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 (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...

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Moira Kovalainen
Moira Kovalainen

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MessageSujet: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeDim 18 Sep 2016 - 15:03

I know that in me there still a place that fulfils me...
Moira & Aaron



Un énième chemisier alla s'échouer sur le lit, suivi de près par deux pantalons et une jupe. Soupirant de lassitude, je regardais les vêtements s'amonceler sans savoir quoi mettre, et jetais un coup d'oeil désespéré à mon reflet dans la glace. Non, définitivement non, je n'irais pas à ce rendez-vous à moitié à poil ! Et puis d'abord... Rendez-vous ? Retrouvailles entre amis ? C'était supposé être quoi ? Je n'arrivais pas à savoir si j'allais simplement boire un verre et discuter avec un ami ou si... C'était plus. J'étais supposée croire et comprendre quoi, finalement ? Qu'il y avait baleine sous gravier, ou que je me faisais des idées ? Ca me paraissait si facile, d'habitude... Avant, il y avait William, l'espoir qu'il soit en vie, le besoin de me raccrocher à sa présence fantomatique... Toutes les aventures que j'avais pu avoir, avec Seth ou n'importe qui d'autre avait ponctuées par une certitude : c'était passager et je ne m'en étais jamais cachée. Mais maintenant... William était mort, et il fallait que j'aille de l'avant, et... Et c'était ridicule, Aaron était un ami. C'était clair dans mon esprit, ça l'était sûrement tout autant dans le sien, et je me stressais vraiment pour rien.

Soupirant à nouveau, j'ouvrais mon armoire et commençais à faire le tri dans ce qui était mettable, et ce qui l'était moins. Pyjama, on oublie, robes de soirée satinées ou brodées de perles que je gardais pour les concerts également. C'était tellement plus facile de savoir comment m'habiller le soir d'un récital, où mon agent me répétait « mets le paquet, on ne doit voir que toi ! » que pour aller boire un stupide cocktail à la terrasse d'un stupide bar dans une stupide ville et dans un stupide pays peuplé de gens stupides ! Merde ! J'attrapais alors un petit chemisier fluide, l'enfilais et le mariais avec un jean décontracté et sortais dans le salon, où Marius semblait très concentré sur sa partie de... De... Je ne sais quoi, mais il râlait contre sa console de jeux vidéo, ça c'était clair. Je me plantais alors devant la télé avec un grand sourire innocent.

« Et celle-là ? T'en penses quoi ? »

« Mais dégage, Moira ! Tu vois pas qu'je joue ? » grogna-t-il en se penchant pour voir l'écran.

« … Tu m'aides vraiment pas, tu sais ! »

Vexée, je retournais m'enfermer dans la chambre de son frère... Enfin ma chambre... Bref, et attrapais la petite robe rouge que j'aimais tant qui prenait pourtant la poussière dans mon armoire. Avec ça aucun doute, ça ferait de l'effet ! Fière de ma tenue, je retournais me planter devant la télé, tandis que Marius me fixait d'un regard glacial, sans un mot, attendant visiblement que je me pousse pour qu'il puisse reprendre son jeu. Au bout de quelques secondes de silence, ponctuée uniquement par le bruit de ses ongles sur le bord de la manette, je craquais la première – et c'était bien la première fois que ça arrivait.

« Oh pas la peine de me faire ton regard spécial Caesar, hin ! … Ouais t'as raison... Un peu trop sexy pour le coup, j'vais changer... »

Et je retournais illico dans la chambre, plus désespérée que jamais par la quantité de vêtements que j'avais et mon incapacité à trouver la tenue idéale. Je me laissais tomber sur le lit en soupirant et fixais un long moment le plafond. A ce rythme-là, j'allais finir par être en retard ! Je me redressais alors et farfouillais au milieu des vêtements que j'avais jeté sur le lit. Perplexe, j'observais une petite robe noire qui aurait fait un bon compromis entre la tenue trop tapageuse et celle de bonne sœur – parce qu'avouons-le, il y avait un monde entre les deux : un col bénitier ni trop enfermé ni trop ouvert, des boucles dorées aux épaule, un décolleté dans le dos et la sobriété du noir... Pourquoi pas. Désespérée, j'enfilais ma tenue, posais la main sur la poignée de la porte et, à peine avais-je mis un pied hors de la chambre que Marius me pris de cours, sans décrocher le regard de son écran.

« J'te jure, Moira, que si tu changes encore une fois de tenue, j't'y envoie en sous vêtements, à ton rendez-vous... »

Oook... Message reçu. Je n'ajoutais rien et me contentais de me précipiter dans la salle de bain pour tenter de dompter un peu ma crinière et de parfaire un peu ma mine décomposée. Dans ma boîte à bijoux, je farfouillais à la recherche d'une paire de créole dorée et tombais sur ma bague de fiançailles, qui n'avait pas bougé depuis... Six ans, maintenant. C'était tout de même terrible d'avoir l'impression de trahir mon défunt fiancé quand j'essayais de me convaincre que c'était un verre entre amis. Rien de plus. Si Theo ne m'avait pas mis dans la tête que ça ressemblait fortement à un rendez-vous galant, je ne me serais probablement jamais posé cette question, et je me serais pointée en jeans/chemisier, cheveux attachés à l'arrache sans le moindre complexe ! Maudit sois-tu, Theo... Un dernier regard dans la glace, je secouais un peu ma chevelure pour lui donner du volume et soupirais une fois de plus. Je repassais en vitesse dans le salon où j'attrapais une paire d'escarpins à talons, alors que Marius se retournait dans le canapé pour me regarder faire, hilare.

« N'empêche... Si t'arrives pas à serrer comme ça, je saurai plus quoi faire de toi ! »

Je me contentais de lui tirer la langue en lui jetant à la figure une des peluches de Samuel qui traînait là, attrapais mon sac et filais sans demander mon reste. Mais quel couillon, le Caesar... Je jetais un regard à mon portable, ignorais les messages de Theo et de Seth, et hélais le premier taxi venu. Comme si j'allais traverser la moitié du centre ville en talons hauts, tiens... Une fois arrivée au café où nous nous étions donné rendez-vous avec Aaron, je lissais un instant ma robe, soupirais – oui encore – et m'engouffrais dans l'établissement. Il y régnait une chaleur agréable pour un mois d'octobre, et il n'y avait pas grand monde, ce qui n'était pas plus mal. Je balayais la salle du regard et repérais Aaron lorsqu'il me fit signe. Je m'approchais et posais mon sac au pied de la table avant de m'installer, véritablement confuse.

« Vraiment désolée pour le retard, j'ai... Il y avait des bouchons. Dans les rues. Et... bref, désolée. Tu vas bien ? »

A peine avais-je dit cela qu'un serveur s'approchait pour nous tendre la carte, sur laquelle je reportais mon attention un instant.
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeDim 18 Sep 2016 - 15:07

I know that in me there still a place that fulfils me...
Moira & Aaron



”Aaron ! Aaron ! Monsieur, est ce que je peux peindre ce mur en rouge ?” Si Aaron est un habitué du costard, de l’ensemble chemise-pantalon droit et occasionnellement des cravates lorsqu’il doit rencontrer mécènes et donateurs, il n’est pas pour autant fermé aux tenues plus décontractées le week-end ou, comme aujourd’hui, lorsqu’il est invité à mettre la main à la patte pour les différents travaux entrepris dans l’établissement. La tâche de peinture sur son tee-shirt orné d’une représentation de Captain America issue d’un comic quelconque pourrait être un drame anecdotique si elle était orpheline: malheureusement pour elle, et pour Aaron, et certainement pour Celeste lorsqu’elle verra dans quel état est son père, cette tâche est loin, très loin de l’être. Tout au contraire de la demi-douzaine d’enfants et d’adolescents dans le même état que leur directeur, qui s’agitent autour de lui en oscillant entre respect et envie d’en faire leur épouvantail, dans une ambiance tout simplement bon enfant. Aaron est bien, dans ce genre de situation, lorsqu’il délaisse la paperasse pour se consacrer pleinement à sa charge d’éducateur. Être au contact d’enfants, passer vraiment du temps avec eux sans avoir à se soucier du reste, voilà qui est à son goût devenu bien trop rare ces dernières années et plus encore ces derniers mois. Et qui est pourtant supposé être au coeur de son métier. Il ne voit pas le temps passé, la pièce et ses murs se couvrent bon gré, mal gré de peinture au même rythme que les apprentis artisans, et lorsqu’on vient le chercher, à sa demande, parce que l’heure continue de tourner, Aaron met un bref instant pour redescendre sur Terre. ”Il va être quinze heures trente, Aaron, tu m’as demandé de venir te faire signe quand…” Il fronce les sourcils, calme d’une main Camille qui n’a pas encore compris que ce n’est plus le moment de jouer. ”Quinze heures ? Déjà ?” ”Quinze heures trente Il fronce une nouvelle fois les sourcils, listant les rendez-vous, persuadé qu’il se débrouille en général pour avoir son week-end exempt de tout ça, afin de pouvoir passer un peu plus de temps avec… ”Moira… oh merde…” avec ses amis. Précipitamment, il tend à la pauvre Justine, l’éducatrice qui est venue le chercher, son pinceau pour mieux lui demander d’une voix hative de prendre le relai, faire attention à ce qu’ils ne se mettent de la peinture ni dans les yeux, ni dans la bouche, de bien veiller à ce qu’ils se lavent et qu’ils frottent bien lorsqu’il sera dix-huit heures, et que surtout, surtout, elle demande à Sofiane s’il y a le moindre problème. Et que… Justine le menace avec le pinceau, lui promettant qu’elle n’hésitera pas à lui tracer un X sur le visage s’il ne déguerpit pas dans la minute qui suit. Aaron n’essaye même pas de lui faire répéter, préfère partir d’un pas vif à défaut de s’autoriser à courir - chose formellement interdite pour ses pensionnaires - vers l’appartement réservé à l’éducateur qui est de garde la nuit pour se changer et, en l’occurrence, contempler l’étendue des dégâts. Des dégâts. Ses cheveux sont devenus prématurément poivre et sel, des tâches de blancheur - à défaut d’être de rousseur - ponctuent son front et son tee-shirt est bon pour la machine à laver. Son jogging aussi. Et ses bras aussi. Même ses chaussettes sont marquées de peinture. Lorsqu’il sort de la douche, une douzaine de minutes plus tard, il ne ressemble certes plus à un apache ou un enfant, jour de Carnaval mais on pourrait sans trop d’hésitation le confondre avec un ouvrier du bâtiment en fin de journée. Ce qui n’est guère mieux. Un soupir, sa main part agiter ses cheveux trempés, gratter sa joue pour ôter ce qu’il reste d’une tâche de peinture, ausculter sa nuque, ses bras, ses clavicules à la recherche d’éclats blancs qui lui auraient échappé. Ca a l’air d’aller. Et il ne lui reste qu’une dizaine de minutes maintenant.

Lorsqu’il arrive devant le bar où ils se sont donnés rendez-vous, Aaron se sent profondément… ridicule. Non, pas ridicule. Contrit. Mal à l’aise. Foutrement mal à l’aise. Parce que lorsqu’il s’est entendu proposer à Moira de se retrouver en dehors du cadre des cours de violon et de l’orphelinat pour aller boire un verre, s’il pensait effectivement à une ambiance décontractée, il ne pensait vraiment pas se retrouver à y aller en jean et en polo, et encore moins avec une tache de peinture survivante au niveau du poignet et surtout, surtout, sur le bracelet de sa montre. Et surtout, il arrive en retard, cherche du regard une chevelure rousse, tout en se demandant d’ailleurs pourquoi il lui a proposé ça. Elle a certainement mieux à faire. Tout autour de lui, les gens pépient de bonheur, harmonisant sans le savoir les airs qu’ils dégagent. Soufflant un bon coup, de toute manière il est trop tard pour faire demi-tour et aller se changer une seconde fois, Aaron entre dans le café, se préparant mentalement à s’excuser pour le retard de quelques minutes, pour sa tenue, pour un certain nombre de choses. Il fait un tour sur lui-même, considère la pièce, approche du comptoir. « Excusez moi, j’attends quelqu’un, une jeune femme, rousse, de ma taille ou peu s’en faut, charmante, avec… » Il va s’arrêter là dans la description. Le serveur n’a nul besoin de savoir que le sourire de Moira a quelque chose d’extraordinairement rafraîchissant. Dans tous les cas, la réponse tombe sans faire de bruit, sur un Aaron qui ne sait pas vraiment comment interpréter ça. Elle n’est pas là. D’accord.

Certes. Dans un sourire et un remerciement poli, Aaron va s’asseoir en se demandant s’il a loupé quelque chose. S’il s’est trompé de jour, ou d’heure, ou de restaurant, ou les trois à la fois. Ou si, tout simplement, Moira n’avait peut être pas envie de venir boire un verre avec un directeur d’orphelinat un peu trop occupé, un peu trop soucieux, un peu trop sérieux et un peu trop pris par son travail. Elle doit certainement avoir mieux à faire et… et Aaron se lève dès qu’il l’aperçoit, pour lui faire un signe, la bouche légèrement entrouverte lorsqu’il se rend compte que… « Vraiment désolée pour le retard, j'ai... Il y avait des bouchons. Dans les rues. Et... bref, désolée. Tu vas bien ? » Il récupère la carte que lui tend le serveur, se rassoit et se souvient qu’il doit parler. « Moira, tu… tu es ravissante. Je… » Il aurait dû mettre une chemise. Bon sang, il aurait dû mettre une chemise. Il le savait pourtant, il… non, il ne le savait pas. « Je… je vais très bien, naturellement. » Naturellement, qu’il va bien. A l’écouter, de toute manière, Aaron va toujours bien. « … et ne t’en fais pas pour le retard, je viens juste d’arriver. Il n’y a pas de problème. » Pour être ravissante, elle l’est. Vraiment. Et naturellement, aussi. Dans sa manière d’être confuse, dans sa manière de lire la carte. « Comment vas-tu, toi ? Amance n’a de cesse de parler de toi, ce n’est peut être pas encore une vraie pipelette, mais je trouve qu’elle a fait beaucoup de progrès. » Parler d’Amance, c’est une solution de facilité, bien évidemment. Aaron cligne des yeux, les détache non sans difficulté, et encore moins sans gêne, ses joues légèrement rougies le lui prouvent et affichent tout haut sa culpabilité, pour les reporter sur la carte, sourire légèrement, relever la tête et tenter d’être le plus naturel possible. « Comment vas-tu ? » Il termine à peine sa question qu’il se souvient qu’il la lui a déjà posée. Bien.

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeLun 19 Sep 2016 - 14:32

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Être en retard, c’était la spécialité de Marius, pas la mienne. On m’avait toujours appris à être à l’heure, ou même en avance, car comme le disait mon père, en étant en retard, je courais le risque que quelqu’un prenne ma place. Alors oui, ça ça se tenait davantage avec les impératifs professionnels, mais j’appliquais cette règle à la lettre dans ma vie personnelle également. Ou du moins j’essayais, et cette fois c’était raté. Fébrile, le cœur battant à tout rompre d’avoir dû presque courir tandis que mes pieds me haïssaient d’avoir opté pour une telle hauteur de talons alors qu’il me fallait presser le pas. A cet instant, je me demandais encore ce qui m’avait pris de ne pas me pointer en pyjama nounours et chaussons lapins… Ça aurait pourtant pas mal simplifié les choses et je… Et j’aurais eu l’air moins bête en me rendant compte que je m’étais fait des idées et étais la seule à avoir sortie le grand jeu. Je n’étais pas déçue, loin de là, simplement surprise… Et je me sentais surtout particulièrement conne. Quelle image j’allais lui donner, maintenant ? Pourquoi pas la robe de cocktail et les Louboutin aux pieds tant que t’y es, Moira !

Pourtant, sa réaction me fit d’abord sourire, puis j’éclatais de rire en le voyant rougir. Bon, au moins, je ne m’étais pas apprêté pour rien, ça faisait encore son petit effet ! Il n’y avait que Marius pour penser que les fameux chaussons lapins qu’il m’avait offerts pour mon anniversaire étaient le comble du sexy ! Joueuse, je penchais la tête sur le côté et agitais ma main sous les yeux d’Aaron.

« Navette Trager, ici la Terre… Nous avons perdu la communication, vous nous recevez ? Tu es aussi rouge que ton t-shirt… Mais merci ! »

Parce qu’il fallait bien l’avouer, le compliment me touchait, et je bénissais le fond de teint qui devait atténuer le rose qui devait colorer mes joues. Pire qu’une adolescente à son premier rendez-vous, non mais quelle plaie ! Maudite sois-tu, Theo, pour m’avoir mis des idées pareilles dans la tête… Je jetais vaguement un regard à la carte sans vraiment lire ce qui y était écrit, plus concentrée sur les questions d’Aaron. Amance était un véritable petit rayon de soleil, une enfant d’une rare intelligence, dotée d’une oreille fabuleuse, et elle me rappelait étrangement moi à son âge. A ceci près que j’avais mes parents et à frère, à cette époque… Que je n’avais pas grandis seule mais entourée d’une famille. Malgré l’enthousiasme que je mettais à lui enseigner le violon, je ne pouvais m’empêcher d’éprouver une infinie tristesse pour cette enfant que la vie n’avait pas épargnée, tout en étant reconnaissante vis-à-vis d’Aaron, qui prenait soin d’elle. J’allais alors répondre à ces quelques questions, lorsqu’il me demanda à nouveau comment j’allais. Je fronçais légèrement les sourcils, soucieuse.

« Tu es sûr que tu vas bien, Aaron ? C’est la deuxième fois que tu me poses cette question en moins de trente secondes, tu as l’air… Troublé… Il y a quelque chose qui ne va pas ? »

Bien sûr qu’il devait en avoir, des soucis… Après tout, diriger un orphelinat impliquait des responsabilités, un stress supplémentaire, et gérer sa vie personnelle devait relever de l’impossible, pour un homme aussi investit. Si je m’étais doutée que c’était me voir arriver qui l’avait perturbé à ce point…

« Je vais bien, oui », répondis-je machinalement, habituée à présent à ce mensonge que je servais à quiconque me posait la question.

En apparence, j’allais bien. A l’intérieur… J’étais un champ de ruines, une épave, et je m’accrochais à un malheureux morceau de mat émergé en cherchant en vain le rivage. Mais ça, il n’avait pas besoin de le savoir, et je lui offrais un sourire rassurant, m’animant soudain au sujet d’Amance. Là où le mensonge était sorti comme s’il m’avait brûlé, avec une raideur artificielle, mes propos au sujet de la fillette étaient pleins d’emphase, et appuyés par une gestuelle enthousiaste.

« C’est un vrai bonheur d’enseigner la musique à Amance ! Elle est curieuse, vive d’esprit, intéressée… Et elle fait des progrès de semaine en semaine ! C’est adorable de voir avec quelle déférence elle traite le violon que je lui ai prêté… Et j’ai le sentiment qu’elle commence à s’ouvrir, elle me parle de ce qui se passer à l’orphelinat, à l’école… je prends toujours un temps en début ou fin de cours pour discuter avec elle et m’assurer que tout va bien… »

Une vraie mère poule, qu’on me disait souvent, mais j’avais à cœur d’aider la fillette à remonter la pente et à ne surtout pas sombrer plus encore dans l’angoisse et la tristesse.

« Je pense que si elle continue sur cette lancée, elle a le potentiel d’une future concertiste… En revanche, elle t’a parlé des soucis qu’elle avait eu avec deux de ses camarades, à l’école ? Et… »

Et nous n’étions pas là pour parler des enfants, mais plutôt pour passer un bon moment entre amis. Penaude, je me passais une main dans les cheveux avec un sourire gêné.

