Petit con. A bien y réfléchir, il avait un doute. Etait-ce la seule chose que les Hunters savaient dire ? Non. Il y avait d’autres insultes. Plus variées les unes que les autres d’ailleurs – il était sûr que certains en inventaient sur le tas d’ailleurs – mais il était vrai que le mot « Con » revenait souvent. De manière affectueuse ou pas. Accompagné ou non de quelques mots venant accentuer le gouffre qui selon eux séparait d’un côté les mutants, de l’autre l’espèce humaine. A croire qu’ils ne faisaient plus partie de l’espèce humaine. Chose ridicule, si l’on considérait le fait qu’ils étaient toujours humains… Louis haussa des épaules. Il se perdait lui-même dans ses réflexions. Que l’espèce pouvait être idiote. Simpliste. Aveugle face à la réalité d’un monde qui n’était ni tout blanc, ni tout noir. Et si ne pas être considérer comme en faisant partie lui permettait d’échapper à l’étiquète d’imbécile sur le front, il se contentera bien de se faire traiter de con. Au moins, lui restera-t-il assez de mérite pour clamer haut et fort que ses yeux à lui sont grands ouverts. Que sa bouche est faite pour parler. Que ses jambes sont faites pour courir. Mais surtout que son don est fait pour être utiliser. Il renifla. Puis se redressa enfin, laissant sur l’herbe humide la trace de ses genoux. Abandonnant son ami, il s’engagea sur le chemin de graviers blancs. En moins d’une inspiration mortelle, il était déjà dehors. Les grilles du cimetière n’étaient qu’un vague souvenir déjà presque oublié.

La ville, à cette heure-ci était encore pauvrement peuplée. Elle l’était de moins en moins, à cause des procédures prises pour la dite protection des mutants. Le couvre feu, faisait peur. Rien que prononcer ce mot pourtant si anodin faisait trembler beaucoup de corps. Et c’était cette peur qui faisait battre le cœur de Louis. Ce danger omniprésent. Se promener dans la rue devenait aujourd’hui presque un luxe que sa simple condition de dégénéré lui interdisait presque. Mais c’était surtout ça qui le faisait vivre. Toutes ces lois. Toutes ces menaces. Elles le nourrissaient. Le forçaient à quitter son sous-sol pour passer ses nuits dehors, à jouer à trappe-trappe ou cache-cache avec les Hunters. Il se sentait puissant. Il se sentait inarrêtable, insaisissable. Et il n’était pas dans le faux. Il était trop rapide. Et cette faculté lui permettait de se mettre toujours plus en danger. Au pire, si les choses tournaient mal, il avait toujours tout le temps de s’éloigner en un battement de cils. Cette pensée le fit sourire, alors qu’il portait à ses lèvres un gobelet Starbuck en carton. Gobelet emprunté à une jeune femme, vêtue d’un tailleurs, bien propre sur elle, assez mignonne aussi, et qui devait très certainement être dans l’incompréhension de ce qui venait de lui arriver. Café crème, avec un arrière goût de caramel. Mouai. Bof. Ce n’était pas sa tasse de thé – sans mauvais jeu de mot – mais il ferait avec. Un café restait un café, même accompagné. Et il ne pouvait se passer d’une tasse de café pour engager une journée commencée bien avant la fin de la précédente.

Sans vraiment réaliser, il croisa la route d’une petite demoiselle à l’allure déterminée caractérisée par une démarche rapide mais une tête assez basse. Ce ne fut que trois pas plus tard qu’il réalisa. C’était sa gamine. Sa mutos. Sa distraction. Faisant volte face, il constata qu’elle n’était plus là. Elle venait de disparaitre dans l’entre bayement de la porte d’une supérette. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire de satisfaction. La journée s’annonçait bonne. Plus qu’il n’aurait put croire. Lâchant le gobelet, ayant auparavant pris soin d’en finir le contenu, il profita de l’entrée d’un client lambda dans la petite épicerie pour y pénétré à son tour, sans être vu. Prenant place en bout de rayon de telle sorte à ce que le caissier de l’aperçoive pas il garda quelques secondes sa place de spectateur. Mais comme elle ne faisait rien, se contentant d’être figée devant son paquet de pâtes, il décida d’intervenir. Pour le fun.

« Tu prends celui-là d’habitude. ». Un murmure au creux de son oreille alors qu’elle . Rien de plus. Il n’était déjà plus là, mais deux rayons plus loin, sa tête dépassant cependant des étagères. Il ne cherchait pas à se cacher. Pas vraiment du moins. Sourire aux lèvres, il était fier de lui. Fier de sa connerie. Mais c’était un jeu qu’il appréciait. Suivre cette petite voleuse de supérette. En réalité, il ne savait d’où lui venait cette obsession. L’ennui peut-être. Ça lui passait le temps. Rien faire l’exaspérait. Et elle était en quelque sorte son tue l’ennuie. Souvent, il restait à distance, et tel une vidéo qu’on regarderait, il assistait au spectacle de son crime tout en mangeant un bout de réglisse. Toute fois, il lui arrivait de s’approcher d’elle, de prendre presque part à la scène, l’arrangeant et la défaisant comme bon lui semblait. Il savait qu’elle avait des doutes. Elle était méfiante. Peut-être était-ce à cause de son âge. Dix neuf ans. Mais elle faisait plus jeune. Beaucoup plus jeune. Bougeant de quelques mètres, il avait désormais un petit moulin à vent jaune dans l’une de ses mains, et un bâton de réglisse entre les lèvres. C’est marrant. Elle avait vraiment pas une tête de voleuse elle.