Cet enfoiré était parti, juste parti, il avait pris ses affaires, avait passé le pas de la porte sans même se retourner pour jeter un dernier regard à sa compagne et ses deux filles qu'il laissait là, seules, et n'était plus jamais revenu. Quand à moi, j'étais soudain entrée dans une colère sans nom, j'avais beau n'avoir que huit ans, j'étais hors de moi. Comment as-t-il pu nous faire ça ?! Soudain une vague de colère me submergea et se matérialisa sous la forme d'une onde de force balayant tout sur son passage, suite à quoi je m’effondrait sur le sol du salon, épuisée. Robyn ! Ma mère, qui était restée muette tout le long de la scène, ce qui m'avait paru être une éternité, était soudain sortie de sa torpeur et s'était jetée au sol à mes côtés. La colère que j’éprouvais une seconde auparavant n'était plus, elle s'était évanouie en même temps que le champ de force que j'avais créé sans le vouloir, il ne restait plus pour attester de ce qui venait de se passer, que ce qui ressemblait à un champ de bataille là où trônait quelques minutes plus tôt notre salon. Pourquoi ? c'était le seul mot que j'avais eu la force de prononcer. La rage avait fait place à une profonde tristesse et un sentiment d'abandon laissant en moi un trou de la taille du Texas. Les heures qui suivirent furent assez étranges, je ne me souviens pas de tout, juste de ma mère essayant d'expliquer à ma sœur de cinq ans que son papa ne reviendrait jamais puis faire les cent pas dans la cuisine en lisant la lettre qu'il avait eu la gentillesse de nous écrire avant de disparaître. Cette lettre répondait à ma question, en quelque sorte, elle nous apprenait en tout cas que mon géniteur était un connard fini qui nous avait abandonné pour sa femme et son fils cachés. Je n'ai jamais compris ce qui avait pu le pousser à choisir cette famille plutôt que la notre, ce qu'elle avait de plus, ni même comment elle pouvait ne serait-ce qu'exister, sans même que nous ayons le moindre doute. Pendant les jours qui suivirent je m'étais appliquée à éteindre définitivement toutes émotions liées de près ou de loin à celui que j’appelais jusqu'alors « papa », c'était devenu trop dur de les ressentir, je devais être forte pour trois et c'était impossible si des sentiments négatifs venaient me parasiter. C'est aussi à cette époque-là que je me promis de ne jamais faire confiance à un homme.


Qu'est-ce que .. Cela faisait trois mois qu'on avait emménagé à la Nouvelle-Orléans, Liv et moi étions sorties faire un tour en ville et c'est là que je le vis, il n'avait pas changé d'un pouce, quelques rides et cheveux gris en plus mais son visage était toujours le même, son regard cependant était plus froid que celui qu'il avait auparavant. Lorsqu'il posa les yeux sur moi, les émotions que j'avais eu tant de mal à enfouir au plus profond de moi refirent surface, toute la tristesse que j'avais éprouvé quand il était parti était réapparue si soudainement que je me figeais sur place, sans voix. La confusion dans laquelle je me trouvais m'empêcha de remarquer que quelque chose clochait dans toute cette histoire, comment se faisait-il que notre père se soit retrouvé à l'endroit même où nous avions décidé de nous rendre ? Le temps que l'information monte au cerveau et que j'en fasse les déductions nécessaire, il était trop tard, l'homme qui se tenait en face de nous se jeta avec une vitesse impressionnante sur ma soeur, un couteau en main. Lorsqu'elle comprit ce qui était entrain de se passer, elle se mit à paniquer et à hurler de toutes ses forces, il fallait absolument que je fasse quelque chose mais la peur me paralysait littéralement, mon cœur battait plus vite qu'il ne l'avait jamais fait jusqu'alors. Finalement ce fut mon corps qui, d'instinct, se déplaça sans même que je lui en donne l'ordre. En un millième de secondes je me retrouvais entre ma sœur et son agresseur, les bras croisés devant mon visage comme si de la chair et quelques os allait pouvoir nous protéger mais alors que je sentis la lame du couteau me lacérer le flan gauche, mon organisme de transmutant se protégea de son propre chef, déclenchant une onde d'énergie qui envoya l'homme à une vingtaine de mètre de nous. Tess … non ... Une fois sortie de ma confusion, j'étais prête à laisser ma rage exploser mais la voix terrifiée de Liv me ramena à la raison. Jetant un rapide coup d'oeil aux alentours, je remarquais que les passants s'étaient arrêté et nous observaient avec des yeux reflétant de la peur et pour certain une fascination malsaine. Il n'en fallut pas plus pour que je prenne la décision de prendre ma sœur par la main et de l’entraîner dans une course folle à travers les ruelles sombres de la ville, baignée par le crépuscule. Ce jour-là tout s'éclaira, mon père faisait partie de ceux qu'on appelait « Hunters », j'en avais entendu parler à maintes reprises mais je n'en avais jamais vu, il était devenu évident pour moi que c'était la famille pour laquelle il nous avait quitté qui l'avait embrigadé parmi les leurs et que c'était la raison pour laquelle il nous avait abandonné. Mais je n'aurais jamais, au grand jamais, cru qu'il serait capable de vouloir nous tuer, nous ses propres enfants, pour se faire bien voir des siens. Plus tard, nous décidâmes, d'un commun accord, qu'il ne fallait jamais en parler à notre mère, ça l'aurait détruite de savoir ce que son ancien compagnon, qu'elle croyait si bien connaître, avait pu devenir, c'est à dire un monstre.


Après les événements de la Nouvelle-Orléans, nous avions décidé de pousser notre mère à déménager, il ne fallait pas que l'on reste trop longtemps au même endroit, aussi, les années qui suivirent, nous avons beaucoup voyagé, en Europe principalement, puis aux États-Unis et au Canada où ma mère a finalement trouvé quelqu'un pour refaire sa vie. Pendant toutes ces années je n'ai eu de cesse de retrouver la trace de celui qui avait bousillé notre vie à plusieurs reprises, avant tout pour être sûre que lui ne nous trouve pas avant mais également pour pouvoir mettre en place ma vengeance. Il était cependant plus difficile à trouver que ce que je pensais, je traquais les hunters susceptibles de m'aider, c'était dangereux mais ça en valait la peine, ce qui m'avait conduit à cette petite ville de Radcliff où on m'avait dit d'un certain Taz qu'il détenait des informations pouvant m'être utiles. Qu'est-ce que tu sais à propos de Troy Nikolaïev ?! Je tenais enfin ce fameux Taz dans mes filets, j'avais mis plusieurs semaines à le retrouver mais enfin je touchais au but. T'es plutôt mignonne pour une dégénérée ! Je n’eus pas le temps de répondre à cette provocation qu'une flèche frôla ma joue, l'incisant au passage, je me retournais rapidement vers l'origine de l'attaque, ce qui me fit perdre la concentration me permettant de maintenir le champ de force actif autour du Hunter. J'étais à présent à sa merci et pourtant il ne tenta aucune offensive, se contentant d'un clin d'oeil et d'un À bientôt chérie. puis il disparu dans les ténèbres.  Fait chier ! Je le tenais, comment avais-je pu être aussi négligente et le laisser filer. Après cette nuit-là, Liv se mit à avoir des doutes sur les réelles raisons de notre présence à Radcliff, que je lui avais caché depuis le début bien évidement, je décidais donc que rester dans cette ville quelques temps ne nous ferait pas de mal, je sentais au fond de moi que les réponses à mes questions étaient ici et puis il fallait bien brouiller les piste afin que personne ne soit au courant des recherches que je menais depuis huit ans.