STORIES ARE WHERE MEMORIES GO WHEN THEY'RE FORGOTTEN

for every complex problem there is an answer that is clear, simple, and wrong.

Arrivé comme à son habitude, tôt dans la matinée, le docteur Steven Hawkins s’installa à son bureau, une tasse de café fumant à main. Sa journée allait être longue, le prestige de la milice, considérée comme une unité d’élite gouvernementale et les salaires attractifs proposés à ses membres intéressaient de nombreux jeunes hommes et femmes. Les évaluations physiques et médicales permettaient de faire un premier tri mais il restait encore de nombreux candidats qui devaient ensuite se soumettre l’évaluation psychologique obligatoire. Ses rendez-vous s’enchainaient à une vitesse phénoménale, les journées filaient à la vitesse de la lumière. Sans perde davantage de temps, il ouvrit son premier dossier de la journée : Jared Walker, ancien marine et actuellement agent du FBI, né à Brooklyn le 17 août 1986, négatif au dépistage organisé en 2013. La photo montrait un brun ténébreux aux yeux sombres, doté d'une mâchoire volontaire. On devinait rien qu’à la partie supérieure de ses épaules qu’il s’agissait d’un solide gaillard. Il avait passé sans encombre les évaluations médicales et tous les tests physiques. Il avait été jugés très largement apte au service si on considérait les très bonnes notes obtenues, en particulier dans le combat au corps à corps, le maniement des armes à feu et les parcours d’obstacles. Côté pré-requis  physiques pour intégrer la milice, le jeune homme faisait un parfait candidat, restait encore à déterminer sa solidité psychologique, nombreux anciens soldats revenaient traumatisés des opérations extérieures. Avalant une gorgée de café et replaçant ses lunettes sur son nez, Hawkins se plongea dans la lecture de son dossier, entamant un véritable travail d’enquête pour retracer le profil psychologique de son « patient ».



Né dans une famille modeste, père garagiste, mère employée de bureau, le petit Jared avait vécu jusqu’à ses 12 ans avec ses parents et sa sœur cadette dans une des grandes citées de Brooklyn. L’administration perd sa trace et celle de sa sœur en novembre 1998, ils réapparaissent quelques jours plus tard dans les fichiers des enfants recueillis en foyer. En creusant un peu, il n’est pas bien difficile de reconstituer leur histoire : les photos prises à l’occasion de l’évaluation médicale font apparaître une cicatrice sur l’épaule du soldat, le rapport lui indique qu’il s’agit de la trace d’une épaule fracturée, aujourd’hui parfaitement ressoudée, qui a dû être opérée chirurgicalement il y de cela des années. Les éléments du dossier concordent : les factures de l’hôpital indiquent une admission d’un certain Jared Walker en novembre 1998 alors que le père est convoqué à la police au même moment suspecté de coups et blessures sur sa femme ses enfants mais est relâché faute de preuves. Jared et sa sœur disparaissent quelques jours plus tard, tentant probablement de fuir ce père tyrannique mais la mère ne les suit pas. Le dossier n'indique pas si elle a volontairement refusé de les suivre ou si les enfants ne l'ont pas mis dans la confidence pour ne pas compromettre leur fuite. Il faut dire que n'ayant jamais porté plainte ni signalé quoi que ce soit aux autorités au sujet du comportement abusif de son mari, leur mère biologique est considérée comme complice aux yeux de la loi. Pendant trois mois, les enfants Walker passent de foyers en foyers, de familles d’accueil en familles d’accueil et finissent immanquablement par s’enfuir pour ne pas prendre le risque qu’on retrouve leur trace. Les fichiers de la protection de l'enfance le décrivent comme un enfant craintif, sauvage, taciturne, solitaire et renfermé, rien d'étonnant après avoir passé une enfance à subir les coups de son paternel, mais ça explique aussi pourquoi il a eu des difficultés à s'intégrer dans des familles d'accueil.

En février 1999, ils quittent Brooklyn pour Radcliff pour être éloigné de leur famille biologique et leur permettre de prendre un nouveau départ grâce à l’aide d'une association de protection de l'enfance et sont placés dans une famille d’accueil qu’ils ne quitteront plus jamais et qui parvient à apprivoiser cet enfant sauvage et craintif qu'est Jared. Ils semblent profiter enfin de stabilité et grandissent dans une famille aimante et chaleureuse, à l’abri du besoin et en sécurité. Ils sont de nouveaux inscrits à l’école et poursuivent leur scolarité normalement.  Les dossiers de son ancien lycée donnent quelques pistes sur l’adolescence du soldat. Elève médiocre car peu motivé par les enseignements académiques mais très bon joueur de football américain, il se voit empêché l’accès à l’université par son ancienne fracture à l’épaule ressoudée mais pas suffisamment solide pour lui permettre de se lancer dans une carrière professionnelle, a fortiori dans une discipline aussi violente. Le sport de haut niveau lui étant désormais inaccessible, il s’engage dans l’armée à ses dix-huit ans et est envoyé en camp d’entrainement à Louisville pour sa formation militaire, au grand dam de sa nouvelle famille qui a du mal à comprendre son choix de s'éloigner de son foyer pour risquer sa vie dans une guerre qui n'est pas la sienne. Ils n'ont sans doute pas compris que c'était un moyen pour le jeune homme de laisser l'enfant apeuré qu'il était et de reprendre le contrôle sur sa vie en apprenant à se défendre, en devenant un guerrier. Pendant ses premières années de recrues, sera muté dans plusieurs bases : Nashville, Chicago, Détroit, Pittsburgh…en quelques années, il aura sillonné une bonne partie du pays et pas forcément dans les endroits les plus paisibles du continent.