« Désolée… Tu y passes déjà toute la semaine, tu n’as sûrement pas envie de parler de l’orphelinat… Bon ! Qu’est ce qui te tente, là-dedans ? Je me ferais bien une coupe glacée nougat-caramel-banane avec plein de chantilly et de sauce chocolat ! »

Beaucoup de sucre et de calories pour me sentir moins con ? Moui… pas loin.

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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeLun 19 Sep 2016 - 23:05

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Moira & Aaron



Elle éclate de rire. Il aurait dû mettre une chemise. « Navette Trager, ici la Terre… Nous avons perdu la communication, vous nous recevez ? Tu es aussi rouge que ton t-shirt… Mais merci ! » Rouge, aussi rouge que son tee-shirt ? Aaron baisse les yeux, secoue la tête et fait à Moira un sourire timide qui cherche à le dédouaner, à l’excuser, à… il rougit ; comme un adolescent. Et même s’il a une petite idée du pourquoi du comment, Aaron refuse de se poser la question parce qu’il risque de continuer à rougir. Il aurait du mettre une chemise. C’était évident pourtant : il aurait dû mettre une chemise, prendre ce rendez-vous au sérieux et… mais il prenait tout ça au sérieux, véritablement. C’est juste qu’il n’a pas pensé un seul instant à changer ses habitudes du samedi, c’est juste qu’il n’a pas vu l’heure, c’est juste qu’il… il aurait dû mettre une chemise. Et à chaque fois qu’il croise le regard de Moira, ou juste qu’il la regarde, il s’en rend un peu plus compte. Il aurait dû mettre une chemise, et elle, elle est ravissante. Bien trop ravissante, il en perd ses mots, il en perd son souffle, il en perd le fil de ses questions et se rabat de justesse sur Amance, un sujet de conversation excessivement facile. Une solution de facilité comme il a tendance à un peu trop les choisir ces derniers temps. Et une solution que Moira accepta sans même sourciller, les yeux fixés sur la carte. Aaron tente de faire abstraction de sa gêne, tente de lire aussi ce qu’il y a d’inscrits sans que les mots n’aient le moindre sens ou la moindre persistance dans sa mémoire et sa rétine. Même le froncement de sourcils de Moira, à sa dernière question, déjà posée d’ailleurs, échappe à Aaron qui ne cesse de se répéter que c’est juste un rendez vous entre amis, rien de plus, et que même s’il aurait dû venir en chemise, ça n’a rien de grave, vraiment, et que… « Tu es sûr que tu vas bien, Aaron ? » Aaron relève la tête, dans un sourire maladroitement confus. « C’est la deuxième fois que tu me poses cette question en moins de trente secondes, tu as l’air… Troublé… Il y a quelque chose qui ne va pas ? » Le voilà qui papillonne des yeux, avec un petit rire troublé. Si quelque chose ne va pas ? « Tout va très bien, vraiment. » Sauf qu’il aurait dû mettre une chemise et qu’il se demande s’il n’a pas mal interprété quelque chose ou s’il aurait dû interpréter quelque chose d’une certaine façon, ou encore… « Juste une matinée un peu fatigante. Désolé. Je suis ravi de te voir, tu es ravissante. » Et lui… il a certainement l’air parfaitement ridicule.

Il replonge son regard dans la carte, cherche même à retrousser ses manches, alors qu’il n’a qu’un tee-shirt et que cette manœuvre est tout bonnement vouée à l’échec. « Je vais bien, oui » Il replonge son regard dans la carte pour mieux relever la tête et chercher à croiser le regard de Moira. « Vraiment ? » Son mensonge est palpable, et même une personne autre qu’Aaron, dépourvue de toute mutation, aurait pu le sentir. Donc Aaron… Aaron n’est pas dupe un seul instant. Il pince ses lèvres, harmonise l’humeur de Moira puisque c’est tout ce qu’il peut faire. L’interroger davantage ne risquerait que de la gêner et il ne veut surtout pas lui faire cela, pas en public. Il ne peut qu’apaiser sa peine, légèrement, et la laisser retrouver le sourire en lui parlant d’Amance. « C’est un vrai bonheur d’enseigner la musique à Amance ! Elle est curieuse, vive d’esprit, intéressée… Et elle fait des progrès de semaine en semaine ! C’est adorable de voir avec quelle déférence elle traite le violon que je lui ai prêté… Et j’ai le sentiment qu’elle commence à s’ouvrir, elle me parle de ce qui se passer à l’orphelinat, à l’école… je prends toujours un temps en début ou fin de cours pour discuter avec elle et m’assurer que tout va bien… » Aaron sourit, naturellement. « Elle ne tarit pas d’éloges dès qu’elle parle de toi. » C’est légèrement exagéré, puisque c’est plutôt lui qui ne tarit pas d’éloge dès qu’on lui parle de Moira, mais cette petite distorsion de la réalité n’est en rien gênante, juste anecdotique aux yeux du père de famille. « Je pense que si elle continue sur cette lancée, elle a le potentiel d’une future concertiste… En revanche, elle t’a parlé des soucis qu’elle avait eu avec deux de ses camarades, à l’école ? Et… » Aaron cesse de sourire.

« Des soucis ? » Il fronce les sourcils, s’apprête à rebondir et à demander plus de détails. « Désolée… Tu y passes déjà toute la semaine, tu n’as sûrement pas envie de parler de l’orphelinat… Bon ! Qu’est ce qui te tente, là-dedans ? Je me ferais bien une coupe glacée nougat-caramel-banane avec plein de chantilly et de sauce chocolat ! » Mais de toute évidence, ce n’est ni le moment, ni l’instant. Nous sommes le week-end, Moira n’a pas tort : il devrait peut être essayer de décrocher. De ne pas penser à l’orphelinat. « Tu as raison, nous ne devrions pas en parler plus que ça ». A préciser que ce n’est pas qu’il ne veut pas en parler, c’est qu’il n’a peut être pas le droit d’en parler. Le Week-end, il faut qu’il décroche. « Bien. Comment vas… non, je l’ai déjà posée, cette question. Je vais prendre un café, je crois que ça va me faire du bien. » Voilà, très certainement. Il a un petit sourire, pour mieux la mettre à l’aise. Se mettre à l’aise. « Un café noir. Bien serré. Sans sucre. Tu aimes les sucreries ? Ca fait bien longtemps que je ne me suis pas laissé tenter, tiens. » Hum… bien longtemps ? Peut être deux semaines. Ou trois. Ou quatre. Certainement plus. L’alcool n’est en rien une sucrerie, le café non plus. Et les repas pris sur le pouce sont quant à eux plus des encas qu’autre chose. « Qu’est ce que tu me conseillerais ? Peut être un café gourmand ? » Il n’est vraiment pas très doué pour faire la conversation, le bougre. Et il le sait. Et Moira va vite le comprendre et le trouver rabat-joie. Et vieux. Aaron se sent désagréablement vieux, à cet instant. « Tu as passé une bonne semaine depuis… hum… mercredi ? »

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeSam 24 Sep 2016 - 19:44

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C'était sûrement superficiel et particulièrement fourbe de ma part de m'amuser de cette adorable teinte rouge pivoine qui colorait les joues d'Aaron, mais je trouvait ça tellement... Attendrissant. Je n'avais pas l'impression d'être un bout de viande prêt à être consommé, sous le regard qu'il me lançait, simplement la pudeur d'un homme gêné. Depuis quand n'avais-je pas vu un homme rougir de la sorte ? Depuis quand n'avais-je pas eu le désagréable sentiment d'être déshabillée du regard ? Certes, que ce soit avec Jimmy ou Seth, il y avait un respect mutuel entre nous qui faisait que la seconde question ne se posait même pas, mais aucun des deux n'avait jamais rougit de la sorte. Et puis Aaron avait quelque chose d'adorable dans sa manière d'être gêné, un regard fuyant, j'avais envie de lui tirer les joues en couinant d'une manière ridicule et... Ok alerte. J'étais niaise, je sentais mes joues s'échauffer et ça, c'était mauvais signe. J'avais l'impression de me revoir des années en arrière, lors de notre premier rendez-vous, avec William. Où j'avais faillit faire un malaise à cause du stress en venant, où j'avais bafouillé comme une ado lorsque nous avions discuté, et où j'avais fini par lui renverser la moitié de mon cocktail sur sa chemise par maladresse... Bien des hommes seraient partis en me traitant de folle à enfermer, lui s'était contenté de rire et nous ne nous étions plus quittés. Enfin... Pas pendant trois longues années. Voilà que je me remettais à penser à lui... Non non non, Moira, avance, garde les bons souvenirs et oublie la rancœur. Plus les mois passaient, plus je me rendais compte que je stagnais, à mi-chemin entre une acceptation qui me paraissait inaccessible, et le stade de la colère, que je sentais bouillir en moi. J'étais régulièrement prise d'accès de colère surgis de nulle part, et me mettais à en vouloir à la Terre entière, sans la moindre raison. Tout ça parce que j'étais incapable de contrôler les sentiments et d'accepter de faire mon deuil. Mes rêves et mes cauchemars étaient hantés par le fantôme de William, et au lieu de le laisser s'en aller, je m'y accrochais avec l'énergie du désespoir. Aveugle à mon propre malaise, je n'étais en revanche pas insensible à celui d'Aaron, qui semblait vraiment perturbé. Perturbé au point de m'avoir demandé deux fois comment j'allais et de m'avoir dit également deux fois que j'étais ravissante. Un peu à l'ouest, le bonhomme ! Je me contentais alors de lui répondre en vitesse que j'allais bien, et me mordais l'intérieur de la joue. Seigneur, que je mentais mal... Son « vraiment ? » plus que suspicieux était éloquent, il ne me croyait pas. Pourtant, alors que j'aurais dû sentir l'angoisse et la culpabilité me prendre à la gorge, je me sentis soudain apaisée, comme la dernière fois que nous avions discuté ensemble. Comme si sa présence avec un étrange pouvoir cathartique sur mon humeur. Aussi enchaînais-je rapidement, profitant de la perche qu'il me tendait pour éviter de lui raconter tous les soucis qui pavaient mon existence. Amance, c'était un sujet autrement plus lumineux et pétillant que des problèmes d'adulte, et j'avais vraiment le sentiment que la petite m'aidait tout autant que mon enseignement semblait la satisfaire. Devais-je d'ors et déjà faire part à Aaron de mes hésitations ? J'avais plus d'une fois songé à adopter un petit, tout en ayant à chaque fois balayé l'idée en la faisant passer pour une lubie passagère. Mais avec Amance, c'était différent, j'avais le sentiment qu'un véritable lien se tissait entre nous et réfléchissais de plus en plus à l'éventualité de lui offrir un foyer... Qui ne serait pas l'appartement de Marius, auquel cas la petite finirait traumatisée à vie. Seulement, j'étais pleine d'hésitations, de doutes... Etait-ce une bonne idée ? Ne risquais-je pas de briser le fragile équilibre que la petite était parvenue à construire en si peu de temps ? Ou pire, de réduire à néant notre complicité ? J'étais si enflammée que j'en venais à oublier que nous n'étions pas là pour parler de qui que ce soit d'autre que lui, ou moi ou... Ou je ne sais quoi, mais pas de travail. Finalement, je soupirais et décidais de conclure en quelques mots.

« Elle m'a dit que deux de ses camarades d'école lui menaient la vie dure parce qu'elle restait souvent en classe pendant les récréations pour travailler son violon... Mais elle n'a pas osé t'en parler, elle a peur de te déranger. Peut-être que tu pourras lui en toucher un mot discrètement ? Elle avait vraiment l'air peinée... »

J'étais passée par là, moi aussi... Travailler l'instrument dès que j'en avais l'occasion, seulement, j'avais eu la chance, en quelque sorte, de suivre les programmes scolaires à la maison, avec des professeurs particuliers. Lorsque j'avais dû fréquenter les collèges et lycées des différents pays où nous atterrissions, avec Artur, j'étais suffisamment grande gueule pour envoyer bouler tous ceux qui venaient m'emmerder, leur promettant des coups d'archet sur la tête s'ils me cherchaient des noises. Seulement, ce n'était pas le moment de discuter de ça, et je me retenais de rire en entendant Aaron manquer de me poser la même question pour la troisième fois. Décidément, il avait l'air d'y tenir ! Je penchais alors la tête sur le côté.

« Un café noir, serré, sans sucre ? Je ne te croyais pas si austère, Aaron. Allons, il n'y a personne pour te surveiller, et je te promets de ne le dire à personne si tu mets un peu de lait dans ton café ! »

Je le regardais avec un air amusé, voyant en lui un homme qui s'accordait peu de plaisir et d'entorse à un règlement arbitraire qu'il s'imposait. A quoi bon se priver alors que rien n'y personne n'était là pour le juger ?

« Hum... Attends, j'ai peut-être mieux à te proposer... »

J'avais vu ça chez plus d'un glacier, s'ils n'en faisaient pas, j'étais prête à partir dignement en roulant du derrière avec un air hautain et méprisant ! Parcourant la carte des coupes glacées, je fini par trouver ce que je voulais, au moment où le serveur revenait pour prendre notre commande.

« Alors... Pour monsieur, ça sera le café le plus noir que vous avez, si j'ai bien compris, pour moi un thé aux agrumes et... Ça... Avec deux cuillères, » dis-je d'un ton malicieux en désignant au serveur la photo d'une énorme coupe glacée à partager.

Avec un air parfaitement innocent, je croisais les doigts sous mon menton tout en espérant qu'Aaron apprécierait la surprise.

« Oh heu... Oui, assez. Disons que je n'ai pas fait grand chose à part travailler mon violon. Je prépare un récital avec un jeune compositeur finnois, ce n'est pas facile de trouver des moments pour discuter, étant donné le décalage horaire, et je ne comprends rien à son écriture, c'est du charabia ! Les notes ne sont pas des notes, je dois jouer sur un violon qui n'est pas un violon... C'est une expérience fascinante, mais c'est d'un compliqué ! »

Tu parles trop, Moira, boucle-la où tu vas lui détailler les 15 pages du morceau de la première à la dernière note... A peine avais-je dit tout cela que le serveur posait devant Aaron une tasse de café, devant moi une autre tasse et une théière... Et la plus grosse couple glacée que j'ai jamais vu. Il y avait là de quoi régaler n'importe qui, avec des sorbets divers et variés, une quantité incroyable de chantilly, de coulis de fruits rouges et de smarties disséminés sur le dessus. Je m'emparais alors des deux cuillères que le serveur avait laissé et en tendis une à Aaron.

« Choisis les armes, cow-boy... Je me suis dis que ça serait plus convivial, comme douceur, qu'en dis-tu ? Et je l'avoue, j'ai toujours rêvé de manger ce genre de truc... »

Je plongeais ma cuillère dans une boule de glace au citron qui aurait probablement ravie les papilles d'Artur tant elle était bonne.

« Hum... Je me rends compte d'une chose, Aaron... Je suis une vraie pipelette, alors tu commences à en savoir pas mal à mon sujet mais... J'ignore pas mal de choses de toi, ça ne va pas du tout ! Je sais que tu es directeur d'un orphelinat, père d'une adorable adolescente – quel adolescent ne l'est pas après tout – et que tu es incroyablement dévoué à tes petits pensionnaires... Mais tu dois bien avoir des hobbys, non ? Sportif ? Musicien ? »

J'attrapais du bout de ma cuillère un peu de chantilly couverte de smarties, en ayant l'impression d'être une gamine de six ans découvrant la vie. Et la vie, c'était beaucoup de sucre et rien d'autre.
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeVen 30 Sep 2016 - 23:51

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Ah, ça… il se sent ridicule, Aaron, pour deux raisons aussi simples que liées : déjà, il a l’impression de rougir bien trop souvent en présence de Moira. Ensuite, sa tenue décontractée, qu’il chérie pourtant en temps normal tant qu’elle est porteuse de sens – c’est le week-end, bon sang, le voilà forcé de décrocher et de prendre un peu de bon temps – lui semble bien maladroite. S’il n’arrive pas à se sortir de la tête qu’il aurait dû mettre une foutue chemise, s’il n’arrive visiblement pas non plus à renouveler ses interventions qui se cantonnent aux deux choses les plus évidentes : le moral de Moira et sa tenue – ravissante -, il parvient toutefois à lentement reprendre contenance. Ce qui n’est pas plus mal. Depuis combien d’années n’a-t-il pas été troublé de la sorte, sans pouvoir rien n’y faire ? Il n’a pas envie de compter puisqu’il sait pertinemment qu’il n’aimerait pas le nombre qui en ressortira. Il préfère plutôt se concentrer pour écouter une Moira, contrainte, étant donnée l’éloquence du Directeur, de faire la conversation toute seule. Amance, un sujet neutre, un sujet de secours, un sujet pour mieux changer de terrain, pour se cantonner à ce qu’il y a de plus logique. Amance : au moins, la petite violoniste en herbe a le mérite de redonner le sourire à Moira, a le mérite d’égailler sa mélodie sans qu’Aaron n’ait lui-même besoin de la retoucher. Il a un sourire niais, c’est un indéniable, lorsqu’il l’écoute s’enthousiasmer de l’application avec laquelle l’orpheline apprend à jouer d’un instrument. Il a un sourire niais, c’est évident, lorsqu’il mélange la voix de Moira à sa musique émotionnelle qui s’agite, s’illumine et pétille dans un entrelacs de sensations qui explosent les limites de la simple perception auditive. Il a un sourire niais qui disparait, qui s’ombrage de souci toutefois, lorsque Moira laisse une phrase en suspens. Des soucis, Amance ? Son interrogation, ses sourcils froncés, Aaron ne peut laisser ça de côté. « Elle m'a dit que deux de ses camarades d'école lui menaient la vie dure parce qu'elle restait souvent en classe pendant les récréations pour travailler son violon... Mais elle n'a pas osé t'en parler, elle a peur de te déranger. Peut-être que tu pourras lui en toucher un mot discrètement ? Elle avait vraiment l'air peinée... » Peur de déranger ? Pas osé lui en parler ? Voilà qui le trouble. Oh, il a l’habitude que ses pensionnaires s’adressent en priorité aux éducateurs et au personnel de l’orphelinat avant même de lui en parler, mais il ne s’y fait pas. Malheureusement. « Non, elle ne m’en a pas parlé… j’aurais dû m’en douter. » Prompt à se faire des reproches, il lui faut toute sa concentration et sa volonté pour ne pas sortir son téléphone et envoyer un message à Sofiane ou Hillary afin de prendre la température et de déjà prospecter pour savoir si Amance en a déjà parlé à quelqu’un d’autre que Moira. Mais… mais ce n’est pas le moment, clairement pas le moment.

Après tout, Moira n’a certainement pas accepté de boire un verre avec un vieux grincheux obnubilé par son travail. Et elle est la première à le dire : une coupe glacé, chocolat banane, nougat, caramel… pour peu, elle vient d’inventer son dessert à partir de l’ensemble des saveurs listées à un endroit ou à un autre de la carte ! Pour sa part, Aaron est bien moins aventurier, bien moins original ou imaginatif : il ne met guère de temps à parler d’un café, serré, sans sucre, un carburant comme un autre. Ses yeux voltigent d’un point à un autre de la carte, sans trouver leur bonheur, sans parvenir à le sortir de sa routine. « Un café noir, serré, sans sucre ? Je ne te croyais pas si austère, Aaron. Allons, il n'y a personne pour te surveiller, et je te promets de ne le dire à personne si tu mets un peu de lait dans ton café ! » Un sourire, il n’ose même pas la regarder. Qu’il doit paraître maladroit et benêt… et qu’il n’aime pas du tout cette impression… pourtant, il sait se faire plaisir, il sait être taquin, il sait sourire et rire, le bougre, c’est juste qu’il ne prend plus vraiment le temps de le faire. Lorsqu’il relève les yeux, c’est pour recroiser un regard qu’il présentait amusé, à juste titre. « Oh… tu sais, parfois je fais des folies, je glisse un demi-sucre dans ma tasse… mais dans ces cas là, je touille très vite pour le dissoudre, au cas où Sofiane me tomberait dessus sans prévenir… » Il lui fait un clin d’œil, étrangement en confiance.

