I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994)
Auteur
Message
Moira Kovalainen
MEMBER - join the evolution.
MESSAGES : 3528
SUR TH DEPUIS : 30/04/2015
Sujet: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Dim 28 Aoû 2016 - 23:03
Merry Christmas, brother !
Moira & Artur
Je me hisse sur la pointe de pieds, la chaise tremble et menace de tomber, mais je tiens bon ! La langue coincée entre les dents et le regard déterminé, j'ignore les suppliques d'Anka, la nourrice, qui me conjure de descendre et de la laisser faire. Comme si j'allais la laisser poser l'étoile au sommet du sapin, tiens ! J'ai neuf ans et demi, maintenant ! Je suis presque aussi grande que maman, c'est juste le miroir qui ment. Mais rien à faire, je suis quand même trop petite pour poser l'étoile. Bougonne, je la repose sur le rebord de la cheminée et continue à entourer le sapin avec des guirlandes, j'en pose même une sur la tête de Jack, le berger allemand, qui me regard avec un air idiot. Maman dit que quand il était petit, il sautait partout et ne faisait que des bêtises, alors elle l'a appelé Jack-o'-lantern, comme les feux follets. Mais aujourd'hui il est si vieux qu'on dirait plus un tapis avec des grandes oreilles. Ça je m'en fiche, c'est mon chien, et mon chien je l'aime. Alors je lui met une guirlande sur la tête.
J'accroche des boules bleues, des argentées, des blanches, des petits angelots qui brilles, et même une guirlande électrique. Anka me coure désespérément après, mais je n'ai pas envie de m'arrêter et d'être sage, je veux décorer le sapin et puis c'est tout. Dehors il fait déjà nuit, et la neige a complètement envahit le jardin. C'est la première année qu'on passe Noël en Finlande. Papa dit que c'est le pays du Père Noël, mais moi je n'y crois plus, au Père Noël. Je sais très bien que c'est papa qui se déguise pour mettre les cadeaux au pied du sapin ! Mais il ne faut rien dire à Artur.
Artur, c'est mon petit frère, et Artur est trop petit pour qu'on casse son... Innocence ? Je crois que c'est ça le mot que maman a utilisé. Je sais pas ce que c'est, une innocence, mais ça a l'air fragile. Alors je n'ai rien dit à Artur, même si je n'aime pas mentir. Au bout de vingt minutes à me prendre pour une super artiste, il ne me reste plus que cette fichue étoile a mettre en haut du sapin. C'est moi qui la mettrai, c'est moi qui décide. Alors je grimpe à nouveau sur la chaise, Anka la tient fermement en se mordant la lèvre d'angoisse, et je m'appuie sur la cheminée pour me faire plus grande. Dans le couloir, la porte claque et j'entends des voix au loin, sans pour autant faire attention. Je m'en fiche, de qui c'est, je veux terminer de décorer mon sapin.
Et, alors que les voix se rapprochent, je sens soudainement mes pieds quitter la chaise comme par magie, et voilà que je suis assez grande pour poser l'étoile.
« Finiiiiiii !! T'as vu papa comme il est beau mon sapin ? »
Je tourne la tête vers mon père avec un grand sourire et m'accroche à ses épaules. Je n'ai plus envie de redescendre, maintenant que je suis dans ses bras.
« Il est magnifique, ton sapin, Moira ! Tu l'as fais toute seule ? »
J'ai envie de répondre oui, mais je sais que ce n'est pas tout à fait vrai.
« Anka m'a aidée. Et Jack aussi, regarde ! Il est beau comme ça, non ? », dis-je en désignant le chien qui s'est recouché avec sa guirlande sur la tête.
Lorsque papa se tourne, je vois enfin celle qui l'accompagne et consent à descendre pour me précipiter dans ses bras.
« Mamaaaan ! Mais je croyais que tu étais en Irlande ? » « Je leur ai dis que j'avais une petite fille et un petit garçon qui seraient très malheureux si je ne rentrais pas pour Noël... D'ailleurs où est ton frère ? »
Je hausse les épaules, l'air contrarié.
« Je crois qu'il est dans sa chambre... J'ai voulu faire marcher un vieux pantin de Noël qui chante mais ça lui a fait mal aux oreilles... », dis-je avec un air penaud.
Artur a toujours mal aux oreilles. Et je sais que c'est à cause de moi, même si papa dit que je ne pouvais pas savoir. Alors je ne lui en veux pas d'être partit s'isoler, je me sens même coupable. J'ai peur qu'il m'en veuille et comme chaque fois, j'ai peur qu'il ne m'aime plus. Je me triture maladroitement les mains, jusqu'à ce que maman me passe une main dans les cheveux pour me rassurer.
« Va le chercher, il est l'heure de manger... »
Retrouvant le sourire, je me précipite en courant dans le couloir et manque de glisser en arrivant devant la chambre d'Artur. J'essaye alors de temporiser ma joie en chuchotant pour ne pas le faire grimacer.
« Artuuuuuuuur ! Papa et maman sont là, on va manger ! »
Et aussitôt dit, je repars dans l'autre sens en courant. Intenable, me disent mes professeurs. La seule qui ne le dit jamais, c'est ma professeure de violon. Elle dit même que je suis très calme et appliquée. Mais je n'y peux rien si le reste ne m'intéresse pas ! De retour dans la salle à manger, je m'installe à table avec l'envie de manger la dinde toute entière !
Après le repas, je tente en vain de rester un peu plus longtemps dans le salon, mais c'est d'un ton autoritaire et qui fait peur que papa nous met au lit, Artur et moi. Quand papa parle comme ça, inutile d'essayer de le contredire. Déçue, je me glisse sous la couette et fais mine de m'endormir, jusqu'à ce que je sois sûre que lui et maman sont retournés au salon. Alors je rallume ma lampe de chevet, sort une pile de feuilles de sous mon lit et un crayon. Sur la première page danse une série de notes et de rythmes griffonnés en pattes de mouche. Je gomme quelques croches, réécris par dessus, et gomme à nouveau. Je fini par pesté en voyant toutes les ratures sur mon morceau et panique à l'idée de ne pas être prête pour le lendemain. Ça fait des semaines que je travaille dessus, avec ma professeure. Je lui ai dis que je voulais écrire une jig pour maman, pour la lui jouer à Noël, et jusque là j'ai gardé tout ça secret. Il était pourtant terminé, il y a deux jours, ce morceau ! Mais rien à faire, je ne suis pas satisfaite de la fin. Alors je gomme, je réécris, je gomme à nouveau, je peste, je râle, je boude. J'ai envie que ce soit parfait, et pour l'instant c'est tout moche !
Et je gomme, je réécris, je râle, je boude. La tête enfouie sous la couette pour cacher la lumière, je ne fais pas attention aux petits pas qui s'approchent dangereusement du lit, du moins jusqu'à ce que je sente du mouvement sous les draps. Sursautant, je tourna la tête et vois apparaître celle d'Artur, le nez rouge et les yeux humides, qui me fixe sans dire un mot.
« Artur ? Mais qu'est ce que tu fais là ? Tu devrais être au lit, si papa te voit on va se faire gronder ! »
J'essaye d'avoir l'air d'une vraie grande sœur, d'être autoritaire, mais je fini par me tourner vers lui et tapote le lit pour qu'il s'y glisse à son tour.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Lun 29 Aoû 2016 - 8:22
Sing me a lullaby
Moira & Artur
Même à six ans, Artur n’était pas un petit garçon bien difficile à élever et à gérer. Obéissant, curieux, attentif, discret, il n’était pas de ces petits garçons survoltés qui ne savaient pas rester en place plus de deux minutes. Il n’était d’ailleurs pas non plus de ces petits garçons constamment accrochés aux jupes de leur mère, au pantalon de leur père, et il était encore moins de ceux qui pour se faire remarquer aller tout le temps chercher à attirer l’attention par des bêtises et des interventions inutiles. Non, vraiment, Artur n’était pas un petit garçon compliqué. Il avait appris à lire avant ses camarades de classe, avant même de rentrer à l’école et depuis, il ne quittait que rarement des yeux l’encyclopédie plus lourde que lui qu’on lui avait offerte à son dernier anniversaire. Même avant ça, il suffisait qu’on lui propose un casse-tête pour que cette petite tête blonde y trouve là une occupation pour les heures à venir, incapable de se lasser, incapable de s’impatienter, incapable de rendre les armes.
Allongé sur son lit sur le ventre, Artur marmonnait pour lui-même des chansons de Noël en gaélique tout en tournant les pages de son livre. Mais il n’y était pas. Vraiment pas. Ses doigts suivaient le cycle de l’eau décrit sur la double page, articulait les différentes descriptions sans pour autant les lire. Parce que s’il y avait bien une chose qui pouvait arracher Artur à ses lectures et le déconcentrer, c’étaient ces petites pensées dans sa tête. Et le fait de s’être disputé avec Moira. Toujours en marmonnant, ses jambes rythmant dans l’air sa musique, le petit garçon s’entendit répéter en boucle des c’était pas gentil et d’autres c’est de sa faute, pas de la mienne qui visaient plus à le faire déculpabiliser de bouder de la sorte qu’à réellement le convaincre de ces inepties. Un soupir, il décala l’encyclopédie sur son lit et roula sur le dos pour regarder les étoiles qu’il avait accrochées au plafond avec sa Maman dès leur arrivée dans la maison cette année, parce qu’il voulait apprendre les constellations et que, comme ça, la nuit, lorsqu’il se couchait, il les voyait toutes briller au dessus de lui. Mais là, il faisait encore trop jour et il n’avait vraiment pas envie d’aller chercher la chaise pour monter sur la pointe des pieds fermer les volets, et encore moins envie de se lever de son lit. Alors il se contenta de plisser les yeux et de chercher sa préférée, Cassiopée, perdue tout là bas, du côté de la porte. La porte qui, d’ailleurs laissa passer des bruits de pas, des éclats de voix et un large sourire sur son petit visage de blondinet. « Mamaaaan ! Mais je croyais que tu étais en Irlande ? » Il releva la tête, immédiatement. Oh, il aimait son papa, bien sûr, mais… A petits pas, il se décida à faire glisser ses pieds dans les gros chaussons et à attraper sa robe de chambre pour s’approcher de la porte entrebâillée et écouter la conversation en se mordant la lèvre inférieure. « Je leur ai dit que j'avais une petite fille et un petit garçon qui seraient très malheureux si je ne rentrais pas pour Noël... D'ailleurs où est ton frère ? » Il sortit un peu plus la tête de sa chambre pour mieux entendre la réponse de sa sœur. Alors, oui, il était où ? « Je crois qu'il est dans sa chambre... J'ai voulu faire marcher un vieux pantin de Noël qui chante mais ça lui a fait mal aux oreilles... » Artur rentra la tête entre ses épaules. « C’est pas ma faute… » gémit-il à mi-voix, avant de fermer la porte précipitamment lorsqu’il entendit un « Va le chercher, il est l'heure de manger... » qui n’allait pas tardé à être suivant par les pas de Moira. Il se jeta immédiatement sur son lit, ramenant de justesse l’encyclopédie dans son champ de vision. Et la porte s’ouvrit dans un chuchotement. « Artuuuuuuuur ! Papa et maman sont là, on va manger ! » Comme s’il était extirpé violemment de sa lecture, Artur attendit une fraction de seconde avant de relever la tête et de la tourner en direction de Moira, dans son dos dans un « Ah bon ? J’avais pas entendu. » innocent. D’un bond, il fut debout et sans plus tarder, se précipita à la suite de sa sœur pour essayer de lui dire que c’était pas grave, le truc du machin de la musique, qu’il n’avait plus mal aux oreilles et que ce n’était pas de sa faute. En vain. Elle était déjà à table lorsqu’il entra dans la salle à manger et alla embrasser ses parents avant de sauter sur sa chaise.
