jusque-là. Lynch se savait sauver des vies, il n’savait que trop bien déjà, combien de dangereux timbrés il avait maîtrisés et mis hors d’état de nuire, avant qu’ils ne fassent plus de dégâts que ceux qu’ils n’avaient déjà causés. Ce soir n’était pas différent ; il n’alimentait pas l’espoir d’avoir cueilli au cœur des rues de Radcliff, le transmutant ayant toutes les informations nécessaires pour mettre à mal Uprising et le nouveau groupe de rebelles qui était né dans les cendres de l’hôtel de ville, sous la nuit noire de la Fête des Fondateurs. Mais un dégénéré de moins dans les rues de cette minuscule ville, était une victoire en soit. Ce que Lancaster faisait de tout ça, était bien différent de ce qu’on avait appris au Lynch – de son père, son véritable père, le fils Lynch avait toujours conservé un profond devoir civil. Il savait, au fond de ses tripes, qu’au moment de pousser son dernier souffle en plein cœur de sa maison, son patriarche n’avait pas dû ressentir une pointe de regrets, pour les actes qu’il avait commis par le passé. La justice et l’honneur avaient été de ces valeurs immuables et importantes pour l’homme qui avait tenté, tant bien que mal, de faire avec le gosse capricieux et immature qu’il avait eu sur les bras, pendant vingt longues années. Aujourd’hui plus que jamais, Alec avait tous les traits de caractère de son propre père, le même désir de servir sans faillir. Servir ; mais pas à n’importe quel prix – pas au prix de sacrifier sa dignité et ses assurances pour la politique servile et meurtrière de Lancaster. S’il s’était toujours méfié du maire de la ville, c’était désormais une autre histoire – maintenant qu’il savait de quoi un politicien était capable pour raffermir son pouvoir sur un minuscule bled comme celui qui s’étendait sous leurs pieds. A la guerre comme à la guerre, l’appréciation belliqueuse de son interlocuteur ne put que piquer à vif l’esprit distant du Lynch – était-ce un terme que son mentor tirait de la bouche de Thaddeus lui-même ? Ca y ressemblait presque, pour expliquer et justifier tous les actes barbares qui se jouaient dans les rues, bien loin des limites imposées par la cause, la chasse qui faisait désormais partie de chaque fibre de son être. Alec n’était pas un meurtrier ; de la même manière qu’il revêtait les apparences d’un flic en service la journée, il s’estimait accomplir un devoir de protection et de prévention plus qu’autre chose. Tuer pour prévenir des dégâts à venir, endiguer une menace avant qu’elle ne devienne plus importante, c’n’était pas assassiner de sang-froid une famille humaine dans leur sommeil.
Les fondements même de Carlisle Lecter avaient-ils changé tout autant que son apparence physique ? Malgré lui, malgré tout leur passé commun et la dévotion reconnaissante qu’il éprouvait pour la famille de l’homme en face de lui, Alec ne put s’empêcher de ressentir la méfiance glisser sous sa peau. Elle l’habitait désormais plus que jamais, sa plus fidèle compagne au quotidien : force était de constater, qu’en étant une proie déguisée parmi des traqueurs qui ne faisaient plus preuve d’aucune pitié, le Lynch avait de quoi dévisager chacun de ses amis du passé, d’une manière bien moins assurée qu’auparavant. Tous ceux qui l’entouraient, tous ceux qui lui tapaient sur l’épaule d’un air amical, tous ceux qui le jugeaient comme un héros à l’heure actuelle, se retourneraient bien aisément contre lui, au moment où les secrets meurtriers de sa propre mutation viendraient à sortir. Et ils sortiraient tôt ou tard : peu importait la confiance