Sujet: You believe what you see |Momorius Sam 20 Fév 2016 - 15:48
You believe what you see...
Moira & Marius
La paralysie du sommeil. Un phénomène banal, courant, touchant une grande partie de la population. Vous-même, derrière votre écran y êtes peut-être sujet, n'est ce pas ? Après tout, qui irait s'inquiéter d'une chose commune, banale, passablement angoissante, certes, mais absolument pas mortelle ? C'était quelque chose de commun, simplement l'esprit qui se réveillait avant le corps et se retrouvait prisonnier d'une enveloppe charnelle immobile car encore au repos. Ce genre de chose m'était déjà arrivé par le passé... Seulement maintenant, c'était différent. Je savais ce que c'était que de se retrouver véritablement enfermé dans un corps immobile et d'attendre la mort, prête à vous cueillir... La rigidité cadavérique, j'avais été à deux doigts de l'expérimenter, et pour rien au monde je ne voulais revivre ça.
Aussi, lorsque je me réveillais en sursaut cette nuit-là, je paniquais. Mon corps ne m'obéissait plus, l'air restait coincé dans ma poitrine et j'avais l'impression d'étouffer à nouveau.Terrorisée, il me fallu quelques secondes pour transformer un ridicule gémissement en un hurlement de frayeur. Les trois ampoules du plafonnier volèrent en éclats, faisant sauter les plombs par la même occasion. Lorsque je retrouvais le contrôle de mon corps, je me recroquevillais sous les draps en pleurant silencieusement. Depuis l'incident qui avait failli me coûter la vie, ma mutation échappait à mon contrôle, la moindre émotion un peu forte faisait vibrer mes cordes vocales avec mon environnement, et si parfois je me retrouvais avec un interlocuteur stone et pratiquement hypnotisé, j'assistais plus souvent à des grimaces ou des saignements auditifs. J'avais l'impression de revivre cette époque, lorsque je devais avoir cinq ou six et ne maîtrisais rien... Je craignais de parler aux gens de peur de leur faire éclater la cervelle sur le bitume. Et puis j'avais peur... Peur de tout, peur de moi, de mon frère, du monde entier... La moindre porte qui claque, le moindre sursaut réveillait une angoisse sourde et irrationnelle dans mon esprit.
Et je me détestais pour ça. Je n'étais pas une super héroïne ni quelqu'un de particulièrement courageux, mais je n'étais pas du genre à flipper pour un oui ou pour un non. Mon père m'avait appris à garder la tête haute en toute circonstance, à toujours me montrer plus téméraire que je ne l'étais réellement pour ne jamais me laisser marcher sur les pieds. Aujourd'hui, j'avais plutôt le sentiment d'être une véritable carpette, sans ambition, sans but... Sans rien. Quelque part, j'étais morte deux semaines plus tôt. Me prendre la réalité en pleine figure avait mis à mal le peu de confiance qu'il me restait en l'humanité. Deux semaines que je luttais tous les jours avec mon père pour qu'il me laisse au moins voir Artur... De même que mes amis. Il avait été catégorique : Tout le monde me croyait morte, à l'exception de mon frère, Alana et Malachi. Je n'avais plus qu'à disparaître et faire une croix sur tous ces gens qui comptaient à mes yeux ? Plutôt crever une deuxième fois, tiens ! Mon père m'avait même confisqué mon téléphone après que Seth et Marius m'aient envoyé des textos incendiaires, pour m'empêcher d'y répondre... J'avais eu l'impression d'être une ado confrontée à son premier chagrin d'amour.
Un mouvement au bord du lit attira mon attention, et une truffe humide vint se frotter mon bras. Je m'extirpais difficilement de là pour aller enlacer la grosse tête blanche et touffue de Biscuit. Qu'est ce que j'aurais fais sans mon adorable peluche sur patte ? J'étais veuve, mon frère était un meurtrier, mon père... Probablement aussi, ma mère était morte, mes amis me croyaient six pieds sous terre. Sur l'échelle de la poisse, j'avais le sentiment d'être en équilibre sur le dernier barreau et de chercher à grimper encore plus haut. Et puis une rage sourde et indescriptible me serra les tripes. Je ne voulais pas me laisser faire ni accepter l'idée de passer le restant de mes jours à me cacher. Toute cette histoire, ce n'est pas moi qui l'avait déclenchée, par moi qui était responsable de tout ça... J'avais le droit de vivre, bordel ! Survivre ça m'aurait servi à quoi ?