Artur n’était vraiment pas un petit garçon compliqué. Car même si, à la fin du dîner, il n’avait qu’une envie : raconter toutes ses découvertes à sa Maman, il obtempéra avec bien moins de mauvaise grâce que Moira à l’ordre de leur père lorsqu’il leur intima d’aller au lit. Il ralentit seulement du côté du sapin et de ce pauvre Jack, pour regarder l’œuvre de sa grande sœur, jusqu’à l’étoile collée tout en haut qui, elle, brillait même en plein jour. Pas comme celles de sa chambre. D’une pression dans son dos, sa mère lui fit seulement comprendre qu’il était l’heure de vraiment aller au lit, avant qu’il n’ait pu observer toutes les guirlandes et figurines accrochées.
Artur n’était vraiment pas un petit garçon compliqué. Discret, obéissant… il n’y avait que les nuits qui étaient capables de le terrifier au point de le faire désobéir, au point de le faire hurler de terreur, au point de le faire sortir de sa chambre. Allongé dans son grand lit, il fixait le plafond sans pouvoir se résoudre à détacher son regard d’Hercule, placé juste au dessus de lui. L’angoisse commençait à naître dans son ventre, au fur et à mesure que le silence se posait. Oh, il voyait bien de la lumière du côté de Moira, il entendait bien un crayon rayer du papier mais… Yksi, kaksi, kolme, neljä, viisi, kuusi… Il comptait à mi-voix les étoiles, à défaut de compter les moutons. Il n’aimait pas la nuit. Il ne l’avait jamais aimée. Parce qu’elle était toujours accompagnée de ses cauchemars. « Hercule… Girafe… Petite Ourse… Cassiopée… Cygne… » Il pointait du doigt les constellations, pour mieux se détendre, mourant d’envie de se lever, d’aller se réfugier dans les bras de sa Maman ou mieux, dans le lit de sa sœur. Seulement… un nouveau regard, elle était toujours sous sa couette. Avec la lumière. Occupée. Un reniflement, Artur détacha son regard des étoiles pour se recroqueviller dans son coin, serrant ses bras contre sa poitrine à défaut d’avoir une peluche. Il n’avait pas envie de dormir. Comme tous les soirs. Mais parce qu’il n’était pas un petit garçon compliqué, il n’était pas du genre à faire des scènes le soir pour ne pas aller se coucher, il était plutôt du genre à rester tout seul avec sa terreur. Non pas tout seul. Il y avait Moira, toujours Moira. Sans s’en rendre compte, Artur s’endormit. Pour se réveiller dans un hurlement silencieux une trentaine de minutes plus tard, son cœur s’agitant dans sa poitrine, sa respiration s’emballant, les yeux humides de larmes. Et sans réfléchir, il descendit du lit pour se glisser en direction de Moira qui ne dormait toujours pas. Du bout du doigt, il chercha en silence à se faire remarquer de Moira, tapotant au niveau de sa tête, approximativement. « Artur ? Mais qu'est ce que tu fais là ? Tu devrais être au lit, si Papa te voit on va se faire gronder ! » Il rentra instantanément la tête dans les épaules, muet, les yeux parlant pour lui, se glissant immédiatement sur le lit lorsqu’elle le lui proposa d’un geste et se pelotonnant contre sa sœur sans rajouter un mot. « Qu'est ce qu'il y a ? » Remontant ses genoux contre sa poitrine et posant ses pieds nus sur le matelas, il finit par lever les yeux sur Moira. « Veux pas dormir. » Ca faisait longtemps, pourtant, qu’il n’avait pas réveillé Moira en hurlant. Peut être parce qu’il hurlait en silence, maintenant. Et qu’elle ne pouvait pas s’en apercevoir, puisqu’elle dormait. « Ca recommence. » Une larme glissa le long de sa joue. « J’peur de dormir, Momo. Je veux pas dormir. J’aime pas dormir. » Des suppliques, c’étaient des suppliques du petit frère envers sa grande sœur, parce qu’elle était son modèle, parce qu’elle était la seule à pouvoir le réconforter en pleine nuit, lorsque leurs parents n’étaient pas là.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Lun 29 Aoû 2016 - 11:20
Merry Christmas, brother !
Moira & Artur
Parfois, je demandais à papa et maman pourquoi Artur et moi étions si différents. Pourquoi nous étions si soudés l'un à l'autre tout en étant de parfaits opposés. On me disait souvent que je ne tenais pas en place, que je riais beaucoup, parlais trop, voulais faire mille et une choses en même temps... Alors qu'Artur était discret, silencieux, posé... J'enviais Artur pour sa patience, pour son calme, pour cette capacité qu'il avait à passer des heures le nez plongé dans un livre sans s'en lasser, et ce depuis qu'il avait appris à lire. Pourtant, cette ténacité était commune, dans la famille. Du jour où papa m'avait mis un violon entre les mains, j'avais mis un point d'honneur à devenir une grande musicienne. Et je m'entraînais beaucoup, ça oui ! Plusieurs heures par jour, à tel point qu'il fallait souvent me confisquer mon archet pour que je consente à venir manger. Je n'y pouvais rien s'il me résistait, ce concerto ! Et tant pis si je devais encore finir avec les doigts en sang, ils finiraient pas avoir l'habitude. Je savais qu'un jour, je pourrais jouer plus vite que mon ombre, aussi bien que Paganini et que les projecteurs seraient braqués sur moi, dans un théâtre quelconque remplis de mélomanes. Je le savais parce que j'y croyais. C'était ce que je voulais, et cet acharnement que je mettais à raturer ma partition en était la preuve.
Je savais que déjà, j'avais quitté ce chemin que papa aurait voulu me voir emprunter. Je ne serais pas biologiste, ni même généticienne. Je n'en avais pas envie, et je ne me sentais pas assez futée pour ça. Le génie, c'était Artur. Celui qui ferait de grandes choses pour la science, qui illuminerait l'humanité de son intelligence, c'était Artur. Pas moi. Et ça m'allait très bien comme ça. Je voulais ravir les oreilles du monde entier, pas passer ma vie dans un labo. Malgré tout, je n'étais pas jalouse de mon frère. Je ne l'avais jamais été et je ne comptais pas l'être un jour. Du haut de ses six ans, j'admirais plus encore mon frère que n'importe quel génie de la musique. Artur, il parlait mieux que moi, il écrivait mieux que moi, comptait plus vite, connaissais des choses que j'ignorais, et il ne cessait de m'impressionner. Alors pourquoi le jalouser ? Pourquoi lui en vouloir de me battre sur un terrain sur lequel je ne pourrais jamais prétendre pouvoir rivaliser avec lui ? Tout ce que je regrattais, c'était de ne pas pouvoir lui apprendre à jouer du violon. A cause de ses oreilles... A cause de moi. A cause de cette chose dans ma gorge. Papa disait que c'était dans mes gênes, dans mon adn, mais c'était plus facile de visualiser un petit monstre jouant avec mes cordes vocales qu'un truc jouant au sudoku avec mes gênes.
Je raturais ma feuille une nouvelle fois, soupirais et mordillais le bout de mon crayon. Alors quoi ? Pourquoi n'arrivais-je pas à l'écrire, cette cadence ? Peut-être parce que ce classique enchaînement du cinquième au premier degré me semblait trop abrupt, trop... Définitif. Et en y ajoutant une septième ? J'allais de nouveau réécrire quelques notes lorsqu'Artur vint tirer légèrement sur ma couette, me faisant sursauter. Je l'avais entendu réciter les constellations qui brillaient au dessus de sa tête, compter les étoiles... Puis plus rien. Malgré ma concentration, je gardais toujours une oreille attentive sur le sommeil de mon frère, comme si, inconsciemment, je me tenais prête à le tirer des griffes d'un vilain cauchemar. Alors qu'il se pelotonnait contre moi, je passais un bras autour de ses épaules et le serrait en lui tapotant la tête.
« Ça va aller... Je suis là... Et tant que je serai là, aucun monstre ni aucun cauchemar ne pourra te faire de mal, d'accord ? Quand on est tous les deux, Artur, on est invincibles... Parce que tant qu'on est tous les deux, on se soutient, pas vrai ? »
Je passais un doigt sur sa joue, essayant la larme qui y coulait, et me penchais vers la table de chevet pour y prendre un mouchoir et le lui tendre.
« Si tu ne dors pas, tu vas être très fatigué, Artur... Et si tu es trop fatigué, tu ne pourras pas venir jouer dans la neige avec moi demain ! Regarde-moi... »
Je me tournais vers Artur, plongeant mes grands yeux bleus dans les siens. Comme papa me l'avait appris, la petite bête dans ma gorge fit vibrer mes cordes vocales, enveloppant Artur dans une étreinte chaude et rassurante.
« Il ne peut rien t'arriver tant que tu dors parce que je veille sur toi. Et je ne laisserai rien ni personne te faire du mal. Tu veux bien me dire ce qu'il y avait dans ton cauchemar ? Peut-être que j'arriverais à le faire fuir en lui faisant une grimace ? »
Mon visage se déforma sous une hideuse grimace, espérant ainsi faire au moins sourire Artur. Qu'importe le temps et l'énergie qu'il me faudrait, mais il retrouverait le sommeil et dormirait jusqu'au matin sans que rien ne vienne l'en empêcher. Même si je devais pour cela le veiller jusqu'à l'aube.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Lun 29 Aoû 2016 - 21:06
Sing me a lullaby
Moira & Artur
A l’école, la plupart de ses camarades de classe compatissaient lorsqu’Artur annonçait qu’il avait une grande soeur. Et qu’elle était gentille. Bon, certes, Moira n’était pas toujours gentille avec lui, loin de là, puisqu’il arrivait souvent qu’ils se disputent surtout lorsqu’ils se mettaient en tête de faire un jeu de société, avec un Artur psychorigide dès que l’on parlait de règles mais qui ne se gênait pourtant pas pour en exploiter toutes les failles mais… mais globalement, Artur et Moira, c’était un duo indissociable, soudé et complice. Chose impensable pour ses camarades de classe, apparemment. A l’école, donc, c’était le plus souvent la première source de désaccord entre Artur et le reste de sa classe. Immanquablement, en bon petit nouveau, on lui demandait de se présenter. Immanquablement, il disait qu’il avait une soeur. Immanquablement, il voyait sur des lèvres des grimaces. Et immanquablement, Artur partait au quart de tour pour défendre Moira. Et il n’avait que six ans. La première fois qu’il était revenu de l’école avec un oeil au beurre noir, en début d’année d’ailleurs, son mère s’était demandée à haute voix ce que ça allait donner d’ici quelques années, sans que le cadet Kovalainen ne comprenne véritablement ce qu’elle entendait par là.
