The mouth might lie, but never the eyes.

« Tu en es où dans tes séances avec Brown ? » Ses mains farfouillaient dans la paperasse, à la recherche de tout et n’importe quoi, mais arborant un air tellement absorbé qu’il espérait faire taire cette voix inquisitrice. « Ezekiel ? » « Une minute Mary, j’suis débordé. » Sous-entendu, dégage, et lâche moi cinq minutes, version poli oblige lorsque l’on s’adressait à la chef de service. « On était pourtant d’accord, si tu ne poursuis pas la thérapie je… » Le médecin plaqua ses mains sur le bureau, un peu plus brusquement qu’escompté, et porta son regard perçant sur son interlocutrice à laquelle il arracha un sursaut. « Tu quoi, tu vas me suspendre ? On est en sous-effectif depuis des mois, Mary, avoue que cet arrangement te convenait tout autant qu’à moi. » Il n’haussait pas le ton Ezekiel. Il énonçait les faits, parce qu’il avait beau être le plus doux des agneaux, il ne fallait pas trop le prendre pour un con ces temps-ci. Ça n’avait que trop duré. La quinquagénaire le dévisagea, bouche bée, tandis que déjà il regrettait son insolence. Ne change pas qui le veut. « Et puis, si tu veux tout savoir, on avance bien lui et moi. » Tout du moins, avançaient-ils bien dans la maquette géante en allumettes censée représenter Winterfell. Si la psychanalyse de son côté restait inaboutie, leur passion commune pour certaine séries télévisées les avait vite conduits à aborder d’autres sujets que le deuil d’Ezekiel. Il était d’ailleurs un peu à l’origine de ce manque de professionnalisme, ayant rapidement orienté le psychiatre vers ces sujets-là, Zeke se révélant peu enclin à discuter de son ressenti en ce qui concernait la mort de sa femme. Comment expliquer ce sentiment de culpabilité qui le dévorait intérieurement, sans tout dévoiler des actes des hunters de sa belle-famille ? Impossible, donc. Alors, les maquettes, c’était très bien. La chef allait répliquer quelque chose, mais déjà l’on interpellait le médecin, les quelques patients qu’il avait convoqué arrivant les uns après les autres.

Après avoir pris du retard en ayant du délivrer les résultats du dépistage de l'un de ses patients toxicomanes, Ezekiel lui laissa le temps d'encaisser la nouvelle avant de finalement le laisser sortir de son bureau. Des cas comme celui-là, il les avait vu se multiplier au fil des années, et malgré tout le recul pris par rapport aux patients, il en ressortait toujours secoué. Sa main tremblait légèrement lorsqu'il s'empara de l'avant dernier dossier. Tyrell. C'était la môme qu'il avait vu quelques jours plus tôt, à priori rien d'inquiétant, venue pour des sensations de palpitations, censée repasser par la case urgences si le phénomène se reproduisait. Zeke enfonça son dos dans le dossier inconfortable de son fauteuil, son regard se perdant un instant. Dans son courrier, rien de bien précis, seulement quelques formalités l’invitant à revenir suite aux résultats des radiologues. Il avait la tête ailleurs, ce soir-là, et les patients qui venaient parce que leur cœur avait manqué un battement, ce n’était pas une nouveauté. Zeke l’avait pourtant auscultée consciencieusement, et c’est avec surprise qu’il avait entendu les battements résonner du côté droit de sa cage thoracique. Ça lui avait même provoqué un léger choc, lui qui n’avait jamais observé ce phénomène en dehors de lui-même. Lorsqu’elle était partie, avec toutes les recommandations en main, le médecin  n’avait pu s’empêcher d’aller déterrer son dossier dans les archives de l’hôpital. Une gamine – oui, à ses yeux de vieux trentenaire décati, toute personne sous la barre des vingt-cinq ans passait au stade de nourrisson - totalement normale, hormis deux détails. Deux détails très anecdotiques dans le milieu médical, et que l’on retrouvait également écrit dans le dossier de Blackwell. Alors, Zeke avait fouillé, il avait recherché tout ce qu’il pouvait, et le doute s’était insinué en lui, gagnant à cette heure-ci la force d’une certitude.