Je me levais finalement, hagarde, et constatait qu'il n'y avait personne dans la maison. Mon père était probablement parti je ne sais où, ce qui m'arrangeait étant donné ce que j'avais en tête. Parce que oui, j'allais faire une grosse connerie. Et j'en étais fière. Enfin non... J'étais pétrifiée mais déterminée. Un coup d'oeil à l'horloge du salon m'appris qu'il était presque six heures du matin, soit bien trop tôt pour tenter ma petite expédition. Autant préparer mon discours, me refaire une beauté pour avoir l'air présentable, préparer mon petit sms d'excuse pour le paternel... Tout ça risquait de me prendre un temps fou !
C'est finalement sur les coups de onze heures que je quittais la maison de mon père, laissant un Biscuit au regard triste et inquiet derrière moi. Pour m'empêcher de regarder partout autour de moi comme la nana terrifiée que j'étais, je gardais le nez sur mon téléphone en écrivant à mon père.
« Désolée, papa, mais la vie de fugitive c'est pas pour moi. J'ai besoin de les voir, besoin de leur dire que je suis en vie, c'est injuste de devoir me planquer comme ça. Pardonne-moi, j'ai promis de ne plus te mentir, alors maintenant tu sais : Si tu me cherches, je serai chez Marius. »
Et à peine avais-je fini d'écrire que je me retrouvais face à l'immeuble où vivais mon crétin de blondinet préféré. Maintenant que j'étais là, je me rendais compte à quel point deux semaines c'était long. Pas un texto après celui qui avait suivi mon enterrement, pas un mot, rien... Ses blagues au ras des pâquerettes me manquaient, ses conneries, sa façon de sauter partout à vous en filer le tournis... Marius c'était l'ami que tout le monde rêvait d'avoir, même si certains persistaient à me dire qu'il était invivable tant il était hyperactif. Pour rien au monde je n'aurais échangé mon amitié avec Marius pour une autre, et il était hors de question que je laisse plus longtemps un mensonge se mettre entre nous.
Sauf que je me retrouvais là, bêtement plantée devant l'immeuble... Et que je ne savais pas quoi faire. Une part de moi me hurlait de m'enfuir à toute jambe, une autre me disait que c'était mal de désobéir à mon père... Et la petit, minuscule étincelle intrépide qui persistait à se faire entendre me disait de foncer. Et parce que je n'étais pas du genre à écouter la majorité, je fini par m'avancer dans l'allée, d'une démarque robotique. Je me souvenais du code de la porte d'entrée pour l'avoir maintes fois tapé ces derniers mois, et entrais sans problème dans l'immeuble. Parfait. Première étape faite ! Histoire de retarder l'échéance, je grimpais au troisième sans prendre l'ascenseur, et le regrettais amèrement une fois arrivée en haut. Les entraînements d'Alec mettaient mon corps à rude épreuve, et ces trois pauvres volées de marches faillirent bien m'achever en bonne et due forme. Trente ans et déjà bonne à jeter... Minute...
Merde mais oui ! Nous étions le 15 juin ! C'était mon anniversaire, maintenant que j'y pensais... J'allais donc le passer à me faire soit incendier, soit purement et simplement jeter dehors. De la joie et du bonheur en perspective ! Je me retrouvais alors devant la porte, me demandant si je n'avais pas fais une énorme connerie. Qu'est ce que j'allais bien pouvoir lui dire ? « Salut, Marius ! En fait c'était une blague, j'suis pas morte ! Juste un mauvais rhume, ahahah ! » ou encore « Oh dis donc, Marius ! J'me suis dis que ça serait rigolo de vous voir tous chialer en regardant un cercueil vide ! Ahlala la grosse poilade, t'aurais vu ta gueule ! »... Si je sortais quelque chose de ce genre, nul doute que je me prendrais au mieux un ballon de hand dans la gueule, au pire... Le mieux était déjà pas mal. Hormis pardon pardon pardon […]pardon, pardon, pardon, je ne voyais pas trop quoi lui dire. Et à mon avis, c'était déjà pas mal.