Parce que pour lui, les choses étaient aussi limpides que faciles à appréhender: dans quelques années, les choses ne changeraient pas, loin de là. Il apprendra juste à ne pas se soucier des imbéciles et à ne se concentrer que sur ce qui valait la peine. Comme Moira. Comme l’école. Comme ce que la maîtresse expliquait à un petit qui savait déjà lire, et pas que depuis peu. Choisir ses combats, choisir ceux qu’on pouvait gagner, s’épargner les autres, Artur ne l’avait pas encore compris, mais il commençait tout juste à en appréhender le principe. Comme lorsqu’il cédait à la panique et venait se réfugier à côté de Moira, les nuits où le sommeil ne venait que pour un peu plus le tourmenter. Il y avait des combats vains, et Artur les sentait d’instinct. Combattre seul ses terreurs nocturnes, par exemple. Tenter d’arracher Moira à son violon, aussi. Retenir ses parents lorsqu’ils partaient pour une énième conférence alors qu’il n’avait qu’une envie: passer du temps avec eux, enfin. Il se recroquevilla tout contre Moira, se ramassant sur lui même, ses petits orteils remontés sur le matelas et jouant avec la douceur des draps. « Ca va aller... Je suis là... Et tant que je serai là, aucun monstre ni aucun cauchemar ne pourra te faire de mal, d'accord ? Quand on est tous les deux, Artur, on est invincibles... Parce que tant qu'on est tous les deux, on se soutient, pas vrai ? » Artur ne se fit pas prier pour hocher la tête, le plus convaincu possible. « Je sais, tant que t’es là… » Il lui adressa un semblant de sourire en attrapant le mouchoir, laissant glisser sur sa joue le doigt de sa sœur qui ôta la larme restée en arrière. « Si tu ne dors pas, tu vas être très fatigué, Artur... Et si tu es trop fatigué, tu ne pourras pas venir jouer dans la neige avec moi demain ! Regarde-moi... » Il ouvrit ses grands yeux pour bien regarder sa sœur, certain que ce qu’elle allait lui dire allait être non pas important mais primordial. Si Artur était un petit garçon perspicace, il restait malgré tout un enfant de six ans. Et un enfant qui regardait sa sœur avec admiration, avec respect, qui lui vouait une confiance pleine et entière. Un enfant qui avait conscience que les monstres n’existaient pas mais qui était capable de croire Moira lorsqu’elle lui affirmait que oui, vraiment, elle avait vu de ses yeux, vu un leprechaun s’enfuir dans les fourrés. « Il ne peut rien t'arriver tant que tu dors parce que je veille sur toi. Et je ne laisserai rien ni personne te faire du mal. Tu veux bien me dire ce qu'il y avait dans ton cauchemar ? Peut-être que j'arriverais à le faire fuir en lui faisant une grimace ? » Il s’enfonça sous la couette sous la grimace de sa sœur, ses lèvres hésitant brutalement entre le rire et le petit cri de terreur.
Quelque chose dans la voix le consolait, il le savait. Depuis toujours. Elle était comme une marraine la bonne fée, sauf qu’elle n’était pas une petite vieille grassouillette, ça nom, elle était sa sœur. Ce qui était bien mieux. Mais elle avait tous les pouvoirs d’une fée, la terreur logée dans la poitrine d’Artur était déjà en train de s’envoler, de se déliter sous la voix de sa grande sœur, qu’il regardait maintenant avec cet air innocent qu’il n’avait pas encore perdu. « Si tu fais une grimace comme ça au leprechaun que tu as vu tout à l’heure… » La petite voix fluette d’Artur s’échappa de sa gorge. « … c’est sûr que je le verrai pas. » conclut-il avec une petite moue malicieuse. Qui s’assombrit lorsqu’il repensa à son cauchemar. Indescriptible. Aussitôt, un long frisson le parcourut et il se recroquevilla davantage sur lui-même, enserrant ses genoux repliés de ses bras. « J’étais dans un labyrinthe, comme dans le film que Anka, elle nous a montrés, avec le minotaure, sur Thésée. Sauf que c’était la maison, et quand j’ouvrais une porte, je retombais sur le couloir, et je me réveillais, sauf que je ne me réveillais pas, et… » Et ses mots étaient aussi maladroits que confus, au fur et à mesure que son angoisse revenait au galop, au fur et à mesure que son cœur accélérait dans sa poitrine. Il acheva, temporairement, d’une petite voix presque inaudible. « … et tu n’étais pas là, et lorsque je criais, je faisais pas de bruit. » Il releva la tête. « Est-ce que ça veut dire quelque chose ? Tu fais jamais de cauchemar, toi… » La pointe de jalousie qui jaillit de la voix maussade d’Artur lui arracha immédiatement un soupçon de culpabilité.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Dim 11 Sep 2016 - 18:43
Merry Christmas, brother !
Moira & Artur
J'étais encore trop petite pour me rendre compte qu'Artur était la seule personne constante dans ma vie, la seule que je vois tous les jours, la seule à qui je puisse me confier sans avoir droit à un « plus tard, Moira, je suis occupé ». En revanche, il n'y avait pas d'âge pour comprendre que sans Artur, les choses auraient été différentes. J'aurais été seule, triste, et je n'aurais eu personne pour qui me battre, personne qui, sans le savoir, me poussait à me surpasser dans la maîtrise de mon don. Je n'étais pas futée comme Artur, je n'étais pas studieuse comme Artur... J'étais paresseuse dès qu'on m'ôtais mon violon des mains. Sans la peur de faire du mal à mon frère, je n'aurais jamais pris la maîtrise de mon don au sérieux. Sans le savoir, Artur contrôlait la plupart de mes faits et gestes, de mes réactions, tout était calculé pour le faire sourire, pour le faire parler, pour le pousser à s'ouvrir... Je mettais parfois même de côté ma propre spontanéité pour adopter une attitude qui ne me ressemblait pas, simplement pour faire plaisir à mon frère.
Artur et moi, nous n'étions pas de ces frères et sœurs en constante rivalité, toujours dans la dispute, je le défendais quand on l'embêtais dans la cour de récré, et j'envoyais balader mes copines quand elles me disaient qu'Artur était un minus. C'était pas un minus, Artur. C'était un futur génie. Comme papa, comme maman... Pas comme moi. Alors, quand il venait se réfugier dans mon lit après qu'un cauchemar l'a réveillé, je me changeais en chevalier des temps modernes, prête à pourfendre l'horrible monstre qui l'avait tiré du sommeil. Je lui ébouriffais les cheveux alors qu'il se mouchait, séchant comme je pouvais ses larmes d'enfant traumatisé. Me fichant du mal de tête qui commençait à pointer le bout de son nez parce que j'usais de ma mutation à chaque mot prononcé, j'éclatais de rire.
« Un leprechaun ? Mais c'est gentil, un leprechaun ! Ils portent chance et sont très riches, c'est quand même plus gentil qu'un dullahan... », dis-je avec un frisson.
Irlandaise de naissance, maman nous avait raconté beaucoup de contes et légendes d'Irlande, et j'avais retenu les dullahans comme des fées horribles et terrifiantes ! Fronçant le nez, je secouais la tête et préférais demander à Artur de me raconter son rêve. M'installant en tailleur sur le lit, je posais les coudes sur mes genoux, attentive. A mesure qu'il en parlait, je fronçais les sourcils. Ça avait l'air de faire peur, comme cauchemar... Et je voyais Artur paniquer, sa gestuelle s'animer, les larmes menacer à nouveau de le submerger d'émotions, et je l'attrapais par la épaules pour le prendre à nouveau dans mes bras.
« Chuuut... Ça va aller, Artur. C'était un cauchemar, rien n'est vrai ! Tu vois ? Quand tu parles, ça fait du bruit, et puis je suis là, moi ! Y a pas de labyrinthe, y a pas de monstre, ici. Y a que toi, moi, papa et maman... Y a que nous, et personne ne te fera rien. »
Je relevais sa tête, posant maladroitement mes mains sur ses joues avec un regard déterminé.
« Tu es plus intelligent que tous les monstres que tu croiseras dans tes cauchemars. Tu pourras toujours les battre, et je serai toujours là à ton réveil pour les chasser s'ils ne veulent pas partir, d'accord ? »
Bon en vrai, je n'avais aucune idée de la manière dont on s'y prenait pour chasser un monstre de cauchemar... A vrai dire, des cauchemars, j'en faisais rarement... Mais c'était toujours le même, angoissant au possible, qui revenait. Je me passais alors une main dans les cheveux, nerveuse.
« Bah... En fait je... Je fais toujours le même cauchemar. Moins qu'avant mais... Et puis il est un peu vrai, ce cauchemar... Je me retrouve dans ce laboratoire, où papa et maman m'avaient emmenée... Celui où j'ai joué avec les fioles... »
Un frisson me parcouru l'échine. Je détestais évoquer cet événement, car il me rappelait sans cesse cet effroyable moment où les vapeurs toxiques m'avaient étouffée, et où je m'étais ensuite réveillée à l'hôpital, les cordes vocales tellement endommagées que je ne pouvais plus parler.
« Mais à chaque fois que je joue avec les fioles, tu es là... Et... Et c'est toi qui respires les produits... Et tu ne te réveilles pas et... Et... »
A mon tour, je sentis les larmes me monter aux yeux, et je me pinçais le bras pour me retrouver un semblant de contenance et ne pas craquer devant Artur. A chaque fois, ce cauchemar exacerbait deux moments désagréables de ma vie. Un dont je pouvais parler avec Artur, un qu'il valait mieux ne jamais lui révéler. Si un jour mon frère apprenait que j'étais responsable de ses problèmes d'audition, je n'osais pas imaginer sa réaction. Me rejetterait-il ? Me haïrait-il ?
« Mais ce n'est qu'un cauchemar... Et quand je me réveille, je vois que tu es dans ton lit, que tu vas bien, et que rien de tout ça n'est vrai. En fait... Sans le savoir, quand je fais ce cauchemar, tu me rassures aussi, Artur. »
Je clignais des yeux pour chasser les vestiges de ces larmes que je refusais de verser, et tendais l'oreille, soucieuse de savoir si nos murmures n'avaient pas réveillé les parents. Et alors qu'un bref moment de silence s'installait entre nous, une très, trèèèès mauvaise idée germa dans mon esprit. Dehors, il neigeait... C'était le moment idéal pour faire un bonhomme de neige...
« Tu veux faire un truc chouette, pour oublier tout ça ? » Demandais-je d'un ton espiègle.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Mar 20 Sep 2016 - 21:46
Sing me a lullaby
Moira & Artur
Quand on est tous les deux, Artur, on est invincible… Cette phrase n’était pas seulement vraie, selon Artur, c’était surtout une évidence. Une réalité. Une vérité pure, aussi concrète, aussi tangible, aussi palpable que l’arithmétique élémentaire et l’existence des planètes: une vérité omniprésente à laquelle on n’accordait jamais l’attention qu’elle méritait. Sauf dans de rares moments, de rares moments précieux, comme à cet instant. Il opina instantanément du chef, le petit frère. A eux deux, ils étaient invincibles parce qu’à eux deux, ils formaient un duo indissolubles. Différents, certes, mais aux yeux encore innocents d’Artur, cette différence n’était qu’un détail parmi tant d’autres, et surtout un détail insignifiant lorsqu’on le comparait à leur complicité. Une complicité qui alla jusqu’à lui arracher un petit cri entre le rire et l’effroi devant la grimace de sa soeur, qu’il compara immédiatement avec le leprechaun qu’elle avait vu un peu plus tôt et qu’Artur avait malheureusement loupé. Le rire de sa soeur réveilla un sourire timide, il rentra la tête dans les épaules lorsqu’elle lui ébourriffa les cheveux, pour mieux chercher à les remettre en place. Artur n’aimait pas le désordre. « Un leprechaun ? Mais c'est gentil, un leprechaun ! Ils portent chance et sont très riches, c'est quand même plus gentil qu'un dullahan... » Les lèvres d’Artur se plissèrent de désapprobation. « Oh non, pas de dullahans… je veux jamais en rencontrer… tu crois qu’il y en a en Finlande ? » Il ne croyait peut être pas au père noël, il n’y avait d’ailleurs jamais vraiment cru, mais le petit dernier des Kovalainen avait absorbé avec fascination et sans aucune réserve tous les contes et légendes des terres natales de sa mère. Des dullahan… son cauchemar était tout aussi effrayant que ces créatures maléfiques et ô combien ténébreuses.