« Mademoiselle Tyrell ? » En deux secondes, il se tenait à la porte, son sourire de médecin sur les lèvres, coulant un regard en biais au patient prêt à faire une syncope. « C’est à nous, entrez, je vous prie. » Phrase prononcée pour la trentième fois de la journée, tout en s’écartant pour la laisser entrer, près à refermer la porte derrière elle. Une blague concernant la tuberculose du vieillard lui effleura les lèvres, mais il se retint, l’heure n’étant pas à l’humour. Retournant prendre place derrière son bureau, Zeke reporta son regard sur la jeune femme, d’un regard totalement différent de leur première rencontre. Ce n’était peut être plus une simple patiente, désormais qu’il avait de nombreuses cartes en main. « Excusez mon retard, j’ai eu quelques patients assez lourds avant vous, je ne devrais pas vous retenir longtemps. » Était-il vrai, ce mensonge ? « J'ai consulté vos radios, et je ne suis pas inquiet par rapport à vos symptômes. En revanche, vous êtes atteinte d'un situs inversus, le terme vous parle ? On vous en avait déjà parlé ? » Il posa un regard un peu plus appuyant sur elle. Il comptait mener son enquête tout d'abord, avant de véritablement rentrer dans le vif du sujet. Il ne pouvait décemment pas lui poser les questions qui lui brûlaient la langue, sans prendre le risque de la voir s'enfuir en courant. « C'était bien noté dans votre dossier, mais celui ci datant d'une dizaine d'années, j'aimerais savoir si vous étiez déjà au courant. Il s'agit là d'une procédure habituelle, ne vous inquiétez pas. » Menteur.

The mouth might lie, but never the eyes.

Le médecin sentait l’état de fébrilité de la jeune femme qui se tenait assise devant lui, et dont les expressions ne cessaient de changer à mesure que les mots sortaient de sa bouche. Il regretta un instant que ses seringues de sédatif se trouvent si éloignées dans la pièce, et se sentit inconscient de ne pas les avoir gardées à portée de main. Après tout c’était exactement dans ce genre de moment qu’un patient d’apparence calme se mettait à frétiller sur sa chaise, et voilà qu’en deux secondes à peine celui-ci sautait au-dessus du bureau pour vous étrangler avec votre stéthoscope. A cette pensée, Ezekiel retira l’objet qui reposait autour de son cou et le posa sur ses genoux, pour plus de sécurité, tout en écoutant attentivement la réponse de la demoiselle Tyrell. Réponse qui arracha au médecin un soupçon de perplexité, lorsqu’elle évoqua ses parents homosexuels. Il arrivait assez fréquemment que les patients confondent certaines maladies, ce qui pouvait parfois donner des situations assez comiques. Et puis, Zeke entendant débiter tellement de conneries aux urgences, qu’il n’était plus que difficilement surpris. Cependant, l’air de défiance et de mépris qu’elle lui adressa suite à cette question lui indiqua qu’il valait mieux ne pas se tromper dans la réponse, apparemment. « Il s'agit bien du cœur, effectivement, si vous avez des questions à ce propos n'hésitez pas à m'en faire part. » Il s’entreprit à soutenir le regard de la jeune femme. Ses deux prunelles étaient bleues, à l’identique des siennes, si l’on faisait l’impasse sur le caractère vairon de celles d’Ezekiel, c’était bien le même bleu profond et captivant, ce qui le déconcerta un instant, ses sourcils s’arquant légèrement sur son front. La dernière remarque en ce qui concernait les hymnes sportifs ne manqua cependant pas de relever ses lèvres dans un sourire en coin amusé. Ce moment là, il l'avait vécu, étant gamin. Il avait préféré feindre la bêtise sous les moqueries de ses camarades, toutes à base de "il sait pas où il est son coeur luiii", plutôt que d'admettre la différence qui aurait fait de lui un monstre aux yeux de gosses de dix ans. « Je veux bien vous croire, mais au moins, si un jour quelqu'un cherchait à viser le coeur, il se retrouverait bien emmerdé. » Quelle familiarité Ezekiel. Il n'était pas rare qu'il plaisante avec ses patients pour les détendre, mais sans se révéler grossier, en temps normal. Il ne fallait pas qu'il prenne trop ses aises, se rappela-t'il. 

