Donovan. Un type plutôt quelconque qu'elle avait croisé une ou deux fois au départ de missions, sans ne jamais avoir eu directement affaire à lui. Fallait dire aussi qu'à part Maiken, la brune n'acceptait pas vraiment de traîner derrière elle d'autres coéquipiers. Et si elle ne savait finalement pas grand chose sur le dénommé Scott, un détail ne lui avait pas échappé. Il était plein aux as. Rien qu'à voir le manoir, les choses étaient claires. Elle y avait d'ailleurs déjà fait un tour, peu après son arrivée en ville. Dès qu'elle l'avait aperçu en entrant à Radcliff pour la première fois, à bord de la caisse de Malachi, elle l'avait mis en tête de sa liste. Il était même un peu en retrait du reste des habitations. Une invitation au pillage, elle n'avait pu y résister plus de trois jours. Visiblement amateur d'art, l'homme avait eu la mauvaise surprise de constater la disparition de nombre de ses biens rapidement revendus par les soins de Seth. Et ni vue ni connue, la brunette avait eu le loisir de le voir entrer dans les rangs d'uprising en regrettant presque d'en avoir tant embarqué chez lui. Elle qui ne le voyait que comme l'un de ces richards prétentieux qu'elle aimait tant, il semblait tout de même avoir quelques qualités. Un sens moral, notamment, aux vues de son intelligente allégeance. Ainsi, si la disparition de l'homme en lui-même n'avait arraché aucun émoi à la demoiselle, son appartenance au groupe rebelle changeait toute la donne. Et comme à de trop nombreuses reprises, lorsqu'elle avait été missionnée la veille de rechercher des informations, la belle en avait fait une affaire personnelle.

Comme elle s'y était attendue, les Donovan avaient choisi une sécurité plus haut-de-gamme depuis son dernier passage. Le genre de système qui allait lui prendre plus d'une demi-heure à court-circuiter et aucune chatière par laquelle se faufiler à l'horizon mise à part celle donnant près du perron, clairement trop étroite pour l'y laisser passer. Impatiente, passant ses nerfs sur ses cuticules en réfléchissant à une solution après avoir fait trois fois le tour de la maison, Octavia s'arrêta subitement. La chatière lui faisait de l'oeil, fallait l'avouer, et à en jauger par sa surface elle pourrait presque s'y aventurer avec dix centimètres d'épaules en moins. S'agenouillant pour la détailler de plus près après avoir délicatement soulevé le battant, la brunette en observait les dimensions lorsqu'une ombre capta son regard. Plissant les yeux pour accommoder sa vue, tentant d'analyser la masse sombre qui se tenait à quelques mètres d'elle, ses sourcils se froncèrent lorsqu'elle en distingua plus nettement les contours. Il y avait quelqu'un. Quelqu'un par terre, sans un mouvement, rien. Reculant subitement avant de retourner à pas feutrés devant l'entrée principale, renfonçant machinalement sur son crâne son bonnet noir duquel ne dépassait qu'une ou deux boucles indisciplinées, la cambrioleuse sortit rapidement ses outils de son sac à dos. Si le manoir n'était pas vide au moment où cette personne s'était retrouvée à terre, il fallait désormais prier pour que personne n'ait eu le temps d'activer l'alarme. N'étant guère pieuse de nature, ce fut à grand renfort de jurons en tout genre que la voleuse somma la vieille serrure de céder sous ses gestes techniques.

En cinq minutes, elle se retrouvait à l'intérieur. Noirceur totale. Silence de plomb. Se faufilant dans le hall en glissant comme une ombre le long des murs, la brune eut tout le loisir de s'attarder près de cette masse qu'elle avait aperçue un instant auparavant. Activant l'interrupteur de la pièce principale désormais qu'elle se présumait seule, le corps en question lui apparut clairement, n'étant autre que celui de Madame Donovan. N'ayant aucun doute sur son identité, elle s'approcha de nouveau pour venir placer deux doigts dans son cou. Rien. Levant la tête tout en balayant circulairement les alentours d'un regard aux aguets, ses pas la conduisirent rapidement dans les pièces adjacentes, faisant le tour du propriétaire en tentant de trouver des signes de lutte dans le décor. Rapidement amenée à gravir les imposants escaliers, son échine se figea en pleine ascension en entendant les portes s'ouvrir brutalement dans son dos. A la voir ainsi, tout de noir vêtue, assortie de sa démarche peu féminine, elle avait sûrement l'air d'un mec. Si elle fonçait à l'étage et ressortait par la fenêtre de la chambre, personne n'aurait son identité. Sa raison lui hurlait de se barrer. Mais elle était téméraire, Octa. Suffisamment pour ne pas s'échapper, pour....

En une seconde, avant même qu'elle ne fasse volte-face, les portes claquaient à nouveau. Et les ténèbres, subitement, s'abattaient sur le Manoir.