Nerveux, le Aaron, mais en confiance. Certain qu’il aurait dû mettre une chemise, le Aaron, mais détendu malgré tout. Aux aguets, le motiopathe, mais attentif avant tout à ces sons de bonne humeur qui l’entourent et qui l’influencent par leur seule existence. « Hum... Attends, j'ai peut-être mieux à te proposer... » Il penche la tête sur le côté, comme une invitation à poursuivre. « Ah bon ? » Un demi-sourire aux lèvres, il la contemple parcourir la… non. Il la regarde, contempler est un verbe décidément bien trop connoté, parcourir la carte, n’apercevant qu’in extremis le serveur venu prendre leur commande. Il ouvre la bouche, Aaron, mais sans que ça n’ait une quelconque utilité : Moira a pris les devants et parle pour deux, le laissant refermer ses lèvres et les étirer dans un sourire clairement amusé. « Alors... Pour monsieur, ça sera le café le plus noir que vous avez, si j'ai bien compris, pour moi un thé aux agrumes et... Ça... Avec deux cuillères, » En observant le serveur partir, Aaron ne peut s’empêcher de tendre l’oreille. « Deux cuillères ? Moira, tu sais, tu auras le temps de manger, pas besoin d’utiliser tes deux mains… » Celeste a tort, songe-t-il, lorsqu’elle lui déconseille de se reconvertir en humoriste. Il se trouve très drôle lorsqu’il prend la peine de réfléchir à ses remarques et… « Oh heu... Oui, assez. » Assez ? Le mutant met une fraction de seconde à se rendre compte qu’elle n’a pas oublié ses questions et qu’elle y répond. Son étonnement cède la place à nouveau à un sourire. « Disons que je n'ai pas fait grand chose à part travailler mon violon. Je prépare un récital avec un jeune compositeur finnois, ce n'est pas facile de trouver des moments pour discuter, étant donné le décalage horaire, et je ne comprends rien à son écriture, c'est du charabia ! Les notes ne sont pas des notes, je dois jouer sur un violon qui n'est pas un violon... C'est une expérience fascinante, mais c'est d'un compliqué ! » Un petit rire, un hochement de tête, il écoute attentivement, compatit avec elle devant la complexité dont il n’a fichtrement aucune idée mais qu’il conçoit malgré tout bien : on parle d’un compositeur finnois, comment cela pourrait il en être autrement ? Il enlève ses coudes de la table, où il les avait posés avec de croiser ses mains et d’y poser son menton, pour laisser place au café, au thé de Moira et… Il lève les yeux au ciel. « Sincèrement, Moira ? » Il a même un petit rire, devant les armes qu’elle lui présente, délaissant le café qu’il a déjà commencé à remuer d’un geste machinal pour en saisir une. « Choisis les armes, cow-boy... Je me suis dis que ça serait plus convivial, comme douceur, qu'en dis-tu ? Et je l'avoue, j'ai toujours rêvé de manger ce genre de truc... Hum... Je me rends compte d'une chose, Aaron... Je suis une vraie pipelette, alors tu commences à en savoir pas mal à mon sujet mais... J'ignore pas mal de choses de toi, ça ne va pas du tout ! » Il s’apprête déjà à rétorquer qu’il n’y a pas grand-chose à dire de lui et pas grand-chose à savoir sur lui qu’elle reprend sans lui laisser le temps d’articuler le moindre mot. « Je sais que tu es directeur d'un orphelinat, père d'une adorable adolescente – quel adolescent ne l'est pas après tout – et que tu es incroyablement dévoué à tes petits pensionnaires... Mais tu dois bien avoir des hobbys, non ? Sportif ? Musicien ? »

Du bout de la cuillère, il cueille un peu de chantilly, qu’il agrémente d’un smarties et d’une goutte de sorbet, à la pomme s’il en croit et la couleur, et l’éclat de fruit qui en affleure. Sportif, certainement pas. Musicien ? Fut un temps. Des hobbys ? Non, vraiment… « Je ne sais pas vraiment quoi répondre. Honnêtement, je n’ai pas l’impression de pouvoir être aussi captivant que toi. J’ai fait un peu de musique, il y a longtemps. Celeste ne doit pas vraiment en avoir de souvenir, mais j’ai une guitare qui prend la poussière. Sinon… » Se présenter en quelques mots… « Chiara était une grande cinéphile, et je dois bien dire qu’elle a réussi à me transmettre le virus. Bon, je n’ai guère le temps de regarder des films, ou je ne le prends pas, mais je dois avouer que si un jour je pouvais m’enfermer dans mon salon, me caler sur le canapé et lancer une série de film tout en ayant à portée de main de quoi manger, je ne décollerais pas du week-end. » Parle-t-il trop ? Il se surprend à regarder la cuillère, plongée dans ce qui fut une boule de sorbet et qui s’est retrouvée réduite à peau de chagrin sous ses attaques incessantes. « Diable ! Ca se mange bien plus facilement que ça n’en a l’air ! » Il repose sa cuillère avec un regard suspicieux, comme pour mieux la tenir responsable. « Tiens, j’y pense… en parlant de film, il me semble que tu parles finnois et gaélique, non ? » De vieux souvenirs d’une vieille conversation, peut être à l’occasion d’un échange sur l’italien. Quelque chose comme ça. Ou sur l’origine du prénom et du nom de famille de Moira, peu courant aux Etats-Unis. « Tu es plutôt pour regarder les films dans leur version originale ou dans une version traduite dans une des langues que tu maîtrises ? » Cette question n’a aucun sens et surtout aucun rapport avec les propos qu’il tenait un peu plus tôt. Mais s’il y a une chose que Moira ne savait toujours pas sur lui et qu’elle ne va pouvoir que découvrir, c’est qu’Aaron est brouillon, mais pas simplement lorsqu’on considère le chaos qu’héberge son bureau, mais aussi lorsqu’on s’intéresse un tant soit peu à ce qu’il pense. Il pense à bien trop de choses et surtout à bien trop de chose en même temps. « Parce que j’ai déclenché un débat à l’orphelinat la dernière fois que j’ai mis un film en coréen pendant la soirée DVD du mois, et… » Et qu’est-il en train de dire ? C’est une excellente question parce qu’il n’en a pas la moindre idée. « Enfin… un compositeur finnois tu disais ? » Voilà qui est bien plus intéressant, A n’en pas douter.

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeDim 9 Oct 2016 - 19:50

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Si parler de la petite Amance me redonnait le sourire, l'air soucieux d'Aaron avait tendance à le faner. La petite s'était confiée à moi après bien des hésitations, et m'avait assurée les larmes aux yeux que les moqueries ne l'atteignaient pas, qu'elle était forte... Mais j'étais suffisamment réceptive pour voir la tristesse sur son visage. La pauvre enfant avait traversé suffisamment d'horreur pour qu'on ne vienne pas en plus l'ennuyer. Seulement, je ne voulais pas qu'Aaron voit dans mes mots un reproche, et penchais la tête sur le côté en souriant. D'un geste machinal, je posais ma main sur la sienne, autant pour le rassurer que pour l'inciter à me regarder.

« Ne te blâme pas, Aaron, tu ne peux pas tout faire ni tout savoir, même au sein de l'orphelinat. Tu fais déjà beaucoup pour les enfants, et je suis certaine qu'ils ne veulent pas venir t'ennuyer avec leurs tracas, c'est sûrement pour ça qu'Amance s'est confiée à moi... Tu n'as pas à t'en vouloir de ne pouvoir te diviser. Ce serait très inquiétant de voir quatre ou cinq toi... Ou pire ! Un genre d'hydre à six têtes pour pouvoir tout gérer ! »

Alors qu'un frisson d'angoisse me parcourait l'échine, je retirais ma main en rosissant, faisant mine de tourner les pages du menu. Arrête de rougir, arrête de rougir, c'est un ami, un bon pote, un... C'était un rencard, m'avait assurée Theo, et je l'entendais déjà m'assommer de questions pour savoir comment c'était, ce que nous nous étions dit, s'il y avait eu... Non. Il n'y aurait rien, parce qu'elle se trompait, point final. Alors pourquoi est-ce que l'idée me turlupinait à ce point, si j'étais si sûre de moi ? Je délaissais alors ces interrogations qui me mettaient mal à l'aise pour commenter avec humour l'austérité d'Aaron. La chose m'amusait d'autant plus qu'Aaron fuyait mon regard, comme un petit garçon pris en flagrant délit de je ne sais quoi. Dans une ville pourrie jusqu'au trognon comme Radcliff, où l'on croisait plus de malfrats et de monstres que de gens biens, je trouvais cette gêne tellement... Etrange, tellement loin de ce que je croisais d'ordinaire que j'en reprenais foi en l'humanité. Aussi, lorsque Aaron me suivit plutôt que de se renfrogner, j'éclatais de rire.

« J'espère que tu as élaboré des ruses de sioux, il ne manquerait plus que Sofiane dise à tous tes pensionnaires que tu mets du sucre dans ton café... Ça briserait un mythe ! Il va bien, d'ailleurs ? »

Sofiane, c'était celui qui m'avait accueillit, les premières fois, l'éducateur que j'avais vu le plus souvent avant de rencontrer Aaron, trop occupé à cette époque avec les architectes et entrepreneurs qui s'étaient chargés d'agrandir le bâtiment. C'était un type qui ne tenait pas en place, courait partout avec les petits et mettait une ambiance pas croyable dès qu'il y avait du flan au réfectoire. Et surtout, c'était un amateur de musique, il avait participé à la mise en place des ateliers que j'animais, aussi avais-je plus d'affection pour lui que pour ceux que je ne croisais jamais... Sans me douter que ma question pouvait alors être mal interprétée.

A peine avions-nous eu le temps de clore ce sujet que le serveur venaient nous demander ce que nous avions choisi. A nouveau, j'étouffais un rire discret face à la moquerie d'Aaron.

« Gnagnagna... On ne sait jamais, d'ici qu'une personne mal intentionnée veuillent me piquer mon dessert... », dis-je avec un clin d’œil.

C'était assez inattendu d'entendre Aaron faire de l'humour, alors que j'avais toujours vu en lui quelque de certes attentionné, avec le cœur sur la main, mais aussi extrêmement sérieux et mesuré. J'avais l'impression de découvrir une nouvelle facette de sa personne, que je n'aurais pas soupçonné mais... Qui me plaisait un peu trop et ça, ça commençait à craindre. Parce que plus nous discutions, plus j'étais partagée entre deux sentiments. D'un côté, je sentais grandir en moi une affection pour tout ce que je découvrais, d'un autre, je ne pouvais m'empêcher de voir en Aaron des attitudes, des mimiques ou des sourires qui me rappelaient William. Cette façon de glisser des taquineries où on ne les attendait pas, ce calme, ce besoin d'aider les autres, cette pudeur... J'étais déchirée entre l'attendrissement et une mélancolie dans laquelle j'avais peur de replonger. Comment lui dire que si j'avais parfois l'air ailleurs, c'était simplement pour ne pas fondre en larmes, pour qu'il n'ait pas l'impression d'avoir une folle devant lui ? Déjà que je craignais sans cesse que Marius n'en ait marre de mes crises d'angoisse... A tel point que maintenant, lorsque je me réveillais d'un cauchemar, je n'osais plus faire autre chose qu'étouffer mes sanglots dans mon oreiller. Merde... T'es pitoyable, Moira, ressaisis-toi... Fort heureusement, nos commandes arrivèrent à ce moment-là, et l'allure absolument féerique de la coupe glacée chassa ma mélancolie. D'un regard malicieux, je lui tendis une glace en l'incitant à se servir lui aussi. Tandis que j'attaquais de bon cœur un sorbet aux fruits rouges, j'écoutais Aaron tenter de me dresser un portrait de lui sans se liquéfier sur sa chaise et disparaître sous la table. En soi, c'était déjà un spectacle à part entière ! Seulement, je notais comme une difficulté à parler de lui-même, le besoin de se cacher derrière Celeste ou Chiara... Comme si, quelque part, il ne vivait toujours qu'à travers elles-deux en se refusant le droit d'aimer ou d'être ce qu'il voulait.

« Je ne suis pas plus captivante que toi, Aaron. Nous le sommes tous, à notre manière, et ce que tu me racontes m'en dit bien plus sur toi que tu ne le penses ! Peut-être que je me trompe, mais... J'ai déjà remarqué ça plusieurs fois, quand nous discutons, j'ai souvent l'impression que tu vis à travers les choses... Comme si tu avais... Peur... Mais je dis peut-être des bêtises, hin ! »

Après tout, je n'étais pas psy, c'était un simple sentiment. Je penchais la tête vers le pauvre sorbet à la poire qu'avait détruit Aaron sous un accès évident de nervosité, et y plongeais ma cuillère avec un sourire malicieux.

« Mais donc, tu es guitariste ! Ou tu le fus ! Tu n'as jamais songé à sortir ta guitare pour les enfants ? Nous pourrions faire un chouette duo ! »

Je hochais vigoureusement la tête en suçotant de bout de ma cuillère couvert d'une délicieuse glace au yaourt, et poussais la coupe dans sa direction histoire qu'il ne me laisse pas la finir me donne bonne conscience. Mais alors que j'allais rebondir sur le cinéma, un sujet que je maîtrisais bien peu, en dehors des Disney ou de Star Wars, Aaron me pris au dépourvu. Il fallait dire qu'étant gamine, je n'allais pas au cinéma, nous n'avions tout simplement pas le temps, et Artur préférait lire ou apprendre les constellations, tandis que pour me forcer à tenir en place, il fallait me mettre un violon dans les mains et une partition sous les yeux. Mais je n'eus même pas le loisir de rebondir sur la question car déjà, Aaron relançait, s'animant soudain bien plus tout en me posant des questions qui avaient un sens incertain à mes yeux. J'étais habituée à entre Marius me parler de tactiques de hand, enchaîner sur le temps qu'il faisait, le lancer au détour d'une phrase qu'il avait trois copines en même temps et revenir sur la météo, mais je devais avouer que ce n'était pas une chose que j'aurais imaginé chez Aaron. Pouffant de rire, je le regardais se débattre avec des questions qu'il peinait à poser, pour en revenir finalement au compositeur avec lequel je travaillais.

« Oula... Je vais reprendre au début, d'accord ? Ca fait un peu trop de questions à la fois, j'ai un petite cerveau qui ne traite qu'une info à la fois ! Alors... Heu... Les langues, oui. Mon père est finnois et ma mère est... Etait irlandaise. D'où l'accent à couper au couteau, on me le dit souvent, mais ils ont toujours mis un point d'honneur à ce que moi et frère sachions parler les mêmes langues qu'eux. J'ai appris le gaélique en musique, l'anglais à l'école et le finnois parce que mon paternel est têtu : quand il voulait me dire un secret, il jouait sur ma curiosité en me forçant à faire des efforts en finnois pour le comprendre. Et je mordais à l'hameçon à chaque fois ! Enfin... Je n'ai pas beaucoup de mérite, si tu entendais Artur passer du mandarin au français en passant par l'allemand, c'est assez remarquable ! »

Tiens, tiens... Toi aussi tu te planques derrière les autres, Moira... Sirotant mon thé, je marquais une pause avant de reprendre.

« Pour être honnête, je n'ai pas une immense culture cinématographique, à mon grand regret, mais j'ai tendance à bouder les doublages. Peut-être est-ce parce que je suis musicienne, mais je suis très sensible aux voix, accents et à la synchronisation, si bien que le moindre film un peu raté dans le doublage n'arrive pas à me captiver. Aussi... J'aurais tendance à te suivre, dans le sens où je trouve que regarder une version doublée gâche un peu l'expérience, mais... Avec des enfants, il vaut peut-être mieux leur mettre de l'anglais. Je ne suis pas certaine que tu aies beaucoup de petits qui parlent coréen... »

J'esquissais un sourire malicieux, tout en ayant un peu l'impression de monopoliser le dialogue, de trop parler... Comme d'habitude, quoi. Pourtant, une idée germa dans mon esprit.

« Oh mais je viens d'avoir une idée ! Tu dis que tu ne prends plus le temps de regarder de film, et je déplore ma piètre culture cinématographique... Il y a peut-être moyen de remédier à cela, tu ne crois pas ? Si tu ramènes une jolie collection de films, je m'engage à fournir les macarons, le pop corn, et à mettre mon coloc dehors, sinon il va sauter partout et te foutre la trouille. »

Ce n'est qu'après avoir dit cela que je me rendais compte qu'une soirée film, rien que nous deux dans un appartement d'où j'aurais viré Marius... C'était facilement dix fois plus tendancieux qu'une simple glace partagée entre amis. Me sentant brutalement rougir au point que mon fond de teint ne devait plus pouvoir rien faire pour moi, je reportais mon attention sur une boule de glace à la mangue, qui semblait avoir été abandonnée sur le côté.

« Enfin... Heu... Si l'idée te tente, hin ! Tu trouves peut-être ça un peu bizarre, comme invitation... », dis-je avant de soupirer en reposant ma cuillère. « Désolée... Il faut vraiment que j'apprenne à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler... »

Avant de dire des conneries, oui ! Moira, l'art et la manière de casser une ambiance.
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeLun 31 Oct 2016 - 17:46

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« Ne te blâme pas, Aaron, tu ne peux pas tout faire ni tout savoir, même au sein de l'orphelinat. Tu fais déjà beaucoup pour les enfants, et je suis certaine qu'ils ne veulent pas venir t'ennuyer avec leurs tracas, c'est sûrement pour ça qu'Amance s'est confiée à moi... Tu n'as pas à t'en vouloir de ne pouvoir te diviser. Ce serait très inquiétant de voir quatre ou cinq toi... Ou pire ! Un genre d'hydre à six têtes pour pouvoir tout gérer ! » La moue d’Aaron est particulièrement éloquente : s’il consent à sourire sous l’image homérique d’une hydre Trager à six têtes, ce n’est que pour faire plaisir à Moira. Oh, la comparaison prête au rire, les conseils de Moira sont fort justes et le directeur ne peut qu’en avoir conscience mais… mais il doit bien admettre que comme Maxim des années plus tôt, Amance a ce petit quelque chose qui la démarque des autres, indéniablement. S’il devait être honnête, Aaron comprendrait sans problème que ce petit quelque chose prend la forme d’un pont entre lui et Moira mais… mais Aaron préfère se concentrer sur son inquiétude pour la petite orpheline. Et ne pas se laisser distraire par la main que la violoniste a posé sur ses doigts. Main qu’elle ne tarde pas à retirer laissant les joues d’Aaron rougir et son regard se reposer sur la carte du bar. Bien. Bien ? Les yeux rivés sur de mots qu’il ne lit pas, Aaron se surprend à regarder avec une discrétion somme toute bien relative en direction de Moira, par de petits coups d'œil qui laissent paraître aussi bien sa gêne que… que quoi ? Commander ? Moira semble avoir déjà choisi, Aaron se rabat en désespoir de cause sur ce qu'il connaît. Tout en s’efforçant de se détendre.

