i. êtes-vous originaire de radcliff ?
« Je ne sais même plus d'où je viens. Mon passé est un vaste trou noir où seules mes pensées demeurent. » Qui était-elle ? Elle l'a oublié. Est-elle née dans cette ville ? Tout prouve que non et elle serait incapable de dire d'où elle vient réellement. Elle ne sait pas si elle a elle-même choisi d'oublier et que sa mémoire a obéi ou si son cœur a pris cette décision à sa place. Cherche-t-elle à savoir ? Pas vraiment. Elle se dit qu'il y a une raison. Elle se souvient d'avoir posé un pied en dehors de son train et d'être atterrie à Radcliff miraculeusement. Mais elle ne saurait dire comment.

ii. avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
« Je n'ai rien à craindre puisque je n'ai rien à cacher. » tente-t-elle de se convaincre chaque jour. Une simple fille qui a atteint l'âge adulte et qui est condamnée à vivre en tant que tel. Peut-être qu'elle en a croisé un dans ce mystérieux passé mais dans son esprit, elle est aussi pure que l'eau claire et innocente que la rose. Elle sait qui ils sont et ça l'indiffère. Chacun a ses méthodes pour réagir à la peur. Certains préféreront s'enfuir et se cacher, d'autres voudront prendre le contrôle et éradiquer cette nouvelle race. Elle ne se sent pas concernée par cette chasse à l'homme moderne. Charlie ne réalise pas encore qu'elle est au centre de ce conflit et qu'elle deviendra bientôt une nouvelle cible.

iii. utilisez-vous beaucoup votre don ?
« Je ne suis pas l'un des leurs, je ne suis pas comme eux, ce n'est pas moi. » Charlie abrite un gêne endormi, celui du contrôle des éléments. Elle en est inconsciente et depuis qu'elle a acquit son statut orpheline, elle sent quelque chose crier, se remuer, exiger à sortir. Lorsqu'elle cède à ses sentiments, des choses extraordinaires se produisent ; le sol arrive alors à trembler, l'eau avance à contre-sens, l'air frappe violemment l'atmosphère et le feu s'élève jusqu'au ciel. Elle ignore encore qu'elle est la seule commanditaire de ces actes miraculeux. Elle embrase doucement son rang de dégénéré.

iv. pensez-vous que les mesures mises en place par le gouvernement sont suffisantes ?
« Le gouvernement agit comme il peut pour contrôler ce qui est incontrôlable. » Ils sont effrayés, ils sont apeurés. De nouveaux individus se montrent et sortent du commun en faisant des choses que d'autres ne peuvent pas faire. Charlie pense que ces politiciens n'ont pas les mœurs douces mais qu'ils tentent quand même de protéger les 0.2% de la population avec ce gêne. Elle les respecte pour ça mais n'est pas assez naïve pour leur confier sa confiance. Elle sait aussi que tout ce qu'ils font ne sera jamais suffisant, et qu'un jour, par lassitude, ils les livreront tous à la mort. Elle y comprise.

