STORIES ARE WHERE MEMORIES GO WHEN THEY'RE FORGOTTEN

a life that i don't know how to live in

Lockton. Un nom qu’Edward a maudit très souvent. Pas lorsqu’il était enfant évidemment. Pourquoi s’opposer à ses parents, aimants ? mais... tout de même vaguement absents.

Jusqu’à son adolescence, il n’avait pas grand-chose à en dire. En fait, il n’en avait rien à faire. Il vivait comme la vie venait, profitant du pognon de son père et de l’adoration de sa mère. Elève loin d’être assidu, il survolait les cours. Touriste, il demeurait cependant dans la bonne moyenne des résultats sans trop se donner du mal. Au fond, il se fichait de ce qu’on attendait de lui, se disant qu’il pouvait bien faire ça pour eux. Il n’avait ni aspiration ni envie, il se fichait de tout, rien ne l’intéressait particulièrement. Même ce qui faisait de lui un garçon à part n’était pas si fameux. Il avait compris -par hasard- ce qu’il était et la chose semblait tellement naturelle qu’il n’avait jamais véritablement dû s’en soucier et n’avait pas cherché à mettre un nom dessus. Au fond, il n’était qu’un miroir de la particularité des autres, s’ils en avaient une. Rien de plus. Personne n’en savait rien, ce secret était le sien et il le gardait bien. Personne ne se l’approprierait. Il était ravi d’avoir quelque chose à lui et rien qu’à lui.
C’est lors d’un concert auquel participait son père, en traînant dans les coulisses, que les choses ont commencé à changer. Il voyait chacun faire ce qui lui plaisait, son père faire sa vie, profiter. Il leur avait toujours imposé ses choix finalement, quand il y réfléchissait. Ses absences, ses contrats, sa mauvaise humeur quand quelque chose n’allait pas dans son sens. Bon sang, il n’était même pas sûr qu’il était fidèle à sa mère vu son comportement. N’importe quel gamin aurait probablement été heureux d’être à sa place en dehors de ses soupçons mais, pas lui. Il ne voulait pas être le fils Lockton, prodige de la musique. Il voulait être lui, pas une pauvre image de son père, pas un pâle reflet. Il ne voulait plus suivre son père aveuglément comme le faisait sa mère. Il avait ouvert les yeux et il était trop tard pour oublier la réalité.

Divergences d’opinions et divergences de choix ont fini de ravager ses relations parentales et c’est une guerre froide qui finit par voir le jour entre le père et son adolescent d’héritier. Son fils lui échappant, c’est le plus naturellement du monde que le père Lockton voulu un autre enfant, imposant plus ou moins son choix à sa femme. Sans même chercher à y voir là un acte d’amour, Edward renifla l’arnaque dès le départ quand on lui annonça qu’il serait grand frère alors qu’il avait déjà seize ans. Ne fallait-il pas un enfant bien élevé pour rattraper l’erreur qu’il était en train de devenir ?
Pour autant, Adam Lockton n’avait pas renoncé à l’idée de choisir l’avenir de son fils. Il ne serait certainement pas identique au sien. L’art, sous quelque forme qu’il soit n’était pas une valeur sûre. Il avait été décidé, sans demander l’avis du principal intéressé, qu’il ferait de grandes et longues études. Hors, Edward lui-même ne savait toujours pas ce qu’il voulait, quoi de plus normal quand on commence seulement à prendre conscience de son unicité ? Cependant il savait ce qu’il ne voulait pas. Chaque tentative d’imposer ses choix furent un échec, et par la suite, chaque année d’étude supérieure payée fut de l’argent jeté par les fenêtres. Aucune des menaces ne vint jamais à bout de son je-m’en-foutisme et à aucun moment, il ne parvint à s’attacher à cette petite sœur qui grandissait dans un foyer qu’il avait appris à détester.