Un café noir, serré, sans sucre… un peu plus et Aaron le réclamerait sans tasse ni cuillère. Pourtant ce n’est pas qu’il boude le sucre ou les compléments, lorsqu’on regarde sa consommation grandissante d’alcool on oublie jusqu’à l'existence du terme ascète, c’est simplement que… et bien… la remarque, moqueuse voire taquine de Moira le prend au dépourvu, ses efforts pour se détendre payent aussitôt. A son grand soulagement. Et là récompense pour son trait d'humour ne se fait pas attendre : Moira éclate de rire, des trilles s'envolent et violons et altos s'en donnent à coeur joie dans un ensemble qui ne peut que faire naître un sourire malicieux chez Aaron. « J'espère que tu as élaboré des ruses de sioux, il ne manquerait plus que Sofiane dise à tous tes pensionnaires que tu mets du sucre dans ton café... Ça briserait un mythe ! Il va bien, d'ailleurs ? » Dans un regard complice, bien plus à son aise qu’auparavant, Aaron sentant le drame de la chemise s'éloigner, il ne se fait pas prier pour parler de quelqu'un d'autre que lui. “Oh, Sofiane ne serait bien capable de trahir de la sorte mon secret oui… juste pour me faire chanter et m'obliger à boire du thé… quelle horreur…” Un peu plus et c'est qu'il aurait un regard d'éminent conspirateur, le bougre ! “Il va très bien. Il n'était pas là cette semaine, visite diplomatique chez ses parents, mais tu le verras à nouveau courir de partout mercredi.” Aaron n'est en rien étonné que Moira prenne des nouvelles de son bras droit, après tout, comme le directeur est bien souvent accaparé par la paperasse, Sofiane se retrouve à être omniprésent dans le social, mais il ne peut s'empêcher d'être légèrement jaloux de l'intérêt de Moira pour l'autre éducateur. Il sait que c'est logique, que c'est normal, qu'il est stupide de s'en voir vexé mais… Sofiane aurait pensé à mettre autre chose qu'un tee-shirt et un jean, Sofiane aurait sur faire la conversation. Sans compter qu'au moins, l'humour de Sofiane a reçu il y a des années l'accréditation de Céleste. Contrairement à celui de son père, qui suscite encore davantage de scepticisme de la part du jury.

Un soupir, le voilà qui saisit comme il se doit l’arrivée du serveur comme distraction et ne se lasse pas de se faire la remarque que Moira est nettement plus elle-même lorsqu’elle sourit et que la bonne humeur l’emporte sur le reste… il la laisse parler, cherche à raffermir sa mélodie légère en glissant une nouvelle taquinerie. Deux cuillères, s’il se doute de l’objectif de la rousse, il préfère chercher la petite bête. Et apprécier son rire, encore une fois. « Gnagnagna... On ne sait jamais, d'ici qu'une personne mal intentionnée veuille me piquer mon dessert... » Le voilà qui répond à son clin d’oeil de la même manière, alors même que le serveur s’éloigne. « Une telle personne serait un rustre à n’en pas douter… » glisse-t-il dans un sourire complice.

La discussion se poursuit, centrée autour de Moira, de loin la personne la plus intéressante à cette table. Fin de semaine chargée, compositeur finnois. S’il ne comprend pas nécessairement tout, ses bases en musique se limitant à sa mutation - ce qui relève davantage de l’instinct - et à ses quelques cours en école de musique pour apprendre à faire sonner quelques accords sur sa guitare: Aaron a au moins l’humilité de savoir qu’il ne peut en aucun cas tout saisir. Mais il peut l’écouter, percevoir les idées à défaut des concepts, il peut aussi s’amuser à noter les petites rides qui naissent lorsqu’elle sourit, celles qui disparaissent, cet éclat dans ses yeux, et noter sans pouvoir s’en empêcher l’ombre d’une mélancolie qui s’attarde sur les pensées de la violoniste, hors de portée d’Aaron qui ne peut que l’atténuer. Pas la faire disparaître, non, il ne se le permettra jamais, mais au moins, là, juste un peu, ne pas lui laisser le droit de venir au premier plan, là, comme ça, juste pour alléger son esprit, lui offrir le droit de ne pas se faire happer par des pensées. Aaron agit aussi bien en expert qu’à l’instinct, dans un mélange des deux qui fait de lui un mutant accompli. Et un mutant qui manquerait presque les questions de Moira.

Une cuillère en main, puisqu’il y est contraint par la force des choses, Aaron tente de parler de lui, comme il peut. Ce n’est malheureusement pas un exercice qui lui est familier, loin de là. Parler de ses collaborateurs, il sait faire. Parler des couples qui souhaitent adopter, des enfants qu’il héberge, de sa fille, de Moira - même, il sait faire. Mais de lui… Il n’est pas très captivant, c’est le moins qu’on puisse dire.

« Je ne suis pas plus captivante que toi, Aaron. Nous le sommes tous, à notre manière, et ce que tu me racontes m'en dit bien plus sur toi que tu ne le penses ! Peut-être que je me trompe, mais... J'ai déjà remarqué ça plusieurs fois, quand nous discutons, j'ai souvent l'impression que tu vis à travers les choses... Comme si tu avais... Peur... Mais je dis peut-être des bêtises, hin ! » Le voilà qui fronce les sourcils, sans trop savoir comment… considérer… ça. Ca ? La sollicitude, l’inquiétude, l’analyse, ce que vient de lui faire Moira. Peur ? Non, bien évidemment, il n’a pas peur, ou du moins… non, il n’a peur de rien en l’occurrence. Il est juste… « Je vois ce que tu veux dire, mais je crains qu’il y ait plus une… hum… une absence de vie sociale qu’une réelle peur de quoique ce soit qui soit en cause ici. » Ce n’est en rien une réponse, bien sûr. Ni une justification, encore moins une excuse. A dire vrai, il n’a aucune excuse, le directeur, parce qu’il sait très bien que moins Celeste a eu besoin de lui, plus Chiara lui a manqué et plus il s’est investi dans son travail jusqu’à faire disparaître les limites qui s’imposaient entre travail et vie privée. L’orphelinat est devenu sa vie à part entière, sa vie n’a plus tourné qu’entre Celeste et l’orphelinat, il s’est refermé sur lui-même, sur leur fille et sur Maxim après le deuil et n’a jamais pris le temps de sortir de son cocon depuis. Et s’il s’en est rendu compte à de nombreuses reprises, voilà bien la première fois que ce constat s’impose, persiste et le dérange, alors qu’il fait définitivement un sort au sorbet à la pomme qui a disparu sous ses attaques inconscientes. « Mais donc, tu es guitariste ! Ou tu le fus ! Tu n'as jamais songé à sortir ta guitare pour les enfants ? Nous pourrions faire un chouette duo ! » Il se fend d’un sourire, concède même un éclat de rire. « Oh, non ! Je ne veux surtout pas faire saigner tes oreilles ! Je ne sais même pas si je saurais encore jouer une gamme sans erreurs » Il exagère un peu, certes, mais… il a été le témoin aux premières loges de la virtuosité de Moira en musique et sait de source sûre qu’il sera loin de faire le poids. Même si l’idée de ressortir sa guitare serait capable de le tenter. Un peu.

Il pose sa cuillère pour mieux se reporter sur son café, lorsque de la guitare il enchaîne sur le cinéma, dans une question à laquelle il pense sans réellement chercher à comprendre comment il en est venu à la formuler. Le chaos, chez Aaron, n’est pas simplement dans ses affaires, mais aussi dans ses pensées. Ses mots se transforment en interrogation, ses idées passent d’un sujet à un autre en peinant à former des phrases cohérents et surtout corrélées, lorsqu’il arrive à se taire, Aaron, il se demande si ses propos ont eu le moindre sens ou la moindre pertinence. Et Moira qui pouffe de rire ne l’aide en rien, avouons le tout de suite. « Oula... Je vais reprendre au début, d'accord ? Ca fait un peu trop de questions à la fois, j'ai un petite cerveau qui ne traite qu'une info à la fois ! » Il est tout particulièrement gêné, le Aaron. Particulièrement confus, aussi. Et le voilà qui rougit en se concentrant sur son café pour mieux masquer son malaise et en avaler une gorgée. « Désolé, j’ai tendance… à... » Trop parler ? Peut être pas. Digresser ? Oui, plutôt. « Me perdre dans mes pensées. » Il lui offre un sourire contrit. « Alors... Heu... Les langues, oui. Mon père est finnois et ma mère est... Etait irlandaise. D'où l'accent à couper au couteau, on me le dit souvent, mais ils ont toujours mis un point d'honneur à ce que moi et frère sachions parler les mêmes langues qu'eux. J'ai appris le gaélique en musique, l'anglais à l'école et le finnois parce que mon paternel est têtu : quand il voulait me dire un secret, il jouait sur ma curiosité en me forçant à faire des efforts en finnois pour le comprendre. Et je mordais à l'hameçon à chaque fois ! Enfin... Je n'ai pas beaucoup de mérite, si tu entendais Artur passer du mandarin au français en passant par l'allemand, c'est assez remarquable ! » Ah ça… il l’imagine bien, la Moira, vexée de ne pas comprendre, petite fille rousse aux sourcils froncés de frustration, aux lèvres pincées. Il en a même un petit rire. Artur quant à lui, Aaron le connaît bien peu. Il sait que le petit frère a toute l’affection de sa grande soeur, il sait que l’entente n’est pas au beau fixe entre les deux Kovalainen et il sait que c’est un jeune homme plus que brillant, mais avec certainement de gros problèmes de sociabilité, même si pour ce dernier point, ce n’est que son instinct qui parle. « Ton accent fait une partie de ton charme, ne t’en fais pas. Si tu m’entendais parler italien, crois-moi… on ne peut même pas parler d’accent américain à couper au couteau, il faut inventer une nouvelle expression… Tes parents ont vraiment bien fait ! Après une étrangère à l’âge adulte, mamma mia, c’est loin d’être évident… » A nouveau, il lui fait un sourire complice. Parler à une amie, parce que c’est une amie assurément, une véritable amie, voilà qui est bien agréable. Et qui lui avait manqué, même s’il a de nombreuses discussions similaires avec Sofiane et les autres éducateurs. En sachant que les autres éducateurs ne parviennent en général pas à voir en lui quelqu’un d’autre que le directeur. Forcément. Et il ne peut même pas leur en vouloir. Tout comme il n’a pas à penser à ça alors qu’il est en si plaisante compagnie. Il est attentif, le Aaron, lorsqu’elle continue sur sa lancée et ses réponses.

« Pour être honnête, je n'ai pas une immense culture cinématographique, à mon grand regret, mais j'ai tendance à bouder les doublages. Peut-être est-ce parce que je suis musicienne, mais je suis très sensible aux voix, accents et à la synchronisation, si bien que le moindre film un peu raté dans le doublage n'arrive pas à me captiver. Aussi... J'aurais tendance à te suivre, dans le sens où je trouve que regarder une version doublée gâche un peu l'expérience, mais... Avec des enfants, il vaut peut-être mieux leur mettre de l'anglais. Je ne suis pas certaine que tu aies beaucoup de petits qui parlent coréen... » Il lève les yeux au ciel, amplifiant une fausse exaspération. « Ma parole ! On croirait entendre Sofiane ! Justement, je pense qu’il faut aussi éduquer l’oreille des touts-petits… et pousser les plus grands, soit à chercher à comprendre, soit à lire les sous-titres ! Je veux dire… comment est-ce que tu veux vraiment savourer Albator si tu te passes du japonais ? » Et qu’elle ne s’hasarde pas à le contredire: il est présentement en train de la menacer d’une cuillère ! Peut-être Aaron a-t-il sous-estimé sa contamination, peut-être Aaron a-t-il sous-estimé sa cinéphilie. Sûrement. Parce que les films en version originale, tout comme les remakes et les films les plus anciens, ce sont des sujets extrêmement sensibles chez lui. Et ne lui parlez pas des adaptations, surtout pas. Il risquerait de se perdre dans un discours frôlant la conférence voire le manifeste sans savoir s’arrêter. Dans tous les cas, il secoue la tête, comme désespéré par la prolifération des doublages. « Je pense que c’est une question de principe. Je ne sais pas, j’ai toujours fortement conseillé à Celeste de voir les films en VO, ce serait malheureux que je n’applique pas la même politique avec tous mes petits bouts à l’orphelinat, non ? » Il a un sourire malicieux, avant de rajouter un très sincère, ou presque: « Ce serait de l’injustice, voilà tout. » Et d’après Sofiane, c’est Celeste qui souffrirait d’injustice, dans le cas présent.

« Oh mais je viens d'avoir une idée ! Tu dis que tu ne prends plus le temps de regarder de film, et je déplore ma piètre culture cinématographique... Il y a peut-être moyen de remédier à cela, tu ne crois pas ? Si tu ramènes une jolie collection de films, je m'engage à fournir les macarons, le pop corn, et à mettre mon coloc dehors, sinon il va sauter partout et te foutre la trouille. » Là… il reste sans voix. Songeur ? Non, juste… totalement pris au dépourvu. Il ne rougit pas, non, mais… vraiment ? Même pas un peu ? Absolument pas, pas la moindre rougeur sur ses joues, pas la moindre gêne, juste de la surprise. A dire vrai, déjà qu’il avait commencé à réellement se décontracter un peu plus tôt, parler de cinéma a achevé le travail et Aaron a complètement oublié chemise, retard et tutti quanti pour être lui-même. Ce qui n’est pas plus mal. Donc non, pas gêné. Mais surpris. Par la proposition. Et l’envie de dire oui, alors qu’une petite voix, certainement celle de la raison, lui chuchote qu’il a des dossiers à finir, des enfants à border, des donateurs et mécènes à rencontrer, des subventions à demander, des rendez-vous et promesses à honorer, qu’il doit aussi… « Enfin... Heu... Si l'idée te tente, hin ! Tu trouves peut-être ça un peu bizarre, comme invitation... Désolée... Il faut vraiment que j'apprenne à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler... »

« Non, non ! Enfin si, ça me tente mais, non, je veux dire... » Ce n’est pas vraiment clair, ce qu’il veut dire. Aaron soupire. « Pas la peine de mettre ton colocataire à la porte, j’ai une autre idée. On a une télé de… plutôt bonne qualité à la maison, on peut éventuellement se faire une soirée DVD chez moi, comme ça tu auras notre médiathèque et l’embarras du choix. » Il a un petit sourire, lorsqu’il se demande qui, entre Celeste et le colocataire de Moira, a le plus fort potentiel pour faire fuir les invités. Les deux doivent certainement se concurrencer, même si Celeste ne peut que bien s’entendre avec Moira aux yeux du directeur. Après tout… la rousse est d’une gentillesse et d’une prévenance rare, elle pétille de vie, elle a un humour à la hauteur de celui de Sofiane… non, vraiment, il n’y aurait aucune raison pour que leur rencontre, surtout qu’elles doivent déjà s’être croisées, se passe mal. « Sinon, il y a toujours une soirée cinéma de possible, en terrain neutre… le seul problème c’est qu’en général, c’est le soir que je rencontre le plus de mécènes ou d’élus pour l’orphelinat… hum… » Son portable est dans sa main, il voulait regarder son agenda, précieux agenda, indispensable agenda, mais son regard vient d’accrocher un SMS de Sofiane. Qui lui souhaite bon courage pour le rencard.

Rencard ? Il aurait dû mettre une chemise.

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeMar 8 Nov 2016 - 21:54

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Moira & Aaron



J'étais peinée de voir Aaron se sentir coupable de ne pouvoir être présent pour chacun à tout instant, ni d'être en mesure de tout voir et tout entendre. C'était un homme qui avait le cœur sur la main, peut-être un peu trop d'ailleurs, puisque ça empiétait sur sa vie de famille et personnelle. Et je me sentis rosir en retirant cette main que j'avais posée sur la sienne par réflexe, dans un geste amical et compatissant qui n'avait rien de sous entendu alors... Pourquoi diable me sentais-je gênée ? Je voulais simplement effacer un peu de cette culpabilité qui plissait son visage en une expression soucieuse, et chasser ce qui semblait le contrarier. D'un autre côté, c'était un peu égoïste, mais parce que je me sentais bien en sa présence, je voulais l'avoir pour moi encore un peu, ne pas lui dire que s'il voulait rentrer discuter de cette histoire avec Amance, ça ne me dérangeait pas. Et puis c'était un peu pour lui, non ? Et merde, voilà que je recommençais à me poser des questions existentielles.

Délaissant les sujets délicats, je préférais le taquiner face à l'austérité de son choix de boisson. Café noir, serré, sans sucre... Et pourtant pas les grains non moulus et sans eau, tant qu'on y est ? J'éclatais de rire, une lueur moqueuse dans le regard.

« Maintenant que je suis au courant, je vais pouvoir vous faire chanter tous les deux pour toucher le butin ! Et attention, je me fais rétribuer en guimauves et chouquettes, hin ! »

Quant à Sofiane, je ne remarquais pas la pointe de jalousie qui vint ternir le sourire d'Aaron. Dans mon esprit, il était clair que je demandais des nouvelles d'un ami, d'une personne que j'appréciais, pas que je cherchais à tâter le terrain pour tenter ma chance. A vrai dire, je manquais beaucoup trop de subtilité pour m'y prendre comme ça ! Il n'y avait qu'à voir comment j'avais séduis Seth la première fois : une bousculade et une main aux fesses ! J'aurais peut-être dû apprendre la finesse et le doigté, mais ce n'était certainement pas au contact de Marius Caesar le buffle/rhinocéros/pachyderme/mammouth de la subtilité que j'allais m'améliorer. J'aurais bien ajouté hippopotame, m'enfin ç'aurait été lui faire l'affront de prononcer deux des syllabes tabous à la suite de son prénom. Non vraiment... Si Aaron se sentait vexé par ma question, j'étais loin de le voir, mais s'il m'en avait fait part, je me serais empressée de le contredire du début à la fin, et il aurait été obligé de me croire puisque j'étais incapable de mentir. Non je ne lui tiendrais pas rigueur de sa tenue, non sa conversation ne m'ennuyait pas, et il n'avait pas besoin de faire le pitre pour m'amuser. Il était lui-même, Aaron sans fioritures, sans un costume de pingouin et un bouquet de roses qui m'aurait gênée plus qu'autre chose, il était venu sans se poser de questions, sans se moquer la tête comme je l'avais fais... J'avais l'impression d'être une piètre comédienne dans un rôle qui ne m'allait pas, avec ma petite robe noire et mes boucles d'oreilles clinquantes. A aucun moment je n'aurais voulu qu'Aaron change quoi que ce soit, car je passais un excellent moment en sa compagnie. Allez savoir pourquoi, les banalités que nous échangions changeaient de ce quotidien fait de mutants, de chasseurs, de traque, de peur et de sérieux.

« Aoutch... Dure, la visite diplomatique, c'est toujours difficile de devoir affronter le regard plein de jugement du paternel et les petits surnoms affectueux de la madre... »

Je disais ça, mais à trente ans j'aurais bien aimé que ma mère m'appelle encore Choupette, si elle avait été là. Chassant cette pensée de mon esprit, je m'attaquais à une délicieuse boule de glace à la mûre, tout en racontant ma palpitante histoire de compositeur un peu fou à Aaron. Et encore, je lui épargnais les détails les plus bizarres de l'histoire, pour ne pas le faire fuir. Et je bavassais, emportée par mon exposé, un peu passionnée comme on me le disait souvent, et je m'imposais un « boucle-la Moira » avant qu'Aaron n'ait à le faire. Lui en revanche... Il semblait avoir du mal à parler de lui-même, à être le centre d'attention, à être celui qui captivait. Pour certains, être l'étoile autour de laquelle quelques petits astres perdus gravitaient était nécessaire pour l'équilibre. Pour d'autres, ça semblait plus facile d'écouter et de conseiller. Visiblement, Aaron faisait partie de la seconde catégorie. Une absence de vie sociale, disait-il ? Et alors ? En quoi cela faisait-il de lui quelqu'un d'ennuyeux ?

