i. comment êtes-vous entré parmi les hunters?
son paternel l'ayant été avant lui, c'est de sa part qu'il a reçu l'éducation et la formation nécessaire. le sang hunter coule dans les veines de la fratrie lecter - ils sont nés pour ça, en quelque sorte. toute sa vie, felix a inconsciemment été poussé vers cette carrière illégale, enchaînant pratiques de sport, alimentation saine et valeurs familiales dès ses premiers pas. sa formation, bien qu'officiellement débutée à ses quinze ans, a débuté officieusement bien auparavant par les poussées et décisions discrètes de son paternel. bien sûr, ce n'est qu'au lendemain de son vingtième anniversaire que felix a pu débuter à chasser seul, bien qu'il ne le fasse que très peu, préférant être en compagnie de sa benjamine.

ii. avez-vous déjà effectué votre devoir de chasseur ?
bien évidemment. depuis quatorze ans, felix hante les rues de radcliff et ses environs à la traque des transmutants. c'est devenu une seconde nature pour lui, un réflexe, une simple habitude. bien que non-routinier, cet aspect de sa personne, il le connaît sous tous les angles. il est talentueux dans ce qu'il fait, tout semble instinctif lorsqu'on le regarde à l'oeuvre. il sait constamment comment réagir à chaque possible situation - quand rester calme, et quand se mettre à courir. c'est un hunter reconnu et admiré de ses collègues, car personne n'hésite à lui demander un coup de main ou de l'accompagner en mission. il ne voit aucun souci dans ses fonctions de hunter car c'est un monde extrêmement familier pour lui. il se pose rarement des questions sur la nature morale de ses traques, bien qu'il s'assure de respecter son propre code à la lettre près. pas d'enfants, sauf en cas d'extrême urgence, et, évidemment, ne jamais se faire prendre.

iii. les mesures du traité de protection des mutants vous font-elles peur ?
peur ? non, felix ne connaît pas la peur. le monde de la chasse est partie intégrante de sa vie depuis son enfance - rien ne pourra jamais le menacer à ses yeux. il est là pour accomplir son travail, et l'accomplir avec soin. il ne se laissera pas abattre par un quelconque traité de protection. doué, confiant, felix voit le futur comme un parcours peut-être semé d'embûches, mais rien qui ne pourra le ralentir. sa confiance démesurée sera peut-être sa perte, mais ce n'est pas un homme pessimiste, et il préfère ne pas se projeter trop loin. il sera présent pour combattre la réputation salie de sa famille, il sera là pour la reconstruire et ne laissera rien l'arrêter dans ses objectifs. il a une responsabilité et il la remplira.

iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
felix approuve, bien sûr. thaddeus lancaster lui rappelle un peu son paternel, après tout, sûr de ses convictions et confiant dans ses discours. felix ne peut qu'admirer une telle force de caractère, lui-même leader dans l'âme. lancaster, ennemi des mutants, ne peut être qu'un ami pour l'aîné les lecter. évidemment, il ne sait que trop penser d'une société régie par un homme tel que lui, menant presque à la dictature, le code moral de felix l'empêche d'approuver une atmosphère de peur constante, même pour ses pires ennemis. mais une telle nomination pourra certainement apporter du bon dans sa vie, il n'en doute pas. tout reste à voir, bien évidemment.

première partie
La maison était immense, son blanc nacré aveuglant à la lumière du soleil éclatant de ce jour de juillet. C’était une après-midi caniculaire, où les fronts se mouillent de chaleur et les ventres se gonflent d’envie d’une glace dégoulinante et savoureuse, l’astre éclatant brûlant presque la nuque délicate des enfants courant les rues tranquilles d’Elizabethtown. Dans la rue Crescent, colorée de plantes et pétales florissantes délicatement déposées dans leur terre humide par des mains enivrées par la chaleur, il n’y avait que trois familles qui avaient des enfants en bas âge. Les Lecter, les White, et les Roth. La fratrie de la première, composée de quatre petites têtes dynamiques, cinq à en devenir, jouaient à un énième jeu sur l’asphalte brûlante, entourée de la petite White, et des deux petits Roth. Un groupe éphémère dont les âges variaient brusquement, mais soudé et plaisant en cette après-midi là. Alors que le jeune Felix s’époumonait après avoir scoré un premier but, il entendit une voix familière l’appeler de la fenêtre bien au-dessus de lui, lui et ses frères et soeurs. Les enfants déposèrent leurs outils de jeu dans la pelouse fraîchement tondue, et entrèrent dans le manoir de leur enfance après l’appel maternel d’un dîner préparé avec soin. Le petit garçon, prenant sa place routinière auprès de sa benjamine de deux petites années, toisa le repas avec un sourire grand comme l’univers. Des quesadillas, rien de moins que son repas favori, en quel honneur il l’ignorait et n’y portait aucune attention, mais sa frénésie du jour ne fut que décuplée en observant le pain blanc et la ribambelle de légumes qui en débordait. C’était l’anniversaire de sa plus jeune soeur, elle soufflait ses quatre bougies, son petit corps dansant au rythme de la mélodie que la petite famille entama à son égard une fois le repas terminé. Le paternel chantait d’une voix calme, les yeux doux, mais ses traits étaient neutres, son sourire tranquille – et le petit garçon lut le même détachement sur le beau visage de sa mère. C’étaient des parents vaillants et attentifs aux besoins de leur progéniture, mais jamais ne les verraient-on embrasser tendrement la tempe de leur petite fille le jour de son anniversaire. Peu importait pour Felix, car du haut de ses huit ans, il ne voyait que son paternel, son héros, son modèle, son spider-man, son batman. Professeur réputé et articulé, homme talentueux et juste, un superhéros des temps modernes – il n’y avait plus grand bonheur, plus quand honneur pour le petit garçon que d’avoir un homme tel que Carlisle Lecter comme père. Il n’avait point le temps de se répandre en affections, pensait le petit bonhomme, car il était parti sauver le monde des vilains, et rien n’importait plus à Felix, à ce moment-là dans la salle à manger décorée admirablement de la maisonnée Lecter ce jour fébrile de juillet, que d’un jour être comme lui.

