Tu l'aimes bien, malgré le fait qu'elle te fasse un peu flipper, avouons le. Ce n'est pas le genre de filles qui te donne des pensées peu catholiques. Quoi que... Peu importe. Ce n'est pas le genre de personnes vers qui tu te tournerais dans la rue. Elle déborde de confiance en elle, tu le vois, dans sa façon de se tenir droite sur son fauteuil, tu le sens dans la grâce de ses mouvements. Ce n'était probablement pas un monstre. Du moins, pas à proprement dit. Et puis, les probabilités pour qu'elle ait un gène monstrueux en elle était de 50%. Tout dépend du point de vue de la personne qui l'analyse. Toi, à part un excès, peut-être, d'assurance et une pointe de sarcasme, tu ne sentais aucune malveillance dans cette personne. Du moins pas à ton égard. Elle te semblait plutôt comme une âme désespérée, égarée et apeurée. Une sorte de victime que la vie a largué sur le bord de la route. Elle avait l'air de vouloir se protéger. Difficile à croire que quelqu'un puisse vouloir se protéger d'un gosse comme toi mais les faits étaient là. Elle t'avait menacé, mais elle t'avait aidé, il fallait le reconnaître, même si elle ne voulait aucune reconnaissance. Tu n'étais pas là pour la prendre en pitié, et c'était réciproque. Tant mieux, les choses étaient claires et nettes.

« Qui suis-je à ton avis ? » Tu ne pus t'empêcher de sourire très légèrement au son de sa voix. Soudainement elle se transformait réellement en fille, avec la douceur qu'une femme peut avoir. Tu étais soudainement fascinée par elle, par sa capacité à évoluer de la sorte, à être douce, froide. A être le feu et la glace. Tu te mordis la lèvre, te reculant dans le canapé, pinçant tes lèvres dans un rictus de réflexion. Que pouvait-elle être? Elle pouvait tout être probablement, et personne à la voix. Une ombre, un mirage, une illusion. " Je ne sais pas. Une ombre du monde, probablement. Une de ces femmes que l'on ne soupçonne jamais, au regard innocent et aux mots sanglants. Peut-être es tu dangereuse qui plus est. Peut-être même protectrice. Je ne sais pas si tu es une mutante ou pas... Peut-être bien... " Toi et ta fascination pour les mutants. Tu te grattas la tête, incertain. Tu ne la comprenais pas. Probablement parce qu'elle ne voulait pas que tu la comprennes.

. « J'ai retiré la balle avec une pince à épiler qui se trouvait dans mon sac. La balle n'avait rien abîmé de grave et je savais qu'il fallait la retirer avant ton retour. » Tu hoches la tête, ne cherchant pas plus d'explications, cela te convenait. Elle n'avait pas l'air paniquée, alors l'idée de retirer une balle dans son bras ne devait pas être une grande épreuve. Peut-être l'avait même-t-elle déjà fait dans le passé. Que de questionnement pour peu de réponses. Peu importe, tu es curieux mais tu sens qu'elle n'est pas adepte des réponses sur sa vie. « La balle en question était bousillée, rien de plus à dire sur cette histoire, sauf si veux vraiment des détails sur la sensation que se prendre une balle dans l'épaule procure. » Tu fronces les sourcils. Non, pas besoin. T'avais pas vraiment envie de savoir, faut dire. Tu te levas et t'approchas d'elle, calmement, les mains en avant pour lui prouver que tu n'allais rien faire. Et quand bien même tu ferais quelque chose, elle pourrait probablement facilement te maîtriser. " Je peux voir la blessure? Voir si ça cicatrise bien? " Après tout t'étais infirmier, tu connaissais à peu près ton boulot et tu savais que c'était le genre de choses à faire, surtout après ce genre d'interventions rapides avec peu de matériel. Tu fronças les sourcils, regardant ton t-shirt plein de tâches de sang. Encore et toujours du sang. Tes mains aussi étaient toujours couvertes de tâches rougeâtres ayant séchées durant la nuit. Qu'elle horreur. " J'vais abuser de ton hospitalité, mais... Je pense que prendre une douche, ça serait pas mal... " T'étais pas totalement con et l'idée que quelqu'un voit autant de sang sur toi... Cela allait alerter les esprits, et c'était probablement une mauvaise idée.

