(001), À cause de son histoire, elle a l’armée en horreur, ainsi que toutes les formes d’autorités. Ça lui rappelle ce qu’elle a perdu, ce qu’elle a vécu et elle n’a pas envie de se souvenir. Ou plutôt, elle souffre de se souvenir. (002), Il lui arrive parfois de faire des cauchemars à propos de ce jour qui a changé sa vie. Elle revoit son père entrer dans la chambre, revoit sa mère, le visage en sang, les couloirs mornes de l’hôpital. Le scénario change souvent mais, toujours, elle visualise le visage de son père en panique et le sang recouvrant celui de sa mère. Ces cauchemars, elle les fait généralement quand elle a eu une journée difficile et elle a dû mal à s’en remettre. (003), Même en essayant, elle est incapable de se confier. Elle a l’impression de trahir sa mère dont elle était très proche. Malgré tout, elle a conscience qu’il va falloir qu’elle s’ouvre un jour à quelqu’un, trop sociable pour réussir à enfouir indéfiniment ce qu’elle ressent sous peine d’exploser au visage d’un interlocuteur qui n’aura rien demandé et qui n’y comprendra rien puisque évidemment, elle ne révélera pas pour autant ce qui lui arrive. Ça, et l’habitude qu’elle a prise de ne rien dire à propos de ce qu’elle ressentait pendant des années, explique qu’elle soit facilement comparable à un volcan prêt à entrer en éruption. (004), Elle devrait se défouler quelque part mais, même ça, elle se retient de le faire, refusant de se donner en spectacle, bien consciente qu’une telle colère sous-jacente ne vient pas de nulle part et puisqu’elle ne veut pas s’expliquer, elle accumule. (005), Sans défense, elle ne l’est pas. Elle a appris un tas d’astuces pour se protéger. Où frapper, comment le faire, quand en profiter, quand fuir. Elle est un grand poids plume mais, un poids plume qui a vicieusement appris à se sortir du pétrin. Elle ferait une excellente boxeuse si seulement elle mettait les pieds dans une salle. (006), Elle a tendance à ne pas montrer qu’elle a peur de quelqu’un ou quelque chose, pas même quand elle est mal à l’aise si elle peut l’éviter. Elle regarde toujours les gens dans les yeux, quoi que ça puisse lui coûter. (007), À force de déménager et de bouger ainsi, quand elle est partie, elle a eu énormément de mal en arrivant à Radcliff. Il n’était pas rare qu’elle dorme dans le canapé au lieu de dormir dans un lit ou encore de la voir manger debout, sur le pouce, sans poser une fesse sur une chaise. (008), Pour qu’elle mange équilibré, c’est une vraie galère. Non pas qu’elle ne sache pas cuisiner ou même ce qui est bon pour elle, c’est juste qu’elle n’a pas du tout l’habitude et donc, son alimentation s’en ressent clairement. (009), Elle est loin d’être idiote mais, son niveau scolaire est loin d’être excellent en raison du nombre d’écoles qu’elle a côtoyé. À mille lieux d’avoir eu une vie stable, elle n’a pas de diplôme valide, juste une collection de compétences disparates acquises dans différents jobs sans prétentions dont elle a souvent disparu du jour au lendemain quand elle a été en âge de travailler. (010), Têtue et exigeante avec elle-même, elle tente d’apprendre ce qu’elle ne sait pas en louant ce dont elle a besoin à la bibliothèque ou en allant sur place. Elle a un besoin quasiment maladif de prouver sa valeur, de crier au monde qu’elle est capable de faire ce qu’elle veut si elle le décide. (011), La première chose qu’elle a décidé d’apprendre quand elle a trouvé un minimum de stabilité : connaître les gestes de premiers soins, ceux qui peuvent faire la différence entre la vie et la mort. Toutes les formations gratuites organisées par l’hôpital, elle y est. Elle n’est pourtant pas intéressée le moins du monde par une carrière médicale. Elle veut juste pouvoir faire la différence. Sans aucun doute des séquelles de ce qui est arrivé à sa mère. (012), Elle coud comme un chef et pour cause, elle a dû très vite apprendre à retaper ses affaires ou celles de son père, histoire de leur épargner des sorties inutiles ou presque. C’était aussi une manière de s’occuper ou d’essayer de se faire remarquer. Ce qui n’a jamais vraiment eu l’effet escompté. On peut dire que sa manie de se fournir dans les boutiques de secondes mains est un vestige de cette époque. Comme elle, les fringues qu’elle achète, les livres, ont une histoire qui leur est propre. (013), Son travail dans un des garages de Radcliff n’est pas une idée sortie de nulle part. Elle a été influencée par ce que faisait son père du temps où ils étaient heureux. Bien sûr, elle refuse de le reconnaître et n’en est même probablement pas consciente. (014), Elle adore danser, c’était et c’est resté une passion. Pourtant, elle ne danse plus, pas vraiment en tout cas, elle a renoncé à son rêve. Elle ne peut pas s’empêcher pour autant de remuer en rythme quand une chanson lui plait. C’est instinctif. (015), Elle est allergique au poisson. En manger signifie pour elle un aller direct à l’hôpital tant la réaction est violente et souvent grave. Il suffit de peu, comme cuir la viande dans une poêle qui a servi au poisson juste avant. En tout cas, elle ne prend pas de risque et épluche les étiquettes de toute ce qu’elle achète pour éviter tout problème.

