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|► En réalité, on était bien samedi. Il était déjà 8 heures du matin, mais avec les horaires hibernaux, le soleil n’étendrait ses premiers rayons timides que dans une quinzaine de minutes. Alors que Bo s’était glissée dans le jardin pour atteindre l’entrée secondaire, il glissait une clé dans la serrure de la grande porte d’entrée d’une main gauche malhabile, le bras droit chargé d’un gros sac en papier craft rempli de provisions. Evangeline l’avait réveillé très tôt ce matin sans le vouloir, et il en avait profité pour partir faire quelques emplettes pour réapprovisionner le frigo : il avait eu du monde presque tous les soirs cette semaine, et  ça avait bien entamé son stock. Les grosses courses se seraient pour plus tard, mais au moins ils auraient un peu de viande fraiche, du lait et des légumes pour tenir le week end. Il prit son temps pour ôter son manteau, son écharpe et son bonnet, déposant le sac sur la table de l’entrée pour se frictionner énergiquement les mains : il avait oublié ses gants, et ses doigts lui brulaient à cause du froid mordant de l’extérieur. Il se félicita d’avoir fait bouillir l’eau dans la théière et fait préchauffer la cafetière ; il ne s’était pas encore décidé à déjeuner, mais après sa petite sortie matinale, il avait les crocs.

Il reprit son sac dans les bras, et poussa la porte de la cuisine du bout du pied pour s’avancer dans la pièce. Une silhouette féminine se découpait dans le fond de la pièce, et Malachi songea que son épouse avait fini par se lever, malgré sa très courte nuit. En réalité, la chevelure était trop brune, le corps un peu plus frêle, moins élancé. Bo était de retour à la maison. Elle ne lui avait pas donné de nouvelles pendant presque une semaine, et ne lui avait envoyé qu’un message laconique par texto le soir de sa disparition. Certes, Malachi n’était pas son tuteur légal, ni quoi que ce soit d’officiel pour la jeune femme aux yeux de la loi, mais cela faisait plusieurs mois qu’elle avait sa chambre et sa salle de bain attitrée dans le manoir Porter. Elle était l’occupante la plus « ancienne » du manoir, en tout cas dans ceux qui logeaient ici presque quotidiennement. Ils avaient partagé des repas ensemble, quelques loisirs, bien que ces deux là étaient plutôt du genre taiseux. Dès le début, Malachi ne força pas Bo à lui faire la conversation : lui-même n’était pas d’un naturel bavard, et il ne voulait pas parler de la météo autour d’un bol de céréales. Avec le temps, ces deux là avaient appris à s’apprivoiser, et apprécier la présence de l’autre sans autre bénéfice que celui de côtoyer quelqu’un dans leur solitude respective.
Il déposa, à nouveau, son sac sur la table, et commença à le vider sans un mot. Il n’était pas du genre à mettre Bo en cage, malgré sa responsabilité morale envers elle, mais un petit message une fois de temps en temps n’aurait pas été un luxe : avec tous les chasseurs qui trainaient dans les rues, le couvre feu, la ville n’était pas des plus sures pour une jeune mutante contrôlant à peine ses capacités. Il avait du déployer des trésors de débrouillardises pour se tenir au courant des récentes gardes à vue de mutants, pour s’assurer qu’une petite brune à l’haleine avisée ne s’était pas montrée un peu trop turbulente passé 22h. Ses affaires sorties, il alluma le gaz et posa une poele sur la cuisinière :

- Je me fais des œufs au plat, tu en veux ? Tu dois mourir de faim.

Il lui jeta un regard perçant, et surtout équivoque. Elle puait le mauvais vin à un mètre, et de toute évidence, c’était tout ce qu’elle devait avoir dans le ventre depuis pas mal de temps …