 « Protéger et danger font la paire. Certains pensent que je suis dangereuse, car je défend ces minorités que tu nommes mutants, ils sont comme toi et moi. Peut-être que mes méthodes sont extrêmes, je dois bien le reconnaître. »

Une vague d'admiration. Elle aussi elle protégeait les mutants. Du moins, n'avait elle rien à leur reprocher. Peut-être était-elle mutante. Elle ne semblait pas vouloir t'en parler, en tout cas. Mais elle avait raison. Les mutants étaient une minorité de la population et comme toute minorité, ils étaient maltraités de par leur différence. Qu'elle honte. L'être humain est foutrement égoïste et nombriliste. Il n'est pas capable d'accepter que des personnes peuvent être différentes du moule qu'il s'impose automatiquement. Il a besoin de limites. Quand il n'y en a pas, il a peur. Et quand on sort des limites, il a peur, il craint, il rejette. C'est sur que c'est plus facile de traiter les mutants de dégénérés plutôt que tenter de les comprendre. D'autant plus qu'on sait pertinemment qu'ils sont plus forts que la plupart des êtres humaines de base. Ils sont une menace. Et on ne fait surtout ami-ami pas avec les menaces potentielles. Mais toi t'es pas crédule. Il y a du mal en chaque être, chez certains plus que chez d'autres, certes, mais les mutants ne sont pas plus dangereux que vous autres humains. Vous avez construit des armes de destruction massive. Vous n'en êtes pas physiquement alors il vous a fallu en construire. Pour " se protéger" qu'ils disent. T'en crois pas un mot. Ce n'est qu'une sorte de paranoïa générale. Prévenir plutôt que guérir.

En parlant de guérir, tu veux voir la blessure de guerre de Faith. Elle devrait commencer à cicatriser, si tes soins ont été bien appliqués (ce qui est le cas, bien évidemment).

« Si tu y tiens.  »

Tu hochais la tête. C'était nécessaire, en effet. C'était ton devoir d'infirmier de vérifier les dégâts. Elle remonta sa manche et tu t'approchas pour inspecter la blessure. Elle commençait lentement à cicatriser. La plaie semblait plus propre déjà. Il faudrait penser à changer les bandages, mais pour le moment rien d'affolant. Tout allait bien. Alors que tu commençais à te reculer, lui demandant si tu pouvais prendre une douche, tu découvris plusieurs stigmates sur son bras et ton visage témoigna de ta découverte. Ce n'était visiblement pas la première fois qu'elle était blessée et sa chair était probablement le livre des comptes des blessures. Mais peu importe. Tu t'éloignais d'elle alors qu'elle rabaissait sa manche puis se levait.

« Je vais essayer de virer le sang sur ton t-shirt avec du détachant, je vais faire ça à la main ça ira plus vite. »

Tu hochais la tête. Elle te guida jusqu'à la salle de bain. Tu découvrais une maison lumineuse, gigantesque. Rien à voir avec ton petit appart minable. Elle devait probablement avoir les moyens, contrairement à toi. Elle avait l'air. Mais ce n'était que des suggestions. Toi, tu avais les revenus de ta très chère tapineuse de mère et tu avais quelques dollars avec ton boulot à l'hôpital, mais sans plus. Tu n'étais pas riche, tu ne l'avais jamais été. Qu'elle importance? L'argent ne fait pas tout dans la vie.

« Ici tu as des serviettes, sers-toi. Par contre, je vais réellement nettoyer ton t-shirt, mon sang reste avec moi. »

Tu saisis une serviette avant de la déposer près de la douche. Tu te tournas vers elle et avec un léger sourire sur le visage, tu ôtais ton t-shirt. Tu le lui passas sagement. Ce n'était qu'un t-shirt blanc tout simple mais les tâches de sang étaient beaucoup trop visibles. C'était donc assez étrange de partir comme ça.

" Tant que je repars pas à poil, ça me dérange pas. "

Tu étais plutôt à l'aise avec ton corps, en général. T'étais pas mal foutu, autant le dire. Tu attendis qu'elle veuille bien sortir de la pièce et tu te déshabillas entièrement. Ton visage témoignait de la fatigue intense que tu ressentais. Tu avais des poches monstrueuses sous les yeux et tu ne pus réprimer un léger soupir. Tu faisais peine à voir. Tu avais l'air d'avoir été déterré la veille. Tu passas une main dans tes cheveux, te tournant vers la douche immense derrière toi. Tu allumas l'eau et attendit que l'eau soit bien chaude. Tu te glissas alors sous le filet fumant d'eau. L'eau rentra en contact avec le moindre pore de ta peau et tu fermas les yeux, profitant pleinement de la chaleur. Tu te sentais revivre. La saleté s'évacuait de ta peau. Le sang s'écoula de tes mains. Une fois propre, tu sortais de la douche, entourant ta hanche avec la serviette. Tu essuyas la glace avec tes mains pour ôter la buée et tu souris. T'avais déjà meilleure mine. T'étais mieux.