Son cauchemar. Artur frémit rien que d’y repenser. Un cauchemar qui laissait transparaître toutes ses peurs, surtout les plus intimes, de l’atmosphère angoissante à la disparition de sa famille en passant par l’enfermement au sein d’une boucle sans qu’aucune sortie ne soit visible ou atteignable. Des terreurs nocturnes, Artur en faisait depuis des années, sans comprendre exactement ce dont il souffrait. Il savait que les médecins en discutaient avec ses parents, il savait aussi que ça traduisait ses angoisses, il savait aussi que ce n’étaient que des mauvais rêves et que tous auraient une fin, même les plus terribles, il savait encore qu’avec le temps, tout cela allait disparaître. Mais ça ne l’empêchait pas d’être terrifié à la seule idée de ne plus pouvoir se réveiller. Les bras de Moira qui l’enlacèrent réceptionnèrent ses petites larmes, sa voix calma sa panique dès qu’elle se fit entendre. « Chuuut... Ça va aller, Artur. C'était un cauchemar, rien n'est vrai ! Tu vois ? Quand tu parles, ça fait du bruit, et puis je suis là, moi ! Y a pas de labyrinthe, y a pas de monstre, ici. Y a que toi, moi, papa et maman... Y a que nous, et personne ne te fera rien. » Il cherche le regard de sa soeur en reniflant toute sa tristesse et son anxiété. « Moira... » Une petite supplique de terreur, à la recherche d’un réconfort que déjà elle lui donnait. L’important, ce n’était pas ce qu’elle lui disait, puisqu’Artur savait tout cela, l’important, c’était la manière avec laquelle elle le disait. « Tu es plus intelligent que tous les monstres que tu croiseras dans tes cauchemars. Tu pourras toujours les battre, et je serai toujours là à ton réveil pour les chasser s'ils ne veulent pas partir, d'accord ? » Il opina du chef, encore. Plus intelligent… ça, Artur ne le savait pas trop. Déjà, être intelligent, voilà un concept qui, sans être complètement abstrait, le laissait profondément perplexe. Il savait qu’il comprenait beaucoup de choses, et vite, et que la plupart du temps, il s’ennuyait à l’école. Il savait aussi qu’il lisait comme un grand depuis plus longtemps que ses amis, qu’il réfléchissait plus, mieux, plus vite aussi. Mais… suffisamment pour fuir les monstres ? Rien n’était moins sûr. « Et si un jour, c’est moi le monstre dans le cauchemar ? Comment est-ce que je ferai ? » Il articula d’une petite voix, aussi angoissée que curieuse, gardant sa véritable question pour lui-même: et si un jour, c’était Moira, ou Papa, ou Maman, ou Anka qui devenait le monstre ? Il doutait d’être un jour assez intelligent pour les battre, tous ces aînés qui le protégeaient et l’intimidaient chacun à leur manière.
Mais tant qu’il avait Moira… à eux deux, ils étaient invincibles après tout. Et Moira, elle, elle ne faisait jamais de cauchemars. Elle ne le réveillait jamais en pleine nuit en hurlant, comme lui avait déjà pu le faire avec elle. Elle ne s’agitait pas dans son sommeil, ou alors il ne s’en apercevait pas. Elle n’avait pas l’impression de suffoquer, d’être étranglée par l’angoisse, elle… la jalousie d’Artur le mit mal à l’aise, il l’étouffa dans une culpabilité timide au moment même où elle se passa la main dans les cheveux. « Bah... En fait je... Je fais toujours le même cauchemar. » Il écarquilla les yeux. « Ah bon ? » Vraiment ? Sa voix résonna d’incrédulité. « Moins qu'avant mais... Et puis il est un peu vrai, ce cauchemar... Je me retrouve dans ce laboratoire, où papa et maman m'avaient emmenée... Celui où j'ai joué avec les fioles... » Artur fit une petite moue soucieuse. Il ne se souvenait pas de ça, parce qu’il était bien trop petit à l’époque, et cet accident qui avait remué sa sœur… cet accident lui paraissait être un monstre tapi dans l’ombre, dont on ne parlait pas et dont il ne fallait pas vraiment parler. « Mais à chaque fois que je joue avec les fioles, tu es là... Et... Et c'est toi qui respires les produits... Et tu ne te réveilles pas et... Et... » La bouche d’Artur s’arrondit dans un oh éloquent. Moins expansif que sa sœur, bien moins tactile, déjà, il posa malgré tout sa tête contre l’épaule de Moira avant de lui faire un bisou sur la joue. « Je respire rien du tout, Momo, je vais bien. » Oui, il allait bien. Quand bien même il avait encore sur les joues les traces désormais sèches de ses petites larmes versées plus tôt.
« Mais ce n'est qu'un cauchemar... Et quand je me réveille, je vois que tu es dans ton lit, que tu vas bien, et que rien de tout ça n'est vrai. En fait... Sans le savoir, quand je fais ce cauchemar, tu me rassures aussi, Artur. » Il cligna des yeux avant de regarder les prunelles de sa sœur avec un grand sérieux. « Moi aussi, je veux te protéger et te rassurer. Et dis toi que si jamais il y a des vapeurs toxiques, je sais très bien qu’il faut que je me mette le tee-shirt comme ça. » Ses mains agrippèrent le bas de son haut de pyjama pour le relever et le plaquer sur sa bouche, même : sur son nez, dévoilant son petit ventre rond. « Et que je le mouille avec de l’eau ou du jus de citron » Il avait un petit sourire espiègle, caché sous son pyjama. « Comme ça, tu vois, rien ne peut m’arriver. » Parce que oui, Artur avait tout lu sur le sujet, dès qu’il avait compris ce qu’il était arrivé à sa sœur, il n’y avait de cela pas si longtemps finalement, peut être en fin d’année dernière. Il avait tout lu, pour être sûr que ça ne lui arrive pas, pour savoir quoi faire si ça devait se reproduire, pour pouvoir protéger Moira, aussi. Et Papa et Maman. Et Jack aussi. Et Anka. Sauf quand Anka le grondait, là, Artur n’avait plus vraiment envie de la protéger.
« Tu veux faire un truc chouette, pour oublier tout ça ? » Artur cligna des yeux. Quand sa sœur avait un tel sourire, ça ne prophétisait qu’une seule chose : son truc chouette n’était en rien autorisé par leurs parents. Ce qui ne faisait que le rendre plus attirant encore. Artur s’écarta de Moira pour s’asseoir en tailleur face à elle, remettant son pyjama bien en place. « Tu penses à quoi ? Faudra pas faire de bruit, Papa et Maman, faut pas les réveiller. On peut peut-être faire du coloriage ? » Artur réfléchissait à toute allure, comme pour deviner ce que sa sœur avait en tête, chose pratiquement impossible pour tout autre que lui. Ses yeux montèrent le long du mur, effleurèrent ses constellations, se posèrent sur la fenêtre aux volets loin d’être fermés, et loin d’être utiles aussi haut dans le nord à cette période de l’année. « Tu crois que le leprechaun est encore dehors ? » Sa voix se fit murmure, mais murmure malicieux. « J’aimerai bien le voir. »
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Mar 11 Oct 2016 - 14:11
Merry Christmas, brother !
Moira & Artur
Il n’y avait pas vraiment de mot pour définir la relation que nous avions, avec Artur. Bon nombre d’instituteurs s’étaient émerveillés devant notre complicité, tout en s’inquiétant systématiquement de l’introversion d’Artur et de ma trop grande tendance à la défendre, au point de manquer parfois de me faire taper dessus par des plus grands. Personne n’avait le droit de faire de mal à Artur. Parce qu’Artur était trop intelligent pour les enfants de son âge, trop futé même pour moi, et ça les rendait tous jaloux. Moi, ça me rendait simplement admirative, et c’était peut-être aussi un peu pour ça que je me démenais autant dès que j’avais un violon dans les mains. Pour rendre mon frère fier de moi autant que j’étais fière de lui. Artur, il finirait premier ministre ou même président du monde, je le savais ! Alors, quand il me demanda ce qu’il se passerait s’il était un jour le monstre de ses cauchemars, j’écarquillais les yeux, surprise. Artur n’était pas un monstre, Artur ne serait jamais un monstre. Pas tant que je veillerai sur lui.
« T’es pas un monstre, Artur. Et tu le seras jamais. Si un jour c’est toi le monstre de ton cauchemar, c’est que ton esprit aura craqué son slip ! Et si ça arrive, je te sauverai du vilain toi ! Parce que le vrai Artur, le vrai toi… Il est gentil. Et c’est pas un monstre. »
Je croisais les bras, une moue bougonne sur le visage. Y avait des choses que je ne comprenais pas toujours, mais je ne croyais pas en la monstruosité de mon frère. D’un geste machinal, je lui tirais doucement les joues pour le faire sourire. Et finalement, je me recroquevillais un peu, entourant mes genoux de mes bras comme pour m’enfermer dans une coquille lorsqu’il me demanda pourquoi je ne faisais jamais de cauchemars. A vrai dire… J’en faisais moins qu’Artur, c’était vrai, mais c’était toujours le même, il me hantait comme un fantôme à Halloween, et plus encore à chaque fois de février… A chaque fois qu’une nouvelle année en tant que mutante s’écoulait. Papa tenait un calendrier à ce sujet, pour marquer mes progrès et m’assurer que bientôt, je n’aurais plus à craindre de perdre le contrôle. Je détestais évoquer cet accident, et chaque fois qu’Artur demandait à savoir, maman lui répondait simplement que je lui en parlerais, le jour où je serais prête. Mais jusqu’à présent, je n’avais jamais eu le courage de lui avouer que j’étais responsable de son hyperacousie. Car, quelque part, je craignais à raison que mon frère ne m’en veuille suffisamment pour chercher à me punir d’une telle faute.
Artur posa sa tête contre mon épaule, et j’essuyais discrètement la larme qui roulait sur ma joue. Je devais être forte pour nous deux, c’était moi l’aînée ! Il n’était pas très bavard, le petit frère, bien plus réservé que moi, mais il avait un don certain pour me rassurer et me faire sourire. J’éclatais de rire, étouffant ce dernier avec ma main pour ne pas réveiller les parents, alors qu’Artur enfouissait son petit nez dans son haut de pyjama.
« Rien ne pourra t’arriver, Artur… En fait, rien ne pourra nous arriver tant qu’on sera ensemble, hin ? Moi j’connais pas grand-chose aux sciences, mais je pourrais refaire le portrait des méchants ! Mais pourquoi du citron ? »
Je penchais la tête sur le côté, curieuse. Bah oui quoi ? Pourquoi du citron et pas du miel ? C’était bon, le miel, j’adorais quand maman en mettait une cuillère dans ma tasse de lait, le soir. Le citron, c’était acide, je mettais toujours plein de sucre dans le thé, surtout quand grand maman me regardait avec un air sévère… Je trouvais ça drôle. Et ce que je trouvais encore plus drôle, c’était de faire un truc chouette et totalement interdit en pleine nuit. Avec un sourire de lutin prêt à faire une bêtise, je proposais la chose à Artur… Qui me demanda si on ne pouvait pas faire du coloriage. Chassant l’idée du revers de la main avec une moue contrariée, je secouais la tête.
« Naaan le coloriage c’est pas rigolo… Et puis on en a fait hier pour décorer la cheminée… »
Finalement, et comme d’habitude, Artur compris ce que je voulais dire avant même que je ne lui donne le moindre indice. Ça aussi, ça faisait partie de nos talents : se comprendre mieux que personne. Je hochais la tête vigoureusement, souriant d’un air espiègle en me levant pour lui tendre la main.