J'inspirais alors en tentant de calmer les battements de mon cœur, et approchais de doigt de la sonnette... Lorsque la porte s'ouvrit. Éberluée, je me retrouvais face à une dame d'un certain âge, minuscule et replète, engoncée dans une horrible robe mauve à fleurs jeunes. Wow... Marius, ne me dis pas que c'est ta nouvelle conquête, y a erreur sur la marchandise, là ! Je ne dis pas, elle avait l'air très sympathique... Mais avait au passage l'âge d'être sa grand mère. Elle me regarda de haut en bas avant de me sourire d'un air rayonnant.
« Aaaah ! Vous devez être la fiancée de monsieur Caesar ! Je m'étonnais de ne pas vous avoir encore croisée ! »
… Minute... Fian-quoi ? Moi ? QUOI ? Noooon... C'était un gag, un sketch, un...
« Ahaha... C'est une blague, c'est ça ? Je suis pas sa fiancée, vous vous trompez ! »
« Oooh ne faites donc pas la timide ! Un bel athlète comme lui, vous devriez être fière ! Entre nous... J'aurais quarante ans de moins, j'en ferais bien mon quatre heures ! »
Plus cliché... Je ne voyais pas. Le clin d'oeil, les confidences dont je me serais bien passée, le... Merde fiancée ? Moi ? Marius ? Je regardais la vieille avec un air incrédule, jusqu'à ce qu'elle me prenne la main pour me faire entrer.
« Ne restez donc pas à la porte, entrez ! J'ai fini, je vous laisse entre tourtereaux ! »
Un nouveau clin d'oeil et voilà que Mary Poppins avait disparu en claquant la porte derrière elle. Il me fallut bien trente secondes pour comprendre ce qui se passait et surtout qui était cette petite vieille aussi énergique qu'étrange. En regardant autour de moi, je remarquais que l'appartement de Marius était étrangement bien rangé et propre... Bien trop pour que ça vienne de lui. Ok, c'était probablement la personne formidable qui arrivait à mettre de l'ordre dans le foutoir invraisemblable qu'était l'appartement de Marius, d'habitude. Et elle m'avait prise pour sa fiancée... La grosse blague... Déjà... Marius fiancée... Marius casé plus de trois mois avec... Ah quoi que ? Depuis combien de temps était-il avec Astrid ? Bah ! Ca n'avait pas d'importance dans l'immédiat. Je compris rapidement que Marius était sous la douche lorsque j'entendis l'eau couler et... Mister frenchie chanter. Faux, qui plus est. D'humeur taquine, je me plantais devant la porte et haussais la voix pour qu'il m'entende.
« Tu chantes faux, Pavarotti ! »
Et sans un mot de plus, je retournais au salon, cherchant vaguement de quoi m'occuper le temps que sa majesté Caesar ne daigner sortir ses miches de sous la douche.
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Dim 28 Fév 2016 - 13:06
You believe what you see...
