Sujet: – hold back the river. (adrian) Mar 6 Sep 2016 - 4:05
HOLD BACK THE RIVER
jim et adrian / Tried to keep you close to me, But life got in between. Tried to square not being there, But think that I should have been. – JAMES BAY.
Ça tangue, autour de lui. Ça vacille comme ça n'avait plus vacillé depuis plusieurs années — deux, pour être exact. Et il sentait le monde se défiler sous ses pieds, rejoignant au fond du caniveau son envie de continuer à traîner cette carcasse dans cette ville. C'était viscéral et étouffant, cette envie qu'il pouvait avoir de foutre le camp. Pendant de trop longues minutes, il était resté planté là, à regarder sa chambre sans la voir ; il avait hésité à attraper son sac et à le remplir de ses maigres effets personnels, pour prendre la route sans se retourner. Mais quelque chose, au fond de lui, avait été incapable de commettre un tel geste. Il y avait une pensée, une toute petite pensée, floue et impossible à faire tenir dans une case, qui le retenait ancré ici comme une huître à son rocher. Le combat avait fait rage au fond de son esprit, bouillant dans ses veines depuis qu'il avait aperçu la petite photo posée dans un coin. Depuis que les souvenirs étaient remontés par vagues, et qu'il avait alors su, au plus profond de son être, que la seule personne qu'il avait espéré un jour revoir durant ces trois dernières années était passée ici sans même s'arrêter et l'attendre pour le saluer. Et les minutes à hésiter avaient été longues. L'envie d'essayer de la rattraper avait rapidement été balayée par celle de respecter son choix de rester cachée, doublée d'une attirance soudainement incontrôlable pour les voyages qu'il avait laissés derrière lui en posant le pied ici. Quelques longues inspirations, et il avait claqué la porte derrière lui, peu désireux de remettre de sitôt les pieds dans cet appartement qu'elle avait visité sans pourtant s'arrêter pour l'y attendre. D'aucuns lui auraient dit que c'était peut-être seulement quelqu'un qu'elle avait connu, et qui venait rendre un bien ; mais il le savait, au fond de lui — de cet instinct qui ne le trompait pas — : c'était elle. Elle avait été là, et elle avait fait le choix de lui tourner le dos et de ne pas se montrer. Et aussi solide que soit le masque que l'irlandais arborait depuis désormais trois ans, il s'était brutalement fissuré pour exploser. Recoller les morceaux prendrait du temps. Mais au lieu de le passer enfermé chez lui, ou chez quelqu'un qui pourrait l'aider en sachant, il avait préféré fouler de son plein gré une route qu'il avait délibérément choisi de mettre de côté, il y avait trois ans de cela. Et désormais, il lui fallait en payer les frais.
Lorsqu'il était sorti, on lui avait demandé si tout allait bien. Il avait voulu répondre, mais n'avait été capable que d'opiner lentement du chef, trop concentré à ne pas s'écrouler à chaque pas. Il n'avait pas la moindre idée d'où ses jambes pouvaient tirer l'énergie d'encore le porter. Il ne savait pas comment son cerveau était encore capable de suffisamment se concentrer pour dicter des ordres clairs au reste de son organisme — et par-dessus tout, il ignorait comment sa volonté pouvait résister à la violente envie de son instinct de s'allonger par terre et d'attendre demain pour avoir décuvé. Au lieu de ça, il parvint à se traîner jusqu'à un banc non loin, dans une rue un peu plus tranquille et un peu moins peuplée. Il prit le temps de respirer, le nez levé vers les étoiles à moitié voilées par les nuages entassés. Il serait incapable de rentrer chez lui, et il le savait. L'alcool dans ses veines ne lui permettrait que trop difficilement de s'y traîner — et plus que cela, il n'avait pas la moindre envie d'y foutre les pieds. Il ne savait pas qui appeler, ne savait pas vers qui se tourner. Il aurait pu aller se réfugier chez Gene, profiter de la douceur de son appartement et de son canapé. Mais depuis qu'il l'avait vaccinée, il était purement et simplement incapable d'affronter ce qu'il lui avait fait. Il n'était pas question d'aller voir Altaïr, pas question de se tourner vers Elias. Le nombre des personnes à appeler se réduisait à vue de nez. Mais il y avait un nom, sur sa liste, qu'il se sentait capable d'appeler. Quelques instants, il hésita. Les secondes s'étirèrent en minutes, et il ne fut bientôt plus capable de compter le temps qu'il prenait à s'exécuter. Au fond de lui, la décision était prise depuis la seconde où il y avait pensé. Mais quelque chose le retenait encore. Une chose sur laquelle il n'arrivait pas à mettre le dois — une chose qui s'ajoutait au fait qu'Adrian n'avait probablement pas envie d'être dérangé en pleine soirée.