À force de passer de soirée en soirée, de bras en bras, il fut approché. Il serait désormais bien incapable de donner le nom de cette personne mais, ce qu’on lui proposait ne lui semblait pas du tout une mauvaise idée.
Edward n’était pas de ceux qui voulait se caser, il ne voulait pas d’une vie tranquille, d’un petit boulot ou d’un chien ou d’une baraque dans la banlieue de Londres où il finirait par accrocher son certificat de mariage dans ses toilettes après un très probable divorce difficile. Il voulait faire ce qu’il avait envie de faire et la personne qui l’avait approché avait été très claire sur le sujet, il choisirait. Ce qu’on lui proposait n’était pas de se vendre mais de vendre. Vendre un rêve quel qu’il soit. Jouer les amants, les amis, les confidents... Qu’importe. C’était précisément cette nuance qu’il avait appréciée. Il gardait le contrôle, il était le seul maître à bord. Il choisissait. Conscient de sa chance, il s’éclipsa de chez ses parents pour de bon, plaignant un brin cette sœur qu’il n’apprendrait pas à connaître et qui subirait ce qu’il fuyait, échappant à l’influence de ce père qu’il ne respectait plus depuis qu’il était enfant.
Petit à petit, il se fit son carnet, choisit consciencieusement sa clientèle, se fit un nom pour diverses raisons. Connu pour son caractère mais aussi la façon dont il soignait son apparence et ses clients et clientes. Sa discrétion aussi, bien entendu, jouait un rôle majeur dans sa popularité. Son travail n’était peut-être pas celui de tout un chacun, pas respectable aux yeux de ses parents et de beaucoup d’autres mais, il avait passé l’âge d’écouter, passer l’âge de rendre des comptes.
Des années durant, il eut une clientèle très vaste, allant et venant au gré de leurs envies et de ses disponibilités, de leurs besoins même. D’après ceux et celles qui le connaissaient, il était l’un des rares à tenir aussi bien et surtout aussi solidement dans ce métier. Pas le seul, l’un des rares, et la plupart des autres, il les connaissait, les appréciant ou non. En perdant de vue plus par immobilisme que par réelle envie. Chacun faisait sa vie comme il l’entendait et la sienne était plaisante. Il ne manquait pas d’argent, pas de contrats. En fait, il ne manquait de rien, rien du tout. Et les choses furent chamboulées par un seul homme...

Sans ignorer qu’il y avait d’autres gens que lui disposant de capacités particulières, Edward n’en avait jamais vraiment parlé, n’avait jamais cherché. Une seule personne connaissait ce fait et cette personne avait depuis longtemps quitté les radars. Ce qui lui tomba dessus, il ne pouvait donc pas s’y attendre. Un nouveau client, conseillé par un autre. Pas assez méfiant envers ce nouvel apport à son carnet, il ne comprit que bien trop tard ce qui était arrivé. Avant qu’il ne puisse réagir, avant que sa mutation ne repère l’intrusion, les dégâts avaient déjà été faits, irréparables. Son client, il ne sait comment, avait su ce qu’il était et de quelle nature était son don. Il avait voulu tester ses aptitudes. Le but n’avait pas été de réellement chambouler sa vie -pour ce qu’il en savait- mais, ce fut le cas. Tout en Edward avait changé cependant, ou du moins presque tout, de son caractère à sa façon de voir le monde. Il n’était plus le même tout en étant lui-même.

Changeant, tantôt modéré, tantôt extrême mais toujours paradoxal. C’est naturellement qu’Adam, son père, vit là l’occasion qu’il guettait depuis longtemps, subissant malgré lui les frasques et décisions de son fils. Véritablement inquiet mais un brin opportuniste, il choisit de le faire interner en hôpital psychiatrique. Décision désapprouvée par sa femme et même sa fille bien que l’opposition ne fut pas virulente. Il n’en fit aucun cas, agissant comme il l’entendait, comme toujours. Un acte qui ne fut pas sans conséquences puisqu’Edward le vécut comme une injustice et une tentative supplémentaire de régenter sa vie malgré son indépendance acquise depuis des années déjà. Pendant longtemps, il lutta par principe, étant même presque prêt à essayer de gober les mensonges qu’on tentait de lui faire avaler. Rapidement cependant, il en eut assez, car il savait qu’il était toujours lui, lui changeant mais, lui avec ses souvenirs, parfaitement conscient qu’il n’était plus celui qu’il était. Manipulateur doué de par son métier, il se fit véritablement violence et donna le change pour prouver qu’il avait juste voulu faire chier. Toutes ses évaluations revenant parfaitement normales à quelques exceptions près, l’hôpital fut bien obligé de le laisser sortir, d’autant qu’ils ne pouvaient pas réellement garder un adulte interné contre son gré à moins qu’il soit reconnu inapte, ce qui n’était pas le cas.

