La lumière qui avait jaillit de la main du mutant était aveuglante. Elle partait dans tous les sens, comme le faisaient les éclairs rejetés par un transformateur tesla – sauf que cette fois, le spectacle était beaucoup moins agréable à regarder et beaucoup plus dangereux. Et beaucoup moins naturel. Cet homme possédait des capacités totalement improbables pour un homme normal ; ce n’était pas ainsi que l’humanité était faite, ce n’était pas ça que l’on voulait retrouver dans le génome des générations future. Et c’était pourquoi il fallait absolument l’éliminer, lui et tous les autres détenteurs de ce fameux gène X qui semait la panique depuis près de deux siècles, bien avant sa révélation « officielle » par les gouvernements du monde entier.
C’était comme ça que Satoko avait été élevée, c’était comme ça qu’elle voyait les mutants, et en cet instant elle se disait que la soirée lui avait offert deux preuves que ces enseignements étaient vrais. Les chasseurs n’étaient pas toujours tout blancs, elle le savait, et beaucoup faisaient preuve d’excès de zèle, mais au moins avaient-ils pour eux de ne pas se mettre à cracher du feu ou à se faire pousser des ailes comme s’il s’agissait d’une chose naturelle.
Le mutant dans la foule s’en donnait à cœur joie, déchaînant ses pouvoirs malgré la présence de civils, d’innocents, voire de sympathisants mutants tout autour de lui. Si la jeune femme avait eu le temps d’étudier ses attaques, elle aurait remarqué que la majorité de ses cibles tentait de remonter jusqu’à lui, arme au poing. Mais une décharge violente vint frapper Kingsley, et l’odeur désagréable de la chair brûlée remonta jusqu’à ses narines. La Japonaise n’eut pas le temps de le rattraper avant qu’il ne s’écroule, et de toute façon, elle doutait que ses forces eurent été suffisantes pour empêcher le chasseur de tomber. Elle se contenta donc de le traîner par les épaules et de le mettre à l’abri où elle le pouvait. Sa plaie était moche, et il faudrait rapidement faire quelque chose pour la soigner sous peine de voir s’aggraver l’état du chasseur. Chasseur qui ne tenait pas en place et tentait déjà de se relever, arrachant à Satoko un léger froncement de sourcils. Elle le retint par les épaules et planta son regard dans le sien, sérieuse pour une fois.

- Kingsley, arrête, tu es blessé. Si tu continues à vouloir te lever, tu vas – comment tu dis ? Tu vas mourir comme un chien.

Elle espérait que l’image soit suffisamment intolérable pour que l’orgueil de son mentor l’empêche de faire une bêtise. Il n’était pas vraiment en état de se lancer dans une chasse endiablée avec l’électrokinésiste fou, et elle aurait été bien désolée de le voir mourir bêtement parce qu’il avait été trop obstiné pour accepter qu’il avait été mis hors circuit – pour le moment du moins.

- Et je serais déçue si tu te faisais tuer stupidement. Tu serais un mauvais professeur si tu ne respectais pas tes leçons.

Satoko avait du respect pour Kingsley. Mais s’il agissait avec autant d’imprudence qu’une jeune recrue trop orgueilleuse et trop sûre d’elle-même, ce respect s’étiolerait rapidement jusqu’à ce que l’avocat perde toute crédibilité à ses yeux, au moins en tant qu’instructeur.

- Maintenant dis-moi, comment on te soigne et comment on le tue ?

Elle se voyait mal foncer dans le tas, sabre à la main, à la merci d’un éclair qui la grillerait sur place. Il allait falloir réfléchir à un autre plan et vite, avant que le mutant ne s’échappe ou qu’il ait fini de tuer tous les hunters du quartier.

L’apocalypse ne s’était peut-être pas déchaînée sur Radcliff, mais cette soirée était sans nul doute un avant-goût des jours à venir. Satoko savait pertinemment que le sévère maire de la ville ne laisserait pas cet affront impuni. Il prendrait des mesures drastiques pour punir tous les mutants et leurs défenseurs, et ce peu importe le prix. Elle et tous les autres chasseurs allaient avoir du travail. Beaucoup de travail.
Mais pour le moment, il y avait plus urgent et plus important à faire. Il allait y avoir des blessés, peut-être même un mort ou deux, et il allait falloir nettoyer les dégâts résultants de cette attaque. Et la Japonaise voulait s’assurer que son mentor ferait partie des hunters qui mèneraient les autres. Aussi, elle l’aida à se relever quand il accepta finalement qu’il n’était plus du tout en état de poursuivre l’électrokinesiste fou. D’autres s’en chargeraient à sa place, et tant pis pour sa fierté. Cette fois, rester vivant était plus important que d’être orgueilleux et honorable. Un bon soldat savait également quand il était temps de tirer sa révérence.
Soutenant l’avocat comme elle le pouvait, elle hocha la tête et commença à partir en direction de son cabinet. Fort heureusement, il n’était pas loin, et il ne leur faudrait que quelques minutes pour y arriver. Il n’aurait pas le temps de se vider de son sang d’ici là. La jeune femme le regarda et lui sourit, aussi enjouée que d’ordinaire.

- Si c’est une promesse, alors vivement la prochaine fois !

Elle avait aimé ces quelques heures passées en compagnie du grand homme de noir vêtu, et même si leur prochaine virée à la fête foraine ne serait sans doute pas aussi spontanée et amusant que celle-ci, au moins, elle était sûre que la fin ne pourrait pas être aussi … mortelle.