Un.. Deux.. Trois.. Quatre... Cinq... Tu cours, tu te dépêches de courir, parce que tu ne veux pas que ta meilleure amie te retrouve. Vous êtes trois et jouez à cache cache. Alors tu cours pour trouver une cachette le plus loin possible entre les arbres du parc. Tu as six ans, des cheveux encore blonds comme les blés et si fins que le vent les emporte en tous sens. Tu te réfugie derrière un bosquet, tu es sûre d'avoir trouvé le cachette parfaite, qu'elle ne te trouveras jamais.. Mais apparemment d'autres ont pensé la même chose que toi. Tu entends des voix dans ton dos, et comme tu ne comprends pas ce qu'elles disent, tu t'approches doucement. Si doucement qu'ils ne t'entendent pas alors que toi tu peux enfin comprendre leurs propos mais surtout ce qu'ils font. Je te crois pas, tu peux pas voler ! C'est dans les films. Deux garçons de quelques années de plus apparemment. Tu ne les connais pas, mais leur conversation t'intrigue. L'autre ne prend même pas la peine de répondre car il n'avait qu'à prouver la vérité de ses dires. Son corps s'est soulevé dans les airs. Non. Il n'a pas juste sauté. Son corps s'est élevé et toi, du haut de tes six petites années, les quelques convictions que tu possèdes s’effritent. Des gens peuvent voler. Merde quoi. Des gens peuvent voler. Alors tu cours vers ta mère pour le lui annoncer. Ta meilleure amie te cries dessus car tu n'étais pas cachée, mais tu t'en fous. Et d'ailleurs, ta mère aussi s'en fou, mais de ce que tu viens de lui dire. Elle t'envoies balader gentiment en t'expliquant que tu as beaucoup d'imagination, mais t'es sûre de ce que t'as vu. Tu en parles le lendemain également, et le sur-lendemain, et au bout de deux mois d'obstination, elle s'énerve tellement fort que plus jamais tu n'en parlera. Pourtant t'es sûre que t'as raison, mais au fil du temps, tu doutes de plus en plus de toi. Et si t'avais vraiment rêvé ? Au fond de toi, tu crois en ce que tu as vu, mais après tout..

Tu ouvres les yeux dans un endroit que tu n'apprécies pas des masses : l'hôpital. Tu ne comprends pas. Tu es désorientée. Tu ne sais pas quoi faire, ton regard ne parvient pas à se fixer sur un point bien précis, il se contente de bouger en permanence comme pour comprendre. Mais tu peux pas. Sauf si quelqu'un t'explique. Et par chance, ta mère est là. Quand elle voit tes yeux ouverts, elle hurle, te vrillant les tympans. Enfin, elle ne hurle pas vraiment, mais c'est ton impression. Elle te sert dans te bras. Et le médecin arrive. Il t'explique que tu a sauté de la voiture en marche. Ouais. En marche. En y repensant tu te souviens. Tu avais eu l'impression d'étouffer dans la voiture et l'urgence avait été de sortir, à tout prix. Résultats : commotion cérébrale, et une jambe cassée. Quinze ans, toutes ses dents et un grain de folie. Tu crois pas si bien dire. Parce qu'après deux rendez-vous de trois heures chacun dans le bureau d'un psychiatre, tu es déclarée bipolaire. Tu comprends alors pourquoi parfois tu te sentais si mal que t'en avais presque marre de vivre. Tu comprends que tu étais parfois parano, que t'avais même parfois quelques hallucination quand ça n'allait vraiment pas. Alors tu te demandes si ce que tu as vu étant enfant était bien vrai.. Mais bizarrement tu en es toujours persuadée. Alors tu le clame haut et fort, et alors ils te gardent. Ils te gardent quatre ans. Quatre ans de folie, quatre ans de nuits seules, de journées entourée de fous. Quatre ans d'incompréhension.. Et alors que tu commences à admettre que tu es folles, on annonce à la télé que les transmutants existent. Alors ils te relâchent. Ils se rendent compte que tu ne faisais que dire la vérité et que tes troubles bipolaires sont plutôt stables. Alors tu sors. Mais t'as perdu quatre ans de ta jeune vie, et tu sais pas quoi faire. Tu sais encore moins quoi faire, car deux ans plus tôt, tes parents sont morts. Dans des circonstances étranges, mais tu ne le sais pas. Tu sais juste qu'ils sont morts chez eux. Si seulement tu savais que tes dieux vivants, les transmutants, sont responsables de leur mort. Si seulement tu savais que le mec qui te suis depuis que tu es sortie, que tu commences à aimer, est celui qui à causé la mort de tes parents. Et bien, peut-être bien qu'il te faudrait être à nouveau internée. Peut-être bien que tes troubles bipolaires stabilisés, ne le seront plus tant que ça. En attendant, tu vis dans la rue, sans vraiment de but dans la vie.