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 (Aaron) | All within me gone but pain and hope

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Moira Kovalainen
Moira Kovalainen

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SUR TH DEPUIS : 30/04/2015
MessageSujet: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeSam 7 Jan 2017 - 23:31

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Pour la énième fois depuis une heure, je jetais un regard agacé à ma montre. Le temps passait si lentement que j'avais l'impression qu'il revenait en arrière. J'avais pourtant vérifié une vingtaine de fois, nous avions rendez-vous à cette adresse, à 20 heures, et il me l'avait confirmé la veille. Elle n'avait pas été facile à caler, cette soirée film ! Entre mes concerts et ses obligations vis à vis de l'orphelinat, il nous avait fallu près d'une heure pour nous entendre sur une date. Alors pourquoi n'était-il pas là ? Un soupir de plus, je resserrais mon étreinte sur mon écharpe en grelottant. Il pleuvait à torrent, et je peinais à rester protégée sous le toit de l'abri bus sous lequel j'avais trouvé refuge. J'avais longuement hésité à adopter une tenue similaire à notre dernier rendez-vous, celui qui me laissait un goût de miel et de guimauve sur la langue, celui qui m'arrachait un sourire niais à chaque fois que j'y songeais, celui qui m'avait brisé le cœur lorsque nous avions dû nous quitter. Dire que je l'aimais, c'était peut-être un peu tôt. Très attachée, ça en revanche c'était on ne peut plus vrai. Mais plus les minutes passaient, plus je doutais de la sienne, d'affection. M'avait-il posé un lapin ? Ne voulait-il pas m'admettre de lui-même que tout ceci était une erreur, que je le faisais fuir, que ce n'était pas possible ? Si c'était le cas... J'en aurais été profondément blessée et n'aurais pas hésité à le traiter de lâche. Alors bon sang que faisait-il ? Je n'étais pas comme Artur, je manquais cruellement de patience et détestais ne pas savoir.

Aussi, ce n'est qu'au bout de cette heure que je me rendis compte de mon égoïsme et sentis un long frisson me parcourir l'échine. Et si... Et si je me trompais ? Si son absence n'était pas de son fait ? Si son mutisme face à la dizaine d'appels manqués et tout autant de sms n'était pas volontaire ? Mon cœur s'emballa dans ma poitrine alors que j'imaginais le pire. Attaqué par un chasseur qui l'aurait pris pour un mutant, retenu quelque part... Pire ? Non. Je ne devais pas raisonner comme ça, je devais d'abord me calmer. Fébrile, je parcourais la liste de mes contacts jusqu'à trouver le numéro de Sofiane, que je m'empressais d'appeler.

« Sofiane ? Excuse-moi de t'appeler si tard, j'espère que je ne te dérange pas... C'est Moira. »

« Moira ? Oh salut, comment vas-tu ? Non non, tu ne me dérange pas, je t'écoute !

« Ca... va... Enfin pas vraiment. Dis-moi, tu ne saurais pas où est Aaron ? Je devais le retrouver et il... Enfin ça fait presque une heure trente que je l'attends et je commence à m'inquiéter... »

« … Oh... Je vois... Il a quitté l'orphelinat tout à l'heure, il a dit qu'il avait besoin de se changer les idées. En général quand c'est comme ça, il roule jusqu'à la forêt, histoire d'être tranquille. Je suis désolé, si j'avais su je lui aurais rappelé votre rendez-vous ! »

« Je... Non. Ne t'en fais pas, c'est pas ta faute. Merci, en tout cas, je vais prendre un taxi pour le rejoindre, histoire d'être sûre que tout va bien. »

Un bonne soirée, quelques mots soufflés dans le combiné, et je raccrochais, le regard dans le vague. Il n'avait pas seulement oublié notre rendez-vous, il était aller se changer les idées ailleurs. Je ne savais pas trop quoi penser de tout ça, si ce n'est que j'étais partagée entre l'incompréhension et la colère. Il avait oublié notre rendez-vous. Il avait trouvé mieux affaire. Il m'avait littéralement posé un lapin. A cet instant, je chassais la pointe de suspicion et de jalousie qui me laissa penser qu'il était peut-être avec une autre, car après tout, la jalousie ne me ressemblais pas. Je ne perdais pas mon temps avec ce genre d'individu, et éprouvais souvent plus de pitié que de colère à leur égard. Mais cette fois, j'étais blessée, preuve qu'Aaron comptait plus à mes yeux que je ne voulais bien l'admettre.

Mon poing se serra contre le sac contenant tout un tas de friandises que j'avais ramené pour notre supposée soirée cocooning, et hésitais un instant à rentrer chez moi et laisser peser un silence radio pour la semaine à venir. Bouder comme une ado, ça ça me ressemblais davantage ! L'ennui, c'est que je n'arrivais pas à faire taire l'inquiétude qui me poussait à me demander s'il était vraiment en sécurité. Il pleuvait à torrent, il faisait nuit, j'avais froid... Poussant un soupir, je hélais un taxi qui tournait à l'angle de la rue. Lorsqu'il me demanda où je souhaitais me rendre, j'hésitais un instant à lui donner l'adresse de l'appartement de Marius, avant de finalement lui demander de me déposer à la lisière de la forêt. Tu est bête, Moira, bête et crédule... S'il t'a délibérément oubliée, ce n'est certainement pas pour que tu viennes l'emmerder ! Merci, conscience, quelle sollicitude... Le chauffeur eut l'air surpris, mais lorsque je lui tendit largement de quoi régler le double de la course que je lui avais commandé, il n'insista pas et roula en direction de la forêt. C'est qu'elle était grande, cette foutue forêt ! Il fallait procéder par élimination. L'entrée la plus proche de la ville longeait le quartier sud, alors... En sortant de la voiture, je remerciais le chausseur, regrettais de ne pas avoir de parapluie et sorti de mon sac à main une petite lampe de poche, dont j'orientais le faisceau en direction du sentier plongé dans l'obscurité. Hors de question que j'y foute les pieds en pleine nuit !

Je poussais alors un soupir de soulagement lorsque ma lampe éclaira une voiture grise, maladroitement garée sur le minuscule parking à l'entrée du bois. Je la reconnu immédiatement, avec sa portière arrière éraflée et ses autocollants savamment disposés par les enfants sur le coffre. Trempée jusqu'aux os, énervée comme jamais, je m'approchais de la voiture et, sans même prendre la peine de frapper, j'ouvris la portière côté passager et m'installais sur le siège. J'allais tout détremper ? Rien à foutre ! Les explications, c'est lui qui allait me les donner ! Je tournais un regard glacial vers lui et attaquais d'emblée sans un bonjour.

« Alors ? J'espère que tu as une explication plus crédible que « je me suis perdu » ou « je n'ai plus d'essence » pour n'avoir même pas pris la peine de me prévenir, Aaron... Il est presque 22 heures, à quoi tu joues ? »

C'est alors que je remarquais la bouteille qu'il tenait à la main et une forte odeur d'alcool qui empestait l'habitacle. Un mélange de whisky, de bière et liqueur, au milieu d'autres arômes écœurants que je ne parvenais même pas à identifier.

« Je rêve ou tu es complètement soûl ? »

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Aaron Trager
Aaron Trager

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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeDim 8 Jan 2017 - 0:10

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Jamais, depuis la mort de Chiara, Aaron ne s’était refermé autant sur lui-même que cet après-midi. Après avoir déposé sans un mot Celeste, muré dans ses pensées, Aaron était passé voir Sofiane. Il n’avait pas cherché à expliquer quoique ce soit. Il avait passé des heures dans ses comptes, dans les comptes de l’orphelinat avant de se rendre à l’évidence : rien, strictement rien n’était suffisant pour lui changer les idées. Rien, si ce n’était ces bouteilles qui l’appelaient, rien, si ce n’était la perspective d’un peu de solitude, la perspective d’un peu de silence. Parce que les symphonies de rire des pensionnaires, les menuets des amoureux, les concertos des cachotiers, parce que la vie tout simplement qui poursuivait son cours autour de lui le mettait sur les nerfs. Il avait fui, Aaron, il avait fui son travail, déléguant toutes les responsabilités à son bras droit, il avait fui, il avait fui la ville, il avait fui sa mutation pour s’isoler à la lisière de la forêt où les randonneurs et promeneurs étaient absents, rebutés par la météo exécrable d’automne. Et il avait acheté, sur le chemin, bon nombre de bouteilles dont le seul point commun, en dehors d’un prix dépassant de loin de budget qu’Aaron pouvait s’accorder, était le pourcentage d’alcool. Un pourcentage élevé.

Aaron est avachi dans sa voiture depuis plusieurs heures. Son regard, vide, fixe un point incertain dans la forêt qui s’étend devant lui. Les bouteilles ne sont guère plus remplies et agonisent à ses côtés. L’une des rares survivantes, un rhum au goût s’apparentant à un liquide destiné à déboucher les canalisations, qu’il tient en main et qu’il considère d’un œil noir. Il ne veut plus penser à rien, Aaron. La première et dernière fois qu’il a passé sa soirée à boire, face à une forêt, enfermé dans sa voiture et hors du monde, date d’il y a plus de onze ans maintenant. C’était la veille des obsèques de Chiara, les nerfs du père de famille et du veuf avaient craqué. Sous la pression, sous la perspective de la voir disparaître dans un cercueil, dans une tombe, loin de lui. La première fois qu’il s’est saoulé en solitaire. Et honnêtement, ce soir, Aaron compte bien récidiver. Son regard noir a parfois le malheur d’errer sur le tableau de bord de véhicule où trône une photo de famille. Une petite Celeste, une Celeste de cinq ans, fait des grimaces à l’appareil, quand Aaron enlace Chiara, lui chuchote un je t’aime dans le coup et fait naître sur son visage un sourire éclatant. Une photo qui lui donne envie de vomir, lorsqu’il contemple les désastres qu’a subi la famille Trager depuis le temps. Sa Celeste vaccinée, ce n’est peut-être pas le pire qui pouvait lui arriver, mais ça s’en approche. Et de près. On a mutilé sa fille et il n’a rien vu. Il n’a rien fait. Son aveuglement le répugne, le dégoûte, porte son cœur au bord des lèvres. A moins que ce ne soit simplement l’alcool en trop grande quantité que son estomac et son foie rejettent en force. Il ne sait pas vraiment.

Le silence, le silence lui, en revanche, est apaisant. Vraiment. Là, et là seul, se trouve une victoire dans son escapade. L’alcool ne résout rien, les fugues et les fuites comme celle-là non plus, mais le silence, lui, soulage au moins une partie des tensions qu’héberge Aaron. Il ne peut faire taire sa mutation sur commande. Au mieux réussit-il à ignorer les mélodies de ceux qui l’entourent, au pire… au pire il se focalise sur une personne, ou il agit pour amoindrir les bruits, les rendre plus mélodieux, plus agréables à son oreille interne et inhumaine. Mais même ça, même son silence bienvenu, même son silence, on lui enlève. Aaron sursaute, lorsqu’un tonnerre de cuivre et de percussion le heurtent et font exploser en son crâne une migraine accentuée par l’alcool. La porte s’ouvre, il ne songe pas une seule seconde à tourner la tête, il reconnaîtrait cette mélodie, cette façon de ressentir, les yeux fermés. Il y a une caractéristique dans cet ensemble discordant de sons qui ne peut appartenir qu’à une seule personne : une rousse au tempérament explosif. Aaron se prend la tête entre les mains en grognant. « Alors ? J'espère que tu as une explication plus crédible que « je me suis perdu » ou « je n'ai plus d'essence » pour n'avoir même pas pris la peine de me prévenir, Aaron... Il est presque 22 heures, à quoi tu joues ? » Son grognement s’intensifie, il ne prend même pas la peine de répondre. Il préfère appuyer ses coudes sur le volant, y loger sa tête. Vingt-deux heures, vraiment ? La bouteille dans sa main a un poids rassurant, il hésite à en coller le goulot à ses lèvres. « Je rêve ou tu es complètement soûl ? »

Cette fois, à cette question, il daigne relever la tête. Il daigne même la tourner en direction de Moira, avant de la reposer, usant de ses bras croisés et du volant comme d’un oreiller. « Non. » Il la regarde, sa voix est rauque d’avoir trop peu servie ces dernières heures, rauque d’avoir hurlé, aussi, quand un peu plus tôt il s’est surpris à souhaiter qu’elle porte jusqu’aux étoiles pour que Chiara réponde à ses plaintes et ses geignements. Sa bouche, elle, lui semble pâteuse lorsqu’il se redresse, considère la bouteille et en avale, finalement une gorgée. Sa grimace est éloquente. « Qu’est-ce que tu fous là, Moira ? » La colère de la violoniste lui vrille les tympans. Sa mutation est hors de contrôle, sa mutation refuse de se taire. Il entend tout. Tout. Et pourtant, il n’a pas entendu les appels de détresse que lançait Celeste. Et pourtant, il n’a pas voulu les entendre. Aaron lâche la bouteille, la cale, plutôt, sur le côté, pour presser ses mains contre ses oreilles. « Arrête, arrête de ressentir, arrête de me hurler dans les oreilles, Moira. Laisse moi tranquille. » Tranquille signifie seul. Aaron ouvre brutalement la portière, sort du véhicule, se retrouve sous le déluge en simple chemise et ferme si violemment la voiture qu’elle oscille. Sauf que, bien sûr, la colère de Moira continue à être assourdissante.

