i. êtes-vous originaire de radcliff ?
Absolument pas. Je suis née et j’ai grandis au Texas, dans une petite ville dont vous n’avez probablement jamais entendu parler. Quand on me voit, on n’imagine pas la jeune fille qui montait sur un tracteur avant de savoir conduire une voiture ou qui savait tirer à la carabine avant d’avoir l’âge de sortir avec des garçons (mon père ne l’aurait probablement jamais avoué, mais je suis persuadée qu’il était fier de cette dernière chronologie). Je ne suis arrivée au Kentucky qu’après la mort de mes parents. J’ai vendu la maison familiale car elle me rappelait trop de souvenirs. Bon ou mauvais, ils étaient douloureux. Je me suis installée à Radcliff pour tenter de commencer une nouvelle vie.

ii. avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
Et comment ! Je me souviendrais probablement toute ma vie du jour où je me suis trouvée face à face avec un de ses psychopathes pour la première fois. Il n’en avait pas après moi, pourtant. Il ignorait ce que j’étais, c’était certain. Et pourtant, il m’a fait plus de mal que n’importe qui ne m’en a jamais fait. Je ne le lui pardonnerais jamais. Je ne le leur pardonnerais jamais, plus exactement. Car, même si les balles perdues qui ont tué mes parents venaient d’un unique tireur, je considère tout leur organisation comme responsable. S’il n’avait pas été là pour tué un transmutant innocent, je ne serais pas orpheline aujourd’hui.

iii. utilisez-vous beaucoup votre don ?
Je l’utilise assez peu, en fait. Ce n’est pas pour me cacher, ou parce que j’en ai honte. Je l’aime bien, au contraire. Il me rend spéciale, à ma façon. Ce n’est pas une malédiction ou une preuve que j’ai vendu mon âme au Diable. Le seul problème est qu’il est d’une utilité limitée. Certes, grâce à lui, je ne m’inquiète jamais d’oublier mes clés à l’intérieur de mon appartement fermé. Quand j’étais plus jeune, je l’utilisais pour espionner des conversations desquelles on voulait me tenir écartée, ou pour entrer dans des pièces fermées (ce serait mentir que d’affirmer que je ne l’ai jamais utilisé pour modifier mes notes en entrant dans le bureau d’un professeur, quand j’étais au lycée), mais je n’y vois plus d’intérêt.

iv. pensez-vous que les mesures mise en place par le gouvernement sont suffisantes ?
Clairement, non. Je ne me sens pas en sécurité. Je ne vois pas ce que le gouvernement peut faire de plus, mais il y a des terroristes qui se donnent le droit de tuer d’innocents citoyens. Si cela ne tenait qu’à moi, chacun de ces hunters recevraient l’injection létale sans tarder. Une fois qu’ils seront tous morts, la paix reviendra. Pas avant. En attendant, le gouvernement peut toujours tenter de se donner bonne conscience en faisant passer des lois qui nous marginalisent plus encore. Car, au final, le TPT n'est qu'une façon de rappeler que les lois qui concernent l'ensemble des citoyens s'appliquent aussi à nous. Et, sous couvert de nous protéger, on tiens sur nous des registres qui feraient plus de mal si ils tombaient entre de mauvaises mains qu'ils ne peuvent faire de bien.

Deborah Stone est née et a grandi au Texas, où ses parents possédaient une ferme. La famille ne roulait pas sur l’or, mais ils étaient loin d’être pauvre. Aussi l’enfance de Deborah fut extrêmement calme, à défaut d’être normale. Car oui, la petite Stone n’était pas normale, et elle le comprit assez tôt. Ses pouvoirs se manifestèrent pour la première fois alors qu’elle avait neuf ans, mais elle mit quelques mois avant de comprendre ce qui  lui arrivait. Les premiers symptômes passaient en effet pour de la maladresse, car l’enfant ne se transformait pas entièrement en gaz : seules ses mains étaient touché par le phénomène, et personne ne la regardait jamais avec suffisamment d’attention pour se rendre compte de ce qu’il se passait. Ainsi, elle faisait tomber des objets, elle peinait parfois à attraper ce qu’on lui lançait ou tombait dans les escaliers parce qu’elle n’arrivait pas à attraper la rampe. Ce ne fut que la première fois qu’elle se transforma en gaz, le jour de ses dix ans, qu’elle comprit que cette maladresse n’en était pas une.

