Victime des pouvoirs d'un client que je n'aurais jamais imaginé être un mutant, je devenais presque docile. Cette électrocution m'avait retourné que je m'en étais écroulé. Je suivais donc mon médecin du jour, tel le patient le plus coopératif du monde. Je ne disais plus rien, je suivais simplement les indications du jeune Dawson, sans chercher à le manipuler ou à en faire ce que je voulais. « Ce n’est peut-être pas le cabinet médical le plus élégant, mais ça fera l’affaire. » Toujours aussi docilement et sans un mot, je le laissais m'asseoir. Je regardais mes poignets et constatais l'étendu des dégâts. Pourtant, je n'avais pas crié. La douleur, je connaissais et j'avais appris à ne pas satisfaire mes tortionnaires des hurlements inutiles. Je ne réagissais même pas quand mon client se retrouva soudainement entre mes cuisses, dans une position plus que douteuse. Un léger rictus se dessina tout de même sur mon visage. Les soins débutèrent et je passais aux aveux. Il semblait surpris. Je ne relevais pas sa réaction, préférant me taire après mon petit speech improvisé. « Je ne pensais pas que tu étais capable de reconnaître tes torts… » Il délaissa sa chemise pour déposer de la crème sur mes poignets endoloris. Je tressaillis de douleur, tentant de ne pas le montrer à chaque fois qu'il caressait mes brûlures. Viktor paraissait véritablement réceptif à chacune de mes réactions et c'était bien la première fois qu'un homme me donnait autant d'intérêt sans prendre le peine de me payer pour mes services.

« Qu’est-ce qui t’as pris de me pousser à bout intentionnellement comme ça ? Surtout si, comme tu le dis, tu comprends ce que c’est de ne pas pouvoir contrôler ces… capacités. » Je restais muet. Les confessions n'étaient pas pour moi et encore moins devant un client et étranger. Je le laissais donc s'imaginer tout et n'importe quoi. Je le voyais dans son regard. Il s'interrogeait à mon sujet, sur mon histoire, sur mon passé. Mais je n'avais rien à avouer, ni à confesser. J'étais un mystérieux, dont le secret était le quotidien. Silencieux, je le laissais me bander les mains, une à une, et bouger mes poignets afin de vérifier ses soins. « Dis-moi si c’est trop serré. » J’acquiesçais négativement d'un signe de tête. N'ayant pas l'habitude de ce genre d'attention, moi qui me débrouillait toujours tout seul, je ne savais quoi dire. Un merci aurait pu être opportun mais aucun mot ne put sortir de ma bouche. Ainsi, je fixais le vétérinaire sans la moindre arrière pensée et, comme pour le remercier, je me penchais vers lui et l'embrassais. Un chaste baiser pour un homme généreux et altruiste. Je finis par me relever, esquivant Viktor afin de sortir des toilettes sans le frapper. Je m'avançais à nouveau vers les lavabos pour me passer un nouveau coup d'eau sur le visage. Je ne comprenais pas. Je ne savais pas pourquoi j'avais agis ainsi. Et pour la première fois de me vie, je ne contrôlais plus rien. Et pour la toute première fois, je n'en avais que faire.

Ce chaste baiser. Erreur de parcours ou envie incontrôlable ? J'étais perdu, tout comme Viktor devait l'être. Je passais par un nombre important d'émotion et sentiment. Aguicheur et manipulateur, je m'étais maintenant complètement démunis et sensible. J'étais faible. Le vétérinaire me voyait sous ma plus grande faiblesse. J'étais vulnérable et plus que jamais sans mon pouvoir. Je n'aimais pas ça. Pourtant, je m'étais laissé aller. Je l'avais embrassé sans y réfléchir. J'avais agis. Je ne savais pas pourquoi et je ne trouverais certainement pas la raison de ce baiser. Ainsi, j'enjambais le jeune Dawson et m'avançait à nouveau vers les lavabos pour me passer un coup d'eau fraîche sur le visage. Je devais remettre mes idées en place et c'était l'unique solution que j'avais trouvé pour le faire ici bas. « Viens là. » Je ne l'avais même pas remarqué venir s'échouer derrière mon dos alors que je séchais mes mains. Ce dernier me retourna de force. Toujours aussi docile, bien que ma véritable nature se réveillait peu à peu après s'être endormi sans aucune raison apparente, Viktor me manipulait comme il le souhaitait. Je me retrouvais ainsi dans ses bras. Je ne résistais pas. Étrangement, je n'en ressentais pas l'envie. Alors je me laissais porter par cette étreinte surprise mais agréable. « Tu commences à me faire peur, à ne rien dire… » Sentant ses lèvres sur mon front, je souris et terminais par accepter cet échange en glissant à mon tour mes bras autour de Viktor et baissant le visage pour coller ma tête contre son torse.

J'aurais pu laisser mon esprit vagabonder et me laisser aller à toutes ces émotions que je ressentais. Mais quand l'ancien militaire reprit la parole, ma lucidité revint également. « Si tu commences à rougir à ma place, qu’est-ce qu’il me restera ? » Je ne disais toujours et restais dans ma position. Cependant, le trentenaire releva mon visage en glissant sa main sous mon menton. Je ne souriais plus. Je n'étais plus cet être fébrile et faible. La dure réalité avait fais son grand retour et Viktor en était le premier avertis. Mes yeux se voulait plus noir, plus dur, plus diabolique. J'étais de nouveau le Johan qui lui avait fais perdre le contrôle de son don d'électrokinésie. Je me redressais donc, me détachant de lui, alors que ses yeux flirtaient avec mes lèvres. « Si vous voulez encore y goûter, ça vous coûtera cher. » Commentais-je en prenant beaucoup plus de distances. Je réajustais ma veste, désireux d'oublier ces minutes de faiblesse. Je soupirais en fixant mon client. J'avais frôlé les limites du code des stripteaseurs. Ou plutôt les limites que je m'étais donné. La faiblesse des hommes les mènerait à leur perte. C'est pourquoi j'évitais toujours de me retrouver dans ce genre de situation. Viktor m'avait vu défaillir et complètement démunis. Je ne pouvais tolérer cela. Il n'était qu'un client, un homme sans importance. Pourtant, il avait acquérir un certain pouvoir en me ramassant dans cet état. « Ne vous méprenez pas. Tout ceci n'était qu'un subterfuge dans lequel vous êtes tombé. » Mensonge ! Mais que pouvais-je bien lui dire d'autre ? Je ne pouvais me révéler sous mon véritable jour. Personne ne me connaissait. Personne ne connaissait mon passé. Et personne ne le connaîtrait. Je ne me révélerai jamais sauf en cas de force majeure. Le cas contraire, je ne chercherais pas à me faire aimer, ni comprendre. J'étais un solitaire et je supportais ma solitude grâce à toutes ces liasses de billets que mes clients me donnait pour seulement quelques minutes de fantasme.

Je lui riais alors au visage, relevant son menton comme il venait de me le faire. « Croyez-vous vraiment que je me laisserais aussi facilement manipulé ? Vous n'êtes personne. Vous n'êtes rien. Et seul votre porte-feuille bien rempli mérité toute mon attention. » J'étais froid, distant. Et c'était voulu. Maintenant, j'ignorais si Viktor me croirait. J'étais convaincant. Du moins, je l'espérais. Et si ce n'était le cas, ce dernier aurait affaire à moi car je ne laisserais jamais une personne vivante avoir autant d'emprise sur moi. Mais pour l'instant, je n'avais rien d'autre à faire. Le jeune Dawson devait être décontenancé et surpris de ce revirement de situation. Je trouvais donc adapté de m'éclipser. Je le regardais, pointant mes iris dans les siens. Je savais ce qu'il voulait et je le lui donnerais. Ainsi, je l'embrassais une fois encore. Un baiser bien plus fougueux et passionnel que je terminais en lui mordant la lèvre inférieur jusqu'au sang. « Ne vous en faites pas... Cette fois-ci, c'est gratuit. » Un dernier clin d’œil et je sortais des toilettes, fier de ma sortie. Mais surtout, heureux d'avoir réussi à m'enfuir avant que le vétérinaire ne découvre mes profondes blessures du passé.