Stay the same don't let them change you.
Take control of who you are. Cause ain't nobody going to save you.
C’était un dimanche après-midi agréable, elle jouait aux cartes avec son père et sa mère pliait le linge dans le salon. Ils étaient tous heureux, souriants et joyeux. Rien ne pouvait les séparer, rien ne pouvait les briser. Jusqu’à ce qu’il y ait un bruit. Quelque chose avait brisé la fenêtre et soudainement, un gaz s’échappa de l’objet métallique qui atterrit sur le sol. Puis tout explosa. Charlie se cacha sous l’évier de la cuisine, accroupie, alors qu’elle voyait son père fuir jusqu’à la cave et sa mère le suivre. Elle plaqua ses mains contre les oreilles, des rafales de balles brisaient les fenêtres et perçaient ses oreilles. Ses deux parents sortirent de la cave, sa mère avec un fusil à pompe dans les mains et son père avec un sac d’armes sur les épaules et une carabine dans la main. Elle les regardait tirer contre les hommes habillés en noir qui venait de dehors. Puis sa mère commença à crier pour qu’on l’entende. « Pars et prend la avec toi ! » La petite rousse cachée se bouchait toujours les oreilles et priait pour que tout se passe bien. Ils finiraient par partir, éventuellement. « Rosie, je ne pars pas sans toi ! » Répondit l’homme qui tirait à tout va sur les têtes qui s’avançaient. « S’il te plaît. Protège-la, protège notre fille. » Elle le supplia du regard et il hocha silencieusement la tête, n’osant pas contredire la femme qui a toujours su l’émasculer avec amour. Charlotte, silencieuse, regardait la scène et prit du temps avant de comprendre que c’était des adieux. Finalement, un homme défonça la porte, une arme à la main, prêt à tirer sur tout ce qui bouge. La première personne était la  dénommée Rosie. Le bâtard lui avait tiré dans le ventre, il n’avait même pas eu la décence de l’achever correctement. Il la laissa agoniser sur le sol pendant qu’ils cherchaient d’autres habitants dans la maison. Charlie entendit le coup et la douleur de sa mère, elle sortit de sa cachette puis elle courra vers elle. Elle cria, elle pleura, elle s’époumona. « Maman ! » Elle sanglotait, elle hurlait, de rage, de colère, de tristesse. Elle posa la tête de sa mère sur ses genoux pendant qu’elle caressa ses cheveux longuement. Elle voyait la vie quitter lentement son corps. « Charlotte, ma Charlotte. Je t’aime tellement, tu seras une grande fille et tu prendras soin de ton père.. » Elle toussa du sang. « Promet-le moi. » Ajouta-t-elle avec difficulté. La gamine hocha vivement la tête, ses larmes coulaient sur ses joues et tombaient sur le visage de celle qu’elle aimait. « Tu es spéciale.. Je l’ai toujours su. J’aurais dû te le dire plus tôt mais c’est un secret de famille. Peux-tu garder un secret de famille ? Je suis- » Sa phrase se coupa et la mort violente de sa mère la frappa en plein cœur. Ce jour-là elle avait pleuré comme elle ne l’a jamais fait. « Maman ? Réveille-toi ! Je t’en supplie, ouvre les yeux ! » Elle tenait la tête de Rosie contre son cœur et ses sanglots s’accentuaient. La gamine n’avait que seize ans. Une autre balle toucha le corps inerte de Mme Fords et Charlie, oh douce Charlotte, elle hurla. « Partez ! S’il vous plait, laissez-nous tranquille ! » Ses cris et ses pleurs se mélangeaient. Qu’ils la laissent pleurer sa mère en paix. « ALLEZ VOUS EN ! » Hurla-t-elle une dernière fois. Et le sol trembla assez fort pour laisser des fissures dans le sol pendant que le vent frappait telle une tempête. Au final, son père l’arracha des bras de sa mère et la poussa jusqu’à la voiture où ils ont fui. Pourquoi des hommes avaient tué sa mère et tenté de la tuer, elle ? Qu’avaient-ils fait ? Quel était leur crime à part leur bonheur ? Sa mère était une transmutante et ceci était la première rencontre de Charlie avec les hunters.

Appuyée contre la vitre, Charlie était exténuée. Elle avait fui et passé la nuit endormie dans la voiture pendant que son père roulait. Elle ne savait pas où elle allait mais lui, il semblait avoir un plan. Ils avaient abandonné la voiture au bord d’une autoroute et avait marché à pied jusqu’à la gare la plus proche. « On quitte Louisville, ils nous ont trouvé, on est plus en sécurité. » Elle restait silencieuse tandis qu’il regardait les noms affichés sur les panneaux des destinations. « Atlanta ça te dit ? C’est un beau nom. On peut avoir une belle vie. » Elle ne répondait toujours pas. Elle ne voulait pas quitter sa maison, elle ne voulait pas quitter sa mère. Dans tout ce chaos, ses bras étaient le seul endroit où elle se sentait encore en sécurité. Elle avait l’impression qu’elle n’aura plus jamais ce sentiment à nouveau. « Ça semble bien. » Elle chuchotait d’une voix douce, encore fatiguée par les sanglots qu’elle avait étouffés cette nuit. Son père prit les billets et Charlie trouva sa place à bord du train. Juste à côté de la fenêtre. « J’ai du mal à croire que maman est morte. » Finit-elle par lâcher dans un moment de mélancolie. « Ta mère était l’amour de ma vie, je ne sais pas si un jour je finirais par m’en remettre mais elle aurait voulu qu’on reste forts. » L’adolescente le regarda rapidement et soupira, elle ne savait pas si elle en était capable. Je peux être forte, pour Maman.