aveugle et infaillible qu’il avait à l’égard de Calista, son secret percerait un jour le voile des apparences. Il serait fou, de s’imaginer le contraire. Un jour, il commettrait le faux pas fatidique qui le trahirait : et alors quoi ? Les Lecter auront-ils changé au point de déguster âprement l’idée de devoir mettre un terme à la vie de l’Alec qu’ils avaient pris sous leur aile ? Oui, la situation était pire que ce à quoi n’importe qui pouvait s’attendre. Le faciès jusque-là énigmatique et fermé du chasseur, laissa entrapercevoir un éclair critique, cette ombre pernicieuse qui était née en lui depuis qu’il avait vu les preuves indéniables de la culpabilité de Lancaster, dans l’affaire Hodgins. Lancaster, et tous les noms que la terroriste transmutante avait cités : Lecter compris. Etait-ce Felix qui avait participé à l’assassinat de cette famille par le feu ? Il n’pouvait pas y croire, malgré les différences qui les séparaient plus que jamais ce soir. Etait-ce Desmond ? Ce ne serait pas si surprenant, peut-être. Etait-ce Beatrix ? Doreen ? … Carlisle lui-même ? Etait-ce ça, le prix que le patriarche des Lecter avait payé pour sortir de sa cellule ? Tout autant que toute sa foi lui permettait de déclarer avec assurance que son meilleur ami n’était pas responsable de l’immolation d’humains sans histoire, le doute demeurait quant au reste des Lecter. Et pourtant, c’n’était pas faute d’avoir tout cherché, d’avoir tenté l’impossible pour contourner les preuves irréfutables imprimées noir sur blanc sur le dossier que Calista avait fini par lui donner. « Oui. » répondit-il simplement avant tout le reste, comme s’il fuyait la curiosité malsaine qui naissait déjà dans tous les recoins de son esprit. Poser des questions, parler plus avant, c’était s’engager sur le chemin du doute. « La ville est maintenant bourrée de dégénérés qui essayent de nous arrêter. Ils s’retrouvent désespérés au point de faire exploser des bâtiments au milieu des rassemblements publics en nous désignant comme des meurtriers. » c’était l’ironie à l’état pur, celle qui avait failli coûter la vie de Calista. Celle qui avait tout fait basculer : c’était là que le nom Lecter était sorti au milieu de cette histoire ténébreuse sur la famille Hodgins. Etait-ce pour ça, à cause des actes de ceux en qui il avait eu une confiance inébranlable, qu’Alec avait dû traverser les flammes de la mairie pour sauver la Wolstenholme ? « J’suppose que ça pousserait n’importe qui à faire n’importe quoi. Même envisager les options les plus compliquées. » en apparences, il pouvait parler de Lancaster, pliant la loi à sa volonté pour faire sortir des gens comme Carlisle Lecter, qui avait encore eu normalement des années de prison à purger. Derrière le choix soigneux de ses mots, il parlait de tout autre chose – ces incendies provoqués par des hunters, qui accusaient n’importe qui ; tant que ça faisait un dégénéré de plus, exécuté sur la place publique. Chercha-t-il un assentiment, une compréhension dénuée de mots entre eux deux, lorsqu’il dévisagea son mentor ? « Je suis sûr que Lancaster sait ce qu’il fait. Et vous aussi. » Pour sûr, le maire savait ce qu’il faisait – il manipulait et réduisait Radcliff en esclavage, à sa volonté aussi folle soit elle. Quant à Carlisle… des années de croyance pouvaient-elles disparaître comme ça ? Une âme vendue, asservie à la volonté d’un homme ? Si tel était le cas, sûrement que Lancaster était, alors, le maître incontesté d’un échiquier géant, et qu’ils n’étaient rien d’autre que de pauvres pions sans volonté.