deuxième partie
“Fe, tu viens chez moi après la pratique ? On avait pensé ouvrir quelques bières que Nathan a volé chez son père” lança la silhouette carré du joueur de football en direction de son ami. Ce dernier secoua la tête nonchalamment, tirant sur son casque afin de le retirer de sa tête. Il passa une main désinvolte dans ses cheveux et sur son visage couvert d’une mince couche de sueur mélangé à l’eau salé de la pluie. “Non, je passe mon tour cette fois, j’ai rendez-vous avec ma soeur.” Des railleries et des moqueries et des rires suivirent ses paroles, mais le jeune homme ne les écoutait pas. Il leur lança une remarque adolescente avant de quitter le terrain au pas de course, hâtif de prendre une douche froide et de rejoindre sa benjamine. Il pleuvait ce jour-là, une fine pluie agaçante mais qu’on ne voyait que trop souvent dans les quartiers environnants l’école secondaire. Arrachant presque ses vêtements de sport, le jeune homme sauta sous le jet d’eau cru et de seconde main des douches. Le vestiaire étant désert, ses camarades toujours sur le terrain éclairé des projecteurs vieillots, il se permit de chantonner doucement. C’était loin d’être une première, une invitation lancée avec arrogance et espérance d’un des joueurs qui voulaient constamment la présence populaire du quarterback de l’équipe soudée, prétextant même des présences considérées importantes (“mais tu sais, la fille sexy du cours de math sera là !” , “mais mon cousin viens, et il m’a dit qu’il apporterait de la vodka !”), et puis Felix qui secouait la tête, son fameux petit sourire déchirant ses traits confiants, déclarant qu’il avait rendez-vous avec sa soeur. Cela lui valait toujours quelques remarques, et quelques murmures lorsqu’il avait le dos tourné, mais le jeune homme n’en avait rien à faire de ce que les autres pouvaient dire dans leur conversation accompagnée d’une caisse de bière dérobé à un parent furieux, Felix voulait être avec Beatrix et Felix serait avec Beatrix. Ça avait toujours été ainsi, et ça le serait toujours. Lorsqu’il s’agissait de Beatrix, il n’y avait pas d’arguments, pas d’hésitation. Le reste du temps, le jeune sportif était là à presque tout, les fêtes, les matchs, les soirées pizza, les aventures dans le creux de la nuit, il était là, à boire, à parler, à rigoler, à flirter, à embrasser, il était là, à faire ce qu’on fait à quatorze ans, tout simplement, et tout le monde le voulait là. Il était le quarterback de l’équipe de football après tout, et Beatrix était timide. Les deux opposés, les deux côtés de la lune, la torche et sa flamme, peut-être bien, mais pour Felix peu importait. Beatrix importait, elle. Il se dépêcha donc de se rhabiller, sauter sur son vélo et de rejoindre la personne la plus importante au monde.

