La nuit laissait doucement place au jour, les ombres s’évaporant sous les premiers rayons d’un astre solaire naissant. La rosée matinale s’agrippait aux vêtements du mutant qui ronchonnait face au terrain humide sur lequel il était forcé d’évoluer. A force de balades avec Aspen, Priam avait appris à se déplacer en forêt, oubliant ses habitudes de citadin peu dégourdi. Contrairement à son amie, il manquait de cette agilité naturelle lui permettant de se mouvoir sans un bruit entre les arbres et au loin des sentiers les plus fréquentés. Le brun était bruyant, le brun était aisément repérable, il n’avait rien de ces chasseurs surentrainés capable de se fondre dans leur environnement. Le Mikaelson était gauche, un peu maladroit et très peu stratège en comparaison aux hunters ayant déjà croisés son chemin. Il n’avait pas l’âme d’un tueur, encore moins les compétences nécessaires pour le devenir. Celui-ci réfléchissait trop avec son myocarde, subissant régulièrement les états d’âme du locataire en son poitrail.  Le mutant n’avait rien d’une arme de guerre malgré la violence de son don. Il n’était rien de plus qu’un jeune homme lambda, trop souvent soumis à l’imprévisibilité de ses pulsions et la violence que l’emprisonnement avait distillé en ses veines. Butant d’erreurs en erreurs, se relevant lorsque l’univers s’acharnait à le maintenir au sol, il n’aurait jamais imaginé se trouver dans la position du chasseur et non de la proie.
Sur les traces d’un être de sa trempe, il se prenait à contempler ce que ceux l’ayant pourchassé avait pu ressentir. Il se perdait dans cette droiture à l’émail éclaté, des belles paroles plein la bouche et personne pour les écouter. Pourtant, l’autre était dangereux. Cet autre était violent. Cet autre était un problème qu’il refusait dans l’équation. A force de se laisser bercer par les belles paroles d’Hippolyte, le pyrurgiste s’était laissé prendre à croire ses propos. A croire cette justice toute puissante qu’il appliquait lorsqu’il était juré et bourreau. Courant derrière le télékinésite, le brun se concentrait parallèlement sur cette force l’animant au plus profond de son être. De la pointe de ses pieds jusqu’au bout de ses doigts, il pouvait sentir l’énergie brute circuler en son organisme alors que le bout de ses doigts ne demandait qu’à se consumer. Le souffle court, ses pieds le trainaient toujours plus vers l’avant alors que ses pensées le portaient au-delà de l’autre mutant, il sentait le brasier se consumant en son être ne danser rien que pour lui. Inconsciemment, Priam se mit à trainer la patte, ses pensées accaparées par ce membre fantôme menaçant d’embraser la forêt au moindre souffle de vie de son maître.