« Ça, on le saura qu’en allant voir dans le jardin… Ça serait dommage de ne pas y aller, non ? Viens ! »
Je me précipitais à petits pas vers la penderie, attrapais mon gros manteau, celui qui me faisait ressembler à une grosse boule de noël, et celui d’Artur. J’enfilais une paire d’après ski bien chaud, un bonnet, des gants, et… Voilà que j’avais l’air d’un lutin du père Noël, tout de rouge vêtue. Lorsque nous fûmes parés pour l’expédition, j’ouvris la porte tout doucement, jetais un œil à gauche, puis à droite, et indiquais à Artur que la voie était libre. J’avais l’impression que nous étions deux agents secrets en mission, et qu’il ne fallait pas réveiller le grand méchant papa, au risque qu’il se fâche tout rouge et ne nous dise que nous serions privés de cadeaux. Le trajet jusqu’au salon fut facile… Seulement, au salon, il y avait Jack, qui ronflait bruyamment sur le tapis. Portant mon doigt à mes lèvres pour dire à Artur de faire le moins de bruit possible, je contournais la grosse boule de poils et me hissais sur la pointe des pieds pour tourner le loquet de la porte fenêtre.
Aussitôt, le vent s’engouffra dans la pièce, et Jack secoua la tête lorsque de la neige lui atterrit sur le museau. Il nous regarda avec un air fatigué, sembla hésiter entre tenir son rôle de chien de garde en aboyant, et continuer sa nuit. Ce gros patapouf opta pour la deuxième option, se leva, alla se rouler en boule sur un fauteuil un peu plus loin et se rendormit aussitôt. Soulagée, je me glissais par l’entrebâillement de la porte et avançais à pas délicats sur la neige fraîche qui recouvrait la terrasse et la pelouse.
« Fais attention à ne pas glisser, Artur ! » murmurais-je.
A vrai dire, la neige était suffisamment fraîche pour que nous n’ayons pas à craindre de nous casser une jambe, mais elle ne cessait de tomber et il devait y avoir des coins du jardin ensevelit sous un bon mètre de neige. Levant la tête vers le ciel d’un noir d’encre, je tirais la langue pour attraper quelques flocons.
« Bon… Il est où, ce leprechaun ? » Demandais-je à Artur, un sourire malicieux aux lèvres.
Faire une bataille de boules de neige ne serai pas discret, en pleine nuit. En revanche, un bonhomme de neige… Ça, ça pouvait être chouette !
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Lun 31 Oct 2016 - 17:50
Sing me a lullaby
Moira & Artur
Et si un jour, Moira se transformait en monstre de ses cauchemars ? Et si un jour, Papa se transformait en dullahan ? Et si un jour, Maman le pourchassait en hurlant ? Et si un jour, Artur se retrouvait enfermé dans une pièce cerclée de miroirs, qui lui renverrait son reflet inlassablement, quoiqu’il fasse, quoiqu’il tente de faire ? Il avait beau subir des terreurs nocturnes très, trop régulièrement depuis… aussi loin que sa mémoire pouvait remonter, Artur peinait à s’y habituer, peinait à prendre de la distance avec cette terreur pure qui lui brûlait les entrailles lorsqu’il prenait conscience qu’il était enfermé dans un cauchemar, sans échappatoire. Plus intelligent que les monstres, Artur en doutait. Parce que si un jour, c’était lui, le monstre de son cauchemar, comment pourrait-il être plus intelligent que lui même ? Il n’avait que six ans, le petit frère, mais sa logique était déjà solide dans son esprit, et sa logique le menait en conséquent dans un cul-de-sac dont il se serait bien passé. « T’es pas un monstre, Artur. » Comment pouvait-elle en être aussi sûre ? Artur avait confiance en Moira, là n’était pas la question, mais… Comment faisait-elle pour affirmer ce genre de chose, avec toute la conviction du monde ? Il avait pourtant l’impression, parfois, d’être un monstre, ou du moins un alien, lorsqu’il parlait en finnois à l’école, lorsqu’il rendait ses devoirs avant ses camarades, lorsqu’il lisait des livres plus lourds que lui avec tout le sérieux du monde. « Et tu le seras jamais. » Artur eut envie de se réfugier dans les bras de sa soeur, pour qu’elle lui communique ainsi ses certitudes. Jamais un monstre. Et elle, elle aussi, elle n’en deviendra jamais un ? Un frisson remonta sa colonne vertébrale, frisson avorté dans un sourire sous l’expression qu’employa Moira. « Si un jour c’est toi le monstre de ton cauchemar, c’est que ton esprit aura craqué son slip ! Et si ça arrive, je te sauverai du vilain toi ! Parce que le vrai Artur, le vrai toi… Il est gentil. Et c’est pas un monstre. » Le vrai Artur, le vrai lui, oui, le vrai lui était gentil. Enfin… aussi gentil qu’il arrivait à l’être lorsqu’il oubliait à quel point il savait être espiègle. Et insolent lorsqu’on remettait en cause quelque chose qu’il affirmait. Et buté voire agressif lorsqu’on critiquait sa soeur. Et arrogant lorsqu’on le cherchait sur son terrain. Gentil. A six ans, quel enfant pourrait-il remettre en cause sa propre gentillesse ?
Et quel petit frère aussi pourrait s'imaginer sa grande soeur, son modèle, son exemple, être terrifiée elle aussi par des cauchemars ? Artur et Moira avaient toujours dormi dans la même chambre mais il ne se souvenait pas d'avoir un jour été réveillé par les hurlements de Moira. Et pourtant, voilà qu'elle lui avouait en se recroquevillant être aussi la victime de démons. Dont il était le sujet. Pas le responsable, non, mais en quelque sorte un dommage collatéral.
A son tour de rassurer Moira. A deux, ils étaient invincibles les deux Kovalainen, pour la simple raison qu'ils étaient là l'un pour l'autre. Toujours. Et que ce toujours attesté de quelques années à peine faisait office d'éternité dans l'esprit d’Artur. A deux, ils étaient invincibles mais tout seul, Artur ne s'en sortait pas trop mal. Des gaz toxiques, un nouvel accident en laboratoire: il avait fait ses recherches comme il avait pu et avait bien retenu une chose: les réflexes à avoir en cas d'exposition, réflexes qu'il s'empressa d'appliquer pour mieux rassurer sa soeur. La tête partiellement enfouie dans son pyjama, nombril à l'air, il eut un petit sourire espiègle, sourire accentué par le rire de sa soeur. « Rien ne pourra t’arriver, Artur… En fait, rien ne pourra nous arriver tant qu’on sera ensemble, hin ? Moi j’connais pas grand-chose aux sciences, mais je pourrais refaire le portrait des méchants ! Mais pourquoi du citron ? » Il hocha la tête avec conviction cette fois, tout en fronçant les sourcils lorsqu'elle lui affirma ne pas connaître grand chose aux sciences. Papa était un éminent généticien, Maman une renommée astrophysicienne, il lui semblait logique que Moira et lui se placent dans la continuité des carrières familiales, non ?
Pourquoi du citron ? « Parce que… euh.. je sais pas. J'ai pas tout compris aux explications... » Il lui offrit d'un air penaud. S'il comprenait vite et bien des choses, des limites le confinaient encore loin des principes moléculaires et atomiques des réactions chimiques. Il lui manquait encore pour cela une demi-douzaine d'années de maturité intellectuelle. Mais… il haussa les épaules. « Ce que j'ai compris c'est que le citron, il est spécial et il te protège en neutralisant ..., il n'était pas évident ce mot, c’en était un qu'il avait dû apprendre pour l'occasion, ... l'agresseur, comme… » Il haussa les épaules, encore, sans avoir trop envie de mettre en avant son incompréhension partielle du phénomène. Artur n'aimait pas ne pas comprendre, il n'aimait pas ne pas savoir, il n'aimait pas quand tout n'était pas net, clair, limpide et transparent. Les prémices d'une maniaquerie à la limite de la pathologie ? Peut être. « de toute façon le citron c'est bon. Donc il faut toujours en avoir avec soi. » Et puis voilà.
Et ce n'était pas la peine de chercher à en savoir plus, non ? De toute manière, demain, Artur allait questionner son papa à ce sujet parce que Papa savait tout. Et le problème serait réglé. Et ils avaient autre chose à faire à l'instant que de froncer les sourcils.
Une bêtise. Moira avait en tête une bêtise et Artur se demanda bien laquelle. Du coloriage, c'était le plus simple, le moins dangereux, d'un point de vue punition, et le plus accessible. Mais… trop sage. Du coloriage, c’était trop sage et certainement pas assez chouette du point de vue de Moira. Ce qu’elle lui confirma sans plus tarder: « Naaan le coloriage c’est pas rigolo… Et puis on en a fait hier pour décorer la cheminée… » Un coup d’oeil à la fenêtre, le visage d’Artur, qui avait remis son pyjama en place, oscilla entre la malice et l’inquiétude à l’idée d’enfreindre les ordres de leurs parents. Il avait bien envie de voir le leprechaun. Et il neigeait. Et Artur aimait la neige, parce qu’elle étouffait les bruits et apaisait les migraines provoquées par ses oreilles trop sensibles. « Ça, on le saura qu’en allant voir dans le jardin… Ça serait dommage de ne pas y aller, non ? Viens ! » Un peu moins vif qu’elle, il remettait encore consciencieusement ses chaussons qu’elle avait déjà sorti manteau, après-ski, bonnet, gants… Artur s’habilla bien plus lentement que Moira, avec comme toujours ses sourcils froncés de concentration pour que rien de dépasse, pour que rien ne soit de travers. Tout était assorti, sauf son pyjama donc les motifs verts et rouges tranchaient avec les tons bleus et orange de sa tenue. Ce qui l’agaçait un peu, il devait bien l’avouer, même s’il ne s’imaginait pas une seule seconde le dire à Moira.
A petits pas, il la suivit avec prudence dans le couloir. Elle d’abord, lui après: il n’était pas méchant, Artur, ni mesquin, mais il avait déjà une conscience aiguë de l’auto-préservation. Quelques pas, une poignée de secondes, des craquements de parquet plus tard, ils arrivèrent dans le salon. Et devant un Jack endormi. Aussitôt, Artur fit un pas en arrière, se cachant derrière Moira. Toujours. Il la laissa contourner l’animal, la laissa ouvrir la porte, ne s’engageant sur la pointe des pieds dans le terrain miné que lorsqu’un courant d’air balaya le salon. Et se figea à l’instant même où le gros chien leva le museau. Pour mieux se rendormir, jugeant certainement que ses maîtres savaient ce qu’ils faisaient. Dès qu’il mit un pied dans la neige, Artur sentit ses joues rosir de plaisir. Ou à cause du froid. « Fais attention à ne pas glisser, Artur ! » Il hocha la tête avec précaution, tout en refermant son manteau et en glissant bien son écharpe autour de son cou. « Promis » Un pas après l’autre, il s’éloigna de la porte d’entrée en direction du jardin, toujours à proximité de Moira. Courageux, le petit frère, mais certainement pas téméraire. Il aimait la neige, il aimait le froid, il aimait le calme et les étoiles au-dessus de sa tête. Même si la forêt qui jouxtait leur propriété avait quelque chose d’intimidant, pour ne pas dire terrifiant, Artur aimait profondément la nuit polaire de la Finlande, ses paysages et son atmosphère. Si bien qu’il faillit oublier la véritable raison de leur sortie. Et qu’il avait déjà oublié son cauchemar. « Bon… Il est où, ce leprechaun ? » A petits pas, toujours, levant les jambes avec effort alors qu’il creusait des fines traces dans la neige, heureusement pas trop profondes, remercions son poids d’oiselet, il rejoignit Moira et plissa les yeux en direction du jardin enseveli sous la neige, les traces de leurs jeux de l’après-midi ayant disparus sous les flocons qui voltigeaient sans discontinuer. Il tendit soudain une main enveloppée dans des moufles: « Tu l’as vu par là-bas, non ? S’il est repassé, il y a peut être ses traces, non ? » Sans attendre de répondre, Artur se précipita dans la direction indiquée, comme il pouvait malgré la neige. Quelques pas lui suffirent pour trébucher dans un petit cri, étouffé par la neige qu’il mangea avant de se redresser, des flocons accrochant tout le devant de son manteau, jusqu’à ses cils. Artur éternua sans plus tarder, avant de secouer la tête pour en faire tomber les flocons. « J’ai rien, j’ai rien ! » anticipa-t-il avant que sa soeur ne s’inquiète. Il souffla sur ses moufles avant de faire un tour sur lui-même. « J’aurais dû prendre ma lampe de poche… on va rien voir… » ronchonna-t-il, assez déçu de lui-même. Et déçu aussi de la précipitation de sa soeur qui l’avait conduit à être aussi négligent dans ses préparatifs.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Dim 4 Déc 2016 - 18:54
Merry Christmas, brother !