Un juron. Un coup sourd contre la porte juste après que celle-ci se soit brutalement refermée. De toute évidence, l'individu n'était pas plus au courant qu'elle de ce qui était en train de se produire. Profitant de la pénombre pour redescendre à pas feutrés, la brune tenta un instant d'accommoder sa vue à la noirceur des lieux, récupérant doucement sa lame dans la poche intérieure de sa veste. Réduisant son souffle au minimum pour ne pas laisser la moindre chance à l'inconnu de découvrir qu'il n'était pas seul, elle attendit un instant que celui-ci cesse de s'agiter. Sa voix s'éleva de nouveau, résonnant contre les murs, tandis qu'Octa sentait son coeur s'agiter un peu plus rapidement. Son premier instinct lui dictait de progresser dans sa direction, d'attendre qu'il s'approche suffisamment pour lui sauter à la gorge, le menacer tant et si bien qu'il lui déclinerait son identité sous la contrainte. C'était sans doute stupide, irréfléchi. La voleuse était pourtant à deux doigts d'agir de la sorte, portée par son impulsivité sans songer aux risques que cela comportait. La garde de son poignard semblait se fondre dans sa paume moite tandis qu'elle y resserrait un peu plus sa poigne. Et s'il était armé ? Et s'il était flic ? Les flics étaient cons, ça, elle le savait bien. Tout à fait le genre à demander s'il y avait quelqu'un dans une baraque où on les avait de toute évidence enfermés. Et puis, y'avait un cadavre quand même, merde ! Qu'adviendrait-il s'il la pensait responsable ? Ou s'il était le responsable ? Son esprit s'échauffait au rythme de sa pulsation cardiaque qui montait crescendo entre ses côtes. « Vous êtes qui, vous ? » Pas de temps pour la politesse. Autant obtenir des réponses tant qu'elle se tenait encore hors de portée. « C'est quoi c'bordel ? Pourquoi on est enfermé ? » Lentement, elle redescendait les marches, une par une, hésitante. S'arrêtant suffisamment tôt pour maintenir une certaine distance de sécurité entre elle et cette silhouette qui se dessinait vaguement quelques mètres plus loin. Il avait l'air plus grand qu'elle. C'était bien tout ce qu'elle parvenait à discerner. Elle hésita un instant à récupérer sa lampe torche, rangée dans le bordel de son sac, mais la pénombre serait son alliée jusqu'à ce que cet autre ait répondu.  Elle ne jouerait pas la comédie. Pas ce soir. Les airs de sainte-nitouche passeraient sans doute mal sur celle qui n'était qu'une intruse dans cette demeure. Inutile de feindre l'innocence. Ils semblaient déjà suffisamment dans la merde.

Inspecteur. Parfait. Vraiment parfait. Se pinçant les lèvres tout en l'observant pointer son arme vers elle, son coeur manquant un battement tandis qu'elle demeurait strictement immobile, la brune le scruta un instant. Elle s'était à de trop nombreuses reprises retrouvée dans ce genre de situation, un flingue braqué sur elle, pour commencer à paniquer de manière hystérique. Elle était p'tetre trop calme, d'ailleurs, mais trop fière aussi pour commencer à lever les mains pour prôner son innocence. Merde alors. Un an ici, et elle n'avait encore fait la connaissance d'aucun flic. C'était sûrement trop beau, étant donné tous les domaines qu'elle avait pu piller dans le comté.  Fallait que ça arrive alors qu'elle n'avait rien fait de mal. Se raclant légèrement la gorge avant de reprendre la parole, la brunette hésita un instant à décliner l'une de ses quinzaines d'identités. Elle n'utilisait de toute manière plus la sienne depuis bien longtemps, se présentant sous un patronyme bien différent du sien, ses papiers d'identité marqués de ce nom également, tout du moins ceux qu'elle utilisait le plus souvent. Ainsi, sans se démonter, elle décida de se présenter -presque - honnêtement. « Mademoiselle Lovecraft. » C'était presque à gerber. Mademoiselle. Vraiment, ça la dégoûtait. Il n'en savait rien non plus. Génial. Et y'avait toujours ce foutu cadavre à quelques mètres. Les seuls battements de son coeur trahissant son appréhension grandissante, la voleuse se décida à avancer de quelques pas supplémentaires en le voyant abaisser son arme. « J'suis là pour Scott, vu qu'apparemment personne ne s'excite à le chercher, faut bien que quelqu'un s'en occupe. » Serrant les dents sans parvenir à contrôler son débit de parole, elle le fixa sans détourner le regard. Elle en parlait comme si elle le connaissait bien, lui qu'elle n'avait côtoyé que par intermittence au sein d'uprising. C'était pourtant la vérité. Si les flics faisaient mieux leur travail, elle ne serait pas là. C'était en tout cas ce qu'elle avait l'air de penser ardemment. « J'pensais que sa femme aurait peut-être eu des nouvelles, mais quand je suis arrivée... » Désignant d'un bref geste de la main la direction dans laquelle reposait le corps, Octa sentit ses yeux s'humidifier et sa gorge se serrer dans un léger effort de concentration. Mélodrame, acte premier. « Pourquoi vous êtes là, vous ? Vous le cherchez aussi ? » Ses traits décomposés dans une détresse à en décrocher un oscar, la brune s'essuya le nez dans un geste faussement pudique. Inspecteur ou non, des pourris, il y en avait partout. S'il s'agissait d'un hunter, elle ne pouvait décemment décrire plus précisément les raisons de sa présence ici. Ses yeux de biches savamment humidifiés par les larmes de crocodile ne cessaient d'observer le-dit inspecteur. Pour peu qu'il en soit vraiment. La paranoïa de la brune lui hérissait les nerfs. « J'comprends pas pourquoi on nous enfermerait. Tous les deux, ici. » Si elle s'y était retrouvée confinée seule, elle en aurait bien eu une petite idée. Un piège à rebelles, cette affaire. Mais lui.. Il n'appartenait même pas à uprising. Hunter déguisé, mutant ? La question lui brûlait la langue, et tout à coup, la perspective qu'il ne soit que flic devenait la plus rassurante. « Enfin, y'a bien des tas de raisons, mais aucune me plaît vraiment. Si ça vous dit qu'on se tire d'ici et qu'on termine de discuter dehors, ça m'arrangerait. »