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Sujet: Re: (alec) – we're a broken people living under loaded gun. Ven 30 Oct 2015 - 4:41
La dévotion était une chose rare, et plus particulièrement encore par les temps qui couraient. Ces temps troublés, ces temps de guerre, où rien ne comptait plus que faire couler le maximum de sang chez l’ennemi. À en abandonner ses convictions les plus profondes, pour certains ; toute humanité ou toute limite, pour d’autres. Le patriarche Lecter n’était sorti que depuis peu de derrière ces froids barreaux qu’il avait vus chaque jour en plus deux ans ; mais force avait déjà été de constater que les vestes s’étaient retournées bien plus facilement que jamais il ne l’aurait cru, ou qu’il n’aurait même pu l’imaginer. Les chasseurs se dispersaient. Certains tombaient dans la folie sanguinaire, se mettant à traquer les humains en plus des dégénérés, voulant faire payer à tous les êtres vivants qu’ils pouvaient bien attraper un mal dont ils ne connaissaient même plus l’origine ; courant, l’arme au poing, sans même se souvenir des raisons pour lesquelles ils frappaient. D’autres avaient pris du recul sur leurs convictions premières, et s’étaient mis à douter ; la peur du sang, la pitié pour l’ennemi et pour ces vies arrachées. Mais personne n’avait jamais dit que mener une guerre serait aisée. Les enfants faiblissaient, leurs genoux tremblaient, leurs convictions s’émoussaient. Les soldats les plus vieux, rompus à l’exercice, gardaient la tête haute et continuaient d’avancer. Mais tant de jeunes recrues étaient en train de se mettre à hésiter, le doigt sur la gâchette, se demandant s’ils devaient ou non tirer. Toutes ces hésitations, chaque guerre les avait. La chair à canon encore à moitié baignée d’enfance et d’innocence, plus excitée par l’aventure que réellement prête à la vivre, finissait bien généralement par flancher. Ils se croyaient toujours prêts, mais ne l’étaient jamais vraiment. Les effusions de sang les secouaient. Certains s’endurcissaient brusquement, et d’autres commençaient à se morfondre, et à tout remettre en question. Le Lecter le savait. Il savait ce qu’était une guerre, et il connaissait les risques des jeunes soldats enrôlés. Il avait tenté de mettre toutes les chances du côté de ses enfants, de leur offrir un esprit suffisamment solide et aiguisé pour ne pas être par trop secoués. Mais maintenant qu’il était sorti, il commençait à douter avoir réussi. Il ignorait ce que la guerre avait fait d’eux en son absence ; alors qu’il n’était plus là pour les chaperonner, les encadrer, les rassurer. Ils s’étaient retrouvés livrés à eux-mêmes, dans un monde plus cruel et insatiable que jamais. Et le peu qu’il avait vu de la situation des chasseurs, depuis sa sortie, lui prêtait vraiment à douter. Douter de tout, et de tout le monde. Se demander si ce qu’ils avaient fait durant tant d’années avait toujours un sens, ou si ce n’était plus qu’une guerre dont on avait oublié les fondements. Du sang pour le sang.
La dévotion était une chose rare, mais Alec Lynch semblait être une des seules survivances de son incarnation. Il l’avait senti dès les premiers mots ; et au fond de lui, impossible de douter. L’homme avait vécu la perte tragique qui bien souvent changeait tout, dans le cœur d’un chasseur. Il avait vécu ce qui ne pouvait lui permettre de douter, ce qui en faisait un soldat plus dévoué que n’importe quel autre. Les affres de la vengeance avaient façonné sa vie et son investissement pour leur cause ; à ce regard, le patriarche Lecter n’avait pas douté le revoir exactement là où il se tenait à présent. Oh, il le savait, que tout pouvait changer. Que des rebondissements imprévus pouvaient secouer cette loyauté si fragile et sensible, qui ne tenait bien souvent qu’à un fil, et qu’il était tout à fait possible qu’un jour, à son tour, Alec ne s’échappe. Mais il n’aurait pas parié sur lui en premier. Loin de là.
Il le sentait pourtant sur une certaine retenue. Il avait l’impression d’entendre les sous-entendus couler sous les mots. Une méfiance qu’il comprenait et qu’il aurait probablement ressentie aussi, à sa place. Mais il n’y avait pas de raison de douter. Il n’y avait aucune raison de se torturer l’esprit et de le regarder comme un ennemi. Pour tous, Carlisle Lecter avait plongé. Donner des noms pour alléger sa peine aurait été une échappatoire si simple, mais il l’avait exclue, se condamnant lui-même à passer le restant de ses jours en prison — ou du moins l’avait-il cru. La loyauté n’avait pas de prix, et son honneur et son intégrité n’avaient été que par trop secoués de ce scandale pour qu’il ne se permette de faire traîner encore un peu plus son nom dans la boue. C’était la tête haute qu’il avait reçu les rumeurs et les crachats, le mépris et la honte. La tête haute qu’il était sorti de la salle d’audience pour retourner dans cette cellule qui devait devenir son toit pendant plus de deux ans après cela. Et aujourd’hui, c’était la tête haute mais l’œil bas qu’il était ressorti. Inspectant le monde autour de lui avec cette méfiance naturelle de l’homme qui se doute que tous les changements ne lui plairont pas. Mais il n’avait pas son mot à dire. Il n’avait rien à moucher, et la position était difficile à accepter. On voulait le placer sur l’échiquier, lui ; le maître habituel du plateau, celui qui échappait d’ordinaire à toutes les règles. On voulait en faire un vulgaire pion, et il courbait l’échine par politesse et par respect. Mais il ne comptait pas faire durer l’illusion. Les choses allaient beaucoup trop mal pour qu’il puisse se taire indéfiniment. Thaddeus Lancaster l’ignorait probablement encore, mais le soutien des Lecter ne serait probablement plus jamais ce qu’il avait été. Dans l’esprit de Carlisle, le chaos et l’appel du sang n’avaient jamais été les attraits majeurs de la chasse aux mutants. Et tout cela était devenu, à son goût, un peu trop retentissant et belligérant, ces derniers temps.