Il ne repéra la chasseuse qu’une fois celle-ci trop proche que pour être évitée. Le fil de ses pensées se dissipa alors que sa concentration s’envolait en fumée, le regard de la femme lui faisant face le ramenant des années plus tôt. La situation était différente, ses prunelles moins lourdes et les traits de la blonde moins dures. Ils étaient d’autres individus, plus jeunes, plus tendres. Depuis Lexington, depuis leur rencontre, le monde avait gravé à même la chair de ses gamins spoliés le fruit de leur déshérence. A même la voute de leurs rêves était tatoué le poids de toutes ces choses qu’ils avaient vécus, leurs yeux trop vides que pour en dire moins. Les sourcils froncés face à cette image d’un autre temps, l’espace d’un instant le pyrurgiste se demanda si Maya était revenue sur sa décision. Peut-être qu’elle était finalement venue le faucher, outil d’une mort aux doléances toujours plus avides. Ses mots, néanmoins, ne trahissait pas sa culpabilité. Bien au contraire, Priam se retrouvait face à l’étonnement de la Request, tout aussi dubitatif que celle-ci. « Qu’est-ce que tu… ? » Qu’est-ce qu’elle faisait là, à Radcliff, à cette heure du petit jour courant après une chimère des mauvais jours ? Aussitôt la pensée lui traversa-t-elle l’esprit que le Mikaelson releva les yeux vers la proie devenir prédateur.
Sans réfléchir, le brun bondit sur la chasseuse, le faciès de cette dernière traduisant sans mal la surprise et l’incompréhension alors qu’elle imaginait sans doute qu’il l’attaquait. S’écrasant sur un lit de feuille morte, Maya coincée sous son poids, le craquement sec d’un tronc d’arbre témoigna de la violence du choc qu’ils venaient d’éviter. « On dirait que tu me dois encore une faveur. » La remarque du brun sonnait creux, celle-ci manquant de la chaleur naturel d’une boutade que deux amis auraient pu échangés. Ils n’étaient pas amis, pas mêmes des connaissances. Se redressant sans demander son reste, Priam se cacha directement derrière un arbre alors qu’une autre salve de projectile se retrouva projeter en leur direction. A l’abri derrière le tronc épais d’un arbre surement centenaire, le mutant observa son alter-égo hunter avant de daigner jeter un coup d’œil en la direction du télékinésiste. Une seconde après avoir daigné lancer un regard en la direction de ce dernier, dévoilant un instant de trop sa position, un éclat de bois vint s’enfoncer dans l’écorce du tronc le protégeant. Tout objet était une arme à proximité d’un mutant avec ce type de pouvoir. Presque tout. « Tu avais une brillante idée pour le neutraliser ou tu espérais profiter de l’effet de surprise ? » Parce que cet effet de surprise était passé et leur chance de le neutraliser sans difficulté tout autant. Priam regrettait Charlie à cet instant. Malgré leurs différents, la mutante était implacable et directe. Elle aurait réglé son compte au mutant en un instant, sans même prendre le temps de s’arrêter pour réfléchir. Contrairement à elle, le Mikaelson avait besoin de se concentrer pour maîtriser l’étendue de son propre don. Plus encore, pour lutter contre l’ambivalence le poussant à mettre fin aux jours d’un danger pareil tout en souhaitant le protéger des chasseurs désireux d’en faire pareil.

