electrical storm

Well if the sky can crack, There must be some way back

Quelle journée ! Je ne m'étais jamais aussi senti libéré qu'en ce jour. J'avais l'énergie, la vitalité et la fougue de l'homme que je n'étais pas. Je vivais. Tout simplement. Je profitais et oubliais presque aussitôt mon don. Je pouvais toucher n'importe qui, n'importe où, n'importe comment sans qu'il n'explose après un contact avec ma main. J'étais libéré d'un fardeau immense. Pourtant les habitudes étaient tenaces. Vois mes mains, nues et sans gants, me faisaient flippé par moment mais la réalité de la situation me revenait bien vite en pleine face. Je pouvais me permettre de toucher mon environnement, sans me concentrer sur l'objet, la chose ou l'être humain que j'effleurais du bout des doigts par peur qu'il ne se détruise. J'étais d'une humeur enjouée. Les évènements du Redwolf Castle me paraissaient bien loin. Et pourtant...

Pourtant, cette terrible nuit résonnait encore dans mon esprit. Mais à l'heure actuelle, je ne pensais qu'à ce jour exceptionnel, cette chance de pouvoir parcourir Radcliff sans craindre une explosion quelconque, sans avoir peur d'être moi-même. Je n'étais plus ce mutant au pouvoir destructeur mais juste ce petit stripteaseur que personne ne remarquait et qui n'avait pas la manie d'enfiler des gants de plomb alors qu'il faisait plus de 20°C en extérieur. Je n'étais plus ce gars étrange qui refusait tout contacte avec la race humaine. Je souriais simplement. Heureux de la vie, de la journée. Cependant, les retombées de cette disparition de pouvoir provoqueraient sans nulle doute un effet dévastateur sur notre monde. Je n'osais imaginer les conséquences d'un tel pouvoir entre les mains d'un humain lambda. Même si je savais que ce n'était qu'occasionnel, que mon pouvoir me reviendrait, je ne pouvais me retirer de la tête que ces jours étaient bénis. J'aurais été croyant, ce phénomène aurait pu relever du miracle. Mais derrière mon sourire et ma bonne humeur se cachait une méfiance absolu et une éternelle peur. Si les humains ont des pouvoirs et les hunters également, quelle chance avons-nous, nous mutants, de nous défendre contre eux ? Je ne m'étais jamais senti aussi désarmé depuis des années et la peur de voir apparaître un tueur devant moi me hérissait quelques fois les poils des bras.

Cependant, je décidais de ne pas me laisser et abattre. C'est avec cette pensée positive que je pénétrais dans un lieu que je ne connaissais que trop bien. Ce petit café du centre-ville où je m'accordais quelques minutes de douceur avec un bon café et une gourmandise méritée quand je revenais le matin du travail. A mon habitude, je succombais aux charmes des magnifiques donuts qui ornaient la vitrine. Je m'en léchais déjà les babines. Je me les léchais encore plus lorsque mon regard tomba sur lui. Je ne me souvenais plus de son nom. Mais je savais que ce client précis avait toujours des réactions disproportionnés quand j'étais dans son radar. Amusé d'avance, je m'avançais silencieusement jusqu'à sa table où je m'installais sans dire un mot. Je relevais mon visage dans sa direction. « Bonjour. » Lançais-je sur un ton suave et sensuel dans l'unique but de le déstabiliser. Il n'y avait rien ajouté. Maintenant que j'étais sans pouvoir, je pouvais me permettre bien des gestes que j'aurais trouvé trop dangereux. Mais pour l'instant, je me taisais, attendant une réaction de la part de mon voisin de table tandis que j'affichais mon plus beau sourire afin d'assouvir cette envie - presque malsaine - de le voir tomber à mes pieds.

Cette journée, si magnifique, continuait de me surprendre. Croisé ce type au café de mes habitudes étaient sûrement un signe bien que je ne croyais pas en ce genre de supercherie. Je m'installais donc à sa table sans lui demander la permission. D'ailleurs, il ne m'aurait certainement pas répondu au simple fait de ma présence. Alors j'avais pris mon droit et je m'étais assis comme si nous étions des amis, comme si nous nous connaissions parfaitement bien alors que pour moi ce n'était qu'un inconnu. Il n'était qu'un client amusant qui pourrait remplir ma journée d'une bonne dose de rigolade. A peine eus-je saluer mon acolyte que je le voyais déjà rougir. Sourire aux lèvres, je ne pouvais m'empêcher d'user de mes charmes pour accentuer son mal-être. Étais-je un sadique pour autant ? « Bonjour » Il m'amusait déjà. Son petit 'bonjour' promettait une suite encore plus drôle. Comme si de rien n'était, je bus alors une gorgée de mon café. Content de l'effet que je faisais à ce client mémorable. « T-tu sors du boulot ? » Je posais des yeux doux sur lui. Sa question m'interpellait. Elle était inattendue. Je me ferais une joie de lui répondre sans mâcher mes mots et en lui rendant la situation bien plus difficile qu'elle ne l'était déjà pour lui. Je posais donc ma tasse de café, m'essuyais la bouche et croisais mes doigts en fixant mon interlocuteur dans les yeux.

Je restais un moment silencieux. De longues secondes s'écoulaient et je constatais nettement les effets de cette action sur le trentenaire. « Je pourrais vous dire que non afin d'éviter que vous ne vous étouffiez avec votre thé. Mais la vérité est bien plus cruelle... » Je laissais planer un certain mystère, tandis que mon pied venait effleurer la jambe de Viktor. Oui, je n'avais pas de limites aujourd'hui et j'étais prêt à tout pour parvenir à mes fins. « Donc oui, je sors du boulot. Et je porte même encore le string à paillette de la dernière fois qui vous a fait tant d'effet... » J'haussais alors les sourcils, accompagnant ce sourire en coin des plus charmeurs. « Ou alors en est-ce un autre ? Je ne sais plus. J'en ai tellement qu'il m'arrive d'oublier celui que je porte. » J'attrapais mon donuts et croquais dedans, laissant le temps au jeune homme d'assimiler les informations que je venais de lui déballer. Tout était calculé. Tout était minutieusement placé pour que le trentenaire succombe encore une fois devant moi. « Mais si vous le désirez, je pourrais vous laissez vérifier par vous-même. Je suis sûr que nous pourrions trouver un arrangement. » Il y avait toujours une occasion pour gagner un peu d'argent. Opportuniste, je l'étais et la situation me permettait de jouer de mes atouts pour proposer ce genre de marché.

Je venais de lâcher une bombe. Une toute petite, soit dit en passant. Rien d'extraordinaire à mes yeux. Quant aux siens, c'était probablement une torture. Je le voyais se désintégrer devant moi. Comme si mes mots le mettaient dans l'embarras. C'était sûrement le cas pour qu'il s'arrête si brusquement dans la dégustation de son cheesecake. J'adorais ça ! J'adorais maîtriser la situation. J'avais tout sous contrôle et maintenant que mon pouvoir était inexistant, j'avais véritablement le contrôle de mon corps. C'était un point important pour que tout se déroule selon mes besoins. « C-c’est euh… très gentil de me le proposer, m-mais ce n’est vraiment pas mon genre. De payer pour une euh, une rencontre. » Je le regardais, dubitatif. Il s'emballait là, le petit. Il était peut-être temps de le remettre à sa place parce qu'il n'avait pas compris le sens premier de mon offre. « Non pas qu’il y ait quoi que soit de mal là-dedans hein, je ne juge pas ton emploi, mais euh… J’ai toujours été un romantique ? » Son sourire - aussi imbécile soit-il - me laissait perplexe. J'étais presque vexé. Je prenais un air outré. « Enfin je sais que l’un n’exclut pas l’autre, j’ai vu Pretty Woman après tout, mais… oh, je suis en train de divaguer, je suis désolé. »