Ce jour là, elle avait invité des amis à la ferme. Les parents avaient organisé des jeux pour garder les enfants occupés, dont une certaine partie de cache-cache. La petite Deborah s’était réfugiée dans un placard, persuadée que personne ne penserait à l’y chercher. Elle avait raison, mais elle n’avait pas pensé qu’elle n’arriverait pas à sortir du placard sans aide. Tout le monde la cherchait à l’extérieur, et elle paniqua. Sans vraiment comprendre comment sur le moment, elle se vit passer par l’interstice sous la porte du placard, avant de se rematérialiser de l’autre coté, tout en croisant son regard étonné dans le miroir. Elle en avait juste parlé à ses parents, qui ne se l’étaient pas plus expliqué qu’elle, mais qui lui avait conseillé de garder le secret sur ses capacités. Ils voulaient la protéger, et craignaient que des gens mal intentionnés se servent d’elle.

Elle garda le secret. Comme elle se servait assez peu de son pouvoir, c’était assez simple, finalement. Avec le temps, elle apprit à contrôler cette transformation, et sut en tirer profit. Bien sûr, elle ne faisait jamais rien d’illégal. Enfin… de trop illégal. Mais espionner ce que disaient les autres aux soirées où elle n’était pas et entrer dans les bureaux des professeurs pendant la nuit n’était pas si rare que cela. Heureusement, elle ne s’était jamais fait prendre.

Après le lycée, elle refusa d’aller à l’université. La ferme était dans la famille de sa mère depuis plusieurs générations, et elle s’était résolu à l’idée de prendre la relève. Du haut de son mètre soixante, elle n’était pas bâtie pour faire du travail de force, mais n’avait pas son pareil pour tenir les compte ou pour obtenir des réductions sur les produits achetés en gros. C’était un travail qu’elle aurait pu faire toute sa vie.

Mais le destin en décida autrement. Enfin… peut-être que le mot « destin » est un trop grand euphémisme pour désigner le meurtre de ses parents. Ils se trouvaient tous les trois chez un ami de la famille quand un homme armé était entré. Deborah n’avait pas peur des armes. Depuis ses 12 ans, elle tirait à la carabine sans aucune difficulté. Ce qui l’avait effrayé, c’était le regard de cet homme avait posé sur leur hôte en l’insultant « Putain de dégénéré ! ». Il avait ensuite tiré plusieurs coups de feu. Plus qu’il n’était nécessaire pour tuer une personne. Plus que ce que Deborah, qui s’était cachée derrière un fauteuil n’avait osé compter.

Quand elle avait ouvert les yeux, elle était au beau milieu d’un bain de sang. Elle seule était encore vivante. Le psychopathe n’avait jamais été retrouvé, même si Deborah était persuadée qu’elle n’oublierait jamais son visage. Y repenser ramenait, à chaque fois, un gout amer à Deborah. « Altercation entre un transmutant et un hunter. Deux victimes collatérales. » titrait les journaux locaux. Le manque d’empathie de la description, presque clinique, lui donnait la nausée. Et, partout où elle allait, elle entendait les murmures. « S’ils n’avaient pas fréquenté des gens comme ça, ils n’auraient pas eu de problèmes » était l’opinion qui revenait le plus souvent. A ce rythme, Deborah ne tint pas longtemps. Elle décida de quitter la ville, et de s’en éloigner le plus possible. C’est ainsi qu’elle arriva, il y a un an, à Radcliff.