Cela faisait quelques jours à peine que j’étais là et je commençais déjà à tourner en rond comme un lion en cage. Demain, entre deux visites d’appartements, j’avais décidé d’aller faire un petit tour au commissariat de police pour leur soumettre ma candidature au poste d’informaticien. J’attendais encore de recevoir la fausse recommandation du chef de mon commissariat précédent à New York. Parce que tout était faux faux bien évidement; tout comme mon nom d’ailleurs.
Evans était une identité d’emprunt et je n’avais jamais été flic. C’était mon agence d’espionnage qui me fournissait en faux documents et qui s’occupait de ma ‘disparition’. Ils n’étaient pas très chauds pour que je joue les cowboys d’ailleurs, même derrière un écran. Ils me sous-estimaient et semblaient oublier que j’avais voué huit années de ma vie à la NSA. Je n’étais pas le genre de mec à laisser des traces de mon passage. Je connaissais toutes les ficelles, j’étais un pro de l’infiltration et j’étais indétectable sur les réseaux informatiques. Comme si c’était mon métier, en fait. Tout simplement.
Autant dire qu’un vulgaire poste d’informaticien, même dans la police, ne comportait aucun risque pour ma couverture et je ne comptais pas jouer au super héros à Radcliff. Mais ça, allez donc l’expliquer à mon supérieur à l’esprit aussi étriqué que celui de mon beau père! J’avais eu une discussion houleuse avec lui tout à l’heure au téléphone et cet énergumène n’avait pu s’empêcher de rappeler la bavure que j’avais commise à mon bon souvenir. J’étais certes sorti de mon domaine d’expertise en prenant le risque de divulguer les informations que j’avais au sujet de ce Hunter sur lequel j’avais enquêté. Tout aurait pu passer comme une lettre à la poste si ces enfoirés de Hunters n’étaient pas remontés jusqu’à moi. Tout cela n’avait été qu’un concours de circonstance et n’avait rien eu à voir avec ma mission. Ils m’auraient mis la main dessus tôt ou tard de toutes façons, même si je n’avais pas livré ce mec à Caleb puisque j’en avais fait une affaire personnelle le jour où ils s’en étaient pris à Eloïse. Ils avaient remonté ma piste suite à mon intervention pour sauver ma sœur. Il fallait croire que j’avais affaire à des caïds en face qui  avaient été plus rapide à me retrouver que moi à les semer. Mais ça, l’agence n’avait pas voulu l’entendre.

Il avait de la chance que mon rêve de l’après-midi m’ait mis dans des dispositions favorables particulières ainsi, je ne l’ai gentiment pas envoyé se faire foutre. Je lui avais passé un peu de vaseline pour obtenir de lui ce que je voulais. De toute évidence, me braquer contre lui ne ferait que me desservir. Et comme je ne tenais pas à abuser de l’hospitalité de Caleb trop longtemps, dans son intérêt, mais surtout dans le mien, obtenir ce job était ma priorité si je voulais espérer pouvoir rapidement louer quelque chose dans cette ville.

J’étais en train de m’allumer une clope après avoir décollé le nez de mon téléphone acheté la veille, à parcourir la toile quand  je reçu enfin ce que j’attendais. Je tirais profondément sur ma cigarette savourant la fumée qui s’insinuait dans mes poumons et qui me soulageait aussitôt. Ça faisait tout juste deux jours que j’avais décrété d’arrêté et il avait failli que je recroise Maïna pour que toute ma bonne volonté s’envole. Maïa… Elle avait bon dos ! Je me marrais tout seul. J’étais pire qu’un junkie. Mais malgré ma retraite forcée, je me sentais bien. C’était une belle journée tout compte fait !

Je pianotai un texto à l’intéressée quand j’entendis japper au loin. J’avisai l’heure et sans lever les yeux, je devinais qu’il s’agissait du voisin qui revenait d’une promenade avec son chien. Il était tellement discret que sans forcer, j’avais déjà enregistré les horaires de ses allées et venues. Si je l’avais entendu, je ne l’avais pas encore aperçu. J’eus le temps de finir ma cigarette le temps qu’il se rapproche et je venais tout juste de jeter le mégot dans le caniveau quand son chien à la queue frétillante vint me renifler les pompes. Je ne le laissai faire, lui laissant même sentir ma main avant de le caresser. “T’es pas farouche toi !” dis-je à l’intention du clebs que je grattouillai derrière l’oreille avant de lever les yeux sur son maître qui déboulait dans l’allée. “Salut !” dis-je avec un sourire en coin. “C’est une race que j’connais pas, c’est quoi ?” En même temps, c’était pas dur, je n’étais pas du tout à la page en la matière, sorti des races courantes que tout le monde connaît, il pouvait bien me dire n’importe quoi. “Il a l’air sociable comme bestiole.” Il paraît qu’on dit tel chien, tel maître… Je jetai un coup d’œil au maître pour savoir si l’adage dit vrai.