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeDim 8 Jan 2017 - 15:57

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Boire jusqu'à être joyeuse ou même soûle, ça m'était arrivé plus d'une fois, et ce depuis mes cessions d'examens au conservatoire, qui s'était toujours terminées en beuveries entre musiciens débauchés. J'avais pris ma première cuite à seize ans, et subit ma première gueule de bois à dix-huit. Si pour certaines soirées les souvenirs étaient diffus, j'en avais toujours gardé un souvenir assez positif, comme d'une chose complètement stupide mais amusante, et je m'étais chaque fois dis « plus jamais ! » avant de remettre ça. Seulement, j'avais toujours su m'arrêter et boire avec suffisamment de modération pour ne pas tomber dans les mauvais travers et surtout... J'avais toujours fuis comme la peste la picole en solitaire. C'était le meilleur moyen pour avoir l'air pathétique, et j'avais eu un éclair de lucidité le jour où je m'étais retrouvée seule chez moi, prête à entamer ma seconde bouteille de whisky. C'était un mois après la disparition de William, quand la police m'avait annoncé qu'ils arrêtaient les recherches car il n'y avait aucune chance qu'on le retrouve en vie. Alors j'avais su, j'avais sentit ce que c'était que de sombrer, de s'enfoncer dans un gouffre que seul l'alcool parvenait à faire oublier. J'avais tout jeté, même les vins de qualité que mon fiancé aimait tant, et m'étais jurée de ne plus jamais boire une goutte d'alcool seule, et surtout pas avec l'envie d'oublier mes problèmes.

C'est sûrement pour être passée par là que j'identifiais immédiatement le mal qui affectait Aaron. J'avais éprouvé cette pointe de jalousie à l'idée de le trouver avec une autre, mais j'avais maintenant la preuve que c'était le cas... Sauf que cette autre était morte depuis des années et qu'il était incapable d'en faire son deuil. J'avais pourtant du mal à comprendre une chose. Pourquoi maintenant ? Nous nous voyions régulièrement depuis des mois, et jamais je n'avais vu le moindre signe, le moindre indice qui puisse laisser penser qu'Aaron était porté sur la bouteille ou même alcoolique. Et puis... Et puis je n'arrivais pas à imaginer qu'il ait pu m'embrasser et avoir l'intention de me revoir, s'il n'avait pas choisi de tourner la page. Soit c'était une crise de culpabilité à retardement, soit il y avait des détails dont j'ignorais l'existence. Malgré toute la peine que j'éprouvais à l'idée de le voir dans cet état, ma colère perdurait, et je le fixais avec un regard glacial. C'est ça, fais donc mine de t'effondrer sur ton volant, si tu crois que ça va m'attendrir... Et ce « non » qui tomba avec la mollesse de l'homme alcoolisé acheva de me convaincre : il était soûl. Mais quel imbécile...

« Ton non sonne bien trop comme un oui, Aaron... Arrête de faire l'idiot, je te ramène chez toi. »

A quand remontait la dernière fois où j'avais pris le volant ? A... Longtemps. Mais je me débrouillerais de toute manière mieux qu'un abruti complètement raide. Et lorsqu'il me demanda ce que je foutais là, j'arquais les sourcils.

« Attends, tu te fiches moi ? Nous avions rendez-vous, tu as déjà oublié ? Sers-toi donc de ton téléphone, de temps en temps ! Qu'est-ce que je fous là... Parle-moi mieux que ça, je ne suis pas ton chien... »

S'il espérait que je lui dise « pardon, je m'en vais, je te laisse entretenir tranquillement ta cirrhose et je repasserai demain avec un café et de l'aspirine », il se fourrait le doigt dans l'oeil jusqu'à l'épaule. Pas de chance pour lui, une Kova a toujours du caractère, et tant pis s'il devait m'en vouloir, il était hors de question que je le laisse seul dans un état pareil. Qui irait expliquer à Celeste que son crétin de père s'était noyé dans son propre vomi après avoir picolé comme un trou jusqu'à plus soif ? Yeurk... J'étais trop en colère pour faire preuve de finesse. Quand finalement il me demanda de cesser de lui hurler dans les oreilles, je restais muette, stupéfaite. Je n'avais pourtant pas crié, j'étais même restée incroyablement calme, pour une fois. Ah... Heureusement qu'il ne connaissait pas l'existence de ma mutation, sinon il aurait su ce que c'était un véritable hurlement, dans mon cas. Mais ne pas ressentir ? C'était quoi ce charabia ?

« Non mais qu'est-ce que tu racontes ? Ressentir quoi ? Si tu parles de ma colère, ce n'est pas tes oreilles qu'elle va bientôt frapper mais ton nez, si tu ne lâche pas cette bou... Non mais reviens ici ! »

Trop tard, l'imbécile avait déjà quitté l'habitacle en claquant la porte au point de faire trembler la voiture. Rejetant la tête contre l'appui-tête, je poussais un profond soupir en serrant les poings. Qu'est-ce qui m'avait échappé dans l'histoire ? Au bout de quelques secondes, je sortis à mon tour, ignorais la saucée qui ne tarda pas à reprendre avec entrain son plan diabolique visant à faire ressembler mes cheveux à une serpillière orange, et me pointais devant Aaron, toujours aussi déterminée.

« Est-ce qu'à un moment tu vas cesser de jouer au con ? Je croyais que... »

Tu croyais que quoi, Moira ? Qu'il y avait quelque chose entre vous ? N'est-ce pas le pire moment pour évoquer le sujet et passer pour la reine des égoïstes ? A nouveau, je soupirais et lui arrachais sa bouteille de rhum des mains.

« Tu as peut-être l'impression que la bouteille est ta plus fidèle alliée... Mais plus tu boiras, plus tu seras seul et pire ce sera, Aaron. Je ne sais pas pourquoi maintenant ni ce qui te passe par la tête, et je ne prétends pas pouvoir te dire que je sais ce que c'est. Seulement, moi aussi j'ai mes démons, et je sais qu'on peut se sentir parfois désemparé... »

Portant le goulot de la bouteille à mon visage, j'en humais le parfum et grimaçais.

« Oh merde, mais en plus tu vas finir aveugle, avec une piquette pareille... Ecoute, je... Je ne peux pas te laisser seul dans cet état. Parle-moi, s'il te plaît, hurle-moi dessus si ça peut t'aider, mais fais sortir ce que tu as sur le cœur, au lieu de le confier à l'alcool. Tout ce qu'il peut faire, c'est noyer tes problèmes et toi avec, pas les résoudre. »

Aussi vite qu'elle était apparue, la colère était retombée, douchée par la pluie battante. Les timbales devaient s'être tut, laissant place à un quatuor de cordes angoissées et tiraillées par une inquiétude qu'adoucissait mon affection pour lui.

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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeMer 11 Jan 2017 - 23:05

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Non, il n’est pas complètement saoul, Aaron. Il n’a, du moins, pas l’impression de l’être. Joyeux, il l’est encore moins. En revanche, ses pensées sont pâteuses, sa détresse est palpable et sa propre mélodie digne d’un requiem s’impose à ses oreilles, signe d’un silence angoissant et d’une intensité émotionnelle rare. Son volant est un appui sur lequel faire reposer sa tête, ses yeux regardent sans voir une Moira indésirable. Un Aaron sobre ne pourrait pas une seule seconde envisager sérieusement qu’elle le voie comme ça. Mais un Aaron sobre aurait commencé, aussi, par ne pas se mettre dans ce genre de situation. Le silence, le silence était jusque là l’un des rares objectifs visés par Aaron à avoir été rempli, mais ce n’est à présent qu’un vieux souvenir en lambeaux. Le motiopathe a bien du mal à savoir ce qu’il y a de pire, entre les yeux de Moira, sa colère ou la migraine qu’elle fait poindre à ses tempes par sa seule présence. Peut-être la honte, peut-être cette honte diffuse qui se répand dans ses veines, qui lutte contre l’alcool pour s’exprimer. Qui lutte, aussi, contre le désespoir d’un Aaron aveugle. Aveugle à la détresse de Celeste, aveugle à son propre aveuglement, aveugle à sa propre lâcheté… des raisons pour boire, il en a des dizaines. Il estime, du moins, en avoir des dizaines. Mais sous le regard glacial de Moira, sous son regard glaçant, ses raisons fuient, disparaissent, tremblent et doutent elles-même de leur légitimité. Non, il n’est pas saoul, Aaron. Mais, bon sang, qu’il aimerait ! L’alcool embrume son esprit, obscurcit sa réflexion, obscurcit son champ de vision, rend ses mouvements incertains voire erratiques, mais il n’a toujours pas atteint cet état qu’il recherche, cet état qui le verrait plonger dans une apathie pathétique, dans une félicité amnésique, qui le verrait trouver des solutions à tous ses problèmes. Un état qui n’existe pas. Alors non, non il n’est pas saoul. Pas encore. « Ton non sonne bien trop comme un oui, Aaron... Arrête de faire l'idiot, je te ramène chez toi. » Il secoue la tête, le directeur, bien loin de sa prestance et de son calme habituels. Il secoue la tête, comme en refus de ce qu’elle dit. Il se sent même capable de la repousser maladroitement s’il lui vient l’idée stupide de vouloir l’arracher à sa place de conducteur et lui prendre le volant.

De toute manière, Aaron a mal à la tête. La colère de Moira, son inquiétude aussi, toutes ses émotions s’amalgament pour former un ensemble stressant, strident et dissonant. Il n’y a rien de pire, aux sens mutants de l’homme, que ce qu’il entend. Tout sonne faux, parce que l’alcool l’empêche de filtrer le tout. Alors qu’est-ce qu’elle fout là ? Elle n’a rien à faire ici, elle ne devrait même pas être capable de le retrouver. Et elle a certainement autre chose à faire. N’est-ce pas ? « Attends, tu te fiches moi ? Nous avions rendez-vous, tu as déjà oublié ? Sers-toi donc de ton téléphone, de temps en temps ! Qu'est-ce que je fous là... Parle-moi mieux que ça, je ne suis pas ton chien... » Aaron se prend la tête entre les mains. Ca fait trop, tout ce qu’il dit, tout ce qu’il dit exacerbe la colère de Moira, tout ce qu’il dit amplifie les percussions, assourdis les bois qui auraient, pourtant pu, tempérer le tout. Tout ce qu’il dit est un appel lancé aux cuivres à s’exprimer toujours plus fort. Il presse ses mains contre ses oreilles, mais ça ne sert à rien. Qu’elle se taise, c’est tout ce qu’il demande. Pas qu’elle parte, non, maintenant qu’elle est là… et bien, il n’est pas encore suffisamment saoul, malheureusement, pour se faire l’illusion qu’elle acceptera de le laisser ici, mais qu’elle se taise. Qu’elle arrête de l'ensevelir sous les mots, les reproches, les émotions. « Non mais qu'est-ce que tu racontes ? Ressentir quoi ? Si tu parles de ma colère, ce n'est pas tes oreilles qu'elle va bientôt frapper mais ton nez, si tu ne lâche pas cette bou... Non mais reviens ici ! »

Trop tard, il est déjà dehors, Aaron. Il est déjà dehors, il est déjà sous la pluie, sa chemise se colle déjà à son torse, plaquée contre son tricot de peau qui opacifie comme il peut le tissu blanc trempé. Il est déjà dehors, il a claqué la porte, il prend son inspiration, entreprend de mettre les choses au clair dans ses pensées. Mais ce n’est pas possible, pas avec Moira à côté, juste à côté, ses cordes et ses cuivres, ses percussions qui martèlent inlassablement ses tempes. Incapable de distinguer avec précision toutes les émotions de Moira, le motiopathe se retrouve comme un enfant perdu dans un bagad, abasourdi de sons et de bruits, incapable d’apprécier parce qu’incapable de comprendre. Il maîtrise sa mutation, le motiopathe, il la maîtrisait du moins, il ne contrôle plus rien, ne distingue plus rien, il est secoué par des tempêtes d’émotions, les siennes et celles qu’il entend bien malgré lui. Appuyé sur le toit de la voiture, Aaron se laisse tremper par la pluie, glacer jusqu’aux os. Les coudes appuyés contre la carrosserie, il joint les mains pour y appuyer son front. Un mouvement du véhicule, il sait que Moira est à son tour sous la pluie. Le temps qu’elle contourne la voiture, il a récupéré sur le siège du conducteur la bouteille de rhum pour piétiner ce qu’il lui restait d’amour propre et boire encore un peu, bêtement. « Est-ce qu'à un moment tu vas cesser de jouer au con ? Je croyais que... » Il la laisse lui arracher sa bouteille sans même chercher à résister. Elle croyait que ? Il a l’air pitoyable, le directeur de l’orphelinat, lorsqu’il relève les yeux et les plante dans ceux de Moira. Acculé contre sa voiture. Apathique. Il n’a pas l’alcool violent, c’est déjà ça. Il n’a pas l’alcool joyeux non plus. Il a l’alcool lucide, il a l’alcool dépressif, il a l’alcool dans le sang. « Tu as peut-être l'impression que la bouteille est ta plus fidèle alliée... Mais plus tu boiras, plus tu seras seul et pire ce sera, Aaron. Je ne sais pas pourquoi maintenant ni ce qui te passe par la tête, et je ne prétends pas pouvoir te dire que je sais ce que c'est. Seulement, moi aussi j'ai mes démons, et je sais qu'on peut se sentir parfois désemparé... Oh merde, mais en plus tu vas finir aveugle, avec une piquette pareille... Ecoute, je... Je ne peux pas te laisser seul dans cet état. Parle-moi, s'il te plaît, hurle-moi dessus si ça peut t'aider, mais fais sortir ce que tu as sur le cœur, au lieu de le confier à l'alcool. Tout ce qu'il peut faire, c'est noyer tes problèmes et toi avec, pas les résoudre. » Les yeux noisette de l’homme ne quittent pas un seul instant ceux de Moira. Il l’écoute sans comprendre, il l’entend sans écouter, il lit sur ses lèvres sans chercher à retenir. Il se concentre sur ce qu’elle ressent, il se concentre sur ce dont il ne peut pas faire abstraction. ”Merci.” Les percussions se sont apaisées. ”Tu vas attraper froid.” C’est tout ce qu’il trouve à dire, avant de tendre le bras pour récupérer la bouteille, sans volonté. Aussi vite que la colère de Moira s’est calmée, en apparence, sa migraine a perdu en intensité, a perdu en force. Et son agitation tout autant. Il n’a pas l’alcool violent, Aaron. Il a l’alcool apathique. ”Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?” Oh. Il a aussi l’alcool direct, Aaron. L’alcool franc. Ce qui est une certaine forme de violence, lorsqu’on lève les inhibiteurs appelés tact. ”Je suis un lâche, Moira, je suis un foutu lâche. Donne-moi cette foutue bouteille, rien à foutre si je m’en rends aveugle, j’aurais que ce que je mérite.” Une franchise malmenée par des propos inarticulés et des pensées erratiques. Tout comme ses mouvements, quand il verrouille le véhicule et s’en écarte à grandes enjambées en direction de la forêt. La pluie, il commence même à l’ignorer, quand bien même elle s’infiltre partout, goutte dans sa nuque. ”Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?” Il se retourne dans la direction de Moira, marche à reculons, écarte les bras pour lui exposer à quel point il est pathétique, ainsi alcoolisé, à quel point il est pitoyable, lâche, jusque dans ses fuites. ”Je sais que l’alcool n’est pas une solution, mais tu crois que l’eau en est une ? Et puis, merde… de toute façon, c’est trop tard…” Sa voix se brise, quand il envoie la bouteille au sol d’un mouvement rageur. Elle ne se brise même pas, sur l’herbe trempée, elle se contente de tomber dans un bruit mat, de rouler et de se vider, en silence. ”Qu’est-ce que je vais faire, Moira ? Je n’arrivais même pas à la regarder dans les yeux. Elle doit me détester, elle doit penser que je la déteste. Ma petite princesse…” Sait-il que Moira ne peut rien comprendre de ce qu’il raconte ? Certainement qu’une part de lui le sait, mais… mais même s’il n’est pas saoul, Aaron, il n’est clairement plus sobre. Plus depuis plusieurs heures. Une larme se mêle à la pluie, camouflée par cette eau qui dévale en cascade ses joues, s’accroche dans sa barbe. ”J’ai trahi Chiara.”