« Il s'agit d'une anomalie extrêmement rare, pour être totalement franc avec vous, je ne l'avais jamais rencontrée chez aucun patient. Aucun patient, jusqu'à vous. Remarque lâchée de manière anodine, comme par inadvertance, bien que le médecin ne perdait pas une miette de la réaction que cela pourrait susciter chez la jeune femme. « Bon, mis à part ça, ne vous inquiétez pas, il y a simplement deux ou trois précautions à prendre. Vous n'avez jamais de difficultés à respirer ? » Et le voilà qui poursuivait l'air de rien, comme s'il ne venait pas simplement d'annoncer à sa patiente qu'elle était en quelque sorte unique dans sa "maladie". Il croisa ses mains, entremêlant ses doigts les uns avec les autres, tout en analysant méticuleusement la jeune femme. Oui, d'après ses calculs, la probabilité de retrouver une personne partageant autant de caractéristiques médicales avec lui dans une si petite aire géographique était infinitésimalement minime. A tel point qu'il en avait eu la migraine, lorsque petit à petit, il avait commencé à comprendre.

« J'ai lu dans votre dossier que votre père.. biologique était également atteint. Je ne veux pas remuer de douloureux souvenir, mais cette pathologie reste à surveiller. J'aurais besoin de quelques informations en ce qui concerne vos parents, vos parents biologiques j'entends. Des maladies particulières à me signaler ? » Manière détournée et douce d'en apprendre petit à petit un peu plus sur leur identité, en somme. Ezekiel se redressa légèrement dans son fauteuil, dont le dossier en ferraille lui écrabouillait les omoplates sous la fine couche de mousse et le revêtement en faux cuir. D'apparence luxueux, il n'en restait pas plus confortable qu'une pacotille ramassée à la brocante du village. Se concentrant pour ne pas se révéler trop brutal, le médecin se râcla légèrement la gorge pour s'éclaircir la voix, avant de reprendre. « Il faut que je vous le demande franchement, je n'ai trouvé nulle part la cause de leur décès. Si vous pouviez m'éclairer à ce sujet, afin que je complète votre dossier. » L'air contrit était de mise. Mouais, il n'était tout de même pas tout à fait de bonne foi. Certes, c'était son rôle de poser les questions qui blessent, mais en temps et en heure. Ces informations ne nécessitaient en aucun cas une re-convocation, mais là était bien l'avantage de se tenir de ce côté du bureau. Lui seul était maître de ce qu'il fallait savoir, ou non.

The mouth might lie, but never the eyes.

« Ça vous arrive souvent de parler des diverses façons de mourir avec vos patient ? » Le visage du médecin s'était soudainement rembrunit, tandis qu'il ne cherchait pas à répondre à la provocation, pourtant à deux doigts de lui faire noter son manque d'humour s'approchant du pathologique. Il arborait donc un air un peu plus renfrogné, qui le faisait parfois passer pour condescendant à ses dépends, et c'est ainsi que la jeune femme assise en face de lui semblait l'interpréter. L'homme poursuivit son interrogatoire en tentant de garder son objectif en vue, reprenant petit à petit le dessus et.. « Si ça m'arrive assez souvent. Dans l'eau. » Et non. Voilà que la brunette repartait pour un tour, et Ezekiel hocha la tête tout en luttant pour conserver l'air le plus sérieux du monde ancré sur son visage. Très bien, il n'arriverait à rien avec elle pour l'instant, visiblement. Il était des patients capables de répondre de la sorte avec une véritable candeur, mais là, non. Elle se foutait ouvertement de sa gueule, et il l'avait pertinemment compris. Cependant, les questions qui se bousculaient dans sa tête le conduisait à rester calme, à ne pas écourter la consultation. Si le même sang coulait dans leurs veines, il devait en être sûr, sans quoi il se raccrocherait à cette théorie en la croisant dans les rues de Radcliff, sans même que celle ci ne le sache. Et elle avait le droit de savoir, n'est ce pas ? Le sujet du père biologique de la jeune femme arrivait doucement sur le tapis, et ses dires ne manquèrent pas de confirmer à Ezekiel à quel point l'homme avait pu se montrer irresponsable envers ses enfants. Ses deux enfants.

Le médecin entendait encore sa mère lui dire Ô combien il était beau, et gentil, et à quel point il l'aimait, et que c'était un homme bien. Un homme bien n'abandonnait pas femme et enfant pour de plus jeunes horizons. C'était lui, le responsable de cette enfance de merde qu'il avait vécu, ou plutôt, à laquelle il avait survécu. Avec le recul, Ezekiel était persuadé que son départ précipité avait été l'élément déclencheur des troubles psychiatriques de sa mère, exacerbant une à une les faiblesses qu'elle portait en elle depuis toujours. Non, cet homme ne s'était pas contenté de foutre le camp le jour de sa naissance. Il l'avait également abandonné aux mains d'une mère perturbée, qui l'avait torturé comme une gamine de quatre ans l'aurait fait d'une simple poupée. Elle avait abîmé Ezekiel, elle l'avait détruit morceaux par morceaux en observant les médecins le réparer petit à petit, pour mieux recommencer ensuite. « Dans un accident de voiture. Et je ne vois pas la pertinence de vos questions, honnêtement. » Les mots de Sega le ramenèrent brutalement sur terre, et son regard retrouva le sien, captant là un nouveau point d'ancrage mettant fin à ses divagations. Son père était mort dans un accident de voiture. Il était véritablement mort. Ezekiel ressentit une drôle de sensation à ces mots. Comme si l'espoir de balancer ses quatre vérités à son géniteur s'envolaient définitivement en fumée. « Si vous étiez une patiente parmi d'autres, je vous dirais certainement que par le biais de ces questions, je cherche à savoir si ce n'est pas cette anomalie qui a tué votre père. Comme je vous l'ai dit, elle est sans danger en temps normal. Mais certaines formes familiales sont plus dangereuses que d'autres. Voilà, où se trouve la pertinence de mes questions. » Son ton était plus sec, plus cassant, plus agacé. Parce que le temps défilait et que l'attention de la jeune femme commençait à lui filer entre les doigts, à l'instar de la confiance qu'elle pouvait plus ou moins lui porter. Il allait devoir être franc, et l'idée ne l'enchantait guère. Il n'était pas prêt. Et pourtant, lui seul aurait très bien pu la laisser disparaître, au lieu de partir déterrer les fantômes de son passé. De leur passé.

« J'ai perdu un père, moi aussi. Un père biologique. Il n'a jamais été pour moi rien de plus qu'un type m'ayant refilé ses gènes. Ses gènes incorrects, son situs inversus. Cette anomalie rare qui me rattachait à lui alors que je ne le voulais pas. Cette même anomalie que vous portez aujourd'hui. » Il n'avait rien prévu, rien répété. Pourtant les mots qui sortaient de sa bouche lui semblaient être un refrain bien connu, appris par cœur, qui le touchait là, comme un coup de poing dans l'estomac. Il n'en avait jamais parlé à personne. Même Constance ne savait rien sur ce père dont il avait tut l'existence toute sa vie, préférant feindre l'ignorance que d'avouer qu'il l'avait abandonné. Ezekiel reporta son regard sur Sega, une étrange lueur s'animant au fond de ses yeux. « D'ailleurs, ma mère ne m'en avait jamais parlé, ressassant uniquement que s'il était parti, c'était parce que j'avais du lui déplaire. Ne pas être un véritable fils pour lui. Moi, l'enfant fini au pipi, comme elle le répétait. » Il cessa brusquement de froisser entre ses doigts la feuille de l'éphéméride qui était posée sur son bureau. « Comme je vous l'ai dit, j'ai repris votre dossier depuis le départ. Je n'ai pas été tout à fait honnête avec vous. Et je m'en excuse. » Il marqua une pause, laissant le temps à la jeune femme de savourer les excuses qu'il lui présentait. « La véritable raison de votre présence ici, mademoiselle, est la suivante. Je pense que votre père biologique, celui là même qui est décédé dans un accident de voiture, est également mon père. Pour tout vous dire, j'en suis même presque certain. »

The mouth might lie, but never the eyes.

Son regard clair ne la quitta pas des yeux lorsqu'elle se leva de sa chaise, visiblement sonnée par la tonne d'informations qu'il venait de déverser sur elle. Qu'allait elle faire ? Partir ? Qu'aurait il fait à sa place ? Sans précipitations, il posa ses mains sur les accoudoirs de son fauteuil, avant de se remettre debout à son tour, prêt à lui demander de ne pas s'en aller. Les secondes qui suivirent semblèrent durer une éternité. Comme si quelqu'un venait de passer la scène au ralenti. La petite brune s'approchait de lui, et il sentit un vent glacial le pétrifier sur place. Qu'est ce qu'elle allait faire ? Lui parler ? L'envoyer chier ? Lui en coller une ? Le remettre à sa place ? Les divers scénarios tournaient et tournaient dans un tourbillon de pensées sans fin qui lui coupait le souffle, et affolait son coeur. Et soudain, il sortit de son état de panique intérieur. Son esprit se calma, son rythme cardiaque sembla s'apaiser, et il baissa les yeux. Elle venait de poser sa petite main sur son torse, et étrangement, il n’avait pas bougé d’un poil. Il avait redouté le contact dès lors qu’elle avait commencé à élever le bras, et pourtant, il l’avait laissée faire. C’était étrange, et ça le déstabilisait. Il était loin de s’être attendu à une telle réaction de sa part, ayant plutôt anticipé un état de colère ou de déni. Il ne savait pas vraiment s’il n’aurait finalement pas préféré qu’elle balance sa chaise à travers la pièce, car voir les larmes lui monter aux yeux désormais le plaçait dans une situation extrêmement délicate. Que faire ? L’instant précédent les avait placés dans une proximité inattendue, comme s’ils n’étaient juste deux purs inconnus. Ce n’était pas pour autant qu’il se voyait à présent la prendre dans ses bras en lui frottant le dos et en lui grattouillant les cheveux en la consolant. C'était certainement toute la complexité des liens familiaux, le fossé entre les liens de cœur et les liens de sang, les uns n'impliquant pas forcément les autres et réciproquement. Il avait connu la situation inverse avec Meredith, lui, la pièce greffée à la famille Quinn, mais qui n'apparaîtrait jamais sur leur arbre généalogique. Tout avait été facile, pourtant. Elle avait été sa soeur dès les premiers temps où il s'était installé chez eux. Mais là, tout était compliqué. Pourtant, ça aurait dû être simple, non ? Sega et lui n'avaient pas à prouver qu'ils pouvaient être aussi proches qu'un frère et une sœur, leurs gènes parlait pour eux, et la voilà qui devenait subitement sa soeur de sang, le dernier membre d'une famille qu'il ne pensait jamais connaître, à laquelle il avait cessé de rêver depuis qu'il était môme. Et il ne savait pas comment réagir. Est-ce que ce lien leur donnait le droit de se montrer familiers l'un envers l'autre ? Ou devraient-ils s'apprivoiser, petit à petit ? Le médecin connaissait déjà la réponse.

Il était en pleine réflexion quand soudain, un coup bref retentit contre le bois de la porte, une infirmière passant brièvement la tête dans l'encadrement. « Ezekiel, le monsieur de la deux s'est remis à vomir comme un geyser, je... » La blonde se stoppa net, contemplant la scène une seconde. Entre Sega, en larmes, la main sur le torse du médecin, et l'air totalement hagard de ce dernier, elle aurait certainement de quoi faire bien parler et rire dans son dos. La porte se referma dans un claquement, sans qu'elle ne cherche à approfondir la conversation. Le médecin se racla la gorge pour s'éclaircir la voix et tira rapidement un mouchoir en papier du réservoir destiné aux patients, sur son bureau, et le déposa maladroitement dans la main de la jeune femme.

« Est-ce que.. est-ce que ça va ? Enfin, je veux dire, est-ce que ça va aller ? » Évidemment que ça n'allait pas, Zeke. Il regretta instantanément ses mots. Il savait pourtant plutôt bien rassurer les gens, d'habitude, et leur parlait avec tact. C'était notamment un des points qui faisait de lui un bon médecin. Mais à cette heure-ci, son empathie à l'égard de la brune n'avait d'égal que son propre malaise. Difficile alors de jongler avec les deux. « Je suis désolé d'avoir lâché cette bombe de la sorte, j'aurais sûrement dû... » Y aller en douceur ? Réfléchir ? C'était pourtant ce qu'il s'était évertué à faire. Rien n'aurait pu se passer différemment. C'était simplement quelque chose d'impossible à annoncer sans quelques secousses en retour. « Vous êtes pour ainsi dire la seule famille qui me reste. Alors, je comprends, ça m'a fait un choc à moi aussi. » Il passa sa main dans sa nuque, tentant de se donner une contenance, très mal à l'aise. « Asseyez vous, venez... » Il s'écarta de son propre fauteuil pour lui laisser le champs libre si besoin. « Si je peux faire quoi que ce soit... »