Pourtant le téléphone avait fini par rejoindre son oreille. Les tonalités qui résonnaient, la voix familière qui s'élevait. Et le soupir, long et étouffé, accompagné d'une main lasse sur les traits. « Oh man... J'suis désolé de te déranger... » Regarder autour de lui, essayer de trouver un nom de rue, ou quelque chose pour s'orienter. Et finalement, articuler péniblement. « J'suis... Pas loin d'la cinquième. Peut-être la troisième. J'sais pas. Y a le glacier et le fleuriste un peu fou, sur le trottoir d'en face. J'sais juste plus quelle rue c'est. » Essayer de rester cohérent, se forcer à aligner ses pensées pour formuler sa demande, urgente mais lasse, presque implorante. « J'crois... J'crois que faudrait que tu viennes me chercher. S'te plait. J'suis... Pas sûr d'être capable de rentrer. » Pas tout seul, en tout cas. Et pas non plus chez moi.
(c) blue walrus
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Sujet: Re: – hold back the river. (adrian) Dim 25 Sep 2016 - 17:08
hold back the river
JIM & ADRIAN
It’s okay. Everyone’s survival looks a little bit like death sometimes.
Bon. De toute évidence, la purée de courgettes, c'était à oublier. Il y en avait autant sur le t-shirt d'Adrian que sur le bavoir d'Aurora, et pas plus de deux cuillères avaient été avalées par la petite, qui secouait la tête à chaque fois que son père lui présentait une bouchée. Il avait voulu persévérer, vraiment, mais au bout d'un quart d'heure il avait préféré s'avouer vaincu. Adrian s'était consolé en voyant sa fille dévorer son poulet, et déguster son yoghourt aux fraises comme si c'était une merveille de la gastronomie américaine. Le voir batailler avec Aurora pour le dîner, ça avait bien fait rire Evie, mais il n'avait rien dit parce qu'il ne s'était pas gêné pour le faire lorsque c'était elle qui avait eu du mal à faire déjeuner leur fille – c'était de bonne guerre. Le repas de la petite terminé, Adrian lui avait donné son bain, et l'avait ensuite mise dans son parc pour qu'elle puisse jouer un moment tandis que ses parents dînaient. Le nouveau quotidien d'Adrian, c'était celui d'un père de famille comme les autres, celui d'un homme normal. C'était si différent de ce à quoi il était habitué qu'il lui avait fallu un moment pour s'y faire, pour finalement se demander ce qui clochait chez lui, car il fallait être particulièrement stupide pour se priver de quelque chose d'aussi parfait. Il avait retrouvé Evie, il avait retrouvé Aurora, et à présent c'était tout ce qui comptait pour lui. Le temps qu'il avait perdu à chasser, à vivre loin de sa famille, était perdu. Alors à présent, tout ce qui lui importait c'était d'être un époux et un père exemplaires.
Alors généralement, quand le téléphone sonnait en soirée, il l'ignorait. Passée une certaine heure, il voulait se consacrer entièrement à sa famille, et le reste pourrait bien attendre. Mais quand il vit le nom de Jim s'afficher sur l'écran de son portable, Adrian décrocha presque immédiatement, avec un assez mauvais pressentiment. « Jim ? Ça va pas ? » Il avait l'air... étrange. Étrange, comme on pouvait l'être quand on avait avalé une quantité abusive d'alcool. « Okay, bouge pas, je viens te chercher. » Adrian soupira longuement et jeta un regard désolé à Evie, avant de récupérer sa veste et ses clés de voiture. « Désolé. Je serai pas long, promis. » Il embrassa Evie sur la joue avant de quitter rapidement l'appartement. Pour que Jim l'appelle à une telle heure, et dans un tel état, c'était que quelque chose avait dû lui arriver. Adrian ne pouvait pas le laisser erreur seul dans les rues de Radcliff, si leurs rôles avaient été inversés, Jim serait venu le chercher sans hésiter. Et si Adrian n'avait jamais demandé à Jim de venir le récupérer à la sortie d'un bar, en revanche Jim l'avait retrouvé bien éméché chez lui à de nombreuses reprises, quand la séparation avec Evie était trop difficile à supporter. Et Jim ne s'était pas permis une seule fois de lui faire la morale, il avait toujours respecté les décisions de son ami – et même les plus connes d'entre elles. C'était exactement d'un ami comme Jim dont il avait eu besoin. Quelqu'un qui soit là pour l'épauler, l'entendre râler, sans jamais le juger ni même tenter de le secouer. Jim était comme ça, il prenait les gens comme ils étaient et c'était sans aucun doute pour cette raison qu'Adrian s'était attaché à lui malgré son caractère parfait un peu trop extravagant et agité pour lui.