Moira & Artur
Je ne me souvenais pas avoir été un jour jalouse de mon frère. Artur, il était intelligent, calme, futé, ça deviendrait un grand chercheur ou un truc comme ça... J'étais admirative, et parfois je me sentais toute petite, insignifiante à côté de lui... Médiocre. Mais si bien des qualificatifs convenaient à mon petit frère, monstre n'en faisait pas partie. Et ça n'en ferait jamais partie. Parce qu'Artur, il était trop intelligent pour être un monstre ! Impossible qu'il se fasse avaler par une bestiole avec plein d'yeux et des crocs, lui il le mettrait à terre, le monstre ! Et c'est pour ça que je défendais toujours Artur. Parce que quoi qu'il se passe, je savais qu'il avait toujours raison. Ou presque. Quand il disait que je jouais du crin crin, je me vexais, parce que là il avait tort. Ma professeure m'avait assurée que du haut de mes neuf ans, j'étais prête à faire mes premiers concerts ! Elle avait dit à papa que j'étais un prodige, mais je n'avais pas compris le mot. Il avait eu l'air content, alors j'en ai conclus que prodige ça devait être un genre de musicien super cool ? Quoi qu'il en soit, le second point sur lequel Artur se trompait, c'était sa potentielle monstruosité, à laquelle je ne croyais absolument pas.
Je penchais la tête sur le côté alors qu'il tentait de m'expliquer pourquoi le citron pouvait neutraliser – déjà je ne comprenais pas ce mot – un poison. C'était trop compliqué pour moi, ces trucs-là, j'avais l'impression d'essayer de comprendre une langue bizarre, un peu comme quand papa et maman parlaient avec un air beaucoup trop sérieux de trucs génétiques et scientifiques et... Et j'y comprenais jamais rien. Mais ça avait toujours l'air grave, parce que maman avait la voix tendue et papa fronçait les sourcils, plus encore que quand il me grondait pour avoir fait une bêtise.
« On va rester sur le citron qui est bon, d'accord ? Le reste c'est trop compliqué. », dis-je avec une moue bougonne.
Artur n'aimait pas comprendre, mais il se donnait toujours les moyens d'y parvenir. Moi... Quand je ne comprenais pas, ça m'ennuyait, ça m'énervait, et je râlais, mais je ne me mettais pas le nez dans un bouquin de sciences pour chercher à en savoir plus. Ça, je ne le faisais que pour la musique, parce que c'était un jeu, pas une contrainte. Et s'il y a bien un jeu que j'avais envie de faire, là, tout de suite, c'était bien d'enfreindre les règles et d'aller profiter de la neige dans le jardin au beau milieu de la nuit. Je voulais aller compter les étoiles, faire un bonhomme de neige et oh ! Peut-être qu'on pourrait voir une aurore boréale ? Papa m'avait dit que nous étions un peu trop au sud pour en voir, mais je ne perdais pas espoir.
Alors que je me retrouvais avec un bonnet mis de travers sur la tête et le manteau à peine bien fermé, Artur prenait soin de lisser les plis de son vêtement, de lasser précautionneusement les lacets de ses chaussures, et de coincer la manche de son haut de pyjama sous ses gants, pour que le vent ne s'y engouffre pas. Maman disait souvent que j'étais un petit feu follet, intenable, énergique et désordonné, là où Artur ressemblait à cette aurore boréale que je rêvais de voir : calme et paisible. Une fois dehors, je sentis mes cheveux se dresser sur ma nuque, tant il faisait froid. J'étais même sûre qu'il faisait bien moins deux cents, même si papa m'avait toujours soutenu que c'était impossible ! Grelottant, je me secouais pour me donner chaud et m'aventurais dans la neige en prenant garde à ne pas perdre Artur de vue.
« Bah je sais pas... Les leprechauns se promènent sur des arc en ciel, et des arc en ciel y en a que en plein jour, papa m'a dit qu'il fallait de la pluie et du soleil, et que le soleil devait passer à travers les gouttes de pluie, un truc du genre... Tu crois que si la lune passe à travers les flocons de neige ça fera un arc en ciel de nuit ? Ça serait cool, non ? »
Alors que je cherchais de mon côté, j'entendis Artur trébucher dans un glapissement. Aussitôt, la terreur me comprima la gorge et je me précipitais vers lui, le cœur battant à tout rompre.
« Artur ! Artur tu vas bien ? Attends lève-toi... »
Je l'aidais à se relever, des larmes de panique coulant sur mon visage. Je n'avais pas peur de tomber ni de me faire mal, jamais. Mais dès que je perdais Artur de vue, dès qu'il tombait, dès qu'il avait la moindre égratignure, je paniquais. Et encore une fois, je me sentais coupable de ce qui lui arrivait, parce que c'était de ma faute s'il était tombé. Essuyant maladroitement les larmes sur mon visage, je baissais les yeux avec un air penaud.
« Je suis désolée... C'est de ma faute si tu es tombé, et on aurait pas dû sortir, et tu aurais pu te casser un bras, et... Et je veux pas qu'il t'arrive quelque chose à cause de moi... »
Chaque fois que je disais cela, je revoyais cette scène effroyable, ce jour anodin qui m'avait sorti de mon mutisme, ce moment où j'avais voulu dire à ma nounou de se pousser, et où un hurlement était sorti de ma gorge, lui explosant les tympans au passage et blessant Artur également. Je m'en fichais bien qu'elle ai souffert plus que mon frère, c'était lui qui comptait, même si c'était égoïste.
« Tu... Tu veux qu'on rentre ? Ou tu préfères qu'on prenne la lampe de poche ? Attends... »
Je pris sa petite main gantée dans la mienne, ouvrant la marche jusqu'à la terrasse, et fouillais dans la vieille boîte à outils de papa pour y dénicher une petit lampe de poche.
« Avec ça, on y verra plus clair ! Mais si tu veux rentrer, Artur, on rentre. »
Fronçant les sourcils pour me donner un air sérieux, je passais une main sur son front pour en chasser la neige, puis je levais les yeux vers le ciel.
« Tu as vu toutes ces étoiles ? Je me demande combien il y en a... Et où elles sont... Elles ont l'air tellement petites ! »
Un frisson me parcouru l'échine, et ce n'était pas à cause du froid. Je me sentais insignifiante face à l'immensité de l'univers, si petite, comme une fourmi.
« C'est quoi cette constellation ? La grande ourse ? » demandais-je en désignant Aldébaran et la constellation du taureau.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Mar 20 Déc 2016 - 0:15
Sing me a lullaby
Moira & Artur
Il était intelligent. C’était une chose dont Artur avait déjà conscience sans prendre réellement la mesure de tout ce que ça pouvait impliquer dans sa vie. Il était intelligent et surtout particulièrement attentif à toutes sortes de choses, comme à cette complicité croissante entre sa soeur et son père, comme à ce souci constant que Moira pouvait avoir de son bien être. Il était intelligent, Artur, mais son intelligence était encore compensée par une innocence enfantine de tout ce qu’il avait de plus rassurant pour un petit bonhomme de cet âge là. Il comprenait peut être bien trop de choses, retenait peut être bien trop de choses, se souciait peut être de bien trop de choses, mais au moins croyait-il encore à l’existence des leprechauns et avait-il encore une confiance aveugle en sa grande-soeur, en ses parents et plus ou moins en tous les adultes qui avaient son respect et qui veillaient sur lui. Il n’était pas méchant, le petit, il n’était même pas violent, il était juste un petit Artur, un petit frère et surtout un petit garçon curieux qui ne rechignait jamais à apprendre ou à découvrir quoique ce soit. Pour l’occuper, il suffisait de lui mettre une encyclopédie entre les mains ou quelques crayons de couleur et une feuille blanche, pour le fasciner il suffisait de lui parler d’espace, d’étoiles, de plantes, d’animaux, de toutes ces petites expériences qui peuplaient le quotidien d’un petit garçon attentif.
Pour l’occuper, pour le distraire, pour l’amuser, il suffisait encore de lui promettre d’observer un leprechaun ou de sortir dans la neige au milieu de la nuit. Artur enfila avec précaution de multiples épaisseurs au dessus de son pyjama, dont il rentra bien proprement le haut dans le bras pour ne pas laisser son ventre attraper froid. Il lissa les plis de ses manches, enfonça son bonnet bien au-dessus de ses oreilles, noua consciencieusement ses lacets, le tout avec une application telle que malgré son jeune âge, on pouvait déjà s'affubler de l’adjectif maniaque. Et dès qu’il fut prêt, il suivit Moira jusqu’à la porte d’entrée, le sas qui isolait la maison de l’air glacial des nuits finlandaises, et enfin le jardin recouvert de neige. Un bonhomme de neige, c’était une bonne idée, mais traquer une créature du folklore irlandais, c’en était à coup sûr une meilleure… si on avait une idée d’un point de départ par lequel commencer. Artur plissa les yeux, chercha un point de repère dans la couverture blanche et la nuit polaire. Là-bas, peut-être ? « Bah je sais pas... Les leprechauns se promènent sur des arc en ciel, et des arc en ciel y en a qu’en plein jour, papa m'a dit qu'il fallait de la pluie et du soleil, et que le soleil devait passer à travers les gouttes de pluie, un truc du genre... Tu crois que si la lune passe à travers les flocons de neige ça fera un arc en ciel de nuit ? Ça serait cool, non ? » Il secoua la tête, Artur, immédiatement. Il ne savait pas encore vraiment comment étaient fait les arcs-en-ciel, mais s’il y avait bien une chose de certaine, c’était que la lumière de la lune, aussi belle qu’elle puisse être, n’était pas suffisant pour ça, non ? Après tout… ”Je ne pense pas, parce que la lune, elle fait que réfléchir la lumière du soleil, Momo, elle l’émet pas vraiment, non ? Du coup… faudra demander à Papa. Mais ça veut dire qu’on ne verra pas de leprechaun ?” Ses épaules s’abaissèrent de tristesse, avant qu’il ne refuse de laisser la réalité faire de ses désirs des boules de papier froissées bonnes à n’être que jetées dans une corbeille. Si Artur était déjà extrêmement futé, s’il était déjà extrêmement lucide, il ne comprenait pas encore tout à fait le sens du mot impossible et encore moins celui de peu probable. Ses pas le menèrent en direction de la partie du jardin où ils avaient joué dans l’après-midi, les ombres se jouèrent de lui et il trébucha rapidement, disparaissant dans la neige.