troisième partie
Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Le souffle est devenu un vent glacial meurtrier, coupant les poumons de sa fine lame. Il brûle, il déchire, il ne lasse pas, il ne se décourage pas, mais le jeune homme l’ignore, il l’insulte, il lui crache au visage, car il continue, encore, toujours, et encore plus. Puis le coup de sifflet retentit, mais il continue, et puis il s’écrase. Un sourire d’épuisement ridicule déchire ses traits, mais on ressent la satisfaction. Il respire très fort, son souffle faisant tournoyer une cheminée de vapeur dans l’air froid, il a froid, il a chaud, mais il est vainqueur, et voilà l’essentiel. “Tu as battu ton record de nouveau, Felix.” Le jeune homme se répand en un rire victorieux, se relève d’un seul bond presque inhumain après un tel effort physique pour serrer la main de son paternel. Ce dernier pose des yeux calmes sur son fils, et Felix croit bien y lire de la fierté, du moins il l’espère. Cinq ans, que cet entraînement fébrile et déterminé se déroule. Felix sait que la fin approche, elle est là, ou plutôt le commencement, car c’est ainsi que c’était, après tout. Le début d’une nouvelle vie, une vie dangereuse, exaltante, celle d’un héros glorieux, protecteur de tous. “Tu as bien mérité une soirée de repos” déclare l’aîné du duo. Il élance une main puissant sur l’épaule de son fils, la serrant brièvement. Puis ils, le père et le fils, rejoignent la maison familiale là où les attend une grande fratrie soudée, où les attend un grand gâteau aux myrtilles, comme Felix les aime, où on scande un chant d’anniversaire, où on lui sourie affectueusement. “Vingt ans, déjà” s’exclame sa mère de sa voix cristalline. “Il est temps, mon fils” lâche le paternel. “Tu es prêt.” Le jeune homme éclate en un grand sourire, glorieux, heureux, confiant face à l’avenir. Ça y était, il y était, la ligne d’arrivée franchie, la formation était terminée, l’oiseau déployait ses ailes et s’élançait dans l’univers. Échangeant un regard complice avec Beatrix, l’aîné de la famille Lecter souffle ses vingts bougies et marque le début d’une nouvelle ère de sa vie.

quatrième partie
Felix observe l’homme. L’homme observe Felix. Les deux se taisent, les deux sont plongés dans la stupeur, l’une tranquille, l’une terrifiée. Beatrix s’affaire autour, elle fait sa routine, tandis que Felix guette. Il toise la scène, le regard perçant, l’esprit vague. C’était une chasse facile : l’homme était seul, surpris, inattentif, une proie idéale pour le duo de chasseurs imperturbable que constituait les deux aînés Lecter. Les liens serrés autour de ses poignets et chevilles, le transmutant tenu captif n’avait aucune chance d’en réchapper, il était bien gardé, et il le savait. Felix lisait l’étrange peur dans ses yeux, mais également un certain recul, une __, il était conscient de son sort et semblait revivre les moments de bonheur de sa vie. Felix observait toujours Beatrix s’affairer autour. Ce n’était pas ce qu’il avait appris de son paternel, une telle chose n’avait jamais fait partie de sa formation. Attraper ses proies vivantes, puis les transporter comme des animaux attachés serrés, pour ensuite les balancer dans le laboratoire de sa benjamine afin qu’elle y fasse quelques tests auxquels son aîné ne comprenait rien. Non, ce n’était pas une situation familière, ce n’était pas ses habitudes. Mais ça semblait se produire de plus en plus, et Beatrix insistait que c’était la chose à faire, que ses recherches étaient essentielles, indispensables, mais Felix ne pouvait chasser le nuage de confusion qui se formait dans son esprit. Si c’était la chose à faire, d’accord, il acceptait. Peu importe, les transmutants devaient disparaître, que ce soit dans une ruelle sombre ou dans un laboratoire blanc et propre. Mais le code moral de Felix semblait toujours faire obstacle à ses pensées : et l’humanité ? Il n’y en avait aucune, se dit l’aîné Lecter, en observant sa benjamine prendre des échantillons de sang et tapant sur ses claviers frénétiquement. Les transmutants devaient être éliminés, mais ils n’étaient pas des bêtes de laboratoire. Secouant la tête, Felix décida de tourner les yeux vers sa soeur. Il le faisait pour elle, après tout. Elle croyait dur comme fer à l’importance de leurs actes, Felix la croyait, elle.

Les choses n’étaient plus les même, après tout. Le monde était en train de changer, de s’ébranler, de se détruire et de se reconstruire. Leur paternel était loin, enfermé derrières des barreaux de fer, la honte à la gorge et sa réputation balayée de quelques reportages télévisées et articles journalistiques. Les Lecter, les grand, les fameux, basculés au creux de l’échelle des hunter, devenu la risée de tous, cible de moqueries et de blagues pâteuses. Felix, le coeur en cendres, était décidé à reconstruire de ses mains nues et souillées de sang mutant le piédestal de son père, de replacer sa famille où elle devrait être, il était conduit par un désir, par un besoin inébranlable de faire ce qui devait être fait pour sa fratrie. Il ne laisserait pas son père tomber, il ne laisserait pas Beatrix tomber. Il devait être un héros, à nouveau, pour toujours, pour préserver le précieux honneur familial. L’élite serait de nouveau le leur, les Lecter remonteraient et resteraient, Felix y veillerait bien.