« Oui, vous pouvez vous excuser. » Répliquais-je sur un ton froid, presque méchant. Je ne le regardais même pas. Il ne méritait pas l'attention que je lui portais surtout après une telle comparaison. « Je ne suis pas une pute ! Je ne vous ai jamais demandé de me payer pour coucher ! » Au moins tout était clair maintenant. « Je pensais que c'était clair. Je suis peut-être un petit stripteaseur qui se dénude facilement. Mais jamais, je ne retomberais aussi bas. Pas même pour vous !  » La colère me prenait et, étrangement, mon pouvoir ne se manifestait pas. J'étais libre. Libre de toute émotion, libre de ressortir cette colère que j'accumulais depuis des années. « Stripteaseur, pute, c'est tellement proche, n'est-ce pas ? Selon vous, l'un ne va pas sans l'autre. Pffff, vous êtes tous les mêmes ! » Je me levais de ma chaise, fixant Viktor avec un regard noir. Il était comme tous les autres. Il se croyait tout permis. Après un striptease, passons à l'étape supérieure : couchons ! Il me dégoutait. « Et pour que les choses soient clairs, je ne vous proposais qu'un show privé pouvant venir vérifier l'étendu de ma tenue de travail. » J'aurais pu le gifler, lui foutre un poing. Sans pouvoir, tout était permis et je n'avais pas la peur de le voir exploser quelques secondes après mon coup. C'était tentant. Extrêmement tentant. Et alors que je le regardais toujours dans le blanc des yeux, je finis par soupirer pour me dégager de la vue qu'il m'offrait.

« Vous me dégoutez... » Terminais-je avant de quitter la table pour me rendre vers l'arrière du café. J'avais besoin de respirer, de me passer un coup d'eau sur le visage. Je m'échappais donc de la situation bien que je contrôlais encore ce client. J'étais le mâle dominant mais je ne cherchais pas à être pris pour un homme que je n'étais pas. Un homme que je n'étais plus. Oui, j'avais fais le trottoir dans mes années de débauche après m'être évadé du complexe scientifique des soviétiques. Mais cette période était bien loin et me voir rabaissé à ce niveau m'avait complètement retourné. Ça m'avait énervé. Ces clients... Ils se croyaient tous supérieurs alors que nous les tenions tous à la baguette à leur insu. J'arrivais dans les toilettes et m'appuyais directement contre un lavabo. Je me regardais dans le miroir qui me faisait face. Des tas de souvenirs remontaient à la surface. Je ne devais pas défaillir. Il fallait que je me ressaisisse. Rapidement.

Isolé dans les toilettes du café, je fixais mon reflet en me tenant fermement au lavabo. Je m'étais énervé pour rien, ou presque rien. Une vulgaire comparaison m'avait mis dans un état que je n'aurais pu imaginer. Surtout devant un client. Bref, je me reprenais délicatement. Tandis que le client en question s'annonçait avec une toux inappropriée. Je soupirais légèrement et jouais l'indifférence. « Je suis désolé. Je n’avais vraiment pas l’attention de te vexer, et visiblement j’ai réussi à mettre les pieds dans le plat. Je m’excuse, sincèrement. » J'ignorais ces excuses, même si elles étaient plaisantes à entendre et surtout méritées. Je ne réagissais pas, me fixant toujours à travers le miroir. « Enfin, à vrai dire je ne sais pas vraiment ce que je devais penser d’un stripteaseur qui me fait du pied sous la table… Je pensais qu’il y avait des règles de non-contact, ou est-ce que ça ne vaut que pour les clients ? » J'osais enfin porter mon regard sur lui mais ne disais toujours rien. Je ne voulais pas m'énerver et je n'avais pas envie de m'étaler sur les détails d'une vie professionnelle que Viktor ne comprendrait pas. « Honnêtement, je n’y connais rien, et je n’aurais pas dû parler sans savoir. J’ai juste l’impression que tu avais besoin de crier un bon coup et que j’ai – comme toujours – dit ce qu’il ne fallait pas, pile au mauvais moment. » J’acquiesçais légèrement. Il n'avait pas tout à fait tord. J'avais crié. Sans doute trop. Il m'avait fais dépassé les bornes et je m'en rendais bien compte. Mais n'aimant pas paraître faible devant des inconnus, je ne pouvais admettre ce fait. J'avais même glissé une information importante de ma vie passée, chose que je n'avais jamais faite jusque là. Mon passé de gigolo était loin, caché et tenu secret. Aujourd'hui, il m'était revenu en pleine face à cause d'un moment d'égarement. Je ne relevais même pas que le vétérinaire s'était posé sur le lavabo voisin. Ma tête était bien trop chamboulée pour remarquer ce détail superflu.