Tu enfilas à nouveau ton pantalon et ton boxer pour sortir de la salle de bain, laissant plier la serviette dans un coin. Tu regardas autour de toi, cherchant Faith des yeux.

" Faith? "

Ouais, l'appeler était la solution la plus saine. Si tu t'aventurais dans sa maison, elle n'accepterait probablement pas ta curiosité maladive.

A cet instant précis, tu te revoyais, quelques mois auparavant, airant pour trouver un endroit où crécher. Tu te revois squatter chez tes potes, sortir de leur douche avec la sensation malsaine que tu n'es pas à ta place. Tu ne l'étais pas, c'était une certitude. Mais le seul endroit où tu pouvais trouver ta place n'était plus à toi. Il n'était plus pour toi. Un autre avait prit ta place et il fallait t'y faire. Tu avais eu mal. Mal de devoir avoir besoin d'autrui pour survivre. Mal parce que tu n'étais pas indépendant. Tu étais ce gosse paumé qu'on aide parce qu'on l'aime bien, parce qu'il a une bonne gueule. En réalité, la plupart avait simplement pitié de toi. Ils étaient attristés par ta situation. Qui ne le serait pas? Abandonné par sa mère, obligé de vivre à la rue. Jamais tu ne t'étais senti aussi seul. C'était cette sensation là que tu avais alors que tu te déplaçais lentement dans la demeure de Faith. Tes yeux détaillaient les éléments du décor et tu sentais que tu n'avais rien à faire ici. Pourtant, tu n'avais pas eu le choix. Et il fallait que ce soit ici, plutôt qu'ailleurs. En un sens, tu te sentais en sécurité, ce qui pouvait paraître ironique vu que la demoiselle représentait un danger à tes yeux. Il y avait cette chaleur qui traversait le moindre de tes pores, te donnant la sensation de bien être. Probablement parce que tu sortais de la douche. Tu étais sain et sauf, et c'était le plus important.

« Cuisine. »

La voix de Faith te sortit de tes rêveries. Tu continuas à avancer, en direction de la cuisine d'où la voix émergeait et donnait l'indication. Tu passais ta main dans tes cheveux encore mouillés alors que tu apparaissais dans l'encadrement de la porte, découvrant la blonde dos à toi.

« Tu te sens mieux ? »

Tu hochais la tête. C'était sur et certain. T'étais plus à l'aise. Tu te sentais léger, débarrassé des traces de la soirée d'hier et de la chaleur ambiante. Tu étais frais. Comme quoi, les douches peuvent être réellement réparatrices même si l'eau n'est pas vraiment ton élément. Tu as toujours eu peur de l'eau, allez savoir pourquoi. Tu n'aimes pas cette sensation de ne pas avoir le contrôle. L'eau est infinie, profonde. Et l'idée de te noyer n'est pas vraiment quelque chose de grisant, pas du tout.

« Je vais nettoyer ça et le foutre au sèche linge, il sera prêt dans moins d'une heure. »

T'avais tout ton temps. T'étais pas pressé de partir. Non, tu te sentais bien dans l'immédiat et tu n'avais pas envie de partir. Quel chieur.

" Ouais j'me sens mieux. J'ai l'impression de revivre. "

Un léger rire s'échappe de tes lèvres alors que tu t'approches lentement d'elle, détaillant chaque coins de la cuisine, cherchant un truc à manger. Se lever et bouffer. T'es vraiment un gros.

" Qu'elle heure il est? "

Un bâillement. T'étais pas vraiment réveillé encore.

" Ca te dit des pancakes? J'ai envie d'être utile et j'ai faim. "

Tu lui jetas un regard, cherchant à avoir son approbation. Après tout, tu n'étais pas chez toi et tu n'allais pas prétendre l'être. Et tu tenais à ta vie, ou à ta main. Ou à tout et n'importe quoi. Tu voulais rester être en un morceau, quand même. Après manger, pourquoi pas. Mais là, tout de suite, tu voulais manger.