Aussitôt dehors, aussitôt parti. Comprenant que les carottes étaient cuites pour lui en Angleterre et que sa clientèle ne ferait probablement plus appel à lui à cause des récents événements, il prit le premier avion pour les États-Unis. Nulle ne lui manquerait sur le territoire qui l’avait vu naître et bien qu’il blessait sa mère, sa sœur et probablement son père, peut-être, un peu... il n’en avait que faire. Egoïste notoire, Edward voulait reprendre sa vie en main et il pouvait facilement le faire, à son sens, si son nom n’était pas en permanence associé à celui de son père. Faute de pouvoir redevenir ce qu’il avait été, il pouvait user d’autres talents. Il avait toujours été meilleur que bon en peinture. Longtemps, ça n’avait été qu’un passe-temps, un moyen de prouver qu’il pouvait s’élever au rang des maîtres en les copiant, en se faisant passer pour eux. Il avait quelques faux à son actif, disséminés en Angleterre, sur les murs de riches économistes, de grandes avocates, de membres de la haute. Il s’ennuyait... Aujourd’hui, la chose était nécessaire, le temps de se poser, s’il le faisait. Des mois durant, il parcourut Washington, New York. Il emmagasina de l’argent, en rajoutant sur un compte déjà bien rempli et lorsqu’il se posa à San Francisco, il eut une agréable nouvelle. Il n’était pas le seul à s’être exilé sur le nouveau continent. Elle était là, Theo... La seule qui avait pu le décrypter et inversement. Il en avait toujours été proche et il se devait de la retrouver. Comprendre oui mais, pas que. Leur dynamique avait toujours été efficace et comme lui, elle s’était retirée, semble-t-il. Leur ami commun le lui certifia.
Sur le territoire, en pleine campagne de dépistage, il se plia à ces conneries même s’il aurait pu y échapper avec un tour de passe-passe et quelques pots de vin. Ce n’était pas comme s’il cherchait désormais à s’en cacher puisqu’il avait des difficultés à utiliser sa mutation. Sans surprise, il fut certifié mutant et si on essaya bien de lui faire cracher le morceau quant à sa mutation, il leur dit juste qu’il était un miroir, sans s’étendre sur les difficultés qu’il rencontrait depuis qu’on lui avait retourné le cerveau ni sur la véritable étendue de cette capacité. Ne s’en souciant pas davantage, il se mit à chercher celle pour qui il était venu se perdre dans ce coin paumé. Paumé d’après ses critères changeants. Il ne comptait pas traîner dans le coin de toute façon.
Tout ça n’avait rien de romantique, leur relation avait toujours été étrangement platonique, rendant perplexe leurs collègues tant la chose aurait semblé naturelle. Il voulait juste la voir, s’assurer qu’elle allait bien et quand ce fut fait… son passage en ville se transforma en squattage, son squattage, en colocation. Edward ne voulait plus partir de la ville de toute manière, même vacciné. Un vaccin qui faillit bien avoir sa peau d’ailleurs.

La fièvre dépassant trop fréquemment les quarante et le mettant en danger, les douches tièdes puis froides pour la faire retomber, les frissons, le froid, le chaud, les nausées, les vomissements... Il n’était pas près de l’oublier. Il aurait pourtant pu le remercier, ce hunter. Il ne pouvait pas franchement en faire grand-chose de sa mutation depuis cette foutue nuit mais, il avait fallu que ça se passe comme ça. Sans compter que l’arme braquée sur lui ne lui avait pas plu plus que ça. Edward, en vérité, en avait soupé de toutes leurs conneries. Il aurait pu trouver un moyen de se tirer, de repartir. Pourtant, il resta pour Theodora, parce qu’elle le lui avait demandé et aussi parce qu’il lui était redevable. Du moins, c’était comme ça qu’il voyait les choses. Il fit donc la seule chose qu’il avait à faire, s’établir.
Les choses se corsèrent davantage quand il sut ce qui lui était véritablement tombé dessus, quand il se rendit compte que la vaccination était définitive. Il avait cédé une bénédiction pour une malédiction et une malédiction pour une autre.

Loin d’être ravi par ce que le vaccin a fait de lui et par ce qu’il lui fait subir, il met un point d’honneur à ne se mêler des affaires d’aucun groupuscule. Leurs conneries, ça n’est pas son problème. Entre le mutant qui lui a retourné le cerveau, le chasseur qui lui a braqué un flingue sur la tempe et l’a vacciné, et ce qu’il est devenu, il estime en avoir vu assez. Il s’échine au moins à ce qu’on ne découvre pas les conséquences du NH25 sur lui, bien qu’il méprise une certaine partie de la population mutante. La neutralité, ça marche pour tout le monde et ce n’est pas ce qui se passe qui le fera changé d’avis, bien au contraire.
Pour autant, il n’a pas décidé d’arrêter de compliquer les choses pour presque tout le monde. Bien décidé à embrouiller son monde, il a pris le nom de Theo avec son accord. Un timing discutable en raison des convocations pour le nouveau dépistage obligatoire bien que la chose lui soit totalement égale. Juste un petit rebondissement de plus à Radcliff pour un spectateur je-m’en-foutiste tel que lui. Une nouvelle façon d’emmerder le monde et de déranger les bonnes gens.

FÉLICITATIONS JEUNE MUTANT

tu es validé, tu pues la classe, vas-y sors tes lunettes de soleil.