« Eh, ça… ça va aller ? Tu as besoin de t’assoir ? » Je ne pouvais retenir de baisser mon visage vers le lavabo. J'étais un peu désespéré par les tentatives du trentenaire. Il ne comprenait définitivement rien et je ne lui avouerais jamais le fond de ma pensée. Mon problème du jour : mon pouvoir. Même si son absence pouvait être assimilée à une bénédiction. C'était le cas mais je me sentais vide sans lui. Comme si je m'étais finalement habitué à ne plus avoir aucun contact avec d'autres personnes, avec d'autres hommes. Je m'étais habitué à être seul en toute circonstance et à résoudre mes problèmes sans l'aide d'un inconnu aux gants immondes et à la canne inutile. « Je pense que je vais savoir gérer ça par moi-même. » Lançais-je brusquement sur un ton colérique. Oui, j'étais toujours énervé. Mais pas forcément contre lui. C'était bien là la difficulté de l'instant. Je soupirais encore une fois en redressant mon visage vers le plafond de la pièce. Puis je tournais le robinet. J'avais grand besoin d'un peu d'eau pour me remettre les idées en place. Je m'arrosais donc le visage avant de reprendre la parole.

« Et pour répondre à votre question. Il n'y a aucune règle en dehors du club. C'est moi qui fixe les limites et j'étais prêt à beaucoup aujourd'hui mais pas à aller jusqu'à votre pensée. » J'étais beaucoup plus calme, moins énervé. Cependant, mon amertume se faisait encore ressentir. « J'ai une réputation à tenir ! » Lançais-je un peu maladroitement dans l'espoir de détendre l'atmosphère. Moi-même, je laissais échapper un léger rire amusé qui se dissipa bien vite malheureusement. « 'Fin, c'était pas contre vous. Pas totalement, on va dire. » Je ne m'excusais pas pour autant. Je ne le ferais jamais. Je me redressais, fermais le robinet et me tournais complètement vers Viktor. Il était devant les essuie-mains. Je tentais donc de passer afin de pouvoir m'essuyer mais ce dernier ne bougeait pas. Je plantais donc devant lui et venais effleurer sa joue avec une main quand un coup de jus me surprit violemment. L'air ahuri, je gigotais ma main pour retirer cette sensation engourdie. « Vous êtes...électrique. »

L'air était électrique entre nous ainsi que la peau du trentenaire. Avec ma main mouillée, j'avais subi un coup de jus intense m'ayant engourdis les doigts alors que je voulais seulement m'essuyer. Je commentais dès lors cette surprenante sensation au toucher de la joue du vétérinaire. « Oh mon Dieu, je suis désolé, je ne m’attendais pas à ce que tu me touches, je… Euh… » Il semblait véritablement désolé, comme si tout était de sa faute. Je ne comprenais pas sa réaction qui me paraissait disproportionnée. Cependant, je l'observais et son comportement le trahissait. Je reconnaissais ses signes mais ne disais rien. Je restais neutre, presque stoïque, même lorsque les lumières clignotèrent et que le noir nous envahit. Je n'avais pas peur du noir. J'avais été conditionné par les russes pour résister et ne pas paniquer en cas de situation similaire. Être emprisonné dans une cellule dépourvue de lumière rend plus fort. « Merde. » Je laissais échapper un soupir, lasse de la situation qui ne pouvait être pire. Mais le juron de mon interlocuteur vint confirmer les hypothèses qui s'étaient formé dans mon esprit. Mutant ? Pouvoir ? Je ne l'aurais jamais cru. Étrangement, je compatissais à son malaise. Je le comprenais entièrement. Le contrôle d'un pouvoir était difficile et je m'apprêtais à le lui dire, à le soutenir quand la lumière fut. Je me retrouvais d'autant plus proche de lui et ne réagissais toujours pas. Il ne me faisait pas peur.