Moira & Marius
Je sais que c’est stupide. Je le sais. Et pourtant, ça ne m’empêche pas de le faire, de le savoir. Je souffle sur mes mains. Torse nu dans ma chambre, j’entends Sophie qui passe l’aspirateur dans mon salon et dans la chambre de Martial. Parce que oui, mon frère a sa chambre dans mon appartement, je ne pouvais pas concevoir la chose autrement. Torse nu, donc, je souffle sur mes mains. Mon pied chasse un ballon, repousse mes chaussures, écarte un tee-shirt et mon jean jetés à la va-vite la veille. Je sais que c’est stupide. Mais j’ai besoin de le faire. Je m’accroupis, et me voilà, tendu comme un arc, en position pour faire des pompes mais à une seule main, on remerciera le poignet fracturé qui est placé dans mon dos. Aussitôt, mon côté hurle, le bandage hurle, ma cicatrice hurle. Et la douleur cingle mes paupières lorsque je contracte mes abdos. Il faut que je le fasse. J’ai besoin de le faire. Une pompe, deux. Trois. Cinq. La douzième me voit m’écrouler dans un essoufflement et une suffocation douloureuse. Je serre les dents pour ne pas gémir, je roule sur le dos à défaut de pouvoir me recroqueviller en chien de fusil. Treize jours. Treize petits jours. Ma respiration rapide tire sur mon diaphragme, amplifie la douleur qui me fait respirer plus vite encore, dans un cercle vicieux que je mets une bonne poignée de minutes à interrompre. A côté, j’entends Sophie chanter, comme toujours. Et moi, je reste allongé.
Treize jours. Et pas foutu de faire une centaine de pompes. Je n’envisage même pas les abdos. Ce n’est que la deuxième fois que j’essaye, et c’est dans ces moments-là que j’ai envie de hurler à mon père à quel point je le hais. C’est dans ces moments-là que je me rends compte de ce que va être ma vie dans les moins à venir. Se faire briser la jambe, c’était rien au final. Se faire tirer dessus, en revanche, ça craint. Ca craint salement. Dans un grognement, je me relève. Dans un grognement, aussi, je laisse entrer Sophie qui frappait à la porte de ma chambre. Aussitôt, je la vois qui retrousse les narines. « Ca pue, Monsieur Caesar. Faut aérer, ça sent le singe. » Je lui offre un petit sourire crispé. Depuis combien de temps s’occupe-t-elle de l’appartement et de moi ? Je ne sais plus exactement. C’est Martial qui l’a appelée à la base, c’est lui qui l’a embauchée, et elle me materne depuis comme si j’étais son neveu ou quelque chose dans le genre. Ce qui ne me déplaît pas vraiment. J’hausse les épaules. « Ca sent l’homme, c’est tout. » je rétorque avec un soupçon d’insolence. Même si ça ne sert à rien de feindre. Si je remonte la pente, je la remonte lentement, bien trop lentement à mon goût. Et même si la discussion forcée que j’ai dû avoir avec mon père me laisse un goût amer de colère et de honte, même si elle m’a permis de sortir de cet état de choc qui me plongeait dans un quasi-mutisme embarrassant, je ne vais pas bien. Je ne vais toujours pas bien. Je n’arrive pas non plus à tourner la page.
Peut être que le fait de ne pas vouloir voir Martial joue. Peut être parce que sans Astrid, je n’arrive pas à combler leur absence à tous les deux. Peut être, aussi, parce que je n’ai pas Moira à qui parler en désespoir de cause. Peut être, enfin, parce que je ne m’en remettrais jamais réellement. D’ordinaire, je ne suis pas du genre à me laisser abattre, bien loin de là. Mais… mais. Sophie tente d’atteindre le haut de mon crâne pour me frapper et me faire taire, je baisse la tête avec insolence pour lui simplifier la tâche. Et je m’offusque dans un petit rire lorsqu’elle me claque les fesses dans un « Allez, filez vous doucher, M’sieur Caesar, j’vais en profiter pour tenter de ranger ça. C’est quoi ça ? » Je lève les yeux au ciel lorsqu’elle brandit une chaussette. Je ne sais pas où Martial l’a dénichée, mais elle est parfaite. Et sacrément courageuse, aussi, pour me supporter. Je me réfugie dans la salle de bain. Et je me fige, comme tous les