« Tu sais... Ce n'est pas parce que tu ne vas pas danser la salsa en tutu rose tous les vendredis soir que ça fait de toi quelqu'un d'ennuyeux, hin ! On a tous nos histoires à raconter, laisse-toi juste le temps de vivre et de souffler ! »

L'enfermement, n'avoir d'yeux que pour son travail, je connaissais ça. Après la disparition de William, j'avais mis un terme à ces nombreuses soirées que j'aimais faire, j'avais tourné le dos à la plupart de mes amis, et on ne m'avait plus vue sortir que pour les répétitions ou les concerts. J'avais travaillé jusqu'à l'épuisement, jusqu'à ce que les cordes de mon violon ne m'entaillent les doigts. J'avais indéniablement gagné en technique et énormément perdu dans l'interprétation. Il avait fallu que je me prenne une grande claque de la part de mon agent et que je quitte mon appartement de Chicago pour commencer à évoluer, mais le chemin à parcourir était encore long et hanté par le fantôme de mon fiancé. Je ne souhaitais à personne de se renfermer ainsi, et si proposer à Aaron de former un duo de bras cassés pour égayer un peu les soirées des enfants pouvait le tenter, j'en serais ravie !

« Tatata ! Les gammes c'est comme le vélo ou savoir choisir sa caisse au supermarché : ça ne s'oublie pas et c'est une question de méthode ! Une violoniste de ma renommée est en droit d'exiger les meilleurs accompagnateurs ! »

J'étais certaine qu'il en rajoutait et qu'il jouait bien mieux qu'il le disait. Ça me rappelait un peu Aspen, qui avait affirmé ne pas être capable de jouer avec moi alors que nous avions fait un malheur, la dernière fois ! Finalement, Aaron semblait soudain plus à l'aise, à tel point qu'il me posa plusieurs questions à la suite sans attendre que j'y réponde. Ça pour le coup, c'était un peu inattendu... Je voyais Aaron comme quelqu'un de calme, de stable, de patient... Pas une espèce de feu follet incontrôlable dont les idées auraient eu autant de sens que la théorie des cordes ou je ne sais quel baratin scientifique. J'étais d'ailleurs tellement lancée sur le sujet des langues que la remarque d'Aaron me pris au dépourvu, me faisant rougir de plus belle. On se calme, Moira, t'as plus quinze ans, et en plus il dit sûrement ça pour se payer ta tête parce que ton accent est ridicule et... Zen. Gênée, je reportais mon attention sur un smarties qui tentait de se faire la malle et bafouillais.

« T'es bien le premier à me dire ça, en général les gens se payent ma tête à cause de mon accent ! Et puis je serai curieuse de t'entendre parler italien, je suis sûre que tu fais tomber toutes les nanas avec ça ! »

Oui oui, italien, charmeur, pizza, mozzarella, foutez-moi la paix avec mes clichés, je fais c'que j'veux ! Et puis voilà que nous repartions à parler de langues, de bien fondé ou non de la version originale sur les traductions, de l'éducation de l'oreille des plus jeunes... Je me surpris à sourire, attendrie par la façon dont Aaron s'enflammait soudain. Là il était dans son élément, là il savait quoi dire. Je restais un moment silencieuse, touchée par cette motivation qu'il mettait à élever l'intellect de ses petits protégés. Il y tenait, c'était évident, et je devais avoir l'air sacrément con à le regarder en souriant comme une idiote.

« Tu vois que tu n'as rien d'ennuyeux... Je trouve ça fascinant, cette énergie que tu déploies pour les enfants, tu es fidèle à tes convictions et quelque part... Peut-être qu'Albator va faire naître une vocation d'interprète chez les enfants ? »

Et par la suite, j'aurais dû me taire. Je n'aurais pas dû la proposer, cette soirée cinéma, pas dû lui suggérer que ça pouvait être une bonne idée, de simplement nous retrouver entre amis pour visionner deux ou trois films. Je n'aurais pas dû, parce qu'à peine prononcée, je me rendais compte que ma proposition pouvait être très mal interprétée. Propose-lui l'alliance et la pièce montée, tant que t'y es, Moira ! Quelle idée j'avais eu... Et pourquoi me sentais-je aussi déçue en entendant ce « non » répété ? Pourquoi me sentais-je trahie, peinée, blessée ? Bon sang pourquoi est-ce que j'avais l'impression qu'au fond de moi, j'attendais quelque chose ? Ça n'avait aucun sens !


« Oh heu... Non non, je comprends, je... Désolée, j'aurais vraiment pas du proposer ça... »

Mais déjà, il me proposais l'inverse, à savoir que je vienne profiter de sa vidéothèque chez lui. A nouveau, le rouge me monta aux joues et je peinais à contrôler ce sourire de niaise finie qui remplaça la moue déçue que j'avais auparavant. Que je me sentais bête, mais que je me sentais bête !

« Mais ça... Heu... Ça ne risque pas de déranger ta fille ? Et tu es sûr ? Enfin c'est chez toi, j'imagine que tu es sûr, mais... »

Mais quoi ? Je n'en savais foutre rien. Comme si cette simple invitation signifiait... Plus que ce que j'imaginais. J'avais envie d'accepter, tout en ayant peur, pour une raison qui m'échappait encore pour le moment. J'esquissais un léger sourire en voyant resurgir Aaron le sérieux, Aaron le directeur, Aaron le maître des responsabilités.

« Ne t'en fais pas, ne t'angoisse pas pour une séance de cinéma qui risquerait de mettre à mal ton emploi du temps déjà bien chargé. Ta première proposition me semble plus... Simple à mettre en place, tu n'auras qu'à me dire quand tu es disponible, et si tu es disposé à me supporter toute la soirée ! Tu as toute une éducation cinématographique à refaire, je te préviens ! »

Theo n'allait pas manquer de commenter tout ça quand elle me demanderait tous les détails de la soirée. Je l'entendais déjà tout analyser, me prouver par A+B que j'étais aveugle, ou que sais-je encore... Et puis je surpris le froncement de sourcils d'Aaron lorsqu'il jeta un œil à son téléphone.

« Il y a un problème ? »

J'espérais bien que non... Malgré le malaise, je n'avais pas hâte de rentrer chez moi et encore moins de finir cette coupe glacée toute seule.

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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeDim 27 Nov 2016 - 15:58

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Il en a un certain nombre, de défauts, l'Aaron, mais s'il y en a bien un qui prédomine, aux côtés de sa lâcheté qu'il ne parvient pas à combattre, c'est cette incapacité désespérante qu'il a de se désinvestir d'une tâche. Lorsqu'il se sent responsable d'une chose, d'une personne, d'un instituation, Aaron s'y donne à fond. Bien trop, même, puisqu'il s'y perd, puisqu'il ne parvient plus à mettre de limites, à poser une distance. S'il a appris au fil des années à déléguer, à faire confiance, à répartir les tâches entre lui et d'autres personnes ayant la même formation d'éducateur que celle qu'il a faite, il n'a toujours pas appris à se détacher pleinement de son travail lorsqu'il sort de l'orphelinat, lorsqu'il prend un peu de temps pour lui. Il suffit qu'on lui parle d'un de ses pensionnaires pour qu'il s'inquiète, le directeur de l'orphelinat. Qu'il s'inquiète d'avoir laissé passer quelque chose, d'avoir manqué quelque chose, d'avoir fait une erreur. Et le contact de la main de Moira sur la sienne ne parvient qu'à lui rappeler qu'il faudra sûrement qu'un jour, il accepte de n'être qu'un humain et qu'un jour, il sera impératif qu'il comprenne que l'échec est inévitable. Elle retire sa main dans un rougissement, Aaron se surprend à le regretter. Et plonge à son tour la tête dans le menu.

Une glace, un café, un peu d'humour, il n'y a rien de tel pour changer et surtout alléger la discussion. Même s'il aura fallu pour ça qu'Aaron mette entre les mains de Moira une arme de chantage pour le moins redoutable. Qui sait, si un des orphelins en venait à savoir que leur si austère directeur rajoute parfois un peu de lait dans son café, ce sera un mythe qui s'effondrera, des années de cachotteries volatilisées... « Arf », il lui fait un petit sourire, « J'imagine que la protection d'un tel secret vaudra bien le sacrifice de quelques chouquettes et autres guimauves,... » Il n'en faut pas bien plus pour qu'aussitôt, Aaron songe à proposer à son fidèle bras droit d'offrir à Moira ce qu'elle désire mais juste pour la remercier pour les cours et les animations qu'elle donne à l'orphelinat sans accepter jusque là la moindre rétribution – et ce n'est pas faute d'avoir essayé à plusieurs reprises, pourtant. Il y  songe, Aaron, tout en sachant que s'il ne note pas de suite son idée, elle disparaîtra sans plus de cérémonie dans les méandres de ses pensées vagabondes et éparses, chaotiques. Tout comme cette pointe de jalousie venue le déranger sous l'intérêt porté par Moira à son meilleur ami.

« Aoutch... Dure, la visite diplomatique, c'est toujours difficile de devoir affronter le regard plein de jugement du paternel et les petits surnoms affectueux de la madre... » Il ne devrait pas, Aaron, il ne devrait vraiment pas se sentir vexé, il ne devrait pas non plus s'inquiéter de savoir si Moira aurait préféré être avec Sofiane, plus jeune, plus dynamique, plus souriant et plus bavard, plutôt qu'avec un directeur d'orphelinat à la quarantaine bien tassée, mais.. il ne peut pas s'en empêcher, il ne peut pas se retenir de se comparer avec son meilleur ami, c'est plus fort que lui. Ce qui l'empêche, aussi, de trouver quelque chose de pertinent à répondre à tout ça, quelque chose d'autre du « En effet... il nous racontera ça » qu'il aurait aimé pouvoir rendre un peu plus rieur.

Il leur racontera ça, et il leur racontera bien d'autres choses, aussi. Plus la conversation va, plus Aaron se rend compte qu'il ne peut vraiment pas rivaliser avec des personnes comme Moira et Sofiane. Elles ont des passions, des activités en dehors de leur travail, des anecdotes qui les caractérisent, des histoires à raconter, des facéties à faire, des projets, des idées, des envies... lui, il s'en aperçoit de plus en plus... au fil des années, sa vie ne s'est centrée que sur Celeste et l'orphelinat, sur Celeste, Maxim et l'orphelinat, sur bien des choses mais plus sur lui. Comme si, détaché de Chiara, il n'existait plus vraiment en tant qu'individu. Ce qui n'est pas tout à fait faux. Il ne s'estime pas très intéressant, Aaron, il se trouve même tout particulièrement ennuyeux, et il s'en excuse d'ailleurs auprès de Moira. Une absence de vie sociale flagrante, voilà tout le diagnostic qu'il peut poser pour expliquer le peu qu'il puisse dire sur lui. « Tu sais... Ce n'est pas parce que tu ne vas pas danser la salsa en tutu rose tous les vendredis soir que ça fait de toi quelqu'un d'ennuyeux, hin ! On a tous nos histoires à raconter, laisse-toi juste le temps de vivre et de souffler ! »

Moira a un don, c'est certain. Un don sans commune mesure avec la mutation du motiopathe, mais un don inégalable pour autant : elle parvient à le faire sourire sans qu'il ne s'en rende compte. Une image de lui-même en tutu rose est sans prix, il en vient à se demander où elle va chercher de telles idées. Sûrement dans le même centre que celui qui a conçu la glace qu'ils sont en train de déguster. Un lieu de créativité, propre aux artistes, un lieu qu'il a peut être côtoyé à une époque lorsqu'il pratiquait encore la guitare comme loisir pour endormir Celeste, lui chanter quelques comptines et en improviser d'autres, lorsqu'elle n'était qu'une enfant qu'il devait rassurer le soir puisque sa mère n'était plus là pour la prendre dans les bras ; mais un lieu qu'il a délaissé depuis longtemps. Tout comme sa guitare. Jouer un air avec Moira ? Très mauvaise idée, à n'en pas douter. « Tatata ! Les gammes c'est comme le vélo ou savoir choisir sa caisse au supermarché : ça ne s'oublie pas et c'est une question de méthode ! Une violoniste de ma renommée est en droit d'exiger les meilleurs accompagnateurs ! » Cette fois, c'est un franc petit rire qui lui échappe tout en secouant la tête. « Justement, justement Moira ! Les meilleurs accompagnateurs... je suis loin d'en faire partie. Mais j'admets que ça ne me déplairait éventuellement pas que tu me réapprennes à accorder mon instrument, je suis sûr que j'ai bien perdu en oreille... ». Il est sûr, aussi, que tous les prétextes sont étrangement valables s'il leur permet de passer quelques heures ensemble.

Plus les minutes passent, plus la discussion s'épanouit autour d'une véritable passion d'Aaron, plus il se détend et plus il se rend compte qu'il apprécie réellement la rousse. Elle a une vitalité sans équivalent, elle a un regard hypnotisant, une manière de sourire unique et une mélodie si particulière qu'il commence à se demander s'il ne la reconnaîtrait pas les yeux fermés. Elle a un thème musical fait pour le bonheur mais assourdit par une tristesse qu'Aaron ne peut qu'entendre, et que vouloir apaiser. S'il se retient de totalement l'étouffer, s'il ne peut pas s'empêcher de l'amoindrir pour faire rejaillir en Moira un peu de sa joie naturelle, il veut, et de ça il commence à en avoir conscience, qu'elle puisse un jour s'épanouir à nouveau. La conversation se poursuit, Aaron s'aperçoit un peu tard qu'il a dérapé dans un bavardage à la hauteur du chaos de ses pensées. Ses questions se sont juxtaposées sans qu'il n'y prenne garde, il a voltigé d'une idée à une autre à voix haute... Il s'excuse, Aaron, il s'excuse platement sans parvenir pour autant à se convaincre de changer de conversation. Parce que bon sang, il n'a jamais su parler qu'anglais – et un peu italien, il faut bien l'admettre, même s'il ne se proclamera jamais bilingue, ça non – et le cas de Moira le fascine. Tout comme l'approche qu'elle peut avoir des doublages,  du coup, d'autant plus qu'avec sa formation de musicienne, elle doit avoir l'oreille particulièrement sensible et que... il s'emballe, il s'emballe une nouvelle fois, Aaron, tant et si bien qu'il commence à s'oublier lorsqu'il parle. Ton accent fait une partie de ton charme, vient-il réellement de dire ça ? Il le pense, bien évidemment, mais il aurait peut être dû formuler ça autrement vu qu'elle vient de rougir. Il se retient de s'excuser. « T'es bien le premier à me dire ça, en général les gens se payent ma tête à cause de mon accent ! Et puis je serai curieuse de t'entendre parler italien, je suis sûre que tu fais tomber toutes les nanas avec ça ! »

C'est à son tour de rougir, à l'idée de faire tomber toutes les nanas. Chiara... c'est Chiara qui lui a appris ce qu'il sait en italien,Chiara et sa belle-famille. Autant dire qu'il n'a pas eu l'occasion de draguer sa femme avec son accent américain, ça non. « è stato che non ho spolverato il mio italiano ... ma dubito che si possa qualificare questo incantatore. » Il lui fait un petit sourire, devant le vocabulaire et la grammaire qui ont eu bien du  mal à lui revenir. Mais moins que ce qu'il ne pouvait le croire. Entendre Aaron parler italien, c'est se risquer à un accent américain discret pour un accent italien plus discret encore, comme si les deux hésitaient à s'exprimer. C'est aussi se heurter à d'effroyables confusions mais... Moira ne parle pas italien, n'est-ce pas ?

« Tu vois que tu n'as rien d'ennuyeux... Je trouve ça fascinant, cette énergie que tu déploies pour les enfants, tu es fidèle à tes convictions et quelque part... Peut-être qu'Albator va faire naître une vocation d'interprète chez les enfants ? » Un nouveau petit rire, Aaron se demande si ce ne serait pas Moira, la motiopathe des deux, pour réussir le miracle de le sortir autant de sa réserve. « Vocation d'interprète ? Je ne sais pas, mais si je peux les ouvrir à la diversité du monde par le biais de la diversité des langues, ce sera déjà un grand pas de fait. Lorsque les enfants vivent dès l'enfance des choses terribles, ils sont plus susceptibles de se renfermer sur eux même et... » Et il n'est pas obligé de continuer, Moira n'est certainement pas venue un samedi pour l'entendre discuter de perspective d'éducation et de la place de l'éducateur spécialisé dans un orphelinat, n'est-ce pas ?

Pourtant, elle semble vouloir récidiver. Se revoir, prendre le temps de regarder un film tous les deux, qu'il puisse lui faire partager sa passion du cinéma, et qu'elle le force à prendre du temps pour lui. Il ne s'y attendait pas, Aaron, et sa surprise s'exprime de la façon la plus lamentable possible, par un bégaiement peut compréhensible. Oui, non, peut être, il faut qu'il choisisse, le directeur, qu'il puisse espérer qu'elle comprenne. « Oh heu... Non non, je comprends, je... Désolée, j'aurais vraiment pas du proposer ça... » Ce n'est pas ce qu'il voulait dire, pourtant ! Qu'elle ne s'en fasse pas, Aaron se reprend déjà pour expliciter. Ce sera plus simple s'ils s'organisent une petite soirée chez lui, le pauvre colocataire de la violoniste n'aura ainsi pas à être mis dehors. « Mais ça... Heu... Ça ne risque pas de déranger ta fille ? Et tu es sûr ? Enfin c'est chez toi, j'imagine que tu es sûr, mais... »  Celeste ? Aaron veut balayer les craintes de Moira d'un mouvement de main, il ne parvient qu'à heurter son café et manquer, de justesse, d'en renverser partout. Bon sang, qu'il est maladroit, Aaron s'afflige. « Non, non, ne t'en fais pas, je suis chez moi, pas chez ma fille, et je lui permets suffisamment de ramener des amis, ce serait un comble que j'aie peur de la déranger tout de même, non ? » Un sacré comble, oui, d'autant plus que... et bien qu'Aaron n'est pas non plus du genre à inviter très fréquemment des amis à sa table ou sous son toit. Le seul à avoir cet honneur est Sofiane, et quelques membres d'Uprising, de  manière anecdotique.

Dans tous les cas, il est emballé, le directeur, à l'idée d'une telle soirée. Emballé, mais inquiet pour son emploi du temps. Savoir quand il aura une soirée de libre, quand il pourra prendre une soirée pour lui, surtout, est un défi digne des travaux d'Hercule. Prendre quelques heures pour aller au cinéma, ce n'est rien, mais c'est toute une aventure à ses yeux lorsqu'il s'agit de prendre du bon temps pour lui, et uniquement lui. « Ne t'en fais pas, ne t'angoisse pas pour une séance de cinéma qui risquerait de mettre à mal ton emploi du temps déjà bien chargé. Ta première proposition me semble plus... Simple à mettre en place, tu n'auras qu'à me dire quand tu es disponible, et si tu es disposé à me supporter toute la soirée ! Tu as toute une éducation cinématographique à refaire, je te préviens ! » Il acquiesce, il sourit, il s'apprête même à faire remarquer à Moira que c'est elle qui finira par crier grâce lorsqu'il se sera mis en tête de lui passer toute la filmographie de son réalisateur préféré quand son œil accroche un sms sur ton téléphone. Aussitôt, le directeur blêmit. « Il y a un problème ? » Bon courage pour ton rencard.

