Kingsley approcha ses lèvres de celles de Caroline Newman pour chercher le moindre reliquat de respiration. Non, il n’y avait plus rien, plus le moindre souffle. Il releva la tête, satisfait, puis desserra lentement ses doigts d’autour de la gorge de la stripteaseuse. Il ôta ses gants en plastique, prenant soin de contourner le corps de la jeune femme étalée sur le sol. Il n’était pas tout à fait content de lui : l’abomination s’était défendue, et il avait du la jeter contre le mur pour l’assommer un peu, sans quoi elle ne se serait jamais laissée faire. Sauf que voilà, dans l’enthousiasme du moment, il lui avait écorché le cuir chevelu et explosé l’arcade. Et dieu que c’était irrigué, une arcade, elle avait du sang sur tout le visage. Tant pis, ça devrait quand même pouvoir passer pour un accident. Il avait renversé une boite de calmant à coté d’un verre de whisky, et avec un peu de chance, on conclurait à une tentative de suicide, ou à un malheureux accident. En tout cas ça faisait une abomination de moins en ville, et ce n’était pas du luxe. Il avait l’impression qu’ils grouillaient de plus en plus dans la ville, comme des insectes, et qu’il n’était pas de trop pour purifier cet endroit de débauche.

Il avait tout juste eu le temps de se remettre droit sur ses jambes quand il entendit des pas se rapprocher rapidement : il y avait du monde dans le club. Il jura à voix basse, sortant son couteau papillon, puis se recula au fond de la pièce, derrière les casiers où les danseurs rangeaient leurs effets personnels. Il savait que la maitresse des lieux restait parfois tard le soir, mais il ne l’avait pas vu de la soirée, et s’était imaginé qu’elle avait pris sa soirée. S’il fallait, il la neutraliserait, un bon coup sur la tête, et l’allongerait en sécurité dans son bureau. La propriétaire avait été testée négatif au contrôle du gêne mutant, aussi il n’avait aucune raison de lui faire du mal. Bien au contraire, il pensait lui avoir rendu un sacré service en la débarrassant de cette danseuse démoniaque. Il avait remarqué l’effet qu’elle avait sur les hommes, en tout cas sur les autres que lui. Il ne connaissait pas l’étendu de sa malédiction, mais elle aurait été une sorte de sirène, de succube, que cela ne l’aurait même pas étonné. Il avait du attendre la fin de sa parade scandaleuse pour lui offrir un verre, puis deux, et la convaincre de la raccompagner chez elle, quand le club fermerait. Elle avait dit oui, confirmant au chasseur, et surtout au fervent chrétien qu’il était, quelle créature de débauche et de vice il devait supprimer ce soir. Elle avait payé de sa vie de se laisser charmer aussi facilement, la sale catin monstrueuse.

Kinglsey resserra sa prise sur son arme, dans le noir, alors qu’une jeune femme s’était mis à crier dans le vestiaire. Ce n’était pas la propriétaire, c’était sur ? Mais qui était elle alors ? Une camarade de la succube ? Si c’était le cas, il se ferait un plaisir de lui faire subir le même sort …