Il avait écouté les paroles du Lynch, se rappelant les événements qu’on lui avait contés. Ce qu’il avait lu dans les journaux, et les regards qu’en prison il avait eu à essuyer. Les langues qu’il avait eues à faire rentrer au fond de leur gosier, pour leur couper une bonne fois pour toute l’envie de parler. Il secoua très légèrement la tête, affligé des moyens extrêmes employés par les dégénérés pour leur déclarer la guerre. Mais les mots suivants le firent tiquer. Il plissa quelques secondes des yeux, imperceptiblement, fixant le mutant encore inconscient et déposé sur la chaise négligemment. Il ne répondit pourtant rien ; économie de mots. Pas besoin de parler pour rien, alors qu’Alec semblait en avoir encore à dire. Pas besoin de lui couper l’herbe sous le pied : les paroles ne sortaient que lorsqu’elles étaient arrivées, en harmonie avec la pensée, à une certaine maturité. Et elles furent finalement jetées vers lui. Bouteille à la mer, commençant à trahir la méfiance et les croyances erronées. Le Lecter tourna les yeux vers son ancien disciple. Leurs prunelles se rencontrèrent, fracas mat et silencieux. Un regard qui en disait plus long que toutes ces phrases qu’il ne pourrait jamais lui rendre, en retour de pensée. Mais après un silence, les réponses méritées surgirent. Calmes, et posées. « Lancaster ne sait plus ce qu’il fait. Il pense pouvoir tout contrôler, et chaque moment de glissement, chaque bombe posée, le pique dans son orgueil comme un enfant à qui on essaierait de voler la place de roi de la cour de récré. » Le froid de la pièce ne faisait qu’appuyer les paroles tranchantes du Lecter. Une amertume en fond de gorge qu’il était désormais bien incapable de retenir — plus face à Alec, en tout cas. « Je sais ce que je fais, parce que je sais pourquoi je suis sorti. Je sais ce qu’il attend de moi, de toi, et de chacun de ceux qu’il croit avoir le même objectif que lui. Il pense que nous sommes ses armes, et il nous utilise comme tels. Son jeu de pouvoir l’aveugle. Il pense que tout devrait lui appartenir — jusqu’à nos vies. » Son regard retomba sur le mutant face à eux. Celui-là ne sortirait pas d’ici vivant ¬— rien qu’au cas où son inconscient aurait emmagasiné toutes les informations qui étaient en train de s’évader d’un abcès percé. « Mais nous étions là avant lui, et nous perdurerons bien après. » Parce qu’il faut bien que certains gardent un semblant d’idéologie, au milieu de tout ça ; même lorsque la chute retentira.
Car chute il y aura. Haute et vertigineuse, selon toute vraisemblance. L’homme qui en veut trop n’aura rien de bon, une fois rendu au bout du chemin.
Il prit le temps de marquer une légère pause, sans reposer son regard sur son ancien élève. Ses mains serrées sur sa canne, son regard droit et glacé — sans doute plus froid que jamais. « Si tu as quelque chose à dire, je t’en prie. Ne te gêne pas. » Pas avec moi. Rien de plus, rien de moins. S’il y avait bien quelqu’un en cette ville de fou à qui il pouvait encore faire pleinement confiance, à l’exception d’Alexander, c’était bien Alec. S’il voulait parler, il pourrait toujours. Il savait qu’à son ancien mentor, il pouvait se le permettre.
Et que jamais rien de tout ça ne sortirait d’ici.
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Alec Lynch
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Sujet: Re: (alec) – we're a broken people living under loaded gun. Sam 31 Oct 2015 - 19:20
brother fighting brother as their avarice corrodes
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Lynch aurait volontiers livré son âme toute entière, sa substance et son existence à la chasse. Aux Lecter. A la cause. Treize ans auparavant. Y’a cinq ans à peine. Même il y a quelques semaines encore, plus vertement décidé à se raccrocher au moins à ces assurances-là pour ne pas sombrer. En l’ayant vu prendre les armes pour arracher sa propre destinée d’entre les mains d’une autorité supérieure quelconque, on n’aurait eu du mal, à imaginer un jour Alec Lynch faiblir dans ses motivations. Ce n’était pourtant pas la faute de cette mutation perfide qui continuait de bouffer son intérieur – il avait presque réussi à s’acclimater à celle-ci, liant secrètement la chasse officielle à des activités plus discrètes qui lui permettaient de remonter les traces de personnes à même de l’aider – qu’ils le veuillent ou non. De ces transmutants dotés de la même tare que lui, des chercheurs en génétique qui avaient au moins voué une bonne partie de leur temps à des analyses plus poussées sur la mutation, ses origines, ses causes, et ses potentielles faiblesses. Rien n’y avait fait jusqu’alors, mais Mère Nature et son courroux injuste n’avaient jamais eu raison de la volonté de fer du jeune homme. Au contraire ; sa hargne s’était renforcée, le devoir de lutter se faisant plus imposant à ses entrailles – Alec n’avait jamais voulu lâcher les armes, se plonger dans une autre vie quelconque, ou même envisager un autre chemin que celui qu’il avait choisi, sous la tutelle de la famille de son meilleur ami, à des centaines de kilomètres de Radcliff. C’était sûrement ça, le pire de tous : savoir que c’n’était pas le camp opposé, un fait quelconque qu’ils auraient retracé, ou même la preuve criante qu’il était comme ceux qu’ils tuaient qui l’avaient fait changer d’avis. Mais bien ses propres alliés, ces visages qu’il observait sans plus les reconnaître ; ces amis et camarades auxquels il n’avait plus la volonté de confier sa vie désormais. Tous avaient leurs faiblesses, un talon d’Achille qui délitait peu à peu la cause toute entière, la loi imprenable de la chasse : Lancaster en tête de peloton, décidait comme un empereur tout puissant, des attaques et des faits et gestes de ses précieux soldats. Certes, officiellement, Ren Townshend était le leader du Gunpowder Squad, mais n’importe quelle personne dotée d’un cerveau et d’une paire d’yeux avait déjà pu remarquer que le chasseur était toujours accroché au sillage du maire. Ce que Ren décidait, c’était en vérité Lancaster qui l’avait commandité : il n’y avait pas d’autre alternative à cela, presque un manque grandiose de libre-arbitre, de la part de petits pantins de plomb qui s’agitaient ici ou là, aux quatre coins de la ville. Ce soir encore, Lynch n’avait interrogé personne, quant aux raisons pour lesquelles ils avaient dû amener ce dégénéré inconscient jusque dans cet entrepôt dégueulasse et abandonné. Oui, sûrement qu’il y avait une histoire d’Uprising ou d’autres groupes rebelles là-derrière : pour l’avoir affronté au corps à corps, Alec savait au moins qu’il s’agissait d’un transmutant, et non pas d’un humain devenu victime collatérale d’une guerre dans laquelle il n’avait nullement sa place. Beaucoup trop de gens à Radcliff n’avaient pas leur place dans la petite guéguerre qui incendiait chaque recoin de la ville, chaque fête qui rassemblait un minimum de personnes : la fête foraine était sûrement, aux yeux du Lynch, l’indéniable goutte d’eau qui avait fait déborder le vase.