jours, devant le reflet que me balance en pleine gueule mon miroir. Un bandage. Moins imposant qu’il y a deux jours, mais bel et bien là. Aussitôt, mes jambes menacent de me lâcher, ma fatigue explose sur mes épaules et je me retiens de justesse sur le bord du lavabo. J’arrive à l’oublier, parfois, ce bandage. De rares secondes, de rares minutes. Sophie a réussi à me le faire oublier. Les vidéos de Sam que m’envoie Crescentia aussi. Mon envie de faire du sport, ce besoin que j’ai de me prouver que je ne suis pas brisé parviennent aussi à me faire oublier le bandage. Pas ce qu’il cache, mais au moins sa présence. Là… je suis obligé de le contempler. Imposant. Blanc. Présent. J’ai envie de sortir de la salle de bain, j’ai envie de mettre un tee-shirt pour le cacher, j’ai envie de… « M’sieur Caesar, je vous mets votre caleçon Mickey sur votre lit avec votre jean et un tee-shirt Portal, ça vous va ? » La voix de Sophie me force une nouvelle fois à m’extirper de mes pensées. Focus, Marius, focus. Un sourire. Lorsqu’elle a appris, hier, que j’étais revenu de l’hôpital, elle a tenu à venir aujourd’hui pour ranger, pour m’aider, pour me materner plus encore qu’à son habitude. Je sens que dans les semaines qui vont venir, elle va finir par être insupportable. Mais… Si tu pars, je vais être tout seul. Je me prends la tête entre les mains. Me force à répondre aussi. Je pensais pouvoir rentrer et m’occuper de moi tout seul. « Tu es une déesse, Sophie. Veux-tu m’épouser ? » Ma voix sautille d’énergie, en désaccord avec celui qui me regarde dans la glace. Je ne sais pas si Sophie est dupe ou si ça accentue encore plus sa volonté de m’aider.
Dans tous les cas, je parviens à défaire le bandage sans regarder la cicatrice, beaucoup trop large à mon goût, et je file sous un jet d’eau brûlante. La tête appuyée contre le mur, je ferme les yeux pour dénouer mes muscles. Et à nouveau la fatigue m’assaille, comme si elle guettait par-dessus mon épaule la moindre prise sur ma volonté. Trois jours que je suis rentré, trois jours qu’un rien m’épuise. Que je me réveille nauséeux, que je me force à m’activer et que je m’écroule au moindre relâchement. Je veux me réveiller, je veux être actif, je sais juste que sitôt sorti de ma douche, je vais m’allonger sur le canapé pour dormir. Et dormir encore. Trois jours. Treize jours. Je suis désolé, Marius, c’est le seul moyen pour sauver mon fils. J’inspire à fond. Ne baisse pas les bras… pas maintenant. Des larmes de frustration se cachent dans l’eau qui dégringole sur mes joues, dans ma nuque. Je ne baisse jamais les bras. Il n’y a que sur quelques sujets que j’ai abandonné la bataille. Ma mère, mon cœur. Et ça. Ca. Un murmure, je me force à relever la tête. Je me force aussi à chanter la première chose qui me passe par la tête. Une connerie. Mais une connerie que je connais par cœur. Le genre de connerie aussi, qui a quelque chose de déprimant tant j’ai l’impression qu’on parle de moi, quelque part. Chances thrown… nothing’s free… longing for what used to be… still it’s hard, hard to see, fragile lives, shattered dreams. Ma voix se casse. Je percute au milieu du deuxième couplet. On est le quinze juin. Et était supposé faire une fête, aujourd’hui. On était supposé faire une fête, Seth m’avait d’ailleurs soufflé l’idée, pour les trente ans de Moira. Trente ans. Ma main glisse hors de la douche pour augmenter le volume de mon téléphone qui crache de la guitare électrique. « Tu chantes faux, Pavarotti ! » Ma main reste en suspens, je fronce les sourcils. Qu’est ce qu’elle vient de dire, là ? J’éteins le jet d’eau, après être passé à l’eau glacée pour me réveiller, baisse le volume de mon portable et passe sans m’attarder devant le miroir un peu beaucoup trop grand. Tout ce qu’il me faut pour me refaire un bandage est dans ma chambre, mes habits aussi. Pas que ça me pose problème. J’enfile rapidement un caleçon, attrape ma serviette, commence à me sécher les cