On a tous quelque chose à cacher. Un secret, cette chose inavouable qui nous hante. On se cache, on se ment, parce qu'on ne veut pas que ce soit révélé au grand jour. Pourquoi ? Parce qu'on a peur du regard des autres, on a peur que notre monde change. Et c'est tellement plus facile de mentir que de dire la vérité. Il lui arrivait quelque chose, il le savait. Il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais quelque chose n'allait pas. Et ça le terrifiait. Oui il avait peur, peur d'avoir changé, d'être devenu cette chose qui hantait ses rêves depuis sa sortie de l'hôpital. Peur de s'être transformé en son bourreau. On lui avait retiré sa vie comme on confisquait une sucette à un enfant, sans rien demander. Pendant des mois il n'était plus rien, plus qu'un pantin incapable de former une seule pensée cohérente, incapable de faire quoi que ce soit par lui même. Ces mois de sa vie on lui avait volé, sans sa permission, sans qu'il n'est pu y faire quelque chose. Impuissant. Il se sentait con, con de l'avoir cru son ami, con de l'avoir laissé entrer dans sa vie, dans son quotidien. Mais on ne peut pas revenir sur le passé, regarder en arrière ne nous fait pas avancer. Il s'était fermé au monde, à ses amis. Il s'était retrouvé seul, et même si Salomé le soutenait, il se sentait toujours aussi seul, comme si on lui avait arraché quelque chose, comme si quelque chose avait disparu. Cette flamme, qui l'habitait auparavant, s'était éteinte. Et même s'il voulait la retrouver, la rallumer, il ne le pouvait pas. Il ne savait pas pourquoi, mais c'était comme ça. Peut-être n'était-il simplement pas prêt, pas prêt à retrouver une vie normale. Il n'avait plus l'habitude. Il sort le petit portable de sa poche, aucun réseau. Alors il se lève et claque la porte.

Le vent plaque ses cheveux contre son visage et le soleil lui brûle la peau. Tout semble parfaitement normal, dehors. Les oiseaux chantent, les gens avancent. Il n'a plus l'impression de faire parti de ce monde. Il est comme un fantôme, incapable de passer dans l'autre monde, incapable de trouver satisfaction. Et comme tout bon fantôme il vient hanter les personnes qu'il a aimé. La personne qu'il a aimé. Au passé, parce qu'il ne sait plus si il l'aime, maintenant. Il arrive devant la porte et sort le petit bout de papier de sa poche. Il le glisse dans la petite fente et retourne sur ses pas.

Il regarde les enfants passer devant lui, rire, sourire. Insouciant comme il l'était auparavant, un jour. Assis sur le banc il attend, les jambes tremblantes. Il ne sait pas si elle va venir, si elle a reçu son invitation. Il ne sait pas si elle va accepter de lui parler. Il ne l'avait pas vu depuis son accident. Il ne sait même pas si elle est venue le voir à l'hôpital. Salomé ne lui a rien dit. Il lui en veut. Il lui en veut de l'avoir abandonné. S'ils étaient restés en contact, peut-être aurait-elle pu faire éviter tout ça, lui faire éviter toute cette souffrance. Peut-être qu'il ne se serait pas jeté de cette fenêtre, peut-être qu'il n'aurait jamais rencontré Adriel. Peut-être… Nan il se cherchait des excuses de prétextes pour oublier sa faiblesses. Parce que c'est bien plus facile de remettre la faute sur les autres, de ne pas se remettre en question. La vérité était qu'il n'est qu'un lâche, il l'a toujours été. Mais on veut se croire fort, on veut penser qu'on est assez courageux pour affronter n'importe quoi. Une blague, un mythe. Une légende qui perdure de génération en génération pour donner de l'espoir aux enfants. Peut-être qu'il n'est pas fait pour vivre dans ce monde, tout simplement. Des transmutans, des chasseurs… Peut-être que c'est trop pour sa petite personne, peut-être qu'il ne peut pas le supporter. La brise souffle à nouveau, et il sent son odeur. Ce parfum qu'il ne connaît que trop bien. Elle est venue. Elle est là près de lui, mais il n'ose pas se retourner, il n'ose pas lui faire face. Parce qu'il ne veut pas qu'elle le voit dans cet état. Brisé.