   

(c) AMIANTE

Priam avait réagi instinctivement, cette impulsion primaire le projetant vers l’avant alors qu’il tâchait de mettre à l’abri Maya et lui-même. Peu importait à quel point il souhaitait voir se consumer les oripeaux de ses idéaux, le mutant peinait à ne pas placer la vie avant tout. Il peinait à ne pas sentir la bile monter en son œsophage à l’idée d’être la main armée d’une faucheuse qui l’avait trop souvent frôlé de près. À l’instar de la Request dont le chemin avait frôlé le sien à de trop nombreuses reprises au goût du Mikaelson. Les mots avaient coulé de ses lèvres sans saveur, comblant le vide entre les deux prédateurs devenus proies sans arriver à pleinement faire sens. La réponse de Maya était déjà plus sincère, un grondement échappant la geôle de ses lèvres, faisant vibrer ses cordes vocales à l’image d’un animal montrant les crocs. La hunter était sauvage, animal indomptable contre lequel Priam s’était égratigné trop de fois déjà en trop peu d’années. Ne demandant pas son reste, il s’accroupit à la base d’un arbre alors qu’une nouvelle salve d’objets volants venait éclater contre le tronc le protégeant. Ses prunelles posées sur la chasseuse, il s’enquérait de son plan dans l’espoir qu’ils pourraient trouver un terrain d’entente pour lutter contre le mutant décidé à ne pas leur épargner sa rage.
« Toujours aussi affable à ce que je vois, c’est toujours un plaisir de te croiser. » Un morceau d’écorce sembla éclater à la droite du Mikaelson, ce dernier étouffant un juron alors qu’il se protégeait le faciès à l’aide de son bras droit. Être immobile comme une cible ne demandant qu’à être touchée en plein cœur ne plaisait pas du tout au brun. Néanmoins, sans le concours de Maya, il n’était pas certain de pouvoir affronter le télékinésiste en face à face. Malgré la dangerosité de son don, Priam ne doutait pas qu’il suffirait d’un projectile se logeant entre ses côtes pour qu’il perde contrôle et que l’autre s’en tire avec quelques brulures. Secouant le tissu de sa veste, les éclats de bois s’écrasant au sol en silence, il pouvait entendre l’autre s’approcher alors que ses attaques se faisaient de plus en plus violentes. Tournant sa tête vers Maya, il l’observa un instant en songeant au brûlant de ses mots. Honnêtement, il n’était pas sûr de ce qu’il voulait, ce qu’il comptait faire à cet autre partageant cette tare, ce don que tant maudissaient. Toutefois, le myocarde battant au rythme d’un tambour de guerre à cause de l’urgence que la violence de l’autre mutant instiguait en ses veines, il ne pouvait douter de l’issue de cette rencontre. « L’empêcher de faire plus de mal qu’il n’a l’air de vouloir en faire. On pourrait pas en parler après l’avoir assommé un bon coup ? » Les mots du pyrurgiste étaient mordants, ce dernier peu désireux d’attendre que l’autre ne prenne encore plus l’ascendant en palabrant pour ne rien dire.
Certainement satisfaite de sa réponse ou conscience de la position extrêmement désavantageuse dans laquelle ils se trouvaient. Inspirant lourdement, Priam hocha la tête alors qu’il fermait les poings, son être tout entier se soumettant au brulant de ses pensées. Le mutant faisait de son mieux pour contrôler son souffle, contrôler cette énergie emplissant ses veines au point qu’il ne sache comment la contrôler. Le feu était un élément volatil, incertain. Son instabilité était une faiblesse tout comme sa plus grosse force. Le Mikaelson se savait n’être qu’un réceptacle de ce brasier refusant de courber l’échine face à quiconque, prêt à ronger l’étoffe de l’univers quitte à être l’architecte de sa propre fin. L’océan de ses prunelles semblait en feu alors que le brun offrit un sourire à Maya, ses lippes retroussées dévoilant le rictus mauvais d’un être que rien ne pouvait éteindre. L’autre mutant dépassa leur cachette, une procession d’objets animés d’une volonté propre le suivant au gré de sa pensée. Un instant subjugué par la vision qu’offrait cet inconnu en pleine possession de son don, la seconde d’après Priam se jetait en avant pour éviter les gravats envoyés en sa direction. Roulant au sol dans une débandade incontrôlée, le brun ouvrit les poings alors que le feu grondant en ses veines s’échappait de sa chair. La flamme écarlate sembla exploser dans l’air, l’horreur associée à la famine nouant ses entrailles alors qu’elle ne demandait qu’à consumer tout sur son passage. Absorbé par le spectacle, l’autre mutant évita de peu les torrents enflammés envoyés en sa direction, concentrant son attention sur le pyrurgiste encore au sol. Avec aisance, ce dernier se remit sur ses pieds alors que dans un mouvement circulaire de sa main il donna forme à un orbe enflammée. Lançant la boule de feu sur le télékinésiste, il ne vit pas directement le projectile pointu envoyé en sa direction. Il posa ses yeux sur Maya, que l’autre mutant avait ignoré à tort, alors que le bois vint percer la chair de son biceps. Un grognement de douleur s’échappa de sa bouche, le sang mouillant déjà le tissu de sa veste alors qu’il ouvrait la paume de sa main dans une vaine tentative de consumer les objets envoyés en sa direction. Le mur de feu réduisit en cendre le bois que le télékinésiste envoyait en sa direction, incapable de détruire les gravats le frappant de toute part. Accusant le choc d’un autre éclat de roche le fauchant en plein estomac, lorsqu’il posa ses yeux sur le télékinésiste c’est sans étonnement qu’il put apercevoir Maya se débrouiller avec plus de brio que lui.


   