« Alléluia, j’ai vraiment cru que j’allais tout faire exploser cette fois. » Je m'écartais de lui de quelques pas, sourire aux lèvres. Viktor ne connaissait en rien le pouvoir d'explosion. Il contrôlait probablement l'électricité mais ne faisait pas exploser littéralement les gens. C'était ma particularité. Alors l'entendre parler ainsi m'amuser. Il ne connaissait pas la douleur, ni la peine et l'horreur qu'un pouvoir explosif pouvait faire ressentir. J'étais une bombe ambulante. Lui, tout au plus un condensateur humain. « Au pire, personne n'aurait été blessé. Ce genre d'explosion ne peut pas. Et croyez-moi, je m'y connais plutôt bien... » Mon but premier n'était pas de le rassurer mais, au contraire, de lui faire comprendre qu'il ne se serait rien passer de grave et que son pouvoir ne m'aurait pas fais de mal.

Je revenais donc vers lui avec une certaine assurance. Je me permettais de lui attraper les mains. Il ne me faisait pas peur, même avec son pouvoir et puis une décharge de plus ne ferait que me réveillait un peu plus. Sans dire un mot, je lui retirais ses gants. S'il voulait se contrôler, ce n'était pas avec ses gants qu'il y parviendrait et j'étais prêt à subir les conséquences de mon geste. « Je ne vous crains pas. » Lui dis-je avec un élan de compassion. Avoir peur de soi-même, je connaissais. « Vous êtes mutant ? Électrokinésie, n'est-ce pas ? » Je poussais à bout ma chance, appuyant ma main toujours mouillée sur la sienne. S'il ne se contrôlait pas, je me prendrais un nouveau coup de jus. Mais s'il y arrivait, il ne pourrait qu'être soulagé. « Autant que cette rencontre fortuite serve à quelque chose. Alors n'ayez pas peur de votre pouvoir et maîtrisez-le. »

« Cette fois-ci non, mais il aurait suffi que je sois un peu plus… ‘chargé’ pour que tu te retrouves sévèrement brûlé, ou pire. » Je n'étais pas inquiet. La situation me semblait familière et je ne craignais en rien le pouvoir électrique du vétérinaire. Mes tortures passées étaient en tout point bien pire qu'une petite décharge électrique. Alors je lui retirais ses gants et jouais avec le feu car c'était bel et bien un acte dangereux que je commettais sans pour autant avoir peur des conséquences. Je compatissais à sa douleur et c'était ce qui me faisait agir ainsi. Il n'y avait rien de plus effrayant qu'un pouvoir offensif et mortel non-contrôlé. Il n'avait pas besoin de parler, ni même de répondre à ces questions que je lui posais. Je savais qu'il était mutant. Pourtant, la vérité était bien plus compliquée. « Euh, t-techniquement oui, mais… Depuis très peu de temps, et à v-vrai dire j’ai été dépisté sans qu’on me trouve le moindre gène mutant… Alors je suis un peu perdu. » J'étais aussi un peu perdu. Ces derniers jours étaient compliquées. Entre des humains négatifs au dépistage et des mutants sans pouvoir, les évènements au Redwolf Castle nous avaient tous changé. J'en étais certain maintenant.

En attendant, je jouais avec Viktor et son nouveau pouvoir. Le contrôle était la clef du pouvoir et, même si je ne maîtrisais pas encore ce don que la génétique m'avait offert, je pensais qu'il était primordial de savoir si le trentenaire pouvait y parvenir. C'était une simple question de sécurité car je n'aimerais qu'un si beau visage comme le mien soit abîmé par une décharge. Mon job en pâtirait et c'était tout bonnement inimaginable. Je m'amusais donc avec mes mains mouillées stimulant celles du vétérinaire sans effet. J'étais légèrement déçu de ce contrôle. J'aurais que se soit plus électrisant entre nous. « Je sais que j’ai dû passer pour un demeuré complet, mais j’arrive plus ou moins à me contrôler, sauf… Sauf en cas d’émotion forte. » Un grand sourire se dessina sur mon visage. Sauf en cas d'émotion forte. J'étais joueur et la perche que mon interlocuteur venait de me tendre ne tomberait pas dans le néant. « Des émotions fortes... » Jouant de mes atouts, je me rapprochais de mon client, collant mon corps au sien tandis que mes mains, plus baladeuses que jamais, effleuraient son torse d'une manière qui ne pouvait le laisser indifférent. « Dans ce genre-là ? » Le questionnais-je sur un ton mi-sadique, mi-amusé. « Ou un peu plus comme ça ? » Continuais-je en descendant une main le long de son torse pour venir effleurer son bas-ventre. Toujours avec un sourire narquois.