Il s'était garé sur la première place de parking qu'il avait trouvé – pas très loin du fleuriste un peu timbré – et s'était mis à chercher son ami aussitôt sorti de la voiture. Il avait alors repéré Jim à moitié affalé sur un banc, et l'avait rejoint d'un pas rapide. Arrivé à sa hauteur, il s'assit à côté de lui et posa ses deux mains sur ses épaules pour le redresser un peu. « Hé. Hé, Jim ? » Il sentait l'alcool à plein nez, c'était une odeur qu'Adrian reconnaissait aisément après avoir passé des mois à travailler comme barman dans un établissement peu fréquentable du Quartier Sud. Et il s'était retrouvé dans un état bien pire que celui de Jim un nombre incalculable de fois, alors il ne se permettrait certainement pas de le juger. Cependant, il était étonné. Parce que Jim lui avait répété un bon millier de fois qu'il ne toucherait plus jamais à une seule goutte d'alcool. « Bon sang, Jim, dans quel état tu t'es mis... » Ce n'était pas un reproche, mais uns constatation. « Hé, mec, regarde-moi. » Il chercha son regard sans réellement le trouver, et soupira. « T'inquiète pas, ça va aller. Je vais te ramener chez toi. S'il le faut, je te borderai même. » Un petit rire secoua Adrian, avant qu'il ne se lève et passe un bras autour des épaules de Jim pour l'aider à se relever. « Tu peux marcher, ou va falloir que je te porte comme une princesse ? » Il tentait de faire de l'humour, parce qu'il captait une certaine détresse chez Jim qui le rendait mal à l'aise. Des deux, c'était lui le dramatique et Jim le grand comique. Ça n'allait pas, ce n'était pas dans l'ordre des choses.
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Sujet: Re: – hold back the river. (adrian) Ven 30 Sep 2016 - 23:22
Il n’avait pas bougé. Adrian lui avait demandé de ne pas bouger, alors il n’avait pas bougé — ça n’avait rien de compliqué. À dire vrai, il n’était pas sûr qu’il aurait été capable d’aller ou que ce soit, dans cet état. Le monde tournait un peu trop — et beaucoup trop à son goût. Il n’était capable de rien, si ce n’était de rester assis là, à regarder fixement un point dans la vitrine de l’autre côté du trottoir. Le monde semblait progressivement s’éteindre, comme des milliers de bougies qu’on aurait soudainement décidé de souffler une à une, jusqu’à ce que l’obscurité puisse reprendre entièrement ses droits. Une part de lui en était dévastée ; pourtant, tout au fond, il savait qu’il remonterait la pente plus tôt que quiconque ne pourrait le penser. Pour le moment, il avait juste besoin de temps. De temps, et d’être capable de rentrer vivant.
Pour ça, y avait Adrian. Il a l’impression de le voir arriver pas même une seconde après l’avoir appelé. Et il bat des cils, un instant. Fronce les sourcils, détourne un peu le nez. Les mots que le Blackwood prononcent lui rappelle ce qu’il a fait. Tout l’alcool qu’il a pu ingurgité, alors qu’il s’était promis, voilà plus de deux ans déjà, que jamais il ne retoucherait à la moindre goutte. Ça lui avait suffi de se perdre dedans pendant plusieurs mois, après la disparition de Judith et de Penny. Il s’était efforcé de se débarrasser de ses habitudes naissantes d’alcoolique lorsqu’il avait décidé de se reprendre en main, et il n’avait dès lors plus touché à rien — pas même à une bière. Il s’était contenté de thé glacé. S’était fait la promesse de continuer. Mais ce soir, un vieux démon avait fait volé en éclat ce vœu pourtant si déterminé, assuré, et d’ordinaire nullement compliqué à respecter.
« Ouais… C’est pas glorieux, j’sais… » Il renifle, doucement. Les mots d’Adrian font naître un sourire en coin, tandis qu’il sent son bras passer autour de ses épaules, pour l’aider à se relever. Il passe son propre bras par-dessus celles du grand blond, se laissant guider dans l’entreprise délicate qu’il avait abandonnée quelques minutes avant de l’appeler. « Cool, merci… T’es un vrai… Un bon ami… Tu l’sais ? » Ouais, il le sait. Et il s’entend parler, l’irlandais, il s’entend divaguer alors qu’Adrian n’est certainement pas venu là pour l’écouter. « J’peux marcher, t’inquiète. T’es grand comme béquille, tu l’sais ça aussi ? » Trop grand pour lui.
