BETH A DIX-NEUF ANS - Mains moites et écorchées. Entrailles rongées par la haine et la peur. Tête plongée dans un bain d'acide. Le sang gicle sur le mur nacre et ses cris de bête traquée font trembler les murs. Il frappe une nouvelle fois son corps fragile de porcelaine en évitant les endroits qui pourraient se voir et éveiller les soupçons. Il ne peut pas s'arrêter, pourtant il sait qu'il le devrait. Le visage tuméfié, elle l'implore de mettre fin à son supplice. Sa voix est tremblante proche du râle et de l'agonie. Il croise son regard terrifié. Il peine à le soutenir alors il préfére le détourner. Elle grimace à la douleur et sanglote en silence poussant de temps à autre un gémissement incontrôlé. Il n'aime pas qu'elle pleurniche. Le rythme des coups diminuent plus par essoufflement que par envie. Il lâche prise. Il sent déjà les regrets l'envahir, mais c'est plus fort que lui , il ne supportes pas qu'elle lui tienne tête. Il est soudainement prit de vertiges et de nausées quand des larmes naissent sur ses joues. Son orgueil l'empêche de lui montrer sa subite faiblesse. Il tremble comme une feuille d'automne, tétanisé par cet excès de violence par cette explosion émotionnelle. Le souffle court, il a l'impression d'étouffer et sur le moment il prie pour mourir. Il sait que cette fois elle ne lui pardonnera pas. Elle lui a déjà tant de fois pardonné. Il sent revenir dans sa gorge ce goût amer qu'on ces disputes incessantes ces dernières années. Alors il lui jeté un regard noir, la défiant oser revenir à la charge mais elle ne le regarde pas, elle sait que ça le rendrait encore plus furieux. Elle a ce don de le mettre hors de lui. Après tout, c'est de sa faute elle n'a pas besoin d'être si arrogante. Il l'aime. Elle l'a possédé à la première effluve de son parfum, à la première note de sa voix qui résonne encore en lui comme la plus harmonieuse symphonie. Elle vit en lui. Tourbillon enivrant de son addiction. C'est avec elle qu'il veux s'échouer. Jeter l'ancre sur de vieux jours paisibles et heureux. Elle est le trésor de son âme, l'atlantide d'un connard en perdition. Il peut la désirer si fort, mais en même temps la détester encore plus. Rien que l'idée de la perdre lui fait perdre la raison. Il n'est plus lui même, comme si ça réveillait en lui ses plus sombres démons. Il n'imagine pas sa vie une seule seconde sans elle à ses côtés. Elle est tout ce qu'il lui reste. Son oxygène, son moteur, sa chair, ses tripes, sa dose. Elle était là quand il n'était plus rien. Elle l'a  ramassé, lui , le déchet humain que tout le monde ignorait. C'est encore elle qui lui a donné la force de se relever et d'affronter ses peurs. D'un geste tendre de compassion, elle a dessiné à nouveau un sourire sur ses lèvres, redonné l'étincelle à son regard livide et froid. Elle a cru en lui, elle lui faisait confiance. Elle lui faisait confiance...  il marche sur un fil comme un funambule prêt à vasciller d'un côté ou de l'autre. Un jour il lui prends la main l'autre jour elle la reçoit en pleine tête. Pourtant il voit bien qu'elle ne l'aime plus, ou du moins plus comme avant. Elle reste par crainte, dans l'espoir qu'il prendra conscience de ses états seconds pour qu'elle puisse enfin se sentir à nouveau vivante. Comme autrefois. Au temps où il la faisait frissonner juste par un baiser volé, une caresse délicate, un "je t'aime" passionné. Elle aimerait par dessus tout retrouver l'homme dévoué et aimant qui la faisait chavirer, mais elle est accrochée à lui comme une junkie à sa seringue. Elle le sait toxique. Elle n'est pas assez forte que pour se sevrer. Ils sont reliés par un fil de barbelé qui entaille leurs coeurs dès qu'ils tentent de s'éloigner. Une relation malsaine mais profonde. Un amour funeste mais puissant.

Il n'y a pas été de main morte, si bien qu'elle aurait pu l'être. Elle force ses paupières à s'ouvrir mais la luminosité intense du néon la fait changer d'avis. Après que ses pupilles  soient légèrement apprivoisées, elle distingue le blanc neutre et immaculé de la pièce. Elle est sur un lit d'hôpital. Ses idées se rassemblent alors de manière saccadées. Elle a froid. Elle a terriblement froid, mais ce n'est rien comparé à la sensation de brûlures qui parcours son corps aux moindres frissons. Elle se demande pourquoi elle respire encore. Peut-être qu'il aurait dû en finir une bonne fois pour toute. Elle ressent encore le déchaînement dont il a fait preuve, tout en y accordant une certaine retenue. Elle reste donc persuadée que ce n'était pas volontaire, qu'il est contrôlé par une sorte d'impulsion qu'il ne peut contrer. Ce n'est pas la première fois qu'elle lui sert de punching-ball, mais ça n'a jamais été aussi loin. Les blessures physiques sont bien présentes, mais cette façon qu'il a de passer de la haine à l'amour la déchire de l'intérieur. Jusqu'au plus profond de son être. Il l'aime puis il la déteste. Il la hait... pour mieux l'aimer. Il l' haine passionnément, piégé dans une folie qu'il ne maîtrise pas du tout.

Elle se moque bien de vivre si c'est pour vivre en morceaux. De toute façon qu'est ce qui la retient encore ici-bas? Elle l'aime malgré tout ce qu'il lui fait subir, mais elle ne peux tout de même pas continuer de vivre dans la peur, dans le silence, dans l'acceptation de son ingratitude et de sa domination. Elle ne peux pas exister essentiellement pour lui ! Pourtant, dans quelques jours il s'excusera, il reviendra vers elle en larmes, complètement désemparé. Il lui sortira le même discours, il suppliera à genoux. Il aime lui laisser croire qu'elle a un peu de pouvoir. Celui de lui accorder sa grâce. Son pardon a tellement l'air sincère. Alors elle lui pardonnera comme elle lui as toujours pardonné. Une totale absolution! Rien de moins! Son pouvoir à lui, est d'obtenir ce qu'il veut d'elle . Il tire les ficelles de ses sentiments avec tant d'aplomb et de conviction que le fait qu'il la manipule en est presque réconfortant pour elle.