Certains considéraient que pour faire mon métier, il fallait être timbré, extravagant et sans peur. Je les rejoignais sur ce dernier point en y ajoutant toutefois quelques subtilités. Il fallait aussi être joueur et sensuel. Ce que j'étais, surtout en cet instant où j'essayais de faire perdre le contrôle à Viktor en le séduisant, en effleurant les parties de son corps qu'aucun homme n'aurait pu détester. Je connaissais les points faibles de mes clients. Je savais quoi faire et où appuyer pour qu'ils succombent à leurs pulsions. Le vétérinaire faisait parti de ces hommes que je manipulais avec une certaine facilité pour rendre ma vie beaucoup plus amusante. Le jeu restait, reste et restera le point essentiel d'une vie rythmée. Ainsi, quand je remarquais la manifestation du pouvoir du trentenaire, j'en fus plus que satisfait même si je risquais l'électrocution. Cependant, le voir dans cet état m'amusait, me faisait sourire et d'une certaine manière me donnait l'envie d'aller beaucoup plus loin. C'était presque excitant de le voir aussi démuni face à son don.

Les étincelles jaillissaient et je suivais du regard cette manifestation du don d'électrokinésie que je voyais pour la première fois. Je restais collé à Viktor, le danger ne m'ayant jamais fais peur. Cependant, ce dernier se releva et s'agrippa à moi. Je passais alors ma langue sur ma lèvre supérieure. « T’as particulièrement envie de te faire électrocuter, ou quoi ? » Je faisais mine de réfléchir avec la bouche légèrement entrouverte. Puis en une seconde à peine, mon expression changea complètement. Mon air interrogateur laissa place à un visage sûr de lui, au regard séducteur, accompagné d'un sourire sulfureux. Il avait ainsi sa réponse. « Ça t’amuses peut-être, mais si je te blessais par accident j-je, je ne me le pardonnerais pas. » Le jeune Dawson me donnait tous les pouvoirs. Je le manipulais selon mon bon vouloir, tel un pantin dont je connaîtrais tous les secrets. « Monsieur aurait donc des remords, même envers le petit stripteaseur insignifiant que je suis... Intéressant... » Commentais-je dans un souffle chaud contre les joues du trentenaire.

Je m'écartais finalement de lui et lui tournais le dos volontairement. Malgré les apparences, j'avais tout de même eu chaud et l'inquiétude de me faire électrocuter, même tuer, était belle et bien présente. Je savais cacher mes émotions. Je savais être indifférent, neutre et j'usais de cette faculté chaque jour afin de me protéger. « Quoi qu'il en soit, je suis impressionné par tant de puissance. Je n'aurais jamais pensé que, la première fois que vous m'avez glissé en billet, vous seriez un homme aussi surprenant. » Je revenais vers lui et jouais alors avec les boutons de sa chemise. Viktor ayant commencé à la déboutonner, je me dévouais à continuer. « Je regrette presque de vous avoir catalogué dans les clients timides et sans importances... » Je déboutonnais un bouton. Puis un autre. Et encore un dernier. « Je regrette d'autant plus maintenant... » Il n'était pas le plus laid de tous les hommes. Au contraire, le trentenaire, ancien soldat, avait une musculature attrayante et qui aurait pu me séduire. Je laissais donc glisser une main sur son torse, nu. « Je pense devoir revoir mon point de vue. » Concluais-je en arrachant finalement les derniers boutons de sa chemise dans un geste brusque violent afin de pouvoir caresser cette zone plus facilement.