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Il existait des divergences de vision consternante entre Maya et Priam, ce dernier ayant parfaitement conscience que cela risquait rapidement d’être un problème. Néanmoins, dans une position précaire à cause de l’autre mutant ayant décidé de faire d’eux des proies, il savait qu’il lui faudrait ranger sa morale ou alors assumer la douceur de sa droiture sous la morsure glacée de ses futures blessures. Si la situation n’avait pas été aussi pressante, Priam aurait pu rire des certitudes de la Request, cette ligne de conduite qu’elle s’acharnait à suivre et qu’elle n’avait pourtant jamais appliquée vis-à-vis de lui-même. Souffrant une impulsivité malsaine, fonçant tête la première sans songer à la chute certaine, il se retrouvait seul face à l’autre mutant. La lutte était incertaine, presque risible. Combien de hunters auraient ris du spectacle avant de mettre fin à ces jeux d’enfants, une balle dans le crâne des deux horreurs de la nature se déchirant ? Le Mikaelson pouvait penser à de nombreux chasseurs, incapable pourtant de baisser les armes face à cet autre si dangereux que sa moralité se trouvait à balancer dangereusement du côté de ses fautes.
Touché au biceps, écopant certainement de plus d’ecchymoses qu’il ne l’aurait souhaité, Maya aurait pu l’abandonner à son sort avant de s’occuper de celui du télékinésiste. Le pyrurgiste avait pleinement conscience de la précarité douloureuse de cette relation qu’il entretenait sans le vouloir avec la chasseuse, parfaitement conscient qu’un jour celle-ci se retournera certainement contre lui. Dans le fond, il se demandait pour quelles raisons la blonde n’avait pas déjà frappé, offrant un sursis au brun qui semblait douer pour les accumuler. Un genou posé à terre, reprenant son souffle, il contemplait avec effroi le ballet gracile d’une machine de mort réalisant son office. Ses yeux incapables de se détourner du spectacle, il observait Maya dans le sommet d’un art qu’il ne comprenait pas, celui de tuer. Contre toute attente cependant, le corps s’effondra toujours en vie. Les yeux écarquillés, portant une main au sang se répandant le long de son bras, il pouvait sentir le morceau de bois fiché dans sa chair. Un soupire soulagé, peut-être était-ce lassé, Priam ne savait plus trop bien, s’échappa de ses lèvres alors qu’il se remettait sur ses pieds. « Je pensais qu’on l’attaquait ensemble. Si j’avais su, j’aurais fait diversion autrement qu’avec mon propre corps pour cible ! » Arrachant le morceau de bois qui tourmentait sa chair, il ne put réprimer le grondement de souffrance perçant ses lèvres alors que Maya contemplait toujours le cadavre en devenir.
Ses prunelles posées sur l’inconnu, retournant vers la chasseuse et ces mots qu’il ne savait comment interpréter, le mutant ressemblait à un gamin perdu. Les prunelles sombres, les sourcils froncés, il avait l’impression de faire à l’alter ego de Graham, de ces chasseurs lui ordonnant de se plier à sa volonté en un claquement de doigts. Bien que la chaine n’était plus à sa nuque, le pyrurgiste en ressentait la morsure glacée avec autant de force que par le passé. Il était des prisons dont on ne s’échappait jamais véritablement, le Mikaelson l’avait durement appris, incapable de ronger les barreaux dans son esprit. « L’achever et puis m’achever, j’imagine ? » S’approchant du corps inerte du presque mort, il s’étranglait sur l’amertume de ce choix qu’il prétendait ne pas en être un. « Tu crois être la seule à ne pas avoir confiance en son partenaire d’infortune ? » Le sourire que Priam offrit à Maya avait perdu de cette chaleur qu’il affichait si aisément par le passé. Les lippes retroussées, pareilles aux babines d’un animal dangereux, il offrait ses crocs à la vue de tous, une piètre menace adressée à l’univers et son humour tordu. Le geste avait quelque chose de lancinant, ses doigts se mouvant en une précision chirurgicale alors que le feu s’élevait pour lécher la chair fondant déjà sous ses assauts. Le brasier ardent dégageait de la chaleur jusqu’au pyrurgiste subissant son brûlant alors que la nausée lui venait face au spectacle, lui qui avait pourtant déjà réalisé l’acte à de nombreuses reprises. La chair brûlée dégageait une odeur désagréable, les entrailles du brun se retournant alors que le mutant reposant là disparaissait sous les assauts d’un élément que rien ne pouvait faire ployer. Priam sentait les yeux de la Request sur lui et son œuvre, cette dernière s’interrogeant surement sur l’horreur existant entre les mains du brun. Ce dernier incertain quant à tout le mal qu’il portait véritablement en lui à force d’erreurs commises au nom de sa liberté. « On peut se mettre d’accord sur le plaisir que ça a été de faire ça et ne jamais plus se revoir ? » Le mutant était incapable de dire les choses quelles étaient, laisser à ses lèvres la douleur de qualifier de chasse ce qu’il se refusait admettre avoir commis. Toutefois, sans qu’il n’en prenne pleinement conscience, ses poumons semblaient moins lourds qu’à l’accoutumée, son innocence rompue par le péché disparaissant au profit d’une indifférence qu’il peinait à assumer.

   

(c) AMIANTE