Pourquoi Lancaster avait-il eu besoin de faire une annonce publique ce jour-là ? Et pourquoi donc les dégénérés s’escrimaient-ils à faire exploser des lieux publics remplis d’humains uniquement ? Les pertes comptées sur le terrain n’avaient aucunement été parmi les rangs des chasseurs, ou même des officiels de la ville. Il n’y avait eu que des gens sans histoire, des humains, des innocents – et même des transmutants, c’qui était presque un fait incroyable, à croire qu’en plus de tout ça, certains chasseurs avaient jugé bon de profiter de l’inquiétude de tout le monde, de la panique générale, pour traquer et dézinguer du transmutant. Quelle ironie. La cause n’ressemblait plus à la cause. Et les défenses des dégénérés n’avaient plus aucun sens : y avait quelques mois à peine, on faisait sauter l’hôtel de ville en accusant Lancaster d’avoir tué trois humains dans leur sommeil ; et désormais, on s’décidait à les cramer par dizaines, comme ça, sous l’impulsion d’un monstre capable de faire exploser tout ce qui touchait de près ou de loin sa peau ? C’était pire que tout ; ça ressemblait presque aux époques désespérées des grandes guerres de l’histoire, où les deux camps se jetaient littéralement à la gorge l’un de l’autre, sans même penser aux victimes civiles qui tachaient de leur sang les pavés en ruines. Lancaster pouvait-il encore se rendre compte de l’ampleur du chaos ? Pour le Lynch, la réponse était évidente : presque comme un vampire, le maire se nourrissait avec joie du désespoir qui planait sur la ville, et bien trop peu de gens étaient prompts à faire quoique ce soit. Parce que s’mettre contre les hunters, c’était s’ranger un tant soi-peu du côté des dégénérés, et c’n’était l’envie première de personne, parmi les rangs ici. Alors quoi ? Fallait-il être juste au milieu, dans la visée des deux camps prêts à leur tomber dessus ? Quand bien même le suicide avait été la seule alternative qu’il avait trouvée avant l’existence du vaccin pour palier à la tare qui bouffait les fibres de son corps, Alec n’était pas suicidaire au point de vouloir se dresser en martyr oublié, lavé par le temps et les ambitions des uns et des autres. Uprising, Lancaster, ou ce groupe sans nom de fous-furieux terroristes qui faisaient exploser les bâtiments ; aucun des partis qui s’affrontaient ici, n’était bon à prendre. Le bilan était là, criant comme une évidence, claquant dans l’air tendu de l’entrepôt désaffecté où ils se trouvaient : derrière les masques des apparences, en quelques sous-entendus chuchotés avec conviction, le patriarche Lecter et Lynch s’affrontaient. S’accordaient. Ou peut-être n’était-ce là que de la poudre aux yeux, pour arracher aux lèvres d’Alec des confidences qu’il n’aurait jamais confiées aussi imprudemment ? Et si Carlisle avait été libéré de derrière les barreaux de sa cellule pour être une taupe parmi les rangs des soldats fidèles de Lancaster, histoire d’aider à faire le tri dans les éléments potentiellement gênants ? Comment pouvait-il s’imaginer une telle chose, douter à ce point de son ancien mentor ? C’était ça, c’que faisait la situation actuelle ; elle empoisonnait tous les rapports qui s’étaient autrefois si étroitement liés : il n’y avait sûrement eu nul homme sur cette Terre, en lequel Alec aurait pu prétendre avoir plus confiance, que Carlisle Lecter, l’homme qui avait façonné, éduqué Felix, l’inébranlable meilleur ami qui l’avait toujours soutenu. Même ça, Thaddeus Lancaster avait réussi à le détruire.