Est-ce un rencard, vraiment ? Aaron jette un coup d'oeil à Moira, à sa tenue plus qu'élégante, plus que ravissante, considère sa propre tenue digne d'un samedi mais indigne d'une sortie. Jette un œil aussi à la rousse devant lui, à la glace, au café... Il ne sait plus, d'un coup, ce qu'il se passe. Quatre ou cinq ans après le décès de Chiara, Aaron s'était posé la question du manque qu'allait ressentir Celeste sans figure maternelle pour l'épauler. Il s'était posé la question, aussi, du manque que lui allait ressentir. Mais pas à un seul instant, il n'est parvenu à réellement chercher à fréquenter d'autres personnes, d'autres femmes. Pas une seule fois, non plus, il ne s'est intéressé à nouveau à quelqu'un. Avant Moira. Il se surprend, dans un regard, à la trouver incroyablement gentille. C'est une belle femme, Moira, c'est un femme intelligente, aussi. C'est une femme exceptionnelle, enfin, il en a la certitude maintenant. C'est une femme blessée par la vie, blessée par la proximité de la mort, par la perte de son fiancé. C'est une amie, une connaissance, une complice, un appui fidèle, un allié de l'orphelinat. Mais un rencard ? Il est mal à l'aise, Aaron, parce que d'un coup, ce rendez-vous prend une toute autre tournure. Et qu'il ne sait pas quoi répondre. S'il y a un problème ? « Rien de grave, Sofiane qui m'envoie des bêtises, ne t'en fais pas. J'ai... qu'est ce que tu fais samedi prochain ? »

Est ce que ce serait véritablement un problème que ce simple café pris entre deux amis se transforme en rencard ? Aaron aimerait avoir des raisons de répondre oui, pour ne pas s'embarquer là dedans, pour ne pas aller au devant de problèmes. Mais il sait qu'il n'en a pas, parce que ce n'est pas un problème. Le seul problème qu'il y a, à présent, c'est qu'il ne sait plus quoi faire, le directeur, il ne sait plus quoi faire, le père, il ne sait plus quoi faire, l'homme.

« Est-ce que ça te tenterait d'aller prendre un peu l'air ? Marcher... il y a un parc, pas loin, qui peut être sympa ? » Marcher. Ce besoin d'aller respirer dans la nature, de marcher, de respirer, c'est un besoin d'Aaron a étouffé pendant des années et qui vient d'éclore dans sa poitrine, comme un besoin pressant, comme une nécessité trop longtemps ignorée. Mise en veilleuse par un deuil difficile, mise en veilleuse par d'autres priorités. Une nécessité qui n'est, d'ailleurs, peut être pas partagée par Moira. « Enfin, si tu veux, hein, peut être que... cette glace n'est pas finie. Mais... tu aimes quoi comme genre de films ? » Un jour, Aaron parviendra à discipliner ses pensées. Un jour, aussi, il cessera de rougir pour un rien, il réapprendra à vivre pour lui, à s'octroyer quelques plaisirs, à s'octroyer une vie sans se sentir coupable d'un peu d'égoïsme.

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeSam 10 Déc 2016 - 21:28

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Moira & Aaron



Trop occupée à profiter de ce moment passé en compagnie d'Aaron, je n'avais pas encore conscience de son influence bénéfique. Ce poids dans mon estomac qui me donnait toujours l'impression de m'enfoncer inexorablement dans le sol semblait s'être allégé, le sourire me venait naturellement, sans que j'ai besoin de me forcer, je réentendais mon rire pour la première fois depuis longtemps... Je vivais ce moment comme n'importe quelle personne ordinaire, non comme une mutante traquée et terrorisée à l'idée de mettre le nez dehors. Je n'avais pas le nez rivé sur mon téléphone pour surveiller l'heure, je ne jetais pas des regards affolés vers l'extérieur, je me sentais bien. Simplement bien. Et même si j'ignorais l'existence de la mutation d'Aaron, il était évident que celle-ci n'était qu'une infime partie de ce qui me faisait me sentir aussi bien avec lui. Pourtant, toutes ces choses, je les aurais vu si j'avais regardé la scène d'un point de vue extérieur. J'aurais vu les signes, interprété les regards, tout m'aurait semblé évident mais là... J'étais aveugle et sourde à tout. Tout ce que je savais, c'est qu'à cet instant, j'aurais préféré que le temps s'arrête plutôt qu'il continue à filer. Et alors qu'il tentait de me convaincre qu'il ferait un bien piètre accompagnateur, je levais les yeux au ciel en souriant.

« Tu sais, la dextérité, la virtuosité, c'est uniquement mécanique. Ce qui compte, c'est l'émotion qu'on y met, et je suis certain qu'une personne comme toi sait mettre ses tripes dans ce qu'il joue ! Marché conclu, je vais te réapprendre à accorder ta guitare et on pourra se mettre à... Je ne sais pas, disons la country ? C'est chouette, la country ! »

Clignant de l'oeil, je lui tendis la main pour sceller ce pacte entre musiciens. Main que je figeais lorsqu'il complimenta mon accent. Voilà que je me mettais à rougir, bêtement, connement, comme une jeune fille pure à qui on aurait fait son premier compliment. C'était bête, mais j'avais l'impression d'être aussi cruche que lorsque j'avais rencontré William, aussi pataude que lorsqu'il avait commencé à me parler davantage que pour me dire que j'avais l'archet vachement souple. Comme si ce compliment, au lieu de me couler dessus sans m'atteindre, me touchait en plein cœur. Tout doux, Momo. Je ne relevais les yeux que lorsqu'il commença à me parler en italien, haussant un sourcil avec un air amusé.

« Wouaw... Alors là, tu vois, t'aurais aussi bien pu m'insulter que j'aurais pris ça pour une déclaration d'amour ! » qu'est-ce que je raconte, là ? « Enfin... j'espère que tu ne m'as pas traitée de grosse vache ? »

Ce qui était certain, c'est qu'Aaron n'avait rien d'ennuyeux, bien au contraire. Il avait cette présence rafraîchissante et cette vivacité dans les idées qui me plaisait, cette sollicitude pour son prochain, cet amour pour les enfants... Il se dégageait de lui une chaleur qui me donnait envie de m'en approcher pour me réchauffer à mon tour. Nul besoin d'être devin pour comprendre que son activité de directeur d'un orphelinat, il ne la faisait pas pour le profit mais bien dans un but purement altruiste. Si le monde avait été peuplé de davantage de personnes comme Aaron, peut-être n'aurait-il pas été au bord de la rupture. S'il y avait plus d'Aaron Trager et moins de Kingsley Moren, on aurait pu faire confiance à son voisin, aimer, espérer, ou simplement respirer sans avoir à se demander si c'était bien ou mal. C'est d'ailleurs sûrement cette confiance que je ressentais en sa présence qui me poussa soudainement à lui proposer de me faire découvrir sa passion pour le cinéma avec une soirée films, chose que je regrettais immédiatement, tant j'avais l'impression de m'imposer. J'étais gênée, il était gêné, et je pense que n'importe qui se serait donné une grand claque sur le front, tant nous avions l'air bêtes et empotés, tous les deux. Finalement, lorsqu'il m'assura qu'il n'y aurait aucun problème, que ce soit pour lui ou Celeste, je sentis la pression retomber brutalement. Et c'est alors que je me rendis compte que j'aurais été réellement déçue et peinée qu'il refuse cette proposition faite sur un coup de tête, et à ce moment-là, je commençais à me poser des questions : depuis quand avais-je peur d'un refus ? Surtout pour une chose aussi banale qu'une soirée film ? Trop de questions, trop de « mais pourquoi je me triture les méninges pour ça ? », alors que j'aurais plutôt dû simplement lui dire que je ramènerai des cookies – pas en forme de lapin cette fois, je ne voulais pas finir fichée d'entrée de jeu – et cesser de me poser des questions.

Un rancard, voilà le mot qui semblait tracasser Aaron, et si j'en avais eu connaissance, j'aurais probablement réagi comme lui. Un rancard ça n'avait rien à voir avec un simple café bu entre amis, un rancard ça signifiait quelque chose, un rapprochement, une proximité, une intimité que l'on avait pas entre amis. Un rancard, c'était un engagement tout de même un peu plus important qu'une simple sortie. Des rancards j'en avais eu plus d'un, depuis la disparition de William, et à chaque fois, les choses avaient été claires dans mon esprit : me changer les idées, oublier le temps d'une soirée, d'une nuit, mais ne surtout pas m'engager sur quoi que ce soit de sentimental. Parce que je le savais, ou plutôt le croyais, en vie. Parce que j'avais encore un espoir. Mais maintenant que je le savais mort, les choses étaient différentes. Je commençais tout juste à faire mon deuil, à accepter sa mort, et peut-être que si l'on avait parlé de rancard, j'aurais vu Aaron autrement. J'aurais peut-être perçu en lui plus qu'un ami, plus qu'une connaissance, et peut-être aurais-je eu l'air moins bête et ingénue alors qu'il m'affirmais simplement que Sofiane lui envoyait des bêtises et... Ce que je faisais le samedi suivant ? J'allais lui répondre avec aplomb, le cœur battant que je ne faisais rien, mais immédiatement, mon visage s'assombrit.

« Oh... Je donne un concert à Chicago avec le philharmonique, samedi prochain... Le concerto de Tchaïkovski. Mais tu ne veux pas venir ? J'ai toujours des invitations, et ça me ferait vraiment plaisir que... Que tu viennes m'écouter. »

Il m'avait déjà entendu jouer pour les enfants, dans l'intimité d'une animation, sans la pression des critiques, sans le poids d'un orchestre sur mes épaules, et maintenant que j'y pensais, peu de mes amis m'avaient déjà vue sur scène. Marius, inutile de lui demander de rester assit pendant deux heures, c'était plus douloureux pour lui que le supplice de la dame de fer, Aspen, nous ne nous connaissions pas depuis suffisamment longtemps... Artur m'avait-il entendue jouer depuis dix ans ? Bonne question. Soudain, j'avais l'impression que l'atmosphère devenait pesante, à l'image de la gêne qui nous animait tous les deux. Lorsque Aaron me proposa d'aller marcher, je ne me fis pas prier et attrapais ma veste.

« Oh non non, prendre l'air me fera du bien aussi, nous sommes assit depuis presque une heure, alors... »

J'avais envie de sortir, quitter cette ambiance bizarre que je ne comprenais pas vraiment et, une fois l'addition réglée, je fermais mon manteau, remontais mon écharpe et humais l'air frais de ce début de soirée.

« J'ai toujours adoré les balades... Quand j'étais gamine, ma mère nous emmenait faire le tour de la forêt qui bordait notre maison, en Irlande. On s'y est perdus un paquet de fois ! »

Je m'en souvenais comme si c'était hier. Maman et moi qui riions, incapables de paniquer, persuadées qu'on finirait par retrouver notre chemin, et Artur, fébrile, ronchon, qui nous répétait que c'était idiot de partir sans un plan et une lampe torche, et qui finalement nous sauvait la mise en se repérant grâce à la lune ou aux étoiles. Je me souvenais aussi de papa, la mine aussi grave que celle de mon frère, qui nous faisait les mêmes reproches. Ça me manquait, cette image d'une famille ordinaire que nous avions à l'époque. Ma mère me manquait, mon père me manquait... Artur me manquait. Dans un placard de ma chambre, son cadeau d'anniversaire prenait la poussière, sans que j'ai le courage d'aller le voir pour le lui offrir et m'excuser par la même occasion.

Les mains enfoncées dans les poches, je suivis Aaron qui me guida vers le parc et me décidais enfin à reprendre la parole.

« Pour te répondre, je suis assez bon public, en matière de cinéma. Les comédie me font rire, les films d'horreur me font sursauter, les dessins animés me font pleurer... Je suis très sensible à tous les films qui parlent de musique d'une manière ou d'une autre. Je crois que j'ai rarement été autant scotchée que devant la leçon de piano ou le pianiste ! Bon j'y ai vidé plus d'une boîte de mouchoirs, je suis beaucoup trop émotive... »

Un frisson me parcouru l'échine tandis que le vent s’engouffrait sous ma robe et, par réflexe, je passais mon bras autour de celui d'Aaron pour me réchauffer. Tactile, trop tactile, un jour ça finirait pas me porter préjudice. Lancée comme je l'étais, je continuais.

« J'admire le travail de Méliès, aussi ! Tu sais, ce réalisateur français qui a fait des choses fabuleuses sans ordinateurs ni effets spéciaux numériques ! Je trouve ça remarquable ! Mais bon j'imagine que tu connais déjà tout ça... C'est quoi ton cinéma préféré ? »

Bizarrement, je voyais difficilement Aaron en amateur de films d'horreurs ou fantastiques, mais j'étais prête à être surprise !
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeMar 20 Déc 2016 - 0:11

I know that in me there still a place that fulfils me...
Moira & Aaron



Dépoussiérer sa guitare, se remettre à jouer, se remettre à chanter aussi accessoirement, se remettre à faire de la musique, c’est quelque chose qu’Aaron n’a pas envisagé depuis des mois. Des années ? Non, pas à ce point là… quoique… l’homme est bien en peine lorsqu’il s’agit de se souvenir de la dernière fois qu’il a accordé son instrument, l’homme est bien en peine lorsqu’il s’agit de resituer dans le temps la dernière fois qu’il l’a sortie de sa protection. Sa guitare folk est abandonnée, chez lui, dans un coin de son grenier, entreposée au milieu des affaires survivantes de Chiara et des vieux jouets de Celeste auquel elle était trop attachée pour en faire don à l’orphelinat. Tout comme la guitare. Les Trager n’entreposent pas, les Trager donnent ce dont ils n’ont plus usage mais qui est encore fonctionnel. Sauf le sentimental. Sauf la guitare d’Aaron. En jouer, c’est une idée qui sonne agréablement à l’oreille. En jouer avec Moira, avec une telle virtuose, qui a l’oreille absolue en plus, c’est tentant. Et intimidant. Malgré tout ce qu’elle peut lui affirmer. « Tu sais, la dextérité, la virtuosité, c'est uniquement mécanique. Ce qui compte, c'est l'émotion qu'on y met, et je suis certain qu'une personne comme toi sait mettre ses tripes dans ce qu'il joue ! Marché conclu, je vais te réapprendre à accorder ta guitare et on pourra se mettre à... Je ne sais pas, disons la country ? C'est chouette, la country ! » L’émotion… Oh, Aaron sait mettre de l’émotion, un peu trop peut être. Il n’a même pas besoin d’instruments pour toucher le cœur des gens, pour apaiser leurs peines ou les envenimer, il n’a pas besoin de la musique, le motiopathe partiel, il n’a besoin au final que… que ? De la country ? « Tu es fourbe, Moira. Comment as-tu deviné que c’était une guitare folk que j’avais ? » Il ne peut s’empêcher de sourire en rendant les armes et en prenant la main de Moira. Il ne peut s’empêcher de sourire, tout en complimentant son accent.

L’italien. C’est une langue qu’il apprécie, mais c’est aussi une langue qui lui broie le cœur. Il ne peut s’empêcher d’avoir les larmes aux yeux lorsqu’il regarde un film dans cette langue, il ne peut pas s’empêcher de sentir son cœur se serrer dans sa poitrine lorsqu’on évoque ce pays, et les origines doubles de sa petite princesse. L’italien. Depuis combien de temps ne l’a-t-il pas dépoussiéré sa maîtrise de cette langue ? Et pourquoi le fait-il maintenant ? Pour fanfaronner ? Il n’en sait rien, il ne saurait en rien expliquer chacune de ses actions et n’en a même pas du tout l’envie. Tout ce qu’il sait, c’est que son sourire s’affirme sous celui de Moira, s’amuse de ce qu’il dit, de cet accent qu’il conserve. « Wouaw... Alors là, tu vois, t'aurais aussi bien pu m'insulter que j'aurais pris ça pour une déclaration d'amour !  Enfin... j'espère que tu ne m'as pas traitée de grosse vache ? » Il ouvre aussitôt la bouche d’un air étonné, son sourire ayant disparu sous la surprise. Autant pour le fanfaronnage, ses talents en italien n’ont réellement pas l’effet escompté. Même s’il n’escomptait aucun effet, bien évidemment. Aaron secoue la tête, plisse les yeux, prépare sa défense et comprend avec un temps de retard que ce n’était rien d’autre que de l’humour de la part de Moira. « Teuh, je n’insulte pas les jolies jeunes femmes, Moira, voyons… Les violonistes à la rigueur, occasionnellement, comme tous les guitaristes, mais bon… » Il choisit de lui lancer un regard malicieux en ignorant cette rougeur qui lui chauffe les joues.

Et la discussion a vite fait de dériver sur d’autres sujets, sur ce qu’il apprécie faire, lui, sur les films, sur biens des choses, et elle dérive tant et si bien qu’ils en viennent à se prévoir d’autres sorties du genre. Aller chez lui, aller chez elle, Aaron ne voit pas de problème autre qu’un éventuel casse-tête entre leurs différents agendas. Jusqu’au SMS de Sofiane. Aussitôt, tout est éclairé différemment, toutes les pensées chaotiques d’Aaron perdent définitivement la moindre cohérence et aussitôt, aussi, le directeur se rend compte que le regard qu’il pose sur la rousse est bien loin d’être similaire à celui qu’il peut poser sur ses autres connaissances. Mais est-ce un problème ? Samedi prochain, les bêtises de Sofiane attendront. « Oh... Je donne un concert à Chicago avec le philharmonique, samedi prochain... Le concerto de Tchaïkovski. Mais tu ne veux pas venir ? J'ai toujours des invitations, et ça me ferait vraiment plaisir que... Que tu viennes m'écouter. » Aaron reste sans voix. Les bêtises de Sofiane attendront, mais il entend déjà les remarques que son meilleur ami et bras droit ne se gênera pas à lui faire lorsqu’il lui annoncera que « Euh… je… oui, bien sûr, ce serait un plaisir, mais… » Mais ? Il est ferré, Aaron, parce qu’il n’a rien, samedi prochain, parce qu’il serait ravi de l’entendre jouer, parce que Tchaïkovski, malgré une connaissance plus que sommaire de la musique classique, il est certain d’adorer, parce que Moira est resplendissante et que… sortir ne serait pas de refus.

Aller prendre l’air. Marcher. Respirer. Aaron se passe une main dans la barbe, en se levant sitôt la réponse de Moira formulée. « Oh non non, prendre l'air me fera du bien aussi, nous sommes assis depuis presque une heure, alors... » Une heure, déjà, Aaron n’ose pas consulter sa montrer, n’ose même pas regarder son portable de peur d’y lire une autre remarque amusée de son bras droit. Il préfère régler l’addition, il préfère rejoindre Moira dehors, il préfère se retenir de l’aider à bien ajuster son écharpe. « J'ai toujours adoré les balades... Quand j'étais gamine, ma mère nous emmenait faire le tour de la forêt qui bordait notre maison, en Irlande. On s'y est perdus un paquet de fois ! » Il essaye de se l’imaginer enfin, aussi vive qu’un feu follet, aussi éclatante de vie que ce brasier qu’il sent brûler en elle. « Il y a des années, nous faisions beaucoup de randonnées aussi. Ma femme… » Parler de Chiara n’est en rien une bonne idée, il s’en rend compte un peu tard. « J’ai grandi dans la campagne, marcher est depuis toujours un besoin, tu vois ce que je veux dire ? » Il n’arrive pas à se rattraper, il soupire bêtement. Penser à Chiara, dont il a pourtant fait le deuil, était clairement une mauvaise idée. Ses pensées n’en sont que plus confuses, il n’en est que plus perdu.

Moira enfonce ses mains dans les poches, Aaron regrette de ne pas pouvoir les saisir, se contente de la guider vers un parc, en silence, dans l’orchestre des émotions de toutes les personnes qu’ils croisent, dans le capharnaüm de ses pensées. « Pour te répondre, je suis assez bon public, en matière de cinéma. Les comédies me font rire, les films d'horreur me font sursauter, les dessins animés me font pleurer... Je suis très sensible à tous les films qui parlent de musique d'une manière ou d'une autre. Je crois que j'ai rarement été autant scotchée que devant la leçon de piano ou le pianiste ! Bon j'y ai vidé plus d'une boîte de mouchoirs, je suis beaucoup trop émotive... » A se l’imaginer en train de pleurer devant un dessin animé, Aaron a un sourire. A l’imaginer vidant des boîtes de mouchoirs devant des films encore plus émouvants, il a envie de la prendre dans ses bras. A sentir son bras passer autour du sien, et la rousse s’approcher de lui, Aaron s’embrase, rougit, essaye de calmer ses pensées et son esprit. Bon courage pour ton rencard. Il a dû mal à suivre ce qu’elle dit, il n’attrape que de justesse la question de Moira et, bon sang, il a bien du mal à y réfléchir. « J'admire le travail de Méliès, aussi ! Tu sais, ce réalisateur français qui a fait des choses fabuleuses sans ordinateurs ni effets spéciaux numériques ! Je trouve ça remarquable ! Mais bon j'imagine que tu connais déjà tout ça... C'est quoi ton cinéma préféré ? » Ses pensées sont bien au-delà de Méliès, qu’il connaît bien évidemment, et qu’il admire tout autant que Moira, ses pensées sont bien au-delà des effets spéciaux qu’il apprécie, ses pensées sont bien au-delà du cinéma, même, à cet instant, lorsqu’il laisse son bras passer autour des épaules de Moira.