Il soupire, s’affale dans la voiture jusqu’à laquelle le norvégien l’a porté. Il attache sa ceinture sans trop y penser, loupe plusieurs fois l’encoche où la boucle devrait s’insérer. Finalement, Adrian démarre. Et le crâne de Jim retombe contre l’appuie-tête, tandis qu’il laisse son regard se perdre de l’autre côté de la vitre. Au bout de quelques longues secondes à dévier au gré de ses propres pensées, et à retrouver le fil de ses réflexions entamées avant que le Blackwood n’arrive pour le récupérer, il soupire. Lentement, paisiblement. Un souffle long et tranquille, terminé par quelques mots balancés à mi-voix. « J’crois que j’vais m’en aller. » Il laisse un minuscule silence flotter, tente d’aligner le reste de ses pensées. Ses sourcils se froncent, alors qu’il secoue brièvement le menton avec une moue quelque peu résignée. « J’peux pas rester. J’suis plus capable de me traîner dans le coin comme si de rien n’était. » Pas après aujourd’hui.
Il se redresse un peu dans son siège, continue de regarder la ville défiler par la fenêtre. Depuis qu’il avait bu son premier verre, à dire vrai, sa décision était prise. Et quand l’aveu sort, il sait que personne d’autre n’y aura le droit. Qu’Adrian est le seul capable d’accuser ça — le seul à qui il a envie de faire part de ce qui lui traverse l’esprit, à ce moment précis. « Elle était à Radcliff. Ma fille. Elle est passée chez moi. Et elle est r’partie. Sans l’dire. Elle a juste laissé la photo qu’Judith avait toujours sur elle. Sur un meuble. Comme si de rien n’était. » La voix sort d’un ton morne et terriblement monotone. Il ne sait si son cœur est capable de se briser davantage, ou si ses émotions se sont figées. « Elle était à Radcliff. » Il se répète, il le sait. Il renifle, soupire. Plus capable de continuer. « J’peux pas rester. » Il ignore ce qu’il va faire. Il ignore s’il va lui courir après, ou simplement s’éloigner le plus possible de cette foutue ville, de laquelle il ne voulait plus entendre parler pour les prochains mois. Il ne savait pas où il irait, ni comment. La seule évidence, c’était qu’il ne pouvait pas rester.
« Je sais c’que tu penses. » En réalité, il ne le sait pas. Mais une part de lui n’a pas de peine à le deviner. Il sait qu’il a bu, sait l’état dans lequel Adrian l’a ramassé. Il y a cette conscience, qui lui broie les tripes et qui le pousse à émettre cette petite hypothèse, sans qu’il ne puisse s’en empêcher. « Mais c’est pas l’alcool qui parle. » Il est soûl ; c’est vrai. Complètement imbibé ; il le sait. Pourtant, la lucidité était là, plus présente que jamais. Perçant les vapeurs d’alcool sans la moindre pitié, lui imposant cette idée dont il se souviendrait sans aucun doute au matin, et qu’il mettrait en application dès qu’il en aurait l’opportunité. Dès le lendemain, s’il le pouvait.
Ses yeux se tournent vers Adrian, se posent un moment sur lui. Il laisse un ange passé, avant de murmurer quelques mots, à mi-voix. « Merci d’être venu me chercher. » Il détourne à nouveau le regard, laisse ses prunelles se perdre dans les rues qui défilaient. Le cœur lourd et l’esprit à nouveau embrumé, il se tait. Laisse le calme l’envahir, la sérénité lui tomber sur les épaules. De son éclair de lucidité, il ne reste que cette certitude, inébranlable : il partira. C’est décidé. Sans se retourner, et peut-être sans trop de regret.
Il partirait, et y avait pas à s’inquiéter : il s’en sortirait. Il survivrait à tout ça, comme il avait survécu au reste — et à bien pire, pour dire vrai. La vie ne pouvait pas arrêter de tourner. Mais s’il restait ici, c’était ce qu’elle ferait. Et ça, il ne pouvait pas se permettre de le laisser arriver. Depuis trop longtemps installé dans le coin — depuis trop longtemps coupé de sa liberté.
C’est l’heure de partir, c’est l’heure de s’enfuir. Mais c’est promis : j’t’écrirai.