L’avait-il ? Garder les lèvres scellées, les faux semblants planant dans l’air, aurait probablement été abdiquer face aux volontés du maire qui avaient déjà tout détruit. Plus encore que l’inverse, ç’aurait été lui, le jeune homme ingrat trahissant l’homme qui l’avait pris sous son aile, presque généreusement, treize ans plus tôt. L’homme qui avait changé sa vie, celui qui s’était supplanté à la figure paternelle que le jeune Lynch avait perdue si brutalement. Dans un raclement de gorge, le chasseur arpenta l’espace tout autour d’eux d’un œil – personne n’était alentours pour les observer, les entendre ou même comprendre un tant soit peu la mécanique de leur tête à tête. Il n’y avait qu’eux deux, et le transmutant attaché à sa chaise, qui n’vivrait certainement pas assez longtemps pour voir l’aube d’un nouveau jour pointer sur l’horizon. Définitivement, si le moindre mot de leur entrevue devait sortir d’entre ces murs, le coupable de trahison serait vite débusqué : et il était encore éternellement inconcevable pour le Lynch de voir le visage d’un potentiel traitre en observant le faciès vieilli, fatigué du patriarche Lecter. Il devait se raccrocher au moins à ça, à la valeur de l’autrefois – ce même autrefois que Felix avait presque avidement piétiné ; mais c’était sûrement une autre histoire. « Vous, mieux que personne, savez pourquoi je suis devenu un chasseur. » son novice, placé sous sa tutelle pendant longtemps, s’exerçant inlassablement sans faillir, sans lâcher la moindre miette de détermination. Au départ, Alec avait été totalement consumé par le désir de vengeance, la soif de voir la mort habiter l’œil du meurtrier sans visage de ses parents. Mais la cause avait trouvé son chemin tout naturel en lui ; le devoir né du savoir de l’existence des transmutants, l’importance qu’il y avait, à endiguer cette menace surhumaine qui débordait le reste du monde. « C’n’était pas juste pour la vengeance. Ou pour m’passer les nerfs. J’ai passé treize années de ma vie à essayer d’aider les gens. » c’était ce que les hommes comme Carlisle Lecter lui avaient répété : droit dans ses bottes, honorable, déterminé ; tout cela n’avait-ce été qu’un mensonge ? Est-ce que la dernière décennie – si déterminante – de sa vie n’avait été qu’un voile d’illusions ? Malgré lui, malgré la sympathie et le respect palpables qui avaient toujours coulé entre eux, Alec attarda une œillade sombre sur son vis à vis, comme emplie de jugements, de responsabilités qui les rattrapaient. « Je n’suis pas devenu un chasseur pour tuer des gens innocents. Des humains. » si la nervosité tendait ses muscles à l’excès, sa voix se cherchait encore mesurée, discrète, comme sur le ton de la conversation précédente, anodine. Une question lui avait brûlé les lèvres pendant longtemps – depuis bien plus de temps que ne durait cette entrevue. Elle le consumait, le détruisait de l’intérieur, et agitait les démons perfides du doute en lui. Poings serrés dans son dos, le dos droit, les épaules carrées, le chasseur défiant observa le moindre des traits du visage de son interlocuteur, à la recherche d’une réponse qui dépasserait l’illusion des phrases. « Il y a quelques mois, un feu domestique a tué la famille Hodgins. Un homme, une femme, et leur bébé. » à son souffle se suspendirent toutes les informations que Calista lui avait données, et répétées à ce sujet comme des preuves irréfutables. « Nous avons traqué, et trouvé une femme, une pyurgiste, qui a été accusée de l’incendie. Mais une dégénérée a fini par parler de preuves cachées. » dans le flot de ses idées, il avait presque manqué de lâcher le nom de Calista, il le retint en pinçant les lèvres. « Plusieurs noms, ont été associés à cette histoire. Dont le nom Lecter. » il y avait une animosité empoisonnée dans les mots qu’il venait de prononcer, lourds de sens : comment les gens qui l’avaient accueilli après la mort de ses parents, pouvaient commettre les presque exacts mêmes actes que ceux qui l’avaient lui-même rendu orphelin ? Il n’pouvait pas imaginer ça de son meilleur ami, pas même de son tuteur ; mais le reste du monde était plein de traitrises qu’il n’avait jamais vu venir, jusque-là. « Est-ce que vous avez tué ces gens ? Est-c’que c’est comme ça que vous avez gagné votre ticket pour la liberté ? » et treize ans plus tôt, il n’y aurait pas eu une seule place pour le doute en lui. Maintenant, c’était totalement différent. Trop différent. C’était ce qui faisait faillir toutes ses convictions, s’effondrer tout son monde – jusqu’à rendre désagréables à ce point, des retrouvailles qu’il avait souvent, longtemps, désirées, idéalisées, en son for intérieur.
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Sujet: Re: (alec) – we're a broken people living under loaded gun.
(alec) – we're a broken people living under loaded gun.