En avril 2008, après avoir été promu lieutenant, il est envoyé en Irak pour soutenir le gouvernement, alors que la guerre civile fait rage entre chiites et sunnites. Il participe ainsi dès juillet 2008 avec à l’opération de contre-insurresction Bashaer al-Kheir visant la guérilla Irakienne et les forces de l’Etat Islamique Irakien. Dans ses évaluations, ses superviseurs soulignent son intelligence tactique, son courage, son sens de l’honneur et de l’abnégation. Sa hiérarchie note dans les rapports le concernant son âme de leader et sa capacité à diriger malgré son jeune âge. Selon eux, il a su gagner l’estime et le respect de ses soldats, en risquant sa vie à plusieurs reprises pour sauver la leur, mais aussi en faisant preuve d’une très grande capacité d’adaptation sur le terrain.

En septembre 2010, il rapatrié sur le sol américain comme toutes les troupes américaines déployées en Irak, le gouvernement souhaitant à la fois retirer ses troupes de ce qui était devenu le "bourbier Irakien" et les redéployer sur son territoire alors que les rumeurs sur les transmutants enflent dans la population, rumeurs que l'administration fédérale sait fondée. Quelques semaines plus tard, il est approché par un recruteur du FBI ayant entendu parler de lui. On lui propose alors de passer les tests psychologiques et physiques pour entrer en formation en Quantico. Y voyant une opportunité de monter en grade mais aussi, de quitter l'enfer des zones de combat, et de soulager sa famille par la même occasion, il passe les tests d'aptitude. Les évaluations psychologiques de l'époque font mention de cauchemars récurrents ; mais ne détectent aucun choc post-traumatique. Il intègre l’académie du FBI pendant les 21 semaines de cours s'initie aux à l'infiltration et à l'interrogatoire, perfectionne ses techniques de combat et ses techniques de tir et d'intervention. En 2013, après la période probatoire de deux ans obligatoire pour tous les agents « apprentis », il est titularisé dans le corps des agents fédéraux. Il s'installe alors à Radcliff, là où habitent sa sœur et sa famille adoptive. Il se spécialise dans la criminalité organisée et grâce à son travail d’enquête et d’intervention, il atteint le grade d’agent spécial. Ses évaluations au sein du Bureau le décrivent comme un homme solide, sur lequel sa chaîne de commande hiérarchique, peut se reposer. On loue son intelligence, son détermination, son sens aiguisé de la traque, son naturel de leader mais on souligne tout de même son côté renfermé, extrêmement secret et parfois difficile d'accès qui ne facilite pas toujours ses relations avec ses collègues.

En 2016, peu après l'annonce de la création d'une milice d'élite gouvernementale, il candidate à son intégration. Lorsqu’on l’interroge à l’entretien préliminaire, il motive son choix par le souhait de rétablir l’ordre et la sécurité pour les citoyens non pas en prenant partie pour ou contre les transmutants, pour ou contre les hunters, mais contre la criminalité et les affrontements manichéens qui finissent par dégénérer et mettent en danger la population locale. Idéaliste ? Pas vraiment, après avoir pris connaissance de son passé, il est difficile d’imaginer qu’il s’agisse d’un jeune homme naïf qui n’a jamais connu la violence et pense qu’à lui seul il va pouvoir rendre le monde meilleur. Non, cet homme est convaincu qu’il prend le meilleur chemin possible, qu’il a raison et que les autres ont tort. De ce fait, même si les raisons qui l’animent sont louables, il n’est pas si éloigné des hunters, et des membres de l’insurgency ou et du Gunpowder Squad, eux aussi persuadés d’être les seuls à détenir la vérité. Etre persuadé d’être le seul à être dans le droit chemin, ce n’est jamais une bonne chose.



Le docteur Hawkins referma le dossier, s’adossa bien au fond de son fauteuil et bureau et se pinça l’arête du nez, signe chez lui qu’il était en proie à d’intenses réflexions. Cet homme avait connu une enfance emprunte de violence, comme beaucoup de membres de la milice d’ailleurs, ce qui par expérience, n’en faisait pas les cas psychologique les plus stables. Cette forme d’arrogance consistant à penser qu’il était au-dessus de la mêlée et à détenir la vérité constituait également des points négatifs. En revanche, ses motivations étaient sincères, louables, et rien dans les rapports de ses supérieurs ne mentionnait une quelconque propension à la violence gratuite et injustifiée. L’homme s’était toujours efforcé de rester droit, juste, sans jamais abuser de son pouvoir. Son charisme et son leadership étaient par ailleurs des avantages non négligeables, des qualités très recherchées dans la milice. Il se devait de réserver son jugement, les entretiens qu’il allait avoir avec Walker seraient décisifs, eux seuls permettraient de le révéler et de permettre de le juger apte ou non à l’intégration dans la milice. Trois coups sur la porte vinrent le tirer de ses réflexions. Son assistant ouvrit la porte une fois qu’il y fut invité. « Docteur Hawkins, l’agent Jared Walker est arrivé pour l’entretien. », annonça le jeune homme. « Bien. Faites-le entrer. » Hawkins se redressa sur son siège, prêt à entrer dans sa bataille à lui. Inutile de se torturer l’esprit, il trouverait les réponses à ses questions bien assez tôt.

FÉLICITATIONS JEUNE MUTANT

tu es validé, tu pues la classe, vas-y sors tes lunettes de soleil.