Russell est le frère de son père, un pan de famille dont Elspeth ignore tout et qui ignore tout de son existence. C’est entre autre pour lui qu’elle est venue à Radcliff. Elle a mis longtemps à le trouver mais, à présent, elle commence tout doucement à se faire à l’idée qu’elle n’est plus tout à fait seule. Il tente de prendre soin d’elle comme il peut dans la mesure où elle le laisse faire. Elle n’est pas encore tout à fait à l’aise dans cette situation, parle toujours aussi peu d’elle et encore moins de son père. Leurs conversations sont banales mais, au moins, elle n’est plus aussi silencieuse qu’avant et va même de plus en plus vers lui. Ils commencent à s’apprivoiser, les choses évoluent.

Deux mois qu’Altaïr était en ville et deux-mois qu’elle avait enfin trouvé un travail qui lui plaisait. Adepte des petits boulots merdiques et rarement des plus gratifiants, Elspeth a trouvé, sous la direction d’Altaïr, une certaine sérénité au travail. Elle ne se sent pas idiote, elle ne se sent pas inutile... au contraire. Elle se sent bien dans ce travail et elle fait tout pour que ça se passe bien, tentant d’en apprendre le plus possible de son côté pour lui être utile et prouver sa valeur. Les débuts n’ont vraiment pas été simple mais, il a fini par l’apprivoiser, ce qui n’est pas une mince affaire. Entre eux, les choses sont quand même explosives de temps à autre. Caractère oblige.

Un autre collègue du garage, celui qui l’a aidé à avoir sa chance, lui a filé des tuyaux pour amadouer Altaïr. Ça n’a pas été simple pour autant, mais grâce à lui, Elspeth a eu sa chance et depuis, ils sont collègues. Elle voit bien qu’il garde un œil sur elle sans pour autant être lourd et elle apprécie ça. Régulièrement, Elias l’appelle pour venir l’aider même s’il n’a pas véritablement besoin d’elle. Elle veut apprendre et il le sait, mais il sait aussi qu’elle ne veut pas déranger et qu’elle a son petit orgueil, alors il contourne le problème de telle manière à ce qu’elle se sente utile et puisse apprendre.

Elspeth a connu Marius par le biais d’Aspen. Ils sont sortis plusieurs fois tous les trois et, même si Els se sentait rarement vraiment à sa place avec eux, elle ne s’est jamais sentie exclue. Pour elle, ça a toujours été très étrange étant donné les milieux très différents dans lesquels ils ont évolués. Et même si elle ne parlait pas vraiment d’elle, ça c’est toujours très bien passé. Avec Marius, elle a eu une courte histoire, vraiment très courte et, si le hasard n’avait pas bien fait les choses, il aurait pu être le premier... seulement voilà, voir l’ex du gars avec qui elle sortait débouler l’a passablement refroidie et il ne s’est finalement rien passé. Se rendant rapidement compte qu’elle ne voulait pas d’une histoire comme celle-là, elle l’a laissé courir où bon lui semblait. Elle ne lui en a jamais tenu rigueur -ou juste un peu-, au contraire, il l’a aidé à se découvrir un peu plus.

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C’est pendant un boulot d’archivages et autres triages qu’Elspeth a rencontré Aspen. Elle avait un petit contrat dans la boîte où bosse la rousse et n’était, comme à son habitude, pas vraiment loquace. Elles ont réellement commencé à se parler le jour où Els en a eu assez des remarques toujours plus déplacées d’un des hommes qui travaillaient là. Excédée et de mauvaise humeur, elle a rétorqué et Aspen l’a soutenue et en a rajouté une couche. Avec le temps, la Wolstenholme a réussi à se faire une place dans la vie de la Fitzgerald. Amies, elles le sont sans doute même si Elspeth a un mal infini avec ce concept. Pourtant, c’est ce qu’elles sont et elle commence à le réaliser même si elle reste gênée en raison des nombreuses différences qui existent entre elles et qui en auraient éloigné d’autres. En colocation, Els apprend à se faire à l’idée qu’Aspen est effectivement son amie, mais également un modèle de force. Elle a eu particulièrement peur quand cette dernière s’est retrouvée à l’hôpital avant qu’elles ne partagent une maison. Une maison… bon sang.

Elspeth a rencontré Bianca en bossant au même dinner qu’elle avant de trouver son travail au garage. Elle connaissait son père, mais Els n’étant pas loquace du tout à son propos, Bianca n’a pas insisté, semblant comprendre que ce sujet était sensible. Toutes les deux s’entendent bien et même si elles ne travaillent plus ensemble, Els continue à prendre de ses nouvelles et inversement. De plus, il n’est pas rare que Russell et elle mange au dinner. Elle a conscience que Bianca garde un œil sur elle. Pourquoi, elle n’en sait rien, mais puisqu’elle ne s’immisce pas dans sa vie, la chose ne la gêne pas le moins du monde.

Sinead travaille au journal de Radcliff. Elspeth l’a souvent croisée sans jamais vraiment lui parler, trop pressée pour attraper ses livraisons de la journée ou du lendemain. Il y a bien eu quelques tentatives d’approchent, mais Els, aussi farouche que d’habitude malgré les quelques amis qui peuplent désormais son quotidien, continue à avoir des difficultés à parler aux gens. En même temps, il est difficile d’ignorer l’amie d’une amie et si Aspen apprécie Sinead… alors, elle peut bien lui laisser une chance. Alors, Els se laisse approcher et fait des efforts. Lentement, elle commence à bien vouloir discuter un peu. Les choses évoluent…