Je jouais et j'adorais ça. Avec le vétérinaire, c'était bien plus amusant qu'avec d'autres. Je pouvais user de tous mes atouts pour le déstabiliser, pour lui faire perdre le contrôle de son don. Lui arracher sa chemise faisait parti du processus puisque le reste n'avait pas réellement fonctionné. Je m'apprêtais alors à glisser mes mains sur ce torse nu qui me faisait face quand le trentenaire m'attrapa violemment les poignets pour m'arrêter. « Timide et sans importance ? Ce n’est pas parce que je n’aime pas être le centre de l’attention que je vaux moins qu’un autre ! » Je le fixais du regard avec toujours cet air supérieur et cette indifférence qui me protégeaient des clients du club. J'avais ainsi le contrôle sur eux. Mais Viktor s'énervait. Mon comportement le mettait en colère. Il perdait ses moyens. Son pouvoir ne tarderait donc pas à faire de même. Sourire sur le visage, je ne cessais de le fixer. J'étais parvenu à mes fins, même si ce dernier commençais réellement à me faire mal. Il avait resserré son emprise sur mes poignets et me tenait maintenant entre ses doigts.

« Je ne suis peut-être pas un habitué des clubs de striptease, et je n’ai peut-être pas la même assurance que toi, mais je ne t’ai jamais intentionnellement manqué de respect et je pense que je mérite le même traitement. » Mon regard était plus dur, plus noir. Il me faisait mal et je détestais être dans cette position de soumission. Je me débattais, voulant m'échapper de son emprise alors qu'il était dans une colère que je comprenais parfaitement. Cependant, sa force était impressionnante et je n'arrivais pas à me détacher. Je l'avais poussé à agir ainsi et je regrettais presque d'avoir été aussi insistant quand son pouvoir se manifesta. La douleur s'intensifiait mais je n'émettais pas le moindre bruit. Je n'hurlais pas malgré la souffrance d'une telle décharge. Je grimaçais de douleur pour m'effondrer à même le sol quand le vétérinaire me lâcha soudainement. Je frissonnais de tout mon être, cette sensation électrique parcourant encore tout mon corps. J'avais ce que je méritais et je ne pouvais que m'en prendre à moi-même. Je me relevais, difficilement. « Viens, vite ! » Me dit-il, en dirigeant sans mon accord mes poignets sous l'eau. Je n'avais pas encore remarqué l'étendu de mes blessures et ce ne fut que lorsque l'eau coula sur mes brûlures que j'en appréhendais la gravité.

Je m'appuyais sur le lavabo pour me remettre sur mes deux jambes. Bon dieu, j'avais si mal ! Encore heureux que je n'ai pas hurlé pour alerter les autres clients du café. Les soviétiques m'auront au moins appris une chose : ne pas montrer ses faiblesses. « Je suis vraiment, vraiment désolé. Tu… Tu me laisses bander tes poignets ? Je ne suis pas médecin, mais mon père l’était et il m’a imposé un minimum de connaissances... » Je tournais mon visage dans sa direction alors que lui tentait de ne pas me regarder. Avait-il peur que je réplique ? Que je lui gueule dessus ? Je n'avais pas autant d'assurance pour le faire et surtout, je n'avais le droit de répondre à son acte. Je l'avais poussé à m'électrocuter et je ne devais pas m'en plaindre. Il m'avait fais défaillir et, même si je lui en voulais pour ça, je n'avais pas à gueuler pour un geste que j'avais demandé. « Je crois que je n'ai pas vraiment le choix... » Mon ton se voulait plus doux. Le jeu était maintenant terminé et j'aurais presque pu abattre toutes mes barrières. Mais je ne le ferais pas. Je ne le faisais jamais. Je ne me montrais jamais tel que j'étais par peur de l'inconnu. Je tendais alors mes poignets. « Allez-y. » Et alors que je le regardais faire, je ne pus retenir ma langue plus longtemps. « Et ne vous excusez pas. Je vous ai poussé à bout et j'en suis bien conscient. Alors arrêtez de vous sentir mal à l'aise et désolé, je ne vous en veux pas. Je compatis même. Je comprends ce que ça fait d'avoir une chose qu'on ne contrôle pas. Donc ne vous inquiétez pas pour moi, j'ai connu bien pire qu'une petite électrocution. »