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeVen 13 Jan 2017 - 9:26

Songs of good cheer, Christmas is here
Moira & Aaron



Cette belle âme que je lui avais attribué, Aaron venait de la faire voler en éclats d'une gorgée d'un rhum qui aurait rendu sourd et aveugle le plus désespéré des alcooliques. Et c'est pourtant bien ce qu'il avait l'air d'être. Un homme désespéré et un alcoolique. Avait-il seulement conscience des conséquences ? Si ça venait à se savoir, on ne lui laisserait plus les rênes de l'orphelinat, et le résultat serait bien pire que tout le reste. Priver Aaron de se travail reviendrait à l'achever plutôt qu'à l'aider, mais il n'était clairement pas en état d'émettre des idées lucides et censées. J'avais beau tout faire pour garder en tête le fait que je voulais simplement l'aider, je ne pouvais m'empêcher d'être déçue par cette image qu'il renvoyait de lui-même. Aaron l'homme calme, altruiste, brillant... Réduit à l'état de semi être humain pathétique. J'éprouvais de la peine à le voir ainsi tout en enterrant au mieux ma colère qui, si elle ne s'exprimait plus autant que dans la voiture, perdurait malgré tout.

Faire son deuil prenait du temps, et chacun le vivait à sa manière. J'avais abordé le mien par la colère, dans un premier temps, m'en prenant à tous ceux qui avaient le malheur de m'approcher et en me renfermant sur moi-même en me défoulant sur mon violon. A présent... J'avais plus le sentiment de faire l'autruche, d'ignorer les moments où j'avais envie d'enfouir ma tête dans le sol pour oublier, ne plus entendre et ne plus voir, et dès qu'il m'en prenait l'envie, Marius était là pour me donner un coup de pied au derrière et me faire oublier tout le reste. L'ennui, c'est qu'il n'existait qu'un Marius sur Terre – et qu'importe qui m'entendrait, mais préservez-nous d'un deuxième – et qu'Aaron n'avait visiblement pas ce Marius pour le secouer comme un prunier. Très bien. Parfait. Alors à moi de jouer. Les cheveux ruisselants d'eau de pluie, je secouais la tête.

« Je m'en fiche, si j'attrape un rhume ou une pneumonie, je ne vais pas te laisser là tout seul comme un con à cuver ta saloperie, c'est clair ? Et si jamais j'attrape une cochonnerie, tu seras de corvée et obligé de venir m'apporter ma soupe. »

Ces mots auraient pu prêter à rire, si je n'avais pas eu l'air aussi bougon. Je grelottais tant il faisait froid mais continuais de fixer Aaron avec un regard brillant de détermination. Qu'est-ce que je voulais qu'il me dise ? N'importe quoi mais qu'il me parle ! Qu'il ne reste pas là à se murer dans son silence, à m'ignorer délibérément et à rejeter la main que je lui tendais pour l'aider. Lorsqu'il tendit la main pour attraper la bouteille, je l'écartais d'un geste sec, mais cédais devant son insistance. Et bien vas-y ! Anéantis-toi et ton foie avec ! Imbécile... Triple con...

« Mais qu'est-ce que tu racontes, bon sang ? Qui t'a mis dans la tête que tu étais un lâche ? C'est totalement faux ! Tu n'as rien d'un lâche, et tu n'as pas à t'infliger tout ça, Aaron. Avoir des problèmes de conscience, c'est une chose, vouloir s'auto-détruire, c'en est une autre. »

J'éprouvais une peine difficile à masquer, à le voir comme ça. La peine déchirait ses traits ravagés par l'alcool, et j'avais le sentiment de manquer une partie de l'histoire, de ne pas avoir tous les éléments pour pleinement comprendre pourquoi il se sentait si mal. A nouveau ce « qu'est-ce que tu veux que je te dise ? » N'importe quoi, Aaron, n'importe quoi pourvu que tu me parles et cesse de t'alcooliser. Je le regardais s'éloigner, n'accordais pas un regard à la bouteille qui alla s'échouer sur le sol boueux, puis fronçais les sourcils. Qu'est-ce qui était trop tard ? Mon cœur rata un battement lorsque sa voix s'étrangla sur le mot princesse. Mes quelques neurones malmenés par la pluie se mirent en branle, mon visage se détendit sous l'effet de la surprise, et j'esquissais un mouvement dans la direction d'Aaron. Il n'y a qu'une personne qu'un père pourrait jamais appeler « ma princesse ». Une seule et unique personne si chère à ses yeux que le moindre mal qui lui serait fait pousserait au pire, à commettre l'irréparable... A se mettre dans un état pareil, aussi. Je m'avançais vers Aaron, déterminée à le ramener dans la voiture et surtout à lui sortir de la tête qu'il était responsable de ce je ne sais quoi dont il s'accusait. Pourtant, je me figeais net au milieu du parking en entendant son nom. Chiara. « J'ai trahi Chiara ». Mon cœur se mit à tambouriner dans ma poitrine tandis que les pires explications me venaient, martelées par un esprit un peu trop pessimiste et créatif. Et s'il se sentait coupable pour ce baiser que nous avions échangé ? Si c'était finalement ce rapprochement entre nous qui lui donnait l'impression de trahir sa défunte épouse ? J'avais beau craindre le pire, je n'arrivais pas à trouver cette hypothèse crédible. Il aurait réalisé plus tôt, aurait compris avant même de m'embrasser que ce rapprochement n'était pas possible. Il... Il ne m'aurait pas laissée l'approcher de si près. Et surtout, il n'aurait pas mis si longtemps à réaliser... Du moins l'espérais-je, car à présent, j'éprouvais un cruel sentiment de culpabilité. Si mes sentiments étaient d'une quelconque manière responsable de son état, je savais que je m'en voudrais au point de ne plus oser le regarder dans les yeux. Prenant mon courage à deux mains, je le rejoignais et me plantais devant lui, le regard déterminé malgré une mèche rousse et trempé qui me tombais sur le visage.

« Tu n'as trahis personne, Aaron... Tu veux bien me raconter ce qu'il s'est passé ? Ne garde pas tout ça pour moi, tu peux... Tu peux m'en parler, tu sais. Qu'est-il arrivé à Celeste ? »

J'aurais aimé pouvoir user de ma mutation pour apaiser ses nerfs et lui offrir un peu de repos, j'aurais voulu pouvoir l'aider avec ce don dont la nature m'avait fait cadeau, mais la hantise de le voir sortir un poignard, un revolver ou même ses deux mains pour m'étrangler tout en m'avouant être un chasseur ne me quittais pas. Et pourtant... Pourtant il en avait besoin, de ce soutien, de ce réconfort. Qui étais-je pour préférer me cacher plutôt que de l'aider ? Après tout... L'effet de ma mutation était audible, mais peut-être l'alcool atténuerait-il suffisamment sa perspicacité pour qu'il ne s'en rende pas compte ? Je relevait les yeux vers le visage décomposé de cet homme pour qui j’avais tant de respect et d’affection, réalisant que j’allais de nouveau jouer à un jeu risqué. Je savais que le moindre regard, la moindre remarque sous entendant que je pouvais être un monstre achèverait le peu de confiance qu’il me restait. Lorsque je repris, ce ne fut que pour apaiser la tension qui lui nouait les nerfs, pour détendre un peu son visage, décrisper tout ce qui lui donnait davantage l’air d’un constipé qu’autre chose. L’ennui, avec ma mutation, c’est qu’elle agissait sur le physique, le corps, pas l’esprit.

« Tu sais que tu peux me parler, Aaron. J’ai plus de conversation que ta bouteille et je… j’aimerais t’aider, dans la mesure du possible. Qu’importe qu’il soit trop tard pour… pour ce qui te tracasse, il y a sûrement des solutions pour te racheter, tu ne crois pas ? »

Oublié, et froid. J’étais tendue, concentrée, mais surtout , je me détestais d’être ainsi sur le qui vive, prête à faire moduler cette fichue mutation pour faire de ce pansement que j’appliquais sur ses plaies une arme pour me défendre. L’aider à se sortir la tête de sa bouteille, c’était bien mon seul souhait à cet instant, à l’exception d’un radiateur et de vêtements secs. Les yeux plantés dans les siens, j’attendais désespérément qu’il sorte de son mutisme et cesse de me parler par énigme. Qu’il cesse de me tenir à l’écart de problèmes qui étaient visiblement trop difficiles à gérer pour un seul homme et qu’il n’aurait pas dû affronter seul.

J'espère que c'est pas plein de fautes, j'ai fini d'écrire ça dans le rer et mon téléphone corrige... tout sauf ce qu'il faut... (Aaron) | All within me gone but pain and hope 2796218058
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeMer 18 Jan 2017 - 23:30

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Seul. Il est seul, Aaron. Il est seul dans son esprit, seul dans sa douleur, seul dans son errance, seul dans son alcoolisme, seul dans ses pensées qui tournent et le tourmentent. Il est seul, Aaron, dans sa solitude angoissante. Il est seul, lorsqu’il la remercie sans que rien, strictement rien, dans les propos de la rousse ne puissent expliquer ce simple merci qu’il articule. Il est seul, Aaron, lorsqu’il se soucie brusquement d’elle, dans des propos aussi incohérents que juchés sur une lucidité douteuse. Il est seul, Aaron, lorsqu’il tente de réattribuer un sens à ce qu’il dit, à ces mots qui s’entrechoquent dans sa gueule, lorsqu’il s’hasarde à espérer ordonner ce qu’il avoue. Il est seul, dans sa lâcheté. Seul, dans son mariage. Seul dans sa paternité. Seul, désespérément seul, horriblement seul, éternellement seul, et cette solitude, cette solitude qu’il secoue dans tous les sens pour lui donner une consistance, cette solitude… n’existe pas. Il ne le sait pas, Aaron, mais il n’est pas seul. La rouquine face à lui a rompu cette solitude il y a déjà maintenant quelques mois. La violoniste qui vient de le sortir de sa torpeur alcoolique l’a arraché à cette solitude par la force, a fait exploser la bulle d’altruisme recroquevillé d’Aaron sans qu’il ne le prémédite. Et il l’oublie. Ah ça… l’alcool ne lui a pas permis d’oublier l’aveu de Celeste, il ne lui a pas non plus permis d’oublier, il y a onze ans, qu’il allait trouver le lit bien vide et bien froid la nuit qui allait suivre, il ne lui a pas permis d’oublier des dettes, des créances toujours plus élevées, toujours plus rapprochées, toujours plus menaçante. Mais il lui permet actuellement d’oublier que tout ce poids dont il se charge, il a eu la chance de pouvoir peut être en confier une partie à Moira ; chose qu’elle tente de lui rappeler. « Je m'en fiche, si j'attrape un rhume ou une pneumonie, je ne vais pas te laisser là tout seul comme un con à cuver ta saloperie, c'est clair ? Et si jamais j'attrape une cochonnerie, tu seras de corvée et obligé de venir m'apporter ma soupe. » Il secoue la tête, imperméable à des propos et des menaces qui l’auraient pourtant, en temps normal, poussé au rire. Il oublie qu’il n’est plus seul, Aaron, quand il lui demande ce qu’elle attend de lui. Que veut-elle qu’il lui dise ? Une petite voix amère lui chuchote qu’il n’y a rien à dire, que les dés sont jetés, que le vaccin a fait effet, a brisé sa petite princesse, que faire marche arrière n’est plus possible. Ce n’est même plus avoir l’alcool triste, c’est avoir l’alcool dépressif. Il est lâche, Aaron, il est lâche et il se sent aussi coupable que les chasseurs qui ont agressé sa petite puce. Il est lâche, Aaron, et ses propos inarticulés ne supportent plus la moindre cohérence depuis bien des heures. Il est lâche, Aaron, et il est même lâche lorsqu’il arrache des mains de Moira une bouteille d’un alcool si bon marché qu’il en deviendrait létal sans la réglementation pour sauver la vie d’un quarantenaire alcoolique. Est-il alcoolique ? Aaron refuse de répondre à cette question. Il est lâche, le père, le veuf, le directeur et le mutant. Il est lâche. Foutrement lâche.