Et ses émotions débordent. Rayonnent. Il ne sait comment les considérer, mais Aaron se sent audacieux. Il n’a pas envie de répondre à la question de Moira. Du moins… « Les films de genre. Je suis très féru des films de genre, et tous les films historiques, ou qui ont l’intention de l’être. Les adaptations de roman aussi…, je suis un amoureux… » Aaron s’interrompt, une fraction de seconde. « … de Guerre et Paix. » Et fronce les sourcils. « Bon sang, j’ai l’impression d’être un cliché. » Il n’arrive pas à la quitter des yeux. Son bras délaisse l’épaule de Moira, sa main vient rejoindre celle de la violoniste, ses doigts viennent s’enlacer aux siens, son souffle, lui, disparaît. Et son cœur s’emballe. Bon courage pour ton rencard. Ce n’est pas un rencard, s’obstine-t-il à se souffler. Et pourtant… et pourtant, depuis combien de semaines Moira et Aaron se voient-ils régulièrement ? Depuis combien de mois se connaissent-ils ? Depuis combien de temps ne peut-il s’empêcher de se soucier de ce qu’elle ressent, de sa peine qu’il ne veut qu’apaiser, depuis combien de temps… « Moira… » Aaron cherche un point où poser son regard. Son cœur s’emballe, son souffle se raccourcit. Idiot. Il se sent idiot. La distance qui les sépare lui semble infranchissable, ses envies déraisonnables, ses pensées indéchiffrables. Le sang bat à ses tempes, des papillons s’extirpent de leur cocon, déplient leurs ailes, provoquent des tsunamis de l’autre côté du monde. Provoquent des avalanches dans l’esprit d’Aaron. Provoquent, aussi, ce mouvement qui le surprend, cette étincelle de folie qui ne lui ressemble pas, qui ne lui ressemble plus depuis des années. Ces papillons battent des ailes, s’envolent, provoquent un séisme qui détruit la distance entre Moira et Aaron, font exploser un volcan de désir, provoquent la fonte de la glace autour du cœur du veuf et révèlent l’homme. Aaron ne sait pas exactement ce qu’il fait, mais avant d’avoir pu achever sa phrase, ses lèvres sont sur celle de Moira.

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeMer 21 Déc 2016 - 0:18

I know that in me there still a place that fulfils me...
Moira & Aaron



Il me faisait rire, cet homme, rire quand il cherchait ses mots, rire quand les premières marques d'humour l'avait désarçonné, rire maintenant qu'il me renvoyait la balle, rire parce qu'il me faisait me sentir bien, moi-même. A bien des égards, des discussions n'avaient rien à voir avec les autres, rien à envier à celles que je pouvais avoir avec mes amis et proches, et c'était une véritable bouffée d'air frais que de pouvoir évoquer la musique en quelques phrases. Je n'osais en parler à Artur tant j'avais conscience de la souffrance que ses tympans fragiles lui infligeaient, et je ne prononçais même pas le mot musique en présence de Marius, en général ça suffisait à le voir s'évertuer à courir après un papillon imaginaire dans le salon de son appartement pour échapper à une telle discussion. Avec Aaron, c'était différent, il n'était avare ni d'attention ni de mots, et son air faussement choqué me fit tout autant rire.

« Mutation de musicienne ! J'ai le flair pour ces choses-là ! »

Mutation... En voilà un mot qui avait pris une signification toute particulière depuis qu'on nous traquait sans relâche. C'était une chose qui restait cachée, enfouie en moi, que je muselais chaque fois que j'ouvrais la bouche. Quelque chose que je ne me sentais pas prête à évoquer avec Aaron, et c'est en songeant à cela que je me rendis compte d'une chose : je l'appréciais, j'aimais sa présence et sa conversation, mais je ne lui faisais pas confiance. Ou plutôt pas assez. Quoi qu'à vrai dire, je ne faisais plus confiance à grand monde ces derniers temps, et encore moins à moi-même. Quelque part, nos discussions se passaient bien d'un tel sujet, et c'était un réel soulagement de me dire que nous arrivions à être deux personnes ordinaires et non deux mutants, ou une mutante et un humain... Une mutante et chasseur, qui sait ? Cette perspective-là me donnait la chair de poule. L'accent italien d'Aaron, c'était tout de même vachement plus intéressant que mes hésitations. La surprise sur son visage teinta le mien d'une lueur de malice, et j'allais lui préciser que c'était une simple boutade, quand sa répartie tomba, et mon assurance avec. J'écarquillais les yeux à mon tour et m'empressais de m'emparer de ma tasse de thé pour la vider et ainsi cacher ma gêne. Arrête de rougir, sombre cruche !

« Ah bah bravo ! Tu perpétues le cliché des guitaristes ? C'est du joli ! Mais... Finalement, ça voulait dire quoi ? »

J'étais curieuse, même si j'avais du mal à imaginer Aaron en train de violenter verbalement toute ma famille, le tout avec des tagliatelles et des pepperoni partout. Et mon dieu que cette pensée pouvait être réductrice ! Penser à autre chose, inviter Aaron à ce conc... What ? Les mots étaient sortis avant même que j'ai le temps d'y penser. Invitation faite, je me surpris à être déçue de l'entendre hésiter à ce point.

« Oh... Si tu as quelque chose de prévu, ce n'est pas grave, hin ! En tout cas, ça me ferait vraiment plaisir que tu viennes alors... Tu sais où me trouver si tu es intéressé ! »

Mine de rien, je n'avais pas invité quelqu'un à venir m'écouter depuis longtemps. Comme si c'était devenu mon petit paradis personnel, mon jardin secret, que je gardais jalousement et ne vendais qu'aux inconnus, comme si le simple fait de savoir qu'ils ne verraient en moi que l'exécutrice d'une partition et non la personne derrière me garantissait une certaine forme d'anonymat sécurisante. Pendant longtemps, la musique je l'avais partagée avec William, dans un esprit de communion qui s'était brisé après son départ. Je venais de franchir un pas étrange, de ceux qui semblent banals mais prennent une dimension pharaonesque pour une raison X ou Y. Cette fois, j'avais envie qu'Aaron vienne, j'avais envie de le savoir là, dans la salle, en train de m'écouter, d'apprécier ou non ma musique, j'avais envie d'avoir son avis. Celui de la presse et des critiques, je m'en fichais – de toute manière, ils étaient toujours plus prompt à commenter mes décolletés ou la couleur de mes cheveux que mon travail – celles que je voulais c'était celles d'un mélomane.

Je me sentais soudain bien bête, et l'invitation à sortir d'Aaron me soulagea plus que je ne l'aurais cru. Sortir, marcher, respirer, changer de sujet. Parler des balades que nous faisions en famille me semblait être une bonne idée, mais à peine Aaron avait-il évoqué sa femme que je tournais la tête vers lui avec un air inquiet. Après toutes ces années, je n'osais imaginer combien il devait encore l'aimer, combien cela devait-il être dur de passer au-dessus, de se donner le droit de vivre pour lui et non à travers son souvenir. Six mois de certitude plus tard, je vivais encore dans le dénis, mais comment se sentait-on des années après ? Alors, plutôt que de m'engouffrer dans une brèche dangereuse et délicate, j'esquissais un sourire en regardant à nouveau devant moi.

« Je vois très bien, oui. J'ai grandis dans un bon nombre de capitales du monde, Paris, Berlin, Tokyo, Séoul, Madrid... Je n'ai jamais aimé aucune de ces villes plus que la vieilles maison en pierre que ma mère avait achetée en Irlande. Perdue au milieu des prairie, bordée par une immense forêt, autant te dire que j'ai passé plus de temps dehors à explorer tous les recoins du terrain qu'enfermée ! Tu as grandis dans quel coin, d'ailleurs ? »

D'où vient-il, mon énigmatique directeur d'orphelinat ? C'était bien gentil de parler italien, mais c'était tout de même plus intéressant de savoir d'où il venait ! Lorsque la discussion dériva de nouveau sur le cinéma, j'eus l'impression d'être une véritable néophyte et d'énumérer des évidences. Qui n'avait pas pleuré devant le pianiste ou le roi lion ? J'étais comme à peu près tous les trentenaires, j'avais aimé Star Wars, m'étais ennuyée devant Titanic et fuyais le cinéma d'avant-garde. Banal, Moira, banal. Bah ! Au moins je pouvais caser Copland et Ohana dans une conversation de musiciens civilisés, avec des cinéphiles... Je la bouclais, tout simplement.

Sentant le bras d'Aaron entourer mes épaules, je sursautais légèrement, avant de me détendre et de me serrer un peu plus contre lui. Le cœur battant à tout rompre, les joues probablement aussi rouges que mes cheveux, je me sentais affreusement ridicule. Et bien à la fois. Bien, en confiance, j'aurais voulu pouvoir étirer l'instant pour le savourer le plus longtemps possible.

« Guerre et Paix ? Et bien ! Tu fais dans le très classique, en effet ! J'ai un peu honte, je ne l'ai jamais vu... Ni lu, d'ailleurs. J'ai lu davantage de Picsou magazine dans mon enfance que de romans classiques... »

Ah ça... J'aurais pu continuer longtemps à parler de la qualité littéraire des aventures de Riri, Fifi et Loulou, mais là, d'un coup, en une fraction de seconde, je venais de me perdre. Parce qu'il s'était arrêté au milieu d'une allée et me faisait face. Elle avait disparue, cette distance pudique imposée par la table, je sentais mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine tandis que je me perdais dans  ses prunelles chocolat. Le brouhaha ambiant, les cris des enfants, le crissement des chaussures sur le sable et vent, tout avait été occulté par la mélodie de nos respirations, en parfaite harmonie. C'est comme si le temps s'était soudain arrêté, comme si nous étions suspendu dans une bulle, rien qu'à nous et je n'osais plus cligner des yeux, de peur que ce ne soit qu'un rêve et que je sois forcée de m'en extraire. Avec une telle proximité, j'avais l'impression de redécouvrir son visage. Cette barbe naissante et mal taillée, cette lueur dans son regard, ces petites rides aux coins de ses yeux, les cernes qui assombrissaient son visage et témoignaient de la fatigue qu'il subissait... Mes doigts s'entremêlèrent aux siens, s'y liant fébrilement pour ne plus les lâcher. J'avais envie de rompre la distance qui nous séparait encore, de franchir le dernier pas, d'aller goûter ses lèvres qui me donnaient plus envie à cet instant que la plus délicieuse des friandises, de passer ma main dans ses cheveux et pourtant, je restais là. Figée, immobile, incapable de faire le moindre geste.

Je n'avais pas ressenti tout ça depuis des années. Le cœur qui s'emballe, les papillons dans le ventre, l'envie de sourire béatement... J'avais pris l'habitude de ces aventures sans lendemain, d'une simple satisfaction physique qui avait même fini par perdre de sa saveur, tant et si bien que j'en avais perdu le goût du reste. J'avais oublié ce qu'était ce genre d'attirance, oublié comment on pouvait aimer une personnalité plus qu'un corps, cette façon que j'avais de me sentir gênée à l'idée de faire un faux pas... J'avais perdu l'idée d'un jour voir des sentiments naître à nouveau en moi. Ils étaient timides, enfouis sous une montagne de colère, de tristesse et de chagrin, mais cet attachement qui commençait à poindre à la manière d'un perce-neige à la fin de l'hiver, il était réel, tangible, et s'accrochait désespérément à cet homme qui me faisait face. Pourquoi lui ? Pourquoi Aaron ? J'ignorais pour le moment pourquoi mon cœur avait décidé de battre à un tout autre rythme en sa présence, mais ce dont j'étais certaine, c'est que je n'avais pas envie de faire le moindre geste alors qu'il se penchait vers moi.

Je fermais les yeux, chassais toute pensée et laissais mon corps agir et s'enflammer de lui-même, mon cœur dansant la rumba et mes doigts fébriles alors se perdre dans les cheveux d'Aaron. Ce qu'il avait cherché à me dire, je m'en fichais, tout ce qui comptait c'était cet instant : lui, moi, nos lèvres liées dans un baiser aussi soudain que passionné, et ce poids qui, pour la première fois depuis des mois me quitta complètement, et ce sans l'influence d'une quelconque mutation. C'était comme si nos deux âmes brisées ne faisaient plus qu'une à cet instant, pansant les blessures de l'autre à chaque battement de cœur, à chaque respiration. J'aurais aimé que ce moment dure l'éternité toute entière, mais il fallait croire que, comme d'habitude, le destin n'était pas tout à fait d'accord. La réalité nous rattrapa avec la force d'un ballon en mousse qui vint nous percuter dans les genoux. Aussitôt, la magie fut rompue et je baissais les yeux, surprise, vers cette balle rouge vif qui était venue se joindre à nous. Penaud, un petit garçon s'approcha de nous en se triturant les doigts maladroitement.

« Heu... Je... Je... Désolée de vous déranger, madame mais heu... Je peux avoir mon ballon, s'il vous plaît ? »

J'éclatais de rire, retirais à regret ma main des cheveux d'Aaron et m'agenouillais près du petit en lui tendant son ballon. Tout sourire, il repartit en direction de l'espace de jeu, non sans avoir lancé à ses amis un « baaaah ! T'as vu ils se font des bisouuuus ! » si fort que tout le parc devait maintenant être au courant. Je me relevais alors et souris malicieusement à Aaron.

« Et bien... Heureusement que le petit était là, on y serait encore, sinon ! »

Ahah la bonne blague, que t'es drôle, Momo... J'aurais bien aimé y être encore. D'autant que maintenant que mon cerveau semblait être revenu de sa petite promenade, une foule de questions se pressaient dans mon esprit, à commencer par la plus importante : Et maintenant ?

« Je... Désolée si je me suis un peu... Emportée... C'était soudain... Mais pas désagréable. »

Ah ils sont beaux, les euphémismes !
J'avais envie de lui demander ce que tout cela signifiait, si tant est que ça signifie quelque chose, mais je n'osais pas.

« Tu veux qu'on continue la promenade ? Il y a des sentiers très joli, en allant par là... »

Je lui désignais une autre partie du parc, un peu plus éloignée des terrains de jeu. J'avais l'air calme. Sur le papier. Car en réalité, j'avais plus envie de sauter comme un cabris en pleurant des arc en ciel et récitant l'alphabet grec à l'envers.
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeJeu 22 Déc 2016 - 16:02

I know that in me there still a place that fulfils me...
Moira & Aaron



« Mutation de musicienne ! J'ai le flair pour ces choses-là ! » Mutation… le mot pourrait troubler Aaron s’il n’assumait pas aussi pleinement celle qui est sienne. Le mot pourrait refroidir n’importe quelle conversation dans les circonstances actuelles, le mot pourrait sonner douloureusement aux oreilles de ces enfants rendus orphelins par des Hunters, par des mutants extrémistes, par la violence d’un monde peu enclin à accepter les différences. Mutation. Celle de Moira semble bien innocente, bien inoffensive aux oreilles d’Aaron, qui ne peut s’empêcher d’afficher un sourire mutin et faussement offusqué. « Mais c’est que tu triches, dans ce cas ! » Tricher… alors que lui apaise, exalte, renforce et fait disparaître certaines émotions d’une seule pensée, à la seule force de sa volonté, il est bien place pour parler de tricherie, en effet. Mais… non, jamais il ne s’excusera d’être celui qu’il est, les gènes qu’il porte, ces gènes transmis par ses parents, transmis à sa fille, ces gènes qui font de lui l’héritier d’une longue lignée. Des gènes qui, à l’instar de l’italien, viennent autant de la mère que du père de Celeste.

Cet italien qu’Aaron n’a pas parlé depuis… des années ? Peut être pas onze ans, mais qu’il évite du moins d’employer lorsque ce n’est pas absolument nécessaire. Les mots, la grammaire hésitante, le vocabulaire, tout est là, et il fanfaronne, le directeur, sans même tout à fait s’en rendre compte. La remarque de Moira a beau le déstabiliser, il prendre sur lui pour accepter la taquinerie et y répliquer sans se laisser démonter. On est directeur d’orphelinat ou on ne l’est pas, Aaron sait ne pas laisser le dernier mot. Et puis, une rivalité inventée entre les violonistes et les guitaristes, il n’y a rien de mieux pour justifier une phrase aux allures mystérieuses dans une langue étrangère. « Ah bah bravo ! Tu perpétues le cliché des guitaristes ? C'est du joli ! Mais... Finalement, ça voulait dire quoi ? » Il a un petit rire, Aaron. La rousse le charme, autant par sa joie de vivre qui s’épanouit petit à petit que par sa curiosité. « Rien de bien palpitant, je te disais juste que ça faisait bien longtemps que je n’avais pas dépoussiéré mon italien… et que je suis loin de trouver ça particulièrement charmeur. » Et c’est bien vrai. Son accent anglais couplé à sa prononciation hésitante, le combo n’est guère flatteur. Mais de toute évidence, ça plaît, de toute évidence, ça ne blesse pas les oreilles musiciennes et polyglottes de la violoniste.

Ca n’empêche pas la conversation de se poursuivre, l’invitation de se poser, la proposition de s’imposer. Un concert, un rencard, la discussion prend un virage à quatre-vingt-dix degrés, Aaron est bien moins à son aise, oscillant dans une hésitation somme toute ridicule et pourtant anxiogène. Une hésitation qu’il regrette instantanément lorsque la réaction de Moira s’étire devant lui. « Oh... Si tu as quelque chose de prévu, ce n'est pas grave, hin ! En tout cas, ça me ferait vraiment plaisir que tu viennes alors... Tu sais où me trouver si tu es intéressé ! » Il en oublie de respirer. « Non, non, je n’ai rien de prévu, ne t’en fais pas, c’est juste que… » Que ? « … que rien du tout. J’en serais vraiment ravi. A condition de pouvoir te kidnapper après ? » Puisque nul intérêt d’aller à un concert, s’il ne peut profiter après de la compagnie de son amie, n’est-ce pas ?

Aaron oscille, véritablement. Le sms de Sofiane est tombé à point nommé, suffisamment pour le bousculer, le veuf, pour le forcer à se remettre en question, pour le forcer à ouvrir les yeux, à s’interroger. Aaron est perdu, Aaron propose de sortir pour aller respirer, pour aller réfléchir, pour se poser et surtout se retenir de lover sa main dans celle de Moira, qui continue de répondre à ses questions, qui poursuit la conversation, qui est si proche et si éloignée. Il oscille, le directeur, il oscille tant et si bien qu’il trébuche sur un écueil de son passé, sur sa plus grande détresse à ce jour, sur cette plaie complètement cicatrisée à présent mais qui le lance régulièrement, comme une douleur fantôme. Sa femme. Il a fait son deuil, mais la peine est toujours présente, une peine qu’il aimerait étouffer sans être capable de franchir le pas. Moira a la délicatesse de ne pas compatir, de ne pas lui lancer un regard désolé et dégoulinant de bon sentiment, Moira parvient à arracher un nouveau sourire à un Aaron qui s’extirpe tant bien que mal d’une nostalgie malvenue. D’une nostalgie dont il ne veut pas pour le moment. « Je vois très bien, oui. J'ai grandi dans un bon nombre de capitales du monde, Paris, Berlin, Tokyo, Séoul, Madrid... Je n'ai jamais aimé aucune de ces villes plus que la vieille maison en pierre que ma mère avait achetée en Irlande. Perdue au milieu des prairie, bordée par une immense forêt, autant te dire que j'ai passé plus de temps dehors à explorer tous les recoins du terrain qu'enfermée ! Tu as grandi dans quel coin, d'ailleurs ? »  Il sourit, encore et toujours, devant cette question et surtout devant l’enfance de globe-trotteuse qu’a pu vivre Moira. « Ahah, je suis bien moins exotique que toi. Je viens d’Atlanta, j’y suis né, j’y ai grandi… mais mes parents étaient déjà deux passionnés de randonnées, on s’exilait souvent pour retrouver un peu de verdure. » Deux mutants aux mutations aussi peu discrètes que celle de Celeste et de Chiara, voilà la vérité, deux mutants, aux enfants mutants qui devaient brider leur don constamment et qui avaient grand besoin d’échapper à la pression des humains pour passer des vacances sans se contenir, sans cacher ce qu’ils étaient. Les Trager ont toujours eu une grande culture des vacances hors du monde, pour mieux apprendre à s’accepter tels qu’ils étaient tous.

Quoiqu’il en soit, la discussion délaisse bientôt le passé, fort heureusement pour Aaron, et se raccorde à un présent et à un futur proche où Moira et lui se retrouveront, donc, pour regarder un film et offrir à la rouquine une culture cinématographique un peu plus étoffée. Ce qu’il aime, le directeur ? Il n’est guère original, ces genres préférés sont inscrits dans son caractère, son métier et, bon sang, sa manière d’être. Tee-shirt, jean, certes, tenue décontractée du samedi, certes, mais les films de genre restent malgré tout ses préférés. Et ses pensées refusent de s’attarder davantage sur la question.

Son bras enveloppe les épaules de Moira dans un premier temps, Aaron a comme l’impression qu’ils s’échappent tous les deux, qu’ils dérapent et qu’ils luttent, pourtant, pour poursuivre une conversation qui n’a plus aucun sens. Plus aucun sens. « Guerre et Paix ? Et bien ! Tu fais dans le très classique, en effet ! J'ai un peu honte, je ne l'ai jamais vu... Ni lu, d'ailleurs. J'ai lu davantage de Picsou magazine dans mon enfance que de romans classiques... » Il a envie de rire, Aaron, et il sourit bien évidemment, mais il n’écoute plus vraiment. Parce que il est fébrile, le directeur, parce qu’il oscille, il oscille entre ce qu’il a l’impression de devoir faire, ce qu’il veut, ce qu’il désire, parce qu’il oublie ce qui les entoure, parce que des cocons bien trop vieux parviennent enfin à se fendiller, parce que le battement d’ailes d’un papillon bouscule tout, provoque toutes les catastrophes possibles et imaginables, provoque l’inimaginable. Leurs lèvres se rencontrent, Aaron explose dans un maelstrom d’émotions. Il redécouvre ce que c’est, qu’embrasser. Il redécouvre et il entend. Il entend la mélodie de Moira s’accorder à la sienne, il entend sa propre mélodie céder à des envolées, il ferme les yeux, parce que la vue est désormais inutile. Il entend, et il s’appuie sur ce qu’il entend pour ne pas voir à comprendre ce qu’il ressent. Parce qu’il ressent, tout, parce qu’il ressent ce qu’elle ressent, parce qu’inconsciemment, sa mutation s’enroule autour deux pour les unir, fuyant son contrôle, se parant des ailes d’un cupidon. Il est fébrile, Aaron, il est fébrile, il est fragile, il est plus fragile que jamais à cet instant. Sa mutation ne crée rien, ne renforce rien, elle se contente d’assembler.

Aaron ferme les yeux, parce qu’il inspire, il ferme les yeux, parce que sa main libère celle de Moira, parce qu’il frissonne de sentir ses doigts se perdre dans ses cheveux, parce que les siens, se perdent dans la nuque de la violoniste. Il frissonne, parce qu’il serait bien incapable de poser la moindre explication sur ce qu’il se passe. Il frissonne, parce que le temps semble suspendu, parce que la réalité semble mise de côté pour leur offrir une seconde en plus, un seconde rien que pour eux, une seconde infinie. Il frissonne, et il ouvre les yeux brutalement lorsqu’un ballon vient percuter leurs genoux, vient les arracher à leur parenthèse d’éternité. Il prend une grande inspiration, son coeur battant la chamade. Et cligne des yeux, sentant sa poitrine se soulever d’émotions, sentant sur ses lèvres un fantôme, se demandant ce qu’il vient exactement de se passer. « Heu... Je... Je... Désolée de vous déranger, madame mais heu... Je peux avoir mon ballon, s'il vous plaît ? » Le rire de Moira résonne, Aaron rit lui aussi, tout en ne sachant plus où se mettre. Comment fait-elle pour réagir aussi vite, avec autant de douceur, autant de grâce et d’élégance, Aaron l’ignore. Mais il n’a pas vraiment de regard pour le petit garçon, il n’a de regard que pour Moira. « Et bien... Heureusement que le petit était là, on y serait encore, sinon ! » Il n’a d’yeux que pour Moira, mais il rougit aussi, Aaron, il rougit de gêne, il devient écarlate à la remarque de la violoniste, conscient que… « Je... » Il ? Il ne sait pas vraiment. « Je... Désolée si je me suis un peu... Emportée... C'était soudain... Mais pas désagréable. Tu veux qu'on continue la promenade ? Il y a des sentiers très jolis, en allant par là... » Pas désagréable. Il se retient de s’excuser à son tour.  « Je… je ne saurais dire ce qu’il vient exactement de se produire mais… mais ce n’était pas désagréable en effet… pas désagréable du tout… et oui, soudain… c’est le mot… Guerre et Paix, tu disais ? » Il essaye de reprendre le cours de la conversation, Aaron, mais ce n’est pas facile quand il ne peut que se poser une seule question : et maintenant ? Il ne sait qu’en penser. Vraiment. « D’accord pour les sentiers très jolis ! » Il insuffle de l’enthousiasme, alors que ses pensées volent et virevoltent au gré de son esprit chaotique. « Il faut que tu lises Guerre et Paix, si un jour tu en as le temps. Malgré quelques longueurs, c’est un véritable chef d’oeuvre. » Aaron entend encore son coeur battre à toute vitesse dans sa poitrine. « Mais ne t’en fais pas, je ne t’imposerai pas de regarder les quelques… 4 ou 5h de film qui vont avec. En terme de rencard, on... » peut clairement trouver mieux, la fin de sa phrase disparaît quand Aaron vire une nouvelle fois écarlate. Rencard. Voilà, voilà… « Je… » Aaron détourne le regard, cherche dans ce qui les entoure des points de repère, une source d’inspiration,  n’importe quoi mais quelque chose. « Dommage que nous soyons déjà en automne, au printemps, ce parc est magnifique avec ses fleurs et… tu le connais ? »

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me...   (Aaron) I know that in me there still a place that fulfils me... Icon_minitimeJeu 29 Déc 2016 - 22:46

I know that in me there still a place that fulfils me...
Moira & Aaron



Mes yeux pétillaient, mon rire résonnait, et cette espèce d'ambiance très cordiale qui avait caractérisé nos premiers échanges me semblait si lointaine, si irréelle... J'avais l'impression de le connaître depuis des années tout en ignorant tout de lui. Aaron. L'homme que je n'attendais plus et pour lequel mon cœur commençait doucement à s'emballer, alors même que je ne réalisais pas l'alchimie qui était en train de se produire entre nous. Il était loin, le temps où nous nous vouvoyions, voilà maintenant qu'il se mettait à me parler en italien ! Taquine, j'affichais une mine faussement contrariée.

« Moi qui m'attendais à un peu de poésie ou de lyrisme, tu viens de casser mes espoirs ! Il va falloir que tu remédies à ça ! »

Le malicieux sourire qui ornait mes lèvres se fana alors que je sentais une hésitation dans la voix d'Aaron. Avais-je été trop vite ? Ou peut-être n'aimait-il pas Tchaïkovski sans oser me le dire ? Toujours est-il que je le sentis hésitant, luttant contre ma déception alors que je m'attendais à ce qu'il refuse mon invitation. Alors que je terminais mon thé, je manquais de m'étouffer à l'écoute de sa dernière question. Alors oui, clairement, celle-là je ne l'avais pas vu venir et la toux n'était pas la seule responsable de l'embrasement soudain de mon visage. Bon sang... Ce type avait un don diabolique pour me faire rougir, c'était invraisemblable ! Les charmeurs délibérés, les machos, les grands timides ou encore les farceurs, j'avais l'habitude de les côtoyer. Mais avoir un tel don pour le sous entendu involontaire, ça c'était une grande nouveauté pour moi ! Alors que je reprenais péniblement mon souffle, je marmonnais d'une voix rauque.

« Si je survis à cette tasse de thé ça... heu... Ça sera avec grand plaisir ! J'espère que tu ne demanderas pas une rançon mirobolante, sinon je risque de devoir te rester dévouée jusqu'à la fin de mes jours ! »

J'agrémentais mon discours d'un clin d'oeil, tout en bottant le derrière à cette petite voix dans ma tête qui me disait que ça ne devait pas être si désagréable, comme situation. Et puis... Chicago était une belle ville, chargée d'une histoire que je connaissais par cœur pour y avoir vécu quelques années, mais je résistais quand même à la tentation de proposer à Aaron de l'emmener ce promener, histoire de ne pas faire trop de plans sur la comète.

Pourtant, étant donné ce qui n'allait pas tarder à se produire, j'aurais pu en faire, des plans ! Mais pour ça, il aurait fallu que je sois devin, que je sache lire l'avenir, et tout ce que ma mutation me permettait c'était d'imiter le gentil rossignol ou la diabolique Castafiore. On était loin de madame Irma. Quelque part, je n'aurais pas souhaité être capable de voir l'avenir ou pire, de lire dans les pensées des gens. J'en serais devenue dingue, à m'enfermer chez moi de peur qu'une pensée me déplaise ou qu'une prédiction se réalise. Une part de mystère quant à l'avenir ou les petits secrets de tout un chacun, c'était ce qui faisait la magie de ce monde, et jamais je n'aurais pu envier un mutant victime de ce genre de mutation.

Histoire d'en rajouter une couche, si j'avais pu lire dans ses pensées, j'aurais tout su de lui avant qu'il n'ouvre la bouche, il n'y aurait plus eu de surprise, et cette... Histoire aurait manqué d'une saveur unique. A chaque phrase, j'en apprenais un peu plus sur lui, et c'était peut-être très convenu et fleur bleu, mais plus j'apprenais, plus je l'appréciais. Peut-être cela venait-il du timbre de sa voix, de ses inflexions, de son tempérament qui m'apaisais, que sais-je ?

« Tes parents ont eu bien raison, si tu veux mon avis ! Je trouve ça angoissant, la débauche de gratte-ciel, de bitume et de pot d'échappement, si l'on a jamais un coin de verdure en guise d'exutoire. »

A l'école, on nous avait toujours regardés avec des étoiles dans les yeux, Artur et moi. Nous avions visité plusieurs pays, nous parlions plusieurs langues, nos parents étaient chercheurs... Et nous étions seuls. Sacrifiés pour que la science avance, et si je n'en avais jamais voulu à nos parents, je n'aimais pas que l'on nous envie pour cela. Artur et moi avions toujours préféré la quiétude de la campagne irlandaise ou de cette maison perdue au milieu de la forêt, en Finlande. C'était plus supportable pour ses oreilles, c'était moins oppressant pour la gamine angoissée que j'étais. J'en venais à me dire que si un jour j'avais la chance d'être mère, je ne voulais pas que mes enfants grandissent à New-York, à Londres, à Paris... Je voulais les garder un peu innocents et purs avant de les lâcher dans l'immensité des mégalopoles.

Enfin tout ça, c'était un sujet bien hypothétique, et j'ignorais encore comment nous en étions arrivés là. Comment, à la sortie du café, nous avions pu marcher côte à côte jusqu'au parc, comment nous en avions poussé le portail d'un même geste, comment j'avais enlacé son bras avant qu'il ne m'entoure du sien... Comment nous nous retrouvions là, au milieu du sentier, perdu dans un écrin temporel aussi pur que du cristal, lèvres contre lèvres, nos doigts fébriles cherchant un refuge dans la chevelure de l'autre, nos deux corps liés dans une étreinte aussi maladroite que spontanée. Des hommes, j'en avais connu. Mais seuls d'eux d'entre eux avaient su faire battre mon cœur de cette manière, avaient su m'enivrer ainsi... Je n'avais pu m'abandonner pleinement qu'avec deux d'entre eux. William, et maintenant Aaron. Au fond de moi, je ne pouvais m'empêcher de me dire que c'était stupide, que nous ne nous connaissions que depuis quelques mois, que... Et alors ? Il ne m'avait fallu qu'une poignée de rendez-vous pour tomber sous le charme de William, et à peine quelques mois plus tard, nous emménagions ensemble. Pourquoi devais-je me dire que ce baiser échangé avec Aaron ne voulait rien dire ? Peut-être parce que j'avais l'habitude des histoires sans lendemain. Oui. C'était sûrement ça. Mais pas cette fois. Qu'importe ce que ce baiser signifiait pour lui comme pour moi, je n'avais pas envie de presser les choses, juste de les laisser couler et de voir où elles pouvaient nous mener. Aaron était à la fois un homme blessé et une belle personne dont je refusais de prendre les attentions à la légère. Tout ce que je savourais, c'était sa peau contre la mienne, le frisson de sa main contre ma nuque, l'envie de l'étreindre pour l'éternité... Jusqu'à ce qu'un ballon ne nous ramène brutalement à la réalité.

Encore tout enivrée d'une passion qui m'avait saisie à la gorge sans prévenir, je baissais les yeux vers le bambin qui, tout gêné, venait réclamer sa balle. Pendant un instant, un court instant, j'avais oublié le monde qui tournait autour de nous, l'humanité et le temps qui s'écoulait, tandis que nous nous perdions dans une farandole d'émotions aussi brutales et violentes qu'un ouragan. Bien qu'il ne me fallu que quelques secondes pour reprendre une certaine contenance, je sentais encore mes joues brûler un feu ardent, lequel semblait avoir suffisamment entamer le givre emprisonnant mon cœur pour que le bourgeon d'un sentiment naissant et nouveau pointe le bout de son nez. Je me sentais presque bête d'avoir l'air aussi béate, et l'enfant dû trouver mon sourire démesuré tandis que je me baissais pour lui rendre son ballon.

Pourtant, alors que je me relevais, je dû me mordre la langue pour ne pas éclater de rire en voyant la mine d'Aaron. Les yeux dans le vague, les joues rouges et une expression d'adoration pure sur le visage, il avait l'air comme absent... C'était même à se demander s'il n'était pas drogué ! Aaron dont j'avais envie de caresser le visage du bout des doigts, dans les cheveux duquel j'avais envie d'enfouir mes paumes, Aaron que j'avais à nouveau envie d'embrasser, au mépris de ce et ceux qui pouvaient nous entourer, Aaron dont je ne pouvais détourner le regard, comme hypnotisée. Au moins, ce qui me rassurait, c'est qu'il avait l'air à peu près aussi paumé que moi ! Deux idiots, plantés au milieu du chemin à ne pas savoir quoi dire ou faire. Nous avions l'air fin, ça c'était certain ! Et maintenant ? Et maintenant quoi ? Difficile de dire ce que représentait ce baiser tant il était soudain. Un accident ? Le prélude à une jolie histoire digne d'un conte de fée ? Le début des emmerdes ? C'était quoi ? Des trois solutions auxquelles je pensais, la seconde était bien évidemment celle qui me plaisait le plus, mais je n'osais évoquer la question avec Aaron, de peur de le mettre dans l'embarras ou d'être déçue. Bon sang... C'était pourtant simple, avec des gens comme Jimmy ! Parce que c'était physique, purement sexuel et sans aucun avenir. Là... Là c'était différent, c'était plus profond, c'était plus spécial, c'était plus... Psychique ? Allons bon... Alors qu'à nouveau Aaron bifurquait vers Guerre et Paix, je ne trouvais rien à répondre. A vrai dire, je me sentais même idiote. Je n'avais pas cette culture-là, pour la simple et bonne raison que la littérature classique m'avait toujours profondément barbée. Ce que j'aimais, c'était les romans d'anticipation ou les polars sombres à souhaits, mais généralement, tout ce qui se tournait vers le passé avait tendance à curieusement m’effrayer.

La distance s'était à nouveau imposer entre nous, et je n'osais plus passer mon bras autour du sien. C'était ridicule... Alors j'essayais de me raccrocher à ce qu'il disait, à ce roman que je me jurais de lire pour pouvoir tenir la conversation et ne pas avoir l'air d'une cruche finie, à ce film interminable, à ce ren... Rencard ? Aussitôt, je me tournais vers Aaron avait un air surpris et éclatais de rire en le voyant rougir. Un rencard. Ce bête café pris entre amis s'était transformé en rencard, bien malgré nous, mais certainement pas pour nous déplaire. Theo avait vu juste...

« Oh tu sais, en bonne compagnie, je suis certaine que ces quatre ou cinq heures de film peuvent faire un très beau cadre de rencard... »

Je lui fis un clin d'oeil, malicieuse, et m'éloignais un peu en direction d'un vieil arbre au tronc noueux et aux magnifiques feuilles parées de leurs couleurs d'automne. Rouges, orangées, jaunes, marrons... Elles embrasaient le parc de la même manière que le soleil qui se couchait à l'horizon. Lorsque Aaron m'eut rejoint, c'était comme si quelque chose s'était débloqué en moi. Qu'importe ce que tout ça pouvait bien vouloir dire ou ce que nous en dirions une fois les émotions retombées. Cet après-midi était à nous, et c'est sans hésitation ni tremblement que je tendis la main pour prendre la sienne.

« Il est magnifique, n'est-ce pas ? Il n'y a pas qu'au printemps qu'on voit de belles choses, l'automne aussi à son charme. Tiens regarde ! » Dis-je en tendant la main vers le sol jonché de feuilles de toutes les couleurs, « Des champignons, c'est coloré, c'est automnal, et ce n'est pas désagréable à regarder. Il suffit de savoir où. »

Je me tournais alors vers lui, quittant le refuge de ses doigts pour perdre les miens dans la barbe qui lui couvrait le menton et les joues.

« Tu as une belle âme, Aaron Trager, ne laisse pas la mélancolie l'assombrir... »

Ça, c'est une phrase que j'aurais pu me lancer en me regardant dans une glace. A l'abri de ce bel arbre centenaire et à l'écart des sentiers les plus fréquentés du par, je doutais que qui que ce soit vienne nous interrompre. A moins qu'un écureuil belliqueux ne se décide à nous balancer des noisettes à la figure pour avoir troubler son repos, bien sûr. Alors, je relevais la tête, me hissant légèrement sur mes escarpins qui effacer les quelques centimètres qui nous séparaient, et posais avec douceur mes lèvres sur les siennes. Pas de précipitation ni de fébrilité, cette fois, rien qu'une délicatesse et une douceur mûrement réfléchies. Rien qu'un moment qu'on ne viendrait pas interrompre cette fois, et qui serait tout à nous jusqu'à ce que l'un de nous deux ne se décide à le briser... Ou ne meurt d'asphyxie, ce qui me semblait tout de même beaucoup plus plausible et alarmant en matière de conclusion.
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