Elle dormait, sa tête appuyée contre la vitre. Le voyage en train était long, très long. Elle devait rester jusqu’au terminus et au fil des stations, elle avait vu des passagers monter et descendre, s’aventurer jusqu’au wagon restauration ou celui où il y avait le wifi. C’était tellement épuisant. Elle était montée à bord tôt dans la matinée et elle n’avait jamais bougé de son siège. Elle s’était achetée un livre au kiosque de la gare et elle peinait à le terminer tellement l’histoire était lente. Une petite secousse la réveilla et elle attendit une légère explosion venant du wagon de derrière. Son père la regarda dans les yeux, toujours avec son air protecteur et lui souffla vivement « Reste ici, ne parle pas et fais-toi discrète. » Elle n’avait jamais réalisé que  ces mots, ces petits conseils étaient les derniers qu’elle entendrait sortir de la bouche de son père. Il s’était levé et avait sorti doucement une arme coincée dans sa ceinture, derrière son dos. Et il s’avançait vers le bruit de l’explosion. « Mesdames et messieurs, des transmutants sont parmi nous ! C’est l’heure pour vous de saisir votre liberté et de vous battre contre ces monstres ! » Annonça le conducteur du train par haut-parleur. Charlie paniquait petit à petit, elle sentait son souffle saccadé. Ce n’était pas son problème, elle n’était pas l’une d’entre eux mais elle était trop effrayée de se prendre une balle perdue pour rester calme. M. Ford s’était avancé jusqu’au changement de wagon et il y avait un homme devant lui. Un homme plus rapide, un homme armé, un homme qui avait vu l’arme qu’il avait sorti d’un seul coup d’œil, un hunter. « Merci pour ton dévouement, transmutant. » Le père de Charlotte n’avait même pas le temps de renier ce statut qu’il était déjà mort, gisant sur le sol, une balle entre les deux yeux. Charlie entendit le coup de feu et se leva de son siège, elle n’aurait jamais pensé que c’était son père allongé par terre, celui qui lui a appris à faire du vélo et qui a repoussé tous les garçons qui lui plaisaient. Lorsqu’elle vit une jambe inerte allongée au sol, elle reconnut les chaussures de son père et elle cria. Puis elle plaqua la main sur sa bouche. Fais-toi discrète. Elle devait partir, elle devait descendre de ce train et courir dans les champs jusqu’à la ville la plus proche. Au lieu de ça elle s’était avancée silencieusement devant le corps de son père, s’était accroupie et avait ramassé l’arme. Elle retira la sécurité et elle pointa le canon devant elle, devant l’homme retourné. Puis elle tira. Un second coup de feu et trois personnes mortes. Le hunter, son père, et elle-même.

✻
And I wish I could get a running start. And soar my victory
But I can't fly with one wing.
« Quel est votre nom ? » Elle hésita un moment. Elle ne savait plus. Sa carte d’identité indiquait qu’elle s’appelait Charlotte Fords mais elle ne savait pas qui était cette personne. Elle savait juste que cette rousse sur la photo lui ressemblait vaguement, mais en plus jeune. « Cha…Charlie. Charlie Fords. » Elle croisa les jambes, cet entretien la laissait anxieuse. « Et vous n’avez pas fait d’études universitaires ? » Encore une fois, faire appel à sa mémoire devenait difficile. A priori non, elle se croyait bonne élève mais pas assez déterminée pour aller à l’université. « Non. J’ai arrêté l’école après le lycée. » Répondit-elle après un petit silence. Elle avait honte, amnésique et sans diplôme. Une incapable, c’est ce qu’elle était. Ses derniers souvenirs, c’était elle en train de courir à travers les champs, les jambes fatiguées mais elle ne s’arrêtait pas car elle se sentait en danger. « Pourquoi voulez-vous ce job ? » Cette question-là était facile. « J’ai besoin d’argent.. Je vous assure que je serai très sérieuse dans mon travail, monsieur. » Il nota des choses sur une feuille, elle n’arrivait pas à lire, ça se peut-il était en train de faire des mots croisés ou d’écrire qu’elle était inapte à travailler. « C’est bon à savoir. Une dernière chose, êtes-vous un transmutant ou avez-vous quelqu’un dans votre famille qui en est un ? » Elle fronça légèrement les sourcils. « Si je réponds oui je n’ai pas le job c’est ça ? » Il secoua la tête et prit un air indigné. « Non pas du tout ! C’est juste une réforme du gouvernement sur les emplois. » Elle souffla légèrement, rassurée. A vrai dire elle ne savait pas. Avait-elle eu des parents mutants ? Dans une autre vie, elle aurait dit oui mais son amnésie l’empêchait de se souvenir de quoique ce soit. Et elle-même, elle se croyait humaine. « Je n’ai pas de parents et je ne suis pas atteinte du génome X. » Il hocha la tête, silencieux et il cocha des cases sur sa feuille. « Je vous demanderais tout de même de vous faire dépister, j’espère que vous comprenez. » Elle hocha la tête à son tour. Elle comprenait très bien et elle n’avait rien à craindre. « Bien ! Mademoiselle Fords, bienvenue dans mon restaurant ! » Il lui tendit une main et esquissa un sourire.

THEN THE WRATH OF THE LOST GIRL WILL SCREAM WHILE THE KINDNESS OF HER HEART WILL CRY.
AND THE WATER SHALL RISE WHEN THE WIND WILL BLOW.
AND THE FIRE SHALL DANCE AROUND THE HOLE IN THE GROUND.