En une fraction de seconde, il se releva, s’empressa de vouloir rassurer sa soeur, mais le mal était fait: il l’avait déjà inquiétée. Moira était sur lui. « Artur ! Artur tu vas bien ? Attends lève-toi... » Il s’ébroua pour chasser la neige qui accrochait son manteau, son bonnet, ses cils et ses sourcils. Il n’avait rien, il n’éternua que pour chasser le petit coup de froid. Et il se frotta la joue aussi pour en chasser les flocons. « Je suis désolée... C'est de ma faute si tu es tombé, et on aurait pas dû sortir, et tu aurais pu te casser un bras, et... Et je veux pas qu'il t'arrive quelque chose à cause de moi... » La voix de Moira, tout proche de lui, lui donna l’envie de se faufiler pour réclamer un câlin à sa grande-soeur. Pas pour se rassurer, non, il n’avait vraiment rien de grave, mais plus pour la rassurer elle. Parce qu’il la sentait, dans sa voix, cette panique brutale qui venait de submerger Moira comme un tsunami, tout ça pour quelques flocons. Parfois, lorsque sa soeur paniquait ainsi, Artur se sentait comme un petit ange en papier qu’elle avait peur de briser d’un seul soupir, il avait l’impression d’être en verre, d’être si fragile que Moira craignait de l’ébrécher ne serait-ce qu’en lui parlant.
Et même s’il se sentait flatté d’être ainsi préservé et au centre de l’attention, il regrettait de lui causer autant de souci. Il aurait dû être moins maladroit, il fallait qu’il le soit moins, parce que sa grande soeur ne sera pas toujours là pour veiller sur lui, et il n’aura pas toujours besoin de sa grande soeur, aussi étrange que puisse lui paraître actuellement cette idée. ”Je vais bien, Moira, ne t’en fais pas. Regarde” Il agita les bras, sautilla sur place. ”J’ai rien de cassé.” Vraiment rien. Sa soeur s’inquiétait parfois un peu trop, il n’était pas si fragile que ça. Est-ce que toutes les grandes soeurs étaient comme ça avec les petits frères ? « Tu... Tu veux qu'on rentre ? » ”Non, non !” « Ou tu préfères qu'on prenne la lampe de poche ? Attends... » Il glissa malgré tout sa main dans celle de Moira, pour la laisser le guider jusqu’à la terrasse, et jusqu’à une lampe de poche qui, si elle n’était pas celle du petit explorateur, éclairait malgré tout suffisamment pour dissiper la noirceur de la nuit. « Avec ça, on y verra plus clair ! Mais si tu veux rentrer, Artur, on rentre. Tu as vu toutes ces étoiles ? Je me demande combien il y en a... Et où elles sont... Elles ont l'air tellement petites ! C'est quoi cette constellation ? La grande ourse ? » Artur ne répondit pas tout de suite aux questions de Moira. Bien au contraire.
Si elle avait réussi dans un premier temps à le faire froncer les sourcils à l’idée de rentrer, maintenant qu’ils avaient franchi la plupart des écueils disséminés dans la maison - comme Jack ou le parquet qui grinçait - pour les faire rester bien au chaud, bien en sécurité, à l’intérieur, il n’était pas vraiment envisageable de rentrer tout de suite. Il valait mieux savourer le silence, précieux aux oreilles d’Artur, il valait mieux se laisser envahir par le frisson de l’interdit, par le frisson du risque, par le vertige de l’inconnu et surtout, surtout, plus important que tout le reste: Moira n’avait pas envie de rentrer. Si elle avait proposé de sortir, ce n’était certainement pas pour rentrer immédiatement après, non ? Artur, donc, ne répondit pas tout de suite à des questions qui lui semblaient pas forcément très intelligentes. Il préféra tirer le bras de Moira, et désigner d’un mouvement de menton la direction des balançoires, il préféra piétiner un peu pour faire comprendre à sa soeur qu’il voulait bouger. Et accessoirement, il ne voulait pas trop lui lâcher la main malgré tout. Courageux, pas téméraire, le petit Artur. Trop prudent pour être téméraire. Quand ils furent éloignés de la maison, il leva les yeux au ciel, dans un ciel aux nuages disparates et aux étoiles éclatantes. Il plissa les yeux, le petit astrophysicien, le petit astronaute. Il plissa les yeux pour se repérer. Et retrouver ses repères.
Parce que la deuxième question de Moira l’attendait, et que cette deuxième question exigeait de lui le plus grand sérieux et la plus grande assurance. Ce n’était pas rare qu’Artur sache des choses que Moira ignorait, mais il ne se lassait jamais de la corriger, rectifier et encore moins de lui apprendre tout ce qu’il savait. Il ne se lassait jamais de se rendre compte qu’il savait et qu’il pouvait apprendre à Moira. Si Artur aimait comprendre parce que ne pas comprendre l’insupportait, il fallait bien avouer qu’il aimait aussi tout particulièrement se sentir non pas supérieur, il n’avait que six ans, mais… important. En contrôle. Il aimait se sentir professeur. Son index emmitouflé dans sa moufle point le ciel en un point indistinct. “Tu vois cette étoile, là ?” Il sautilla pour essayer de l’atteindre, sans grand succès. ”Celle à côté de l’autre étoile.” Ce n’était pas très clair. Artur fronça les sourcils, très mécontent de sa prestation. Comment faisait sa maman, déjà, lorsqu’elle voulait lui montrer le ciel ?
Il se colla à sa grande soeur, se réfugia sous ses bras et attrapa sa main. Pour lever une nouvelle fois le bras vers le ciel. “Suis ma main… Là, tu vois, c’est elle la grande ourse, c’est Iso karhu” L’anglais se mélangeait au finnois, allait vers le latin. ”Ce que tu me montrais, c’est Taurus... euuuh… sonni.” En revanche, il ne se souvenait plus du nom de l’étoile, alors, inutile de se risquer sur ce terrain là. Artur plissa les yeux, guida la main de sa soeur d’étoile en étoile pour retracer le taureau. Comme sa maman faisait avec lui. ”Et là, c’est… Auriga, je crois que ça veut dire or. C’est du latin” Rajouta-t-il avec le plus grand sérieux, en pointant le Cocher. Il en savait des choses, Artur, mais dans toute l’arrogance de ses six ans, il oubliait parfois qu’il ne savait pas tout. Et qu’il lui arrivait de se tromper, aussi. ”Momo, tu crois que demain, Papa et Maman ils vont jouer avec nous ? On pourra faire un scrabble ? Ou un… tu sais, le jeu avec les mimes et tout ? Il ne savait plus trop le nom du jeu, mais il s’était souvenu in extremis que Moira n’aimait pas trop le scrabble, non ?, alors qu’en revanche, les mimes… ils aimaient ça tous les deux.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Dim 15 Jan 2017 - 17:36
Merry Christmas, brother !
Moira & Artur
Parler de trucs scientifiques avec Artur me donnait toujours l'impression d'être un peu bête. Et puis ça me donnait mal au crâne, aussi. La lune réfléchit la lumière du soleil... Pfff... D'accord mais alors pourquoi ne voyait-on pas le soleil en pleine nuit, hin ? Et pourtant en Finlande il faisait jour 4 ou 5 heures en hiver alors que sous les tropiques il faisait beau ? Papa avait tenté de me l'expliquer, mais à chaque réponse qu'il me donnait, j'avais trois autres questions, si bien qu'il avait fini par me donner la réponse que tous les adultes donnent aux enfants, celle qui m'avait fait bouder toute la soirée tant je la trouvais ridicule : tu comprendras quand tu seras plus grande. Plus grande comment ? Comme maman ou comme la vieille chouette qui me faisait les leçons d'histoire ?
« Bah... Ouais... En fait, maintenant je ne suis plus très sûre qu'on puisse voir un leprechaun... », et ce n'était pas un mensonge que j'avais fait à Artur pour le faire sortir, j'étais véritablement déçue par cette conclusion. « C'est nul, il fait toujours nuit, ici... »
La chute d'Artur me fit bien vite sortir de ma bougonnerie, à tel point que je me précipitais vers lui en priant toutes les divinités des panthéons scandinave et celtiques réunis pour qu'il ne se soit rien cassé. C'était sûrement idiot de m'inquiéter comme ça, et j'aurais dû lui laisser davantage de liberté, mais j'avais si peur qu'il lui arrive quelque chose, si peur d'être à nouveau responsable de ses problèmes de santé, que je ne pouvais m'empêcher de culpabiliser dès qu'Artur avait un cheveu de travers sur la tête. Il aurait peut-être compris, s'il avait su... Mais jamais Artur ne saurait. Jamais. J'avais fait promettre à papa et maman de ne jamais lui dire que c'était à cause de moi qu'il souffrait autant dès qu'un gamin criait un peu fort ou qu'une ambulance passait dans la rue. Je ne voulais pas que mon frère me voit comme un monstre, et encore moins qu'il me haïsse, et j'étais persuadée qu'en gardant ce secret pour moi, nous serions tous les deux à l'abri. Quelle naïve je faisais... Artur était assez futé pour faire le lien un jour, mais j'étais trop jeune pour le comprendre. Pour le moment, tout ce qui m'intéressait, c'était de savoir qu'il était entier. J'époussetais consciencieusement la neige sur son manteau et l'entraînais vers la terrasse à la recherche d'une lampe de poche. Artur ne voulait pas rentrer, et de toute manière, moi non plus. Observer les étoiles, c'était vachement plus chouette. J'avais beau tendre la main, impossible de sentir mes doigts emmitouflés se refermer sur l'une de ces petites billes incandescentes. Elles étaient si loin que certaines étaient déjà mortes, j'en avais des frissons. Pendant un long moment, Artur resta silencieux, le temps que je m'impatiente. Quand finalement il s'anima à nouveau, je plissais les yeux en cherchant l'étoile qu'il voulait me montrer.
« Laquelle ? Il y en a trop... »
Je me laissais donc faire lorsqu'il se glissa sous mon bras pour guider ma main jusqu'à l'étoile qu'il voulait le montrer, laquelle formait avec ses sœurs une grosse casserole. Avec un grand sourire, je sautillais sur place.
« Ah ouiii ! Oui oui je la vois ! C'est la casserole ! Dis donc tu as de sacrés yeux, Artur ! Tu crois qu'un jour on pourra aller dans l'espace, toi et moi ? Ca serait chouette... »
Je me grattais la tête en réfléchissant. Maman m'avait déjà parlé des constellations des signes du zodiaque, elle m'avait donné les noms de toutes les principales étoiles, mais impossible de m'en souvenir...
« Aaaah mince, je la connais celle du taureau, pourtant ! Antares ? Non... Antares c'est le scorpion... »
Et alors que j'allais énumérer Castor et Pollux, qui n'avaient rien à faire là, le nom me revint.
« Aldebaran ! C'est Aldebaran la grosse étoile du taureau, non ? En fait à deux on forme une bonne équipe, tu ne crois pas ? »
Toute fière, j'entourais les épaules d'Artur de mon bras et continuais à regarder les étoiles, perchées dans un ciel noir d'encre. Quant à savoir ce que nous pourrions faire le lendemain, c'était une bonne question, à laquelle je n'avais pas vraiment réfléchi.
« Je suis nulle au Scrabble... Mais on pourrait jouer au pictionary ! Ou au tabou ! C'est toujours rigolo, papa et maman essayent toujours de se faire deviner des mots compliqués... J'espère qu'ils seront là demain... J'aime pas quand ils partent en séminaire... »
Ne pas voir nos parents la moitié de l'année, avoir des nourrices pour nous faire à manger et des professeurs particuliers pour nous donner des cours, je détestais ça. Parfois, j'aurais vraiment aimé être une petite fille ordinaire, aller à l'école, voir mes parents rentrer du travail le soir... Je savais qu'ils faisaient un métier important, qu'ils pouvaient faire avancer le monde ou un truc du genre, mais j'avais l'égoïsme d'une petite fille, je voulais mes parents, pas la gloire d'un nom dont on parlerait encore pendant des décennies. Les rares périodes où Artur et moi étions placés dans des écoles me laissaient toujours un goût amer, car à peine avais-je eu le temps de me faire des amis que déjà, il fallait repartir. Trop occupée à regarder les étoiles, je n'avais pas entendu la baie vitrée qui s'était ouverte quelques minutes plus tôt, et sursautais en poussant un petit cri lorsqu'une voix amusée me répondit.