« Mais qu'est-ce que tu racontes, bon sang ? Qui t'a mis dans la tête que tu étais un lâche ? C'est totalement faux ! Tu n'as rien d'un lâche, et tu n'as pas à t'infliger tout ça, Aaron. Avoir des problèmes de conscience, c'est une chose, vouloir s'auto-détruire, c'en est une autre. » Il secoue la tête, encore une fois. Qu’est ce qu’elle veut qu’il lui réponde ? Qu’est ce qu’elle attend de lui, bon sang ? S’autodétruire, c’est vraiment ça qu’il est en train de faire ? Qu’il donne l’impression de faire ? Vraiment ? Il écarte les bras, Aaron, expose au monde son corps de lâche, ses yeux brillant d’alcoolémie et de désespoir. Il expose toute la réalité de son être à Moira. Une belle âme avait elle dit ? Qu’elle est belle, l’âme, salie par des remords, salie par une couardise, salie par un aveuglement qu’Aaron ne se pardonnera jamais. Il recule, Aaron, parce qu’il ne se contente pas que d’être lâche, non. Il fuit. Il fuit aussi. Et dans un mouvement de colère, il complète le tableau en rejetant la faute sur une bouteille qui ne daigne même pas se briser, qui se permet de rebondir sur une herbe trempée. Trop tard, ces deux mots se suspendent entre eux deux une fraction de seconde avant que la volonté, ou du moins ce qu’il en reste, d’Aaron ne s’éparpille en fragments érodés de détresse. Que va-t-il faire ? La question, plus ou moins consciente, l’a torturé tout l’après-midi sans qu’il n’y trouve de réponse. Pas l’ombre d’une solution. Pas l’ombre d’un espoir. Que va-t-il faire ? Chez les Trager, la mutation va de soi, la mutation n’est pas seulement un gène, c’est une part de leur identité, une part de leur être. Celeste est mutilée. Celeste est handicapée. Il a trahi Chiara. Il a trahi la mère de sa fille. Et, ce faisant, il a trahi deux lignées de mutation, il a trahi son mariage, il a trahi sa paternité, il… « Tu n'as trahis personne, Aaron... Tu veux bien me raconter ce qu'il s'est passé ? Ne garde pas tout ça pour toi, tu peux... Tu peux m'en parler, tu sais. Qu'est-il arrivé à Celeste ? » Il détourne le regard. Lui en parler ? Qu’est-il arrivé à Celeste, la question de Moira est un poignard planté dans sa poitrine, jusqu’à la garde. Si Aaron avait eu l’alcool violent, il aurait frappé Moira. Il se serait jeté sur elle, sans la moindre hésitation, pour la frapper et la faire taire, pour qu’elle ne repose pas, jamais cette question. Si Aaron avait eu l’alcool violent, il l’aurait repoussée. Sans douceur. Mais Aaron… est Aaron. Et il est pathétique. Il se contente de la regarder. D’un air désespéré. Peut-il réellement lui en parler ? La symphonie qui se dresse devant lui attire un instant son attention, l’attire hors des brumes de l’alcool. Aaron plisse les yeux. Il ne veut pas répondre. Il ne peut pas répondre. Alors il écoute. Il concentre son attention sur autre chose. Sur quelque chose d’apaisant. D’angoissant. Et… quelque chose qu’il connait, qu’il connait bien. Qu’il connaît beaucoup trop bien. Pendant des années, il n’a cru pouvoir entendre que ça, ne pouvait retoucher que ça, ne pouvoir harmoniser que ça. Il reconnaît ces accords, il reconnaît ces pas délicats, ces sons peut-être graves, mais loin d’être comparables à ceux d’une colère sourde. Et ils le touchent. En plein cœur. La peine de Moira est une flèche qui se plante dans sa poitrine. « Tu sais que tu peux me parler, Aaron. J’ai plus de conversation que ta bouteille et je… j’aimerais t’aider, dans la mesure du possible. Qu’importe qu’il soit trop tard pour… pour ce qui te tracasse, il y a sûrement des solutions pour te racheter, tu ne crois pas ? » Peut-il lui parler ? Les muscles d’Aaron se décontractent. Sa concentration, elle, se raffermit. Et son esprit, lui, gagne en lucidité. Il entend, Aaron. Il entend qu’on fait quelque chose. Qu’on lui fait quelque chose. Il ne sait pas à quel niveau, il ne sait pas comment. Mais il entend. Et ce qu’on lui fait déchire, égratigne le voile que l’alcool a posé sur son esprit, suffisamment pour que ses réflexes, son intuition et son instinct, sa volonté et ses désirs les plus enfouis, réagissent à leur manière. La peine de Moira disparaît. Mouchée. Délicatement. Et Aaron fond en larmes en relâchant la tension.

C’est une marionnette à laquelle on vient de couper les fils, Aaron. C’est une marionnette à laquelle on vient d’ôter la tension qui la maintenait debout. Moira, il ne comprend pas comment elle a fait ou ne veut pas comprendre, Moira vient d’abattre en quelques mots, de sa voix, de sa voix, tout ce qui maintenait encore Aaron droit malgré la fatigue, malgré la détresse, malgré son désespoir et surtout malgré l’alcool. Moira, dans les bras de laquelle il s’écroule. « Ils l’ont mutilée, ils l’ont saccagée, et moi… et moi je n’ai rien vu, je n’ai rien voulu voir, je l’ai laissée s’autodétruire, se ronger, je parlais de son don, comme une part d’elle-même et elle… ma petite princesse, je lui vantais les rayons du soleil alors qu’elle ne pouvait plus voir et qu’elle n’osait pas me le dire… » Il n’a plus de force, Aaron. Moira est son soutien, un soutien par bien des manières même si Aaron se borne encore à l’ignorer, à fermer les yeux à ce sujet. A ce sujet aussi. « J’ai trahi Chiara, je l’ai trahie, je les ai laissés toucher à mon bébé, à mon petit bébé… » Il est pathétique, Aaron. Il ne sait plus ce qu’il dit, il n’arrive même plus à organiser dans son esprit déjà chaotique de nature ce qu’il veut hurler. « Je ne sais pas comment je vais faire, comme je peux l’aider… je ne peux même pas effacer sa peine, ça ne ferait que la renforcer… » Tout comme la sienne. Aaron sait que s’il utilise sa mutation sur sa fille, il ne fera que saupoudrer une plaie ouverte de sel et de citron. Tout comme il attise sa propre détresse à chaque fois qu’il tente de la faire disparaître. « Jamais… jamais je ne m’étais senti aussi impuissant… »

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeDim 22 Jan 2017 - 15:40

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



S'il y avait bien une chose que je détestais plus que tout, c'était bien de me sentir impuissante face à quelqu'un dont la détresse était palpable et tangible. C'était d'autant plus frustrant que j'avais une réelle affection pour Aaron, affection qui me poussait à lui tendre la main sans savoir quoi en faire derrière. Boire un verre, c'était une chose. Boire pour noyer toute forme de culpabilité c'en était une autre, et de taille. L'eau s'insinuait dans les mailles du tricot de mon écharpe, s'infiltrait dans mon cou, et lorsqu'une goutte commença à glisser le long de mon dos, un frisson me fit sursauter. Pourtant je restais là, face à Aaron, bien décidée à ne pas baisser les bras et à ne surtout pas le laisser seul ici avec un tel taux d'alcool dans le sang. Bon sang mais à quoi jouait-il ? Je me mordis la joue, me retenant de lui dire que s'il reprenait la route dans un tel état, il lui arriverait la même chose qu'à Chiara et qu'à l'arrivée, c'est Celeste qui se retrouverait toute seule. Hyperémotive comme je l'étais, ce devait être un supplice pour Aaron, seulement j'étais loin de me douter qu'il était un mutant, et qui plus est le second motiopathe que je rencontrais.

La peine et l'impuissance, je connaissais. Seulement, j'avais toujours refusé de me laisser abattre, refusé de laisser la mélancolie l'emporter sur moi, refusé le droit à ceux qui m'avaient tout pris de gagner. Quelle que soit la raison de la détresse d'Aaron, il n'avait pas le droit de se laisser abattre, parce qu'il n'était pas seul. Le cœur battant à tout rompre sous l'effet de la peur, je laissais ma mutation s'enrouler autour de mes cordes vocales, les faisant instinctivement vibrer à une fréquence qui ne pourrait que détendre les muscles incroyablement crispés d'Aaron. Petit à petit, la tension se libéra autour de ses articulations, les ondes s'insinuèrent entre tous les pores de sa peau, je vis la raideur de son échine s'affaisser un peu. L'ennui, c'est que je n'avais absolument pas prévu la suite. L'aider à se détendre c'était une chose, le voir soudain fondre en larmes, c'en était une autre.

« A... Aaron ? J'ai dis quelque chose de mal ? »

Ce n'était pas tant les mots que ce que je venais lui infliger, qui posait problème. Bougre d'idiote, Moira ! A croire que je maîtrisais bien mieux tous les aspects négatifs de ma mutation. Pourtant, je savais, je sentais que quelque chose s'était produit, c'était simplement le résultat qui m'échappait. Lorsqu'il s'écroula dans mes bras, j'eus toutes les peines du monde à ne pas tomber à la renverse. Il avait beau ne pas être si lourd que ça, je le sentis bel et bien s'effondrer de tout son poids sur moi. Surprise, il me fallu quelques secondes pour me reprendre. J'entourais ses épaules de mes bras et passais une main dans ses cheveux trempés pour tenter de le rassurer. Pourtant, je n'eus pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il se confiait déjà à moi, dans ses propos si incohérents que je n'en compris que la moitié. Ils l'ont mutilée... Celeste avait-elle était torturée d'une manière ou d'une autre ? Imaginer une si jeune fille prise pour cible par une bande de fous me donna le vertige mais je gardais Aaron serré contre moi. Et finalement, je compris.

Le don. C'était un terme que j'avais maintes fois entendu mon père prononcer, un terme élogieux pour une anomalie génétique – on pouvait être fier ou non d'être mutant, une anomalie restait une anomalie – un terme que l'on n'aurait jamais entendu chez un chasseur. Ainsi, Celeste était une mutante. Une mutante vaccinée, si j'interprétais correctement les propos étranges d'Aaron. Fatiguée des chasseur, totalement et définitivement opposée au vaccin, je sentis la colère enfler à nouveau en moi, une envie d'aller traquer le premier chasseur venu pour enfoncer une seringues dans les fesses et... Et ce fut tout. Ma colère retomba comme un soufflé, mouchée par rien que je n'aurais pu expliquer. Tout ce que je savais, c'est que j'avais éprouvé un accès de rage aussi violent que bref. Il ne restait que l'inquiétude, la peine et l'affection pour cet homme meurtrit qui pleurait dans mes bras. La colère disparue, je me concentrais à nouveau sur les étranges propos d'Aaron. Comment aurait-il voulu effacer sa peine ? C'était impossible, on ne pouvait qu'être présent et soutenir pour tenter de l'apaiser, mais qui aurait pu la supprimer ? Bon certes, un mutant. Minute... Un mutant ? N'ayant pas le temps d'émettre des conclusions, j'aidais Aaron à se redresser et pris son visage entre mes mains. Du pouce, je chassais les larmes et l'eau de pluie qui lui couvrait les joues, et lui offrais un sourire rassurant. Maintenant la même vibration et la même fréquence, je murmurais :

« Aaron Trager, tu es décidément un homme plein de mystères. Tu aimes ta fille, et il n'y a pas besoin de t'entendre le dire pour le savoir. Tu l'aimes mais tu ne peux pas être derrière elle à chaque heure du jour et de la nuit. Tu sais comment son les ados, arrivés à 15 ans, ils veulent leur indépendance et suuuurtout que papa ne soit pas derrière sa fille pour lui tenir la main. »

J'écartais une mèche de cheveux son visage, poursuivant d'une voix si douce qu'elle ressemblait presque à un ronronnement.

« Ta culpabilité est celle d'un père persuadé de son erreur et de son échec. Je ne suis pas mère, aussi je ne te ferai pas l'affront de te dire que je sais ce que c'est mais... La culpabilité, je connais. Ca te ronge, t'empêche de dormir, te fais dire et faire des conneries... Mais ça t'empêche surtout de voir l'essentiel. Celeste a besoin de toi, Aaron. Elle est probablement perdue, elle doit se sentir seule, et si elle t'a caché sa... Sa vaccination, c'est certainement par peur de te décevoir ou par peur de cette réaction. Celle que tu as actuellement. »

Je potais sa poitrine du doigt et mon regard se durcit un peu.

« Tu n'as pas le droit de l'abandonner maintenant, Aaron. Celeste a besoin de son père, de ton soutien. Elle n'a pas besoin d'un type alcoolisé qui se morfond, tu comprends ? Je n'ai pas connu Chiara, mais à sa place, j'aurais envie de te mettre un bon coup de pied au derrière pour que tu retournes fissa chez toi et t'occupes de ta fille. »

C'était sûrement dur à entendre, mais j'étais persuadée qu'il en avait besoin. Lui tapoter l'épaule en lui disant « ne t'en fais pas, continue à boire elle s'en remettra », ce n'était pas mon genre.

« Tu n'es pas impuissant, disons plutôt que... Tu t'y prends mal. Désolée, je n'ai pas d'autre mot. Prends ton courage à deux mains, décuve un coup et tend la main à ta fille. Elle a sûrement besoin de savoir que tu l'aimes et la soutien, car je pense que la perte de sa mutation la chamboule suffisamment comme ça. »

Je parlais en connaissance de cause et pourtant, je n'avais perdu la mienne que pendant un mois.

« Tu t’autodétruis et pendant ce temps, Celeste est toute seule. A deux vous serez bien plus forts, à deux... A deux, vous êtes une famille. Alors lâche la bouteille et viens te mettre à l'abri dans cette voiture, il commence vraiment à faire froid. »

Une famille... Ma voix s'était étranglée sur ce mot. La mienne de famille ressemblait à un champ de bataille stérile et sans saveur, aussi me sentais-je très mal placée pour lui faire ce genre de remarque.
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeLun 30 Jan 2017 - 22:45

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Lâche. Aaron n’est pas persuadé de l’être: il sait simplement qu’il l’est. Qu’il est en train de découvrir une part de lui jusque-là ignorée, jusque-là enfouie, et une part de lui qu’il doute apprécier un jour mais avec laquelle il va devoir vivre. L’eau s’insinue dans son col, investit chaque recoin de tissu pour lui glacer le sang, pour lui glacer les bronches. Mais l’alcool réchauffe, l’alcool insensibilise et l’alcool est là pour qu’il oublie, oublie le reste, oublie l’aveu de sa fille, pour qu’il en oublie jusqu’à sa propre existence. Maigre espoir délité, la présence de Moira, de sa colère, de son inquiétude, la présence de cette symphonie qui s’est faite omniprésente dans sa vie ces derniers mois le rattache trop à la réalité pour qu’il parvienne à nouveau à se laisser aller. La voix de Moira est un phare dans son obscurité, ses pensées embrumées par l’alcool et la lâcheté réussissent à s’organiser quand ses muscles, bien malgré eux, commencent à se détendre, à défaire ce noeud de tension qui les épuisaient petit-à-petit. Il a mal, Aaron, il a mal et pourtant… pourtant… jusque-là, il était incapable de pleurer. Pathétique, l’alcool l’a rendu pathétique. Pitoyable, maintenant le voilà pitoyable. Il fond en larmes, le motiopathe incomplet, il fond en larmes dans les bras de Moira alors que tout, tout semble s’écrouler, balayé par ce qu’elle ressent, parce qu’il ressent, par ces symphonies qui tonnent et résonnent dans son esprit, balayé par il ne sait quoi, mais par ce que Moira vient de lui faire, c’est une certitude. « A... Aaron ? J'ai dit quelque chose de mal ? » Il secoue la tête immédiatement. Qu’a-t-elle dit de mal, finalement, autre que la vérité, autre que des questions légitimes auxquelles il aimerait ne pas pouvoir répondre ? Rien, elle n’a rien fait de mal. Rien, elle n’a rien dit de mal. Il n’y a que lui, des deux, qui soit coupable de quelque chose. De tant de choses.

Les propos d’Aaron n’ont aucune cohérence; et il serait bien idyllique d’y chercher aussi une quelconque dignité. Les propos d’Aaron sont décousus. Il articule avec difficulté, la main de Moira qui passe dans ses cheveux trempés lui le rajeunit, le quarantenaire. Quelque part, il a l’impression d’être un enfant, un enfant que l’on rassure après un cauchemar. Sauf qu’il n’a plus rien d’un enfant, et ce depuis des années ; sauf qu’il serait grand temps que, par certains aspects, il prenne ses responsabilités, Aaron. On a mutilé sa fille. On lui a arraché ce qu’elle avait de plus précieux, on l’a saccagé et lui, merveilleux père, ne s’en est pas rendu compte. La culpabilité transperce sa poitrine à chaque respiration, sa mutation se disperse. Et si elle n’échappe en rien à son contrôle, pour le moment, elle prend des initiatives à l’instant où les oreilles du directeur hurlent de détresse sous la colère brûlante qui explose devant lui. Une colère, aussi forte que fugace, qu’il douche sans plus tarder, qui survit sous la forme d’une migraine croissante. Une colère provenant de Moira, une colère qui disparaît, soufflée par le motiopathe, mais une colère qui agit sur lui comme une gifle assénée avec violence. Une colère dont il ne reste rien en un battement de cœur, mais qui marque le visage d’Aaron lorsque les mains de Moira encadrent son visage pour essuyer ses larmes mêlées de pluie. « Aaron Trager, tu es décidément un homme plein de mystères. Tu aimes ta fille, et il n'y a pas besoin de t'entendre le dire pour le savoir. » Il a les yeux rivés dans ceux de Moira, d’une couleur éclatante. S’il aime sa fille ? Bien sûr. « Bien sûr que je l’aime… » murmure-t-il même pour le revendiquer. « Tu l'aimes mais tu ne peux pas être derrière elle à chaque heure du jour et de la nuit. Tu sais comment sont les ados, arrivés à 15 ans, ils veulent leur indépendance et suuuurtout que papa ne soit pas derrière sa fille pour lui tenir la main. » Le contact de Moira, de ses doigts sur son visage, la mélodie de sa voix qui parvient, surnaturellement, à l’hypnotiser au point qu’il n’entende plus tout le reste, tout cela ramène petit à petit Aaron sur terre.

« Ta culpabilité est celle d'un père persuadé de son erreur et de son échec. Je ne suis pas mère, aussi je ne te ferai pas l'affront de te dire que je sais ce que c'est mais... La culpabilité, je connais. Ça te ronge, t'empêche de dormir, te fait dire et faire des conneries... » Si ses premières phrases ont pu éveiller en lui des échos de compréhension, agir comme des miroirs capables de révéler ce qu’il ne parvenait pas à voir, les dernières… Aaron n’arrive pas à se les approprier. Parce que sa culpabilité, même si elle le ronge, même si elle est belle et bien là, même si elle le transperce et le détruit… cette culpabilité, il la mérite. « Mais ça t'empêche surtout de voir l'essentiel. Celeste a besoin de toi, Aaron. Elle est probablement perdue, elle doit se sentir seule, et si elle t'a caché sa... sa vaccination, c'est certainement par peur de te décevoir ou par peur de cette réaction. Celle que tu as actuellement. » Les pupilles d’Aaron se détachent de celles de Moira pour se poser sur le doigt accusateur qu’elle pointe dans sa direction. Celeste a besoin de lui. Bien sûr qu’elle a besoin de lui, mais… elle a aussi besoin de sa mère, elle a besoin d’un père exemplaire, elle n’a pas besoin d’un père… aussi aveugle que lui. « Tu n'as pas le droit de l'abandonner maintenant, Aaron. Celeste a besoin de son père, de ton soutien. Elle n'a pas besoin d'un type alcoolisé qui se morfond, tu comprends ? Je n'ai pas connu Chiara, mais à sa place, j'aurais envie de te mettre un bon coup de pied au derrière pour que tu retournes fissa chez toi et t'occupes de ta fille. » « Arrête… » souffle-t-il. « Tu n'es pas impuissant, disons plutôt que... tu t'y prends mal. Désolée, je n'ai pas d'autre mot. Prends ton courage à deux mains, décuve un coup et tends la main à ta fille. Elle a sûrement besoin de savoir que tu l'aimes et la soutiens, car je pense que la perte de sa mutation la chamboule suffisamment comme ça. » Il ouvre la bouche, Aaron, sans parvenir à articuler le moindre mot à opposer à Moira ; la culpabilité enfle, et enfle encore, l’étouffe et l’étrangle, le nuit sous cette pluie diluvienne d’accusations masquées. Bien sûr que Moira a raison, bien sûr. Et c’est bien parce qu’elle a raison qu’Aaron a aussi mal : Celeste a besoin d’un père, et lui… est absent « Tu t’autodétruis et pendant ce temps, Celeste est toute seule. A deux vous serez bien plus forts, à deux... A deux, vous êtes une famille. Alors lâche la bouteille et viens te mettre à l'abri dans cette voiture, il commence vraiment à faire froid. » Il ouvre la bouche une seconde fois, sans succès. Encore.

Alors il recule, Aaron. Il recule d’un pas, puis de deux. Pas plus, juste deux pas. Juste assez pour… respirer. Celeste est toute seule. Non, elle n’est pas seule. Elle a Maxim, comme un frère pour elle. Elle a… Il ferme les yeux. « Alors si je comprends bien, je n’ai pas le droit de… » Pas le droit de quoi, au juste ? Il a du mal à formuler ses pensées. Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement : rien ne se conçoit bien, chez lui, strictement rien. Ses certitudes n’ont plus de forme, ses convictions ont le goût doux-amer de l’incertain. S’il comprend bien, finalement… « Je sais que Celeste a besoin de moi. Mais moi, moi aussi j’ai… » De quoi a-t-il besoin ? De soutien. D’un soutien qu’il trouve dans l’alcool parce qu’il ne peut pas exiger ça de Sofiane, parce qu’il n’a plus l’épaule de Chiara. Parce que… « J’aurais dû t’appeler, c’est ça ? » Il y a de l’agressivité dans sa voix, une agressivité née de ses remords. « J’ai… » Une agressivité qui laisse place à de l’amertume alors que son regard dérive sur la bouteille échouée au sol, puis vers la forêt qui lui tend les bras et, enfin, la voiture encore allumée, vouée à se décharger de sa batterie toute la nuit. « Ne t’inquiète pas, demain, Celeste aura droit à un père qui l’écoute, qui s’occupe d’elle. » Demain. Parce que ce soir… ce soir, Aaron s’est cru avoir le droit d’être égoïste et de s’apitoyer sur son propre sort au lieu d’être auprès de sa fille et de la réconforter. Il se baisse, tente de se baisser mais se contente de tituber, pour ramasser le cadavre de la bouteille de rhum, et faire un pas hésitant en direction du véhicule. « Demain, tu retrouveras l’Aaron respectable, celui qui gère, celui qui sourit, il sera bien plus appréciable. Ah ouais… il doit avoir une belle âme, cet Aaron-là, pas comme celui-là, là, devant toi… un déchet, n’est-ce pas ? » Il secoue la tête. « Parce que c’est ce que tu penses de moi, non ? Tu as pitié de moi. Tes harmonies… ta mélodie… je suis à ce point pitoyable ? » Ce sont des questions rhétoriques qu’il articule, Aaron. Entend-il vraiment cela ? Une part de lui chuchote que bien au contraire, il suscite chez Moira ces émotions, parce qu’il a conscience de les mériter. Parce qu’il a conscience de créer un malaise chez elle, comme pour insister sur le caractère pitoyable de sa situation.

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeSam 4 Fév 2017 - 11:54

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron


All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron
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Il secoua la tête contre mon épaule, je passais une main dans ses cheveux trempés pour tenter de le rassurer. Il fallait bien avouer que là, j'étais larguée. Je n'avais rien fait de mal mais alors pourquoi pleurait-il d'un coup ? Je savais ma mutation capable de changer radicalement une attitude, mais j'étais surprise de voir quelle détresse et quelle impuissance se cachait sous un masque de colère et de résignation. J'avais pris l'habitude de voir un Aaron souriant, un Aaron soucieux du bien être de son entourage, un Aaron qui dissimulait à la perfection des problème bien plus profonds qu'il n'y paraissait. Je me sentais presque coupable de lui avoir arraché un baiser sans même avoir pris le temps de creuser tout ce qui pouvait aller mal chez lui. J'avais l'impression d'être impuissante, d'être incapable de trouver les mots justes pour le rassurer et l'apaiser. Je me sentais si... Bête ! Bête et incapable. Si j'allais mieux ces derniers temps, ce n'était grâce ou à cause de l'acceptation de la mort de William, ce n'était pas parce que le temps faisait son affaire... C'était parce qu'Aaron était la chose la plus bénéfique qui me soit arrivée en six ans. J'avais presque l'impression d'agir comme une adolescente, d'avoir une sorte de « crush » ridicule pour un homme plus vieux que moi, mais sa présence m'apaisait, sa voix me calmait, son sourire me rendait heureuse, et j'étais en train de tomber bêtement dans le panneau. J'allais mieux, il allait plus mal, comme si la balance peinait à s'équilibrer. Alors je tentais maladroitement de le rassurer, le couvant d'un regard affectueux tout en faisant vibrer ma voix de manière à... Le détendre, à défaut de chasser ses mauvaises pensées. Je n'étais pas du genre à simplement dire ce que les gens avaient envie d'entendre mais plutôt à parler à cœur ouvert, et tout ce que je voulais, c'était qu'il arrête de faire le pitre sous la pluie et consente à ce que je lui vienne en aide.

Alors forcément, quand il recula avec cette expression fermée sur le visage, je compris que tout ce que j'avais dis avait eu l'effet inverse. Je n'y comprenais plus rien, me demandant vraiment si quoi que ce soit aurait pu permettre à Aaron d'aller mieux. Tu n'as pas le droit de quoi, Aaron ? De pleurer ? D'aller mal ? De te sentir dépassé ?

« Bien sûr que si, tu as le droit d'être mélancolique ou de te sentir coupable, Aaron. Tu as aussi le droit de noyer ton chagrin dans l'alcool, mais tu as le droit de le faire autrement. D'accepter l'aide qui peut t'être apporté. Tu as le droit de... De remonter à la surface, pas de te laisser couler. Ça c'est pas un droit, c'est la fatalité. »

Je me tus et le regardais arpenter ce carré de pelouse boueux et détrempé, grognant des moitiés de phrases inachevées qui n'avaient probablement de sens que dans son esprit embrumé par l'alcool. Les reproches me percutèrent, la colère me frappa, mais je restais de marbre, comme si j'étais à présent incapable de répondre à cette colère. Habituellement, j'étais du genre à démarrer au quart de tour et à gueuler plus fort que tout le monde mais là... Là, c'était comme si ma colère était inaccessible, comme si je me sentais soudain... Agacée, mal à l'aise, le cul entre deux chaises. Et en plus ça rimait. Cette sensation était étrange tout en m'étant familière. Elle me rappelait toutes ces fois où Malachi avait usé de son don pour calmer mes colères ou que je le pardonne plus vite quand, étant petits, nous nous disputions. Seulement, Malachi n'était pas là, Malachi était sûrement au chaud, chez lui, une tasse de thé dans une main et un bouquin dans l'autre. Malachi n'était pas là, il n'y avait que moi et Aaron, et que je ressentais n'avait aucun sens. Lorsqu'il se tut, je fronçais les sourcils, perplexe. Ma mélodie ? Mes harmonies ? Parlait-il de ma voix, transformée par ma mutation ? Je ne comprenais plus rien, et là où j'aurais pu exploser en temps normal, je me contentais d'un soupir.

« Non tu n'aurais pas dû m'appeler. Tu aurais pu. Ce n'est pas un devoir que tu as envers moi, de pouvoir me confier ce qui ne va pas, simplement... Tu aurais pu m'appeler, me dire que ça n'allait pas, nous aurions pu en discuter et j'aurais pu essayer de te réconforter mieux que ne le fera jamais l'alcool. Tu embrumes ton esprit avec des vapeurs de vodka, mais demain il te restera quoi, à part un mal de crâne atroce et des regrets ? »

Doucement, je m'approchais de lui et posais ma main sur son bras pour qu'il me fasse face à nouveau.

« Si demain tu es à nouveau le même que d'habitude, Aaron, je saurai que c'est un mensonge. Je saurai que tu te caches derrière une illusion, que tu souris pour mieux pleurer à l'intérieur. C'est trop tard, Aaron, je suis mêlée à ça et je n'ai pas envie de te laisser tomber. Je n'ai pas envie de te lâcher alors que tu vas mal. Ce n'est pas dans mes habitudes de fuir et... Et merde, quoi ! C'est ce que font les gens qui s'ai... Laisse. »

Les gens qui s'aiment, Moira ? Vraiment ? Sérieusement ? Déjà ? Je lui lâchais le bras, baissais les yeux et enfonçais mes mains dans mes poches.

« Ecoute... Je ne comprends rien à ton histoire d'harmonies et de mélodie... Tout ce que je sais, c'est que si tu veux de mon aide... Tu sais où me trouver, tu sais quoi faire. Je ne vais pas t'y forcer, simplement... Je n'ai pas pitié de toi, Aaron. Je n'ai pas pitié de toi parce que la pitié, c'est insultant. J'ai de la peine parce que tu as l'air triste, tu as l'air malheureux, mais si tu restes muet et refuse qu'on t'aide... Crois-moi tu n'iras pas mieux. Alors secoue-toi, sors-toi les doigts du cul et dis-le : Aide-moi. Que tu me le dises, que tu le dises à Sofiane ou à un inconnu dans la rue, reconnaître qu'on a besoin d'aide, c'est déjà la moitié du trajet de fait. »

Alors oui, égoïstement j'aurais aimé que ce soit à moi qu'il se confie, mais si pour aller mieux il fallait que ça soit quelqu'un d'autre, tant pis. Un Aaron souriant pour masquer sa détresse, c'était masquer le problème pour mieux le laisser faire des métastases un peu partout. Aller à la source du problème c'était douloureux, mais je ne connaissais aucun autre moyen de le guérir. Grelottant, je m'approchais de la voiture et tentais d'en ouvrir la portière, qui resta hermétiquement fermée. Pas con, le gars. Bourré mais pas au point d'oublier de fermer sa voiture.

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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeMer 22 Fév 2017 - 22:31

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Il se sent perdu, Aaron. Si perdu, si seul, si impuissant, si vulnérable. Si coupable, aussi. Coupable de lâcheté, coupable d’aveuglement, coupable d’égoïsme, coupable de bien des choses mais surtout coupable de ne pas être l’homme de la situation, une fois de plus, une fois de trop. Il a tort de se réfugier dans l’alcool, il a tort de se réfugier dans la fuite mais en même temps, quelle solution lui restait-il pour encaisser tout ça, pour encaisser ça, en plus du reste ? Il est seul, Aaron, il se sent seul. Il s’est enfermé dans une solitude polie, dans la solitude de l’âme, dans la solitude de son lit double, dans la solitude de ses draps froids, dans la solitude d’une absence enracinée dans une décennie à présent. Aurait-il dû appeler Moira, la seule à avoir réchauffé son quotidien de cette manière-là, la première et la seule depuis le décès de sa femme ? Très certainement. Il aurait dû l’appeler. Et il le sait. C’était la place à laquelle elle avait droit, c’était la place qu’elle méritait, c’était une place qui lui revenait : celle vers qu’il pouvait se tourner. Mais… Aaron est perdu, Aaron est coupable, Aaron est égoïste. Et Aaron est en colère, aussi. Contre lui, contre tout, contre l’inéluctabilité des secondes, des jours, des mois à venir. Contre le caractère définitif de la vaccination de sa fille. De la mutilation de sa fille, plus exactement. Celeste est seule. L’accusation porte, la flèche touche sa cible. Au mauvais endroit, assurément : Moira ne devait certainement pas avoir pour but d’accentuer la culpabilité du directeur. Et pourtant Celeste est seule. Et lui, et lui, n’a-t-il pas le droit d’être seul ? N’a-t-il pas le droit de perdre pied ? De craquer, de flancher ? Parce qu’il est le père, parce qu’il est l’adulte, n’a-t-il pas le droit, parfois, de se briser ? « Bien sûr que si, tu as le droit d'être mélancolique ou de te sentir coupable, Aaron. Tu as aussi le droit de noyer ton chagrin dans l'alcool, mais tu as le droit de le faire autrement. D'accepter l'aide qui peut t'être apporté. Tu as le droit de... De remonter à la surface, pas de te laisser couler. Ça c'est pas un droit, c'est la fatalité. » Le reproche sonne à ses oreilles comme un hurlement strident, aussi désagréable que les émotions houleuses de la violoniste, exacerbées par le silence qui les entoure, la pluie qui les glace jusqu’aux os et sa propre symphonie, digne d’un dies irae actuellement. Il aurait dû l’appeler. Il aurait dû veiller sur Celeste. Il aurait dû, il aurait dû. Tant de choses qu’il n’a pas faites, tant de choses qu’il aurait dû faire. Et qu’il n’a pas faites. Pas faites. La détresse d’Aaron, lorsque ses yeux plongent dans ceux de Moira, est un cri silencieux. Un cri contenu. Un cri teinté de colère et d’amertume, d’agressivité.

Et de culpabilité.
S’en défera-t-il un jour ? S’en débarrassera-t-il jamais ? « Non tu n'aurais pas dû m'appeler. Tu aurais pu. Ce n'est pas un devoir que tu as envers moi, de pouvoir me confier ce qui ne va pas, simplement... Tu aurais pu m'appeler, me dire que ça n'allait pas, nous aurions pu en discuter et j'aurais pu essayer de te réconforter mieux que ne le fera jamais l'alcool. Tu embrumes ton esprit avec des vapeurs de vodka, mais demain il te restera quoi, à part un mal de crâne atroce et des regrets ? » Un frisson, les yeux hagards d’Aaron luttent pour ne pas quitter les pupilles de Moira. La main de la rousse est sur son bras, dans un contact qui semble augmenter le volume de la symphonie. Demain elle retrouvera l’Aaron respectable, demain il s’enfermera, il sera à nouveau celui que tout le monde attend, celui que tout le monde espère. Demain… demain il ne sera pas pitoyable. Et demain, il relèguera cette soirée dans un coin de son esprit pour mieux l’oublier. Comme la précédente. « Si demain tu es à nouveau le même que d'habitude, Aaron, je saurai que c'est un mensonge. » Il ferme les yeux. Il ferme les yeux devant cette réalité qu’il se prend en plein visage. Demain… demain, Celeste sera toujours vaccinée, demain Moira aura des souvenirs, demain… demain, il sera toujours pitoyable. Parce qu’elle aura pitié de lui. « Ecoute... Je ne comprends rien à ton histoire d'harmonies et de mélodie... Tout ce que je sais, c'est que si tu veux de mon aide... Tu sais où me trouver, tu sais quoi faire. » Il ouvre à nouveau les yeux. Reste tétanisé, absorbé par ses lèvres et ses mots, épuisé. Véritablement épuisé. Demain, elle ne verra en lui que la loque qu’il est, que l’épave qu’il cache. Demain, elle aura pitié de lui, de cette pitié qu’il lui inspire alors qu’instinctivement, irrationnellement, il retouche les émotions de Moira presque sans s’en rendre compte. Alors qu’il se rend compte qu’il se heurte à une opposition farouche. Et il serait presque surpris. Presque. « Je ne vais pas t'y forcer, simplement... Je n'ai pas pitié de toi, Aaron. Je n'ai pas pitié de toi parce que la pitié, c'est insultant. » Il ouvre la bouche, la referme, muet. Il en serait presque surpris, presque, parce qu’il a toujours su qu’elle était exceptionnelle. Il ne savait juste pas encore à quel point. « J'ai de la peine parce que tu as l'air triste, tu as l'air malheureux, mais si tu restes muet et refuses qu'on t'aide... Crois-moi tu n'iras pas mieux. Alors secoue-toi, sors-toi les doigts du cul et dis-le : Aide-moi. Que tu me le dises, que tu le dises à Sofiane ou à un inconnu dans la rue, reconnaître qu'on a besoin d'aide, c'est déjà la moitié du trajet de fait. »

Il reste immobile en la voyant s’éloigner. Il reste immobile, pendant que tout l’alcool qu’il a pu boire fait barrage, pendant que les mots peinent à atteindre son esprit, peinent à s’organiser, peinent à s’éclaircir. Peinent, aussi, à s’évaporer. Secoue-toi. Sors-toi les doigts du cul. Dis-le. Il reste immobile lorsqu’elle tente d’ouvrir la portière. Sans succès. « Aide-moi. » Un murmure. Faible. Deux syllabes, deux mots, de notes d’une harpe, fragiles. Perdues dans la pluie et les larmes. « Aide-moi » Une supplique…, la clarinette a pris le relai de la harpe pour s’affermir, s’envelopper d’une assurance à peine plus audible. A peine plus claire. Une larme, une boule dans la gorge. Et un pas en avant, un pas pour le rapprocher de la voiture, pour le rapprocher d’elle. « Aide-moi » Deux mots. Deux mots clairs. Sûrs. Deux mots qui sonnent comme des percussions, deux notes reprises par un cor de chasse. Comme un appel à l’aide. Ce que c’est. Dis-le. « Aide-moi, Moira. Je… Je ne peux pas porter tout tout seul. J’ai besoin de… » D’aide ? Ne l’a-t-il pas déjà suffisamment dit ? « Je suis désolé, j’aurais dû t’appeler. J’ai… » Il a pris l’habitude de tout porter, de tout garder pour lui dès que ça devenait de l’ordre de l’intime. Il a juste pris l’habitude de se renfermer. Et pour s’ouvrir, pour sortir de sa carapace… l’effort lui paraît insurmontable. Mais… « J’ai besoin de toi dans ma vie. »

Ses mains tremblent lorsqu’il cherche dans ses poches ses clés de voiture, lorsqu’il les sort pour les lui tendre et qu’elles lui échappent des mains, pour se perdre au sol, dans la boue et la pluie. « Rentre dans la voiture, tu vas avoir froid. »

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeJeu 23 Fév 2017 - 22:17

All within me gone but pain and hope
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J'ai toujours été plus douée pour tempêter et laisser parler mes émotions que pour tenter de réfléchir avec rationalisme. Pour se moquer, William me disait que j'avais laissé la diplomatie au placard pour en sortir un esprit d'enfant que je brandissais haut et fort. Il n'avait pas tort, même s'il disait ça pour plaisanter. Seulement avec lui, mon caractère volcanique s'opposait au calme, à la mesure et à la raison. Pas à une mutation. La mutation de William ne risquait pas de lui provoquer d'effroyables migraines chaque fois que je me levais du mauvais pied. Aaron... Aaron c'était différent, et je l'ignorais encore. Je n'avais pas pour habitude de demander aux gens que je fréquentais s'ils étaient mutants, humains ou chasseurs juste après avoir enregistré leur numéro. Qu'Aaron soit un mutant ou un homme au génome ordinaire, ce n'était pas si important. Que je sois coupable de la douleur qui lui vrillait le crâne, en revanche...

Alors je restais là, plantée comme une idiote sous une pluie battante, à m'escrimer à lui faire de grands gestes pour lui faire comprendre que si j'étais là, ce n'était pas pour lui faire la morale mais bien pour l'aider. Simplement pour l'aider. Je n'avais besoin de rien d'autre en retour, le voir sourire à nouveau ou simplement décrisper son visage pour qu'il ait l'air apaisé, ça m'aurait suffit. Le voir ainsi me repousser par crainte de se confier ou refus d'admettre sa détresse, c'était plus dur que je ne l'aurais cru. Je ne voulais pas voir Aaron sourire pour masquer sa tristesse, pas plus que je ne voulais ignorer son mal être pour ne me concentrer que sur ses bons côtés. J'aurais été bien ingrate de lui dire de taire sa douleur en ma présente, bien injuste de lui demander de n'être qu'un rayon soleil réchauffant doucement mon cœur malade, bien cruelle de lui en vouloir de flancher à son tour. L'ennui... C'est que je ne pouvais pas non plus l'y forcer. Admettre qu'on a besoin d'aide, c'est déjà avoir parcouru la moitié du chemin. Persister dans le déni, c'est comme reculer vers le précipice pour mieux s'y jeter. Alors je me résignais, mon visage se ferma, et je lui refusais cette pitié qu'il aurait sûrement vu sur le visage des n'importe qui d'autre. La pitié de quelqu'un qui aurait cru bien faire, la pitié de quelqu'un refusant de secouer un homme blessé, mais surtout la pitié de quelqu'un n'ayant pas eu à subir de deuil comme les nôtres.

Résignée, je le laissais à ses réflexions et retournais auprès de la voiture, où son premier appel à l'aide ne me parvint pas, noyé sous la pluie battante qui ricochait sur le pare-brise. Au second, je me tournais vers lui en fronçant les sourcils, pas certaine d'avoir rêvé ou de l'avoir entendu me demander de l'aide. Mes lèvres se décrispèrent, mon front se plissant de souci, et je me mordillais la lèvre de culpabilité. Il avait l'air si mal, si fragile, si... Humain. Souffrir le martyr n'impliquait pas forcément des flammes ou une croix. Souffrir le martyr, c'était aussi se sentir perdu, avoir la sensation de se noyer, vouloir arracher son propre cœur d'une poitrine rendue douloureuse par les sanglots, c'était sentir son esprit se morceler et les idées noires l'envahir. Souffrir le martyr en silence pour mieux se noyer dans l'alcool, voilà à quoi jouait Aaron. Voilà ce qui me faisait si peur. Voilà ce qui me faisait comprendre à quel point je tenais à lui. Ce n'était plus seulement de l'attachement ni une affection particulièrement démonstrative. Mon cœur qui s'emballait dans ma poitrine et cette lutte entre mon cerveau et mes jambes pour ne pas me précipiter vers lui, tout ça c'était réel. C'était plus fort qu'un gentil flirt d'ado, plus fort qu'une douce tendresse avec quelques baisers en prime. Et merde... Je n'avais pas besoin de faire d'efforts pour me souvenir de la dernière fois où j'avais ressenti ça. Je tentais de chasser cette impression pour m'en protéger, mais ses mots fissuraient la barrière, la craquelaient et je n'eus bientôt plus la force de lutter.

« J’ai besoin de toi dans ma vie. »

Une phrase, murmurée plus qu'autre chose, je sentis la barrière voler en éclats. Ne restaient que lui, moi et mes sentiments mis à nu, lui, moi et deux âmes brisées par la vie qui n'attendaient qu'une chose : s'associer pour mieux recoller les morceaux. Lui, moi... Pourquoi pas ?

« Oh Aaron... », soufflais en franchissant les quelques mètres qui nous séparaient.

Y avait cette odeur de terre humide, d'alcool de mauvaise qualité et la puanteur du bitume imbibé d'eau un peu plus loin. Y avait tout ça et pourtant, je souriais en voulant le prendre dans mes bras, alors même que ses clés lui échappaient des mains. Nous nous retrouvâmes à quatre pattes dans la boue, cherchant un trousseau de clés souillé par la terre, et je posais ma main sur son bras.

« Je vais t'aider. Cette épreuve-là, on va l'appréhender ensemble, l'affronter ensemble, s'en sortir ensemble, d'accord ? Y a aucune honte à avoir besoin d'aide et... Pour être honnête, j'en ai sûrement autant besoin que toi. »

Dédramatiser en tournant la chose avec humour, lui offrir un sourire réconfortant... Ma main quitta son bras pour retrouver la chaleur de sa joue et, faisant totalement fi de l'odeur d'alcool qui empestait l'air à chacune de ses respirations, j'approchais mon visage pour déposer un tendre baiser sur ses lèvres.

« Un avant-goût pour nous motiver à retrouver les clés ! »

J'esquissais un sourire amusé, sorti mes propres clés de la poche de mon manteau et, pestant contre les tremblements de mes mains frigorifiées, j'attrapais la petite lampe de poche qui était fixée à un porte-clé lapin – cadeau de Marius – pour éclairer le sol.

« Trouvé ! » m'exclamais-je en attrapant le trousseau qui commençait à s'enfoncer dans la boue.

J'avais les mains pleines de terre, mais au moins nous avions les clés. Une fois à nouveau debout, j'attrapais Aaron par le col de sa chemise, l'attirais à moi et l'embrassais comme jamais je n'avais embrassé un homme avant lui. Posant mon front contre le sien, je murmurais :

« Chose promise, chose due... Mais je vais finir ivre si on continue comme ça... »

Ce n'était pas la seule chose que je voulais lui dire. Il y avait autre chose, quelque chose de plus important, quelque chose de... De plus beau et terrible à la fois. Quelque chose qui allait forcément transformer ce que j'avais apparenté à un bête flirt en un engagement plus profond. Je n'étais en rien sous l'emprise de l'alcool ou d'une quelconque drogue, et tout le rationalisme dont j'étais capable me hurlait que ce n'était pas juste une vague impression. Blottie dans ses bras, je relevais les yeux pour les plonger dans les siens.

« Tu sais je... Je crois que je n'ai pas ressenti ça depuis des années. Je te trouve ainsi et ce n'est ni la colère, ni le mépris, ni le dégoût qui m'animent. Je n'ai pas peur d'affronter ça avec toi, je n'ai pas envie de te voir sombrer, je veux te voir sourire, je veux te faire rire, j'ai envie qu'on s'en sorte ensemble et je veux vivre tout ça avec toi. Je... Je crois que je t'aime, Aaron. »

« Je crois »... C'est comme si je dépoussiérais un sentiment longtemps mis au placard, un vieux mécanisme rouillé que j'aurais été en train de réparer avec un regard suspicieux. Un léger rire me secoua, tandis que je réalisais le ridicule de la chose : il faisait nuit noire, il tombait des cordes, je tremblais de froid et Aaron était soûl comme un cochon.

« T'as pas intérêt à avoir oublié c'que je viens de dire demain... », dis-je, les joues rouges de honte.
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeLun 13 Mar 2017 - 22:40

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Si Aaron n’était pas trempé jusqu’aux os, si Aaron n’avait pas à présent bien plus d’alcool dans le sang que d’hématocytes, si Aaron n’était pas en larmes, si Aaron n’était pas terrassé par la fatigue, par la fatalité de son sort et de celui de sa fille, surtout de celui de sa fille d’ailleurs, si Aaron n’était pas aussi pathétique qu’à cet instant, peut-être trouverait-il particulièrement amusant de contempler avec quelle facilité, avec quelle difficulté, sortent ces deux mots: aide-moi. Elle les a requis, elle les a appelés avec vulgarité, elle l’a secoué pour qu’il les crache, et les voilà. Donnés volontairement. Donnés parce qu’elle les lui a demandés. Données parce qu’elle les mérite, parce qu’elle raison, parce qu’il a besoin d’aide, Aaron. Trop, bien trop lucide, parfois, pour se leurrer plus longtemps. Trop, bien trop alcoolisé pour souffrir plus longtemps d’une quelconque inhibition obstinée et têtue. Trop, bien trop perdu pour refuser plus longtemps d’accrocher la lumière d’un phare et d’accepter qu’on le guide. Aide-moi. Aaron répète ces deux mots solitaires. Une deuxième fois. Une troisième fois. Et il leur offre à cette dernière reprise l’accompagnement d’un prénom, l’accompagnement de son regard, l’accompagnement de quelques pas titubants, l’accompagnement d’un autre aveu. Elle ne l’a pas demandé, celui-là. Elle ne l’a pas cherché. Elle l’a espéré, il en est certain, mais s’il le lui dit, c’est plus parce qu’il le pense que pour lui faire plaisir. Il a besoin d’elle, c’est un fait. Il a besoin d’elle, il a besoin de sa présence, il a besoin de son soutien, il a besoin de son sourire. Il a besoin de ses yeux, il a besoin de ses colères, il a besoin de ses lèvres, de son souffle chaud, de sa chaleur, de ses émotions. De ses espoirs, de ses craintes, de sa force, de son dynamisme, de sa jeunesse. Il a besoin d’elle dans sa vie, il a besoin de la vie qui est en elle, il a besoin d’elle, tout simplement. Sa vie a besoin de Moira. D’une amitié, de sûrement plus, mais… il l’entend, il l’entend si fort qu’il doute un instant de l’origine de tout cela. Ce n’est pas un chaos, ce n’est pas un capharnaüm, ça a des airs de contemporain, mais ce n’est rien de tout cela: ce ne sont que des émotions qui ricochent contre lui, contre elle, des émotions qui se répondent, des émotions qui gagnent en intensité, avec cette profondeur qu’instille toujours la mélancolie et la détresse, avec cette densité et cette formidable force qu’insuffle toujours l’espoir et… autre chose. Des excuses, sincères, trébuchent sur ses lèvres d’alcoolique. Des excuses qu’il pense, qu’il véhicule par son regard pathétique, par ses mains qui tremblent d’une absence de coordination. Par une voix étranglée, une voix pathétique il ne le sait que trop bien, mais une voix en accord avec tout le reste. Avec cette pluie qui n’en finit pas. Avec cet orage sans éclairs, avec ce vent sans âme, avec ces nuages noirs et chargés d’eau qui refusent de laisser percer la lumière. Même le plus noir des nuages a une frange d’or, il le sait pas, mais jusque-là, il n’arrivait pas à la voir. Il n’a pas une frange d’or, son nuage, il a des mèches cuivrées qui tombent en cascade pour concurrencer la pluie. « Oh Aaron... » Il a un sourire triste, trop ivre pour se retenir, trop ivre pour ne pas chanceler, mais pas assez pour être aveugle à son propre pathétisme. Un mot omniprésent, qui le définit, qui se contorsionne autour de lui pour l’envelopper et l’étouffer.

Ses mains tremblent lorsqu’il extirpe ses clés d’une poche humide, ses mains tremblent lorsqu’elles lui échappent, ses mains tremblent lorsque le trousseau échoue dans la boue et un bruit étouffé. Pendant une fraction de seconde, Aaron hésite. Une fraction de seconde de trop, Moira est déjà accroupie pour les chercher, il la rejoint avec une maladresse ridicule. ridicule. Leurs habits sont trempés, leurs habits sont maintenant boueux, une part de lui - celle qui a été asphyxiée par l’alcool mais qui n’a pas encore été mise au tapis - lui fait remarquer qu’à quel point il devrait avoir honte de son comportement. Malheureusement, cette part est minime. Et celle enivrée est majoritaire, rendue lucide par le whisky et prompte à lui donner envie de profiter de la recherche des clés pour s’allonger là et piquer un petit somme. Il n’y a guère que la main de Moira sur son bras pour lui faire garder leur objectif en tête ; de l’aide, il a bien besoin d’aide, oui. Les clés. Ses clés. « Je vais t'aider. Cette épreuve-là, on va l'appréhender ensemble, l'affronter ensemble, s'en sortir ensemble, d'accord ? Y a aucune honte à avoir besoin d'aide et... Pour être honnête, j'en ai sûrement autant besoin que toi. » Il la fixe avec un regard inquiet. Aucune honte à avoir de… si elle n’avait pas son sourire, et ces quelques envolées lyriques de la part des bois qu’il est encore capable d’interpréter correctement, Aaron ne comprendrait pas l’humour omniprésent dans les propos de la violoniste. « Epreuve ? C’est juste… » Ce n’est juste un silence. Surpris. Et un sourire. Benêt, cela va sans dire. Il est bref, le baiser qu’elle dépose sur ses lèvres, il est bref et heureusement – un Aaron sobre ne souhaiterait en aucun cas être responsable d’un coma éthylique – mais il a quelque chose de tendre. « Un avant-goût pour nous motiver à retrouver les clés ! » Il reste beta encore quelques secondes, dans un « Excellente motivation » un peu inarticulé, alors que son attention s’échappe à nouveau loin des clés pour se concentrer sur… un lapin ? Lampe de poche ? Porte-clé ? « Trouvé ! » Un sourire illumine le visage d’Aaron, lorsqu’il se remet debout, maladroitement, se rattrape à une Moira encore une fois beaucoup plus vive et… et cesse à nouveau de respirer. « Chose promise, chose due... Mais je vais finir ivre si on continue comme ça... » C’est vrai, ça, il avait déjà oublié. « C’est vrai que… ce serait dommage… surtout avec de l’alcool qui rend aveugle. » Et il n’y a pas que l’alcool qui rende aveugle. Surtout entre eux deux. Même si dans le cas d’Aaron, c’est sourd qu’il devient, sourd aux émotions de Moira, lorsqu’il la prend dans ses bras, concentré sur sa présence et sur ses pensées chaotiques. Brisées par l’alcool. Dispersées parce qu’il a bu. Qui gravitent autour d’elle, comme attirée par sa force d’attraction. « Tu sais je... Je crois que je n'ai pas ressenti ça depuis des années. Je te trouve ainsi et ce n'est ni la colère, ni le mépris, ni le dégoût qui m'animent. Je n'ai pas peur d'affronter ça avec toi, je n'ai pas envie de te voir sombrer, je veux te voir sourire, je veux te faire rire, j'ai envie qu'on s'en sorte ensemble et je veux vivre tout ça avec toi. Je... Je crois que je t'aime, Aaron. » Je crois que… il fronce les sourcils, l’imbécile. Il fronce les sourcils, parce qu’il pressent deux choses : déjà, qu’il aimerait bien répondre. Ensuite, que demain… « T'as pas intérêt à avoir oublié c'que je viens de dire demain... » Voilà. Enfin… il pressent une troisième chose. Il sent, plutôt, une troisième chose. A moins qu’il ne se contente de la savoir. « Moi aussi. Moi aussi je crois que je t’aime, Moira. » C’est simple, si simple de le dire. Et pourtant… Ils ont treize ans et demi d’écart, il sombre lentement mais sûrement dans l’alcoolisme, il est veuf, il est enfermé dans une dynamique de travail et de don de soi… c’est simple, si simple de lui dire que lui aussi, il croit, il pense, il sait qu’il l’aime.

« Moi aussi, je ne veux pas oublier ça demain. » Ah bon ? Et pourtant… « Je suis désolé… pour tout, pour ça… pour… » Pour quoi ? Il l’embrasse, à son tour, doucement, mais la timidité, elle, s’en est allée en même temps que sa raison, en même temps que sa sobriété. « Tu es belle, Moira, et je veux te voir rire, je veux te voir sourire. Merci… merci. J'ai besoin de toi. Et... demain... ça ira mieux demain. » Ses propos sont les reflets de ses pensées. Chaotiques. Sincères. Spontanés. Guidés par l’alcool, guidés par sa main qui redéfinit la joue de Moira. Se pose sur son épaule. Trempée. « Tu sais conduire ? Tu me ramènes ? Je… je n’ai pas les idées claires… »

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeSam 15 Avr 2017 - 18:51

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron

Il est certain que jamais je ne me serais plainte d'avoir eu une vie ou une enfance abominable. Il me suffisait de regarder dans mon entourage pour savoir que je n'avais vraiment pas à me plaindre. A voir comme les conflits avec ses parents avaient anéantis la volonté de Marius, ou encore toutes ces horreurs vécues avec James qui avait brisé celle de Theo, je me trouvais chanceuse. Pourtant, j'estimais avoir le droit d'être aussi meurtrie, ou du moins de ne pas avoir à m'en excuser. Perdre un fiancé puis ma mère, c'était plus que ce que mon pauvre cœur pouvait supporter, et si l'on ajoutait la terreur viscérale ressentie alors que je m'étais sentie mourir, ce n'était pas si étonnant que je continue à me réveiller la nuit en larmes et en pleine crise de panique. Il en avait pourtant fallu, de l'acharnement, pour venir à bout de ma ténacité. William disparu, c'était la colère et l'esprit de vengeance qui s'étaient emparés de moi. Ma mère assassinée, et c'était cette fois le chagrin et l'inquiétude qui avaient commencé à mettre à mal ma sérénité. Un mutant aveuglé par la vengeance, mon corps au bord de la rupture, et c'était maintenant une peur à la limite de la phobie qui me saisissait quand je mettais le nez dehors. Il m'avait brisé. Mais maintenant que j'avais retrouvé – ou plutôt trouvé – Aaron, j'avais le sentiment qu'à sa façon, il commençait à ramasser minutieusement tous les petits fragments de mon âme, s'attachant à les remettre en place et les coller les uns aux autres pour être certain de ne pas en oublier une miette. Sans le savoir, Aaron faisait ce que j'étais incapable de faire moi-même : il me guérissait. Ça avait bien plus de valeur que tout le reste, et ce n'était certainement pas un trop plein d'alcool qui allait m'arrêter. Il était temps que je l'aide à mon tour et, le front posé contre le sien, j'avais le sentiment d'avoir déjà réussi à l’apaiser un peu.

« Ça serait dommage que l'alcool te rende aveugle, oui... Tu me ferais peur, avec des yeux vides ! » dis-je en riant et passant une main sur sa joue.

Les clés en main, les mots vinrent tous seuls, sans que j'ai besoin de lutter pour les retenir ou au contraire les chercher. Ils vinrent avec la sincérité d'une femme qui reconnaît son amour pour l'homme qui fait battre son cœur. Ils vinrent avec une simplicité dont je ne me serais pas cru capable, moi qui étais plus douée pour montrer mon amour par des gestes que pour mettre un sujet et un verbe dessus. Je n'avais même pas la hantise qu'il ne me réponde pas ou m'affirme ne pas ressentir la même chose. A cet instant, je m'en fichais. J'avais parlé avec mon cœur, ma sincérité, et tout ce qui comptait, c'était qu'il soit touché par ces mots. Je n'attendais tellement rien en retour que lorsqu'il m'avoua être dans la même situation, j'eus toutes les peines du monde à ne pas lui sauter au cou ou à en pleurer d'émotion. Ces mots-là, William était le dernier à les avoir prononcé, et ça remontait à plus de six années maintenant. Ces mots-là, j'avais cru ne jamais pouvoir les entendre à nouveau. Ces mots-là, prononcés par un Aaron à la voix incertaine et à la diction pâteuse m'émouvaient plus que n'importe quel autre grand discours. Ces mots-là étaient le début d'une histoire que j'espère longue et merveilleuse, comme la naïve optimiste que j'étais. Qu'Aaron soit plus vieux que moi me passait au-dessus, qu'Aaron ait un problème avec l'alcool signifiait qu'il y avait une solution, qu'Aaron ait des défauts c'était normal. J'en avait aussi. Mais que nous puissions assumer et composer avec ces défauts et notre amour naissant, c'était une belle chose.

« Alors qu'est-ce qu'on fiche encore sous la pluie, hin ? On n'est peut-être pas obligés de se dire des mots d'amour et des niaiseries comme dans les films sous la flotte, non ? »

J'esquissais un sourire, attrapais sa main pour l'attirer vers la voiture et le ramener chez lui, mais je le sentis me retenir. Je plongeais mon regard dans le sien, me contentant de sourire à ses excuses. Il n'avait pas besoin de me le dire pour que je le sente. Je le savais désolé, tout comme je savais qu'il n'aimait pas se sentir dans un tel état. Son baiser, ses quelques mots, ces quelques secondes suffirent à me conforter dans les sentiments que je pensais éprouver. Il avait besoin de moi et j'avais besoin de lui, c'était une certitude. Sa main sur ma joue me fit frissonner, et je lui offris mon plus beau sourire.

« D'accord. Demain ça ira mieux, et les jours d'après aussi, d'accord ? Et je vais continuer à sourire ou à rire à tes blagues, même quand elles sont mauvaises ! »

Disant cela, je lui enfonçais un doigt dans les côtes en riant et agitais les clés en me dirigeant vers la voiture. En m'y installant, je me rendis compte que j'étais trempée, transis de froid, et que mes cheveux gouttaient sur mon visage. Je penchant légèrement, je les essorais dehors avant de claquer la portière et d'insérer les clés dans le contact.

« A vrai dire, je n'ai pas conduis depuis un moment, et j'ai toujours eu un peu de mal avec la conduite à droite. Mais bon. On va dire que ça sera toujours mieux que de rentrer à pieds et au pire, je vais rouler comme une mamie ! »

Je démarrais la voiture, allumais le chauffage et posais ma main sur celle d'Aaron.

« Tu n'as plus à t'inquiéter, d'accord ? On est deux, maintenant. »

Maintenant... Et après ? J'espérais qu'il y aurait un après, inconsciente du fait que Noël serait mon pire cauchemar de cette fin d'année. Après avoir fait un premier kilomètre hésitant sous une pluie battante qui faussait ma visibilité, je parvins à ramener Aaron chez lui encombres. Je n'étais tout de même pas fâchée de pouvoir rentrer me doucher et me changer. Vu l'état dans lequel j'étais, j'entendais déjà Marius me hurler qu'il ne voulait pas de chien mouillé chez lui.

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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: (Aaron) | All within me gone but pain and hope   (Aaron) | All within me gone but pain and hope Icon_minitimeDim 23 Avr 2017 - 16:12

All within me gone but pain and hope
Moira & Aaron



Son équilibre a actuellement quelque chose qui tient du miracle plus que de la prévisibilité. Plus aucune appréciation des distances, un mal de tête qui commence à enfler et une incapacité à faire face à ses responsabilités qui n’a rien à envier à un enfant de cinq ans qui vient de faire une bêtise. Aaron est totalement ivre, il le sait, ses clés qui lui ont échappé des mains le lui prouvent, tout comme ces oscillations instables qui l’habitent pour tenter de le faire rester debout. Moira est d’une patience d’ange avec lui, une patience qui n’a pourtant aucune raison d’être. Et pourtant elle est là. Tout comme Moira. Une patience qu’il ne mérite pas, une présence qu’il ne mérite pas, des clés retrouvées et un baiser, l’enchaînement des mots, des actes, des promesses et de l’humour ne souffre d’aucune logique. Mais qu’est-ce, de toute manière, que la logique pour un homme plus proche du coma éthylique qu’hydraulique ? Une illusion, un voile de réalité déchiré dont il contemple les lambeaux en riant, sans plus savoir qu’en faire, les rassemblant en une boule informe pour mieux les faire tomber à ses pieds. Plus de logique, juste un murmure amusé, sur l’alcool qui pourrait rendre aveugle, qui l’a déjà aveuglé de bien des manières en distordant les sons, en distordant l’espace, les couleurs, en distordant le temps, aussi. « Ça serait dommage que l'alcool te rende aveugle, oui... Tu me ferais peur, avec des yeux vides ! » Le son de son rire supplante toutes les émotions du monde, fais sourire Aaron par automatisme. Il est niais, le directeur, parce qu’il n’a plus vraiment de sens des réalités. Il est niais, quand il sourit, quand il répond avec la spontanéité des personnes plus que joyeuses, au lunatisme affecté par des lèvres rencontrées. « C’est surtout que je ne pourrais plus te voir » Et ça, ça ce serait le plus dommage, à n’en pas douter une seule seconde.

S’il la prend dans ses bras, ce n’est pas parce qu’il est aveugle, ou sourd, mais parce qu’il a dans sa poitrine le besoin d’un contact auquel se raccrocher pour ne pas tout de suite lâcher prise. Parce qu’il se sent sur une corde raide, une corde qui s’effiloche sous ses yeux, une corde qui s’entortille et dont les drains cèdent les uns après les autres dans un compte à rebours des plus prévisibles. Trop d’alcool, trop de fatigue, trop de larmes et de cris, trop de désespoir aussi, pour une seule et même personne. S’il tient bon, s’il continue à respirer, à garder les yeux et les oreilles ouvertes, ce n’est pas parce qu’il possède des ressources insoupçonnés, l’alcoolique, c’est tout simplement parce qu’elle parle. Et que ces mots le poussent à avant, le poussent prendre sur lui. A écouter. A ressentir dans sa poitrine l’écho de ce dont elle parle. Je crois que je t’aime. Y-a-t-il un jour eu plus bel ensemble de mots prononcés sous la pluie, enveloppés dans des vapeurs d’alcool et de colère, d’apitoiement et de ridicule ? Jamais selon Aaron. Moi aussi, je crois que je t’aime, Moira. Y-a-t-il un jour eu une réponse aussi sensée de la part d’un ivrogne, à l’acmé de son ivresse et à la lucidité inespérée en un tel instant ? Jamais non plus. Et pourtant, elle est là, cette réponse. Elle vient en toute simplicité se déposer sur ses lèvres, avec une conviction étonnée de l’homme qui découvre brutalement l’évidence. Leur différence d’âge, elle n’est qu’auxiliaire ; des différences, ils en ont tant, tous les deux, qu’elle n’en est ainsi qu’une parmi tant d’autres. Auxiliaire. Son alcoolisme ? C’est un problème qu’il garde sous contrôle, en règle générale. Ce n’est qu’une anecdote passagère, justifiée, explicable, pardonnable. Ce n’est pas un problème. Elle est belle. Il est saoul. Elle est belle, son sourire est beau, et lui… il ira mieux demain. Ça ira mieux demain. S’il n’oublie rien de tout ce qui s’est dit, s’il n’oublie pas le plus important, du moins. « Alors qu'est-ce qu'on fiche encore sous la pluie, hin ? On n'est peut-être pas obligés de se dire des mots d'amour et des niaiseries comme dans les films sous la flotte, non ? D'accord. Demain ça ira mieux, et les jours d'après aussi, d'accord ? Et je vais continuer à sourire ou à rire à tes blagues, même quand elles sont mauvaises ! » Il ne sait pas quoi répondre à tout ça, à son enthousiasme, à sa spontanéité, à sa sobriété. Tout ça le dépasse, autant être honnête, et s’il arrive à mobiliser encore un peu de concentration, il n’en a certainement pas suffisamment pour se poser les bonnes questions, arriver aux bonnes conclusions et en tirer les bons objectifs. Alors il se contente d’hocher la tête, de rire à ce doigt planté dans les côtes, de secouer la tête et de rester simple, simple avec la simplicité d’esprit d’un enfant libéré du fardeau des soucis et des inquiétudes ; ils sont là, toujours là, ils s’avèrent juste perdre du poids sous l’influence de l’alcool. Lorsque Moira se dirige vers la voiture, Aaron s’y appuie, retrace le contour de la carrosserie jusqu’à atteindre la place du passager, secouer la tête sous une pluie qui ne décolère pas, se laisse tomber, trempé, sur un siège qu’il lui faudra laver. Plus tard. La boue, l’humidité qui va s’en prendre à eux, s’infiltrer dans leurs bronches, les laisser goutte au nez… plus tard. Pour le moment, Aaron repousse du bout du pied une bouteille vide, gémit en se laissant aller contre le siège, en regardant le plafond de la voiture et le parebrise en pleurs. « A vrai dire, je n'ai pas conduit depuis un moment, et j'ai toujours eu un peu de mal avec la conduite à droite. Mais bon. On va dire que ça sera toujours mieux que de rentrer à pieds et au pire, je vais rouler comme une mamie ! » Il ferme les yeux un instant. Sursaute lorsqu’elle pose sa main sur la sienne. « Tu n'as plus à t'inquiéter, d'accord ? On est deux, maintenant. » Il secoue la tête, encore. Avant de partir dans un ricanement qui n’a rien de naturel, qui n’est là que parce qu’une vodka bon marché l’a invité. « De toute manière, j’suis pas en état de m’inquiéter, j’crois… » On est deux, maintenant.

Sont-ils vraiment deux ? Oui. Peut-être. Ils s’aiment, et à cette pensée, le torse gonflé de fierté d’Aaron se sent invincible. Avant de retomber mollement. Ils sont deux. Et lui, il est ivre mort. Le chauffage qui se met en route, comme le moteur de la voiture, la chanson étouffée des émotions de Moira, il ne lui en faut guère plus pour s’endormir, à l’aveugle. Après tout… ils sont deux. Il lui fait confiance. Et l’alcool peut bien gagner cette victoire, il le mérite. Surtout qu’avec Moira à côté, il ne gagnera plus aussi facilement les prochaines batailles, Aaron en a la confuse certitude.

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