« On pourra jouer à tout ce que voudrez demain, papa et moi ne bougeons pas de la semaine. »
Le cœur battant à tout rompre, je me retournais lentement pour faire face à ma mère, à moitié décoiffée, qui ne portais qu'une petite doudoune par dessus son pyjama.
« Ma... Maman ? Je... C'est pas la faute d'Artur, hin ! C'est moi qui ai voulu sortir et... Tu vas pas nous gronder, hin ? »
Là-dessus, je rentrais la tête dans les épaules en m'attendant à me faire gronder, mais haussais les sourcils au moment où ma mère éclatais de rire.
« Mais non je ne vais pas vous gronder... On ne dira rien à votre père, d'accord ? Ce sera notre petit secret de Noël ! »
Maman nous fit un clin d'oeil complice avant de s'assurer que nous étions bien couverts pour affronter le froid, puis elle tendit la main à Artur en s'asseyant sur le vieux rocking-chair en bois qui avait échappé grâce au toit à la neige. Elle hissa mon petit frère sur ses genoux et regarda à son tour dans le ciel.
« C'est beau, n'est-ce pas ? Toutes ces étoiles... Tu vois celle-ci, Artur ? » demanda-t-elle en pointant une étoile en mouvement.
Je fronçais les sourcils en la fixant à mon tour.
« Mais maman c'est pas un avion, ça ? »
Avec un sourire amusé, elle me fit signe de me taire, et je camouflais alors mon rire derrière mes moufles. Papa nous aurait sûrement grondé pour être sortis en pleine nuit, mais pas maman. Maman était plus joueuse, et maman aimait bien trop les étoiles pour leur tourner le dos.
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994) Jeu 9 Fév 2017 - 0:21
Sing me a lullaby
Moira & Artur
Il n’avait que six ans. Six petites années, mais des yeux grands ouverts, brûlants de cette curiosité et de cette soif de comprendre qui, déjà, le démarquaient des autres. Six petites années mais déjà des capacités de réflexion et de déduction qui laissaient la plupart de ses professeurs pantois. Six petites années encore teintées d’innocence, de simplicité et d’une naïveté désarmante sur bien des choses. Comme l’existence des leprechauns. Si Artur pouvait remettre en cause la lumière émise par la Lune parce que son Papa lui avait expliqué la distinction entre réfraction et émission, le petit garçon ne parvenait pas à douter de l’existence des créatures surnaturelles qui peuplaient le folklore irlandais et celui finnois. Il ne croyait pas au Père-Noël, Artur, mais il était persuadé que des gnomes hibernaient dans les maisons creusées dans le sol, que les trolls n’étaient en rien une légende et que certaines créatures pouvaient lui voler ses chaussettes s’il oubliait de les mettre dans la panière à linge, le soir après le bain. Six ans et déjà tant de certitudes, tant de convictions et encore tant de crédulité, tant de spontanéité… « Bah... Ouais... En fait, maintenant je ne suis plus très sûre qu'on puisse voir un leprechaun... C'est nul, il fait toujours nuit, ici... » Artur leva de grands yeux déçus vers sa sœur, presque plus déçu pour elle que pour lui-même. Presque. Parce qu’une pointe de jalousie fit naître sur ses lèvres pincées une détermination. C’était injuste, tout de même, que Moira puisse voir des leprechauns et pas lui, surtout qu’elle ne méritait pas plus que lui de les voir ! Enfin… ce n’était pas parce qu’elle était plus grande que lui qu’elle le méritait, voilà. Et… « M’en fiche. Je suis sûr qu’on va le trouver. » revint-il en arrière sur ses propos pour mieux se précipiter en direction du point de départ le plus évident pour leurs recherches : la partie du jardin qui avait assisté dans l’après-midi à l’apparition de la créature.
Une course rapidement brisée par ses pas maladroits qui lui firent manger la neige si brutalement qu’Artur mit une fraction de secondes à se relever, à s’épousseter pour rassurer sa sœur. Une seconde de trop puisqu’elle était déjà sur lui. Artur ne savait jamais trop, dans ce genre de situation, s’il devait profiter de l’inquiétude de Moira pour avoir des câlins et des faveurs ou s’il devait absolument la rassurer. En général, il se débrouillait pour faire les deux, avec la spontanéité qui le caractérisait encore. Pas cette fois-ci. Cette fois-ci, il s’empressa de lui prouver qu’il n’avait rien. En sautillant. En agitant les bras. En secouant la tête avec virulence lorsqu’elle lui proposa de rentrer. Sa main se glissa dans celle de Moira, sans attendre, il resta dans son sillage jusqu’à la sécurité de la terrasse et de la lampe de poche et se retournant pour voir les étoiles qu’elle lui désignait. Des étoiles qui le faisaient rêver, qui étincellaient ses yeux de magie et qui le faisaient très régulièrement ouvrir la bouche à en avaler des flocons. Parce que les étoiles, dans la famille d’Artur, avaient une place prépondérante, offerte par leur mère. Par leur présence rassurante, éclatante dans les nuits polaires de Finlande, dans les étés apaisants d’Irlande. Il suivit les doigts de Moira, ne chercha pas immédiatement à répondre à ses questions. Pas avant d’avoir pris ses repères, d’avoir écouté le silence. Ecouter le silence. Il aimait bien écouter le silence, Artur. Mais ce qu’il aimait mieux encore, c’était apprendre, et apprendre aux autres. Son index, sûr de lui, rectifia sa sœur dans un premier temps. « Laquelle ? Il y en a trop... » Ses sourcils se froncèrent : le petit bonhomme de six ans choisit un autre angle d’attaque devant l’échec du premier. Il se faufila dans les bras de sa sœur, bien en sécurité. Et sa main se lia à la sienne pour la guider à nouveau. « Ah ouiii ! Oui oui je la vois ! C'est la casserole ! Dis donc tu as de sacrés yeux, Artur ! Tu crois qu'un jour on pourra aller dans l'espace, toi et moi ? Ca serait chouette... » Artur tourna la tête vers Moira, avec un large sourire stupéfait à cette seule idée. « Ce serait trop chouette… rien que toi et moi, dans un grand vaisseau, et on pourrait faire plein d’expériences chouettes en apesanteur, et on pourrait visiter toutes les planètes et toutes les étoiles… » Il se voyait déjà là-haut, tout là-haut, en pointant plus ou moins justement la constellation du taureau, puis celle du Cocher. « Aaaah mince, je la connais celle du taureau, pourtant ! Antares ? Non... Antares c'est le scorpion... » Artur fronça à nouveau les sourcils, en rentrant les épaules pour se coller davantage à sa grande sœur toute excitée. Antarès, non. Mais… « A… A…. » chercha-t-il à son tour. « Aldebaran ! C'est Aldebaran la grosse étoile du taureau, non ? En fait à deux on forme une bonne équipe, tu ne crois pas ? » Ce fut cette fois au tour du petit frère de sautiller en hochant la tête. « Oh oui, au oui, Aldebaran, c’est ça ! Tu es trop forte Moira ! » Il se retourna un peu pour déposer un bisou sur la joue de sa grande sœur avant de regarder à nouveau toutes les étoiles et de fermer les yeux, la tête légèrement dodelinante malgré son envie de rester dehors. Ses pensées se firent moins contrôlées, moins concentrées sur l’instant présent, partir vers le lendemain, vers leurs parents tous les deux avec eux.
Vers ces instants en famille qui se faisaient rares, parfois de manière incompréhensible pour un Artur de six ans qui avait encore besoin, parfois, qu’on lui lise une histoire le soir avant d’aller dormir. Allaient-ils réellement avoir leurs parents pour tous les deux, le lendemain ? Pour faire un scrabble, un time’s up, un tabou ou tous ces jeux de société qu’ils accumulaient dans certaines armoires de cette maison finnoise mais qui prenaient la poussière malgré tout. « Je suis nulle au Scrabble... Mais on pourrait jouer au pictionary ! Ou au tabou ! C'est toujours rigolo, papa et maman essayent toujours de se faire deviner des mots compliqués... J'espère qu'ils seront là demain... J'aime pas quand ils partent en séminaire... » Artur hocha la tête, bien d’accord avec sa sœur. Pas uniquement sur les choix de jeux, même si… « J’aime pas beaucoup le pictionary, j’aime pas dessiner… » fit-il remarquer d’un air bougon, légèrement menteur : ce n’était pas qu’il n’aimait pas, c’était qu’il perdait systématiquement à ce jeu et que ça, ce n’était pas très agréable. Il allait proposer d’autres idées de jeux – pourquoi pas un cluedo même si leur père était quand même sacrément fortiche pour trouver le coupable ? – quand une voix les fit sursauter autant l’un que l’autre. « On pourra jouer à tout ce que voudrez demain, papa et moi ne bougeons pas de la semaine. » Une voix qu’il reconnaît immédiatement. « Maman ! » Artur hésita entre aller se jeter dans les jambes de sa mère pour réclamer un câlin et ainsi laisser sa sœur seule, ou rester solidaire de sa grande sœur et loin de leur maman, si peu accessible dans l’année. Ses doigts choisirent la deuxième option, en même temps que la voix de Moira, lorsqu’il attrape sa main. « Ma... Maman ? Je... C'est pas la faute d'Artur, hin ! C'est moi qui ai voulu sortir et... Tu vas pas nous gronder, hin ? » Artur leva de grands yeux écarquillés en direction de leur maman. Il n’allait pas réfuter les propos de Moira parce que de toute manière, elle disait la vérité. Mais… il laissa sa petite voix articuler un « Faut pas la gronder, Maman » qu’il voulut courageuse et surtout engageante.
Le rire de leur mère décrispa ses épaules et fait naître sur ses lèvres un très large sourire alors qu’il comprenait sans plus tarder qu’il n’allait pas y avoir de punitions, loin de là. Sauf, si, bien sûr, ils éternuaient demain matin. « Mais non je ne vais pas vous gronder... On ne dira rien à votre père, d'accord ? Ce sera notre petit secret de Noël ! » Toute menace écartée, Artur se précipita vers sa maman pour se hisser sur ses genoux sitôt qu’elle fut assise dans le vieux rocking-chair de la terrasse. « C'est beau, n'est-ce pas ? Toutes ces étoiles... Tu vois celle-ci, Artur ? » Il suivit son regard, tout en se pelotonnant contre sa maman, sa maman à lui. « Laquelle, celle qui bouge ? » Il fronça les sourcils. Les étoiles qui bougeaient… « Mais maman c'est pas un avion, ça ? » Le petit frère foudroya sa sœur du regard. Ça ne pouvait pas être un avion, parce que si c’était un avion, ça signifiait que leur mère venait de se tromper et ça, ça ce n’était pas possible. Non, ça ne pouvait pas être un avion. En revanche… « C’est peut-être une étoile filante ? » Lança-t-il, hasardeux, avant de regarder son héroïne. Ou du moins, la plus âgée de ses héroïnes. « Maman, c’est possible ça, qu’il y ait des étoiles filantes en hiver ? Et des étoiles filantes qui clignotent ? » Il étouffa un bâillement. « Peut-être que c’est un leprechaun qui lui a lancé un sort ? Ou alors, c’est une nouvelle étoile, et… » Ses doigts se démenèrent pour ôter ses moufles et libérer un pouce qui se glissa entre ses lèvres. « Je sais pas… » murmura-t-il avant de fermer les yeux. Juste pour les reposer.
J'espère que ça te va je me suis dit qu'on pourrait le clôturer j'espère que ça ne te dérange pas et que tu auras de quoi rep pour fermer (si tu veux )
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994)
I wish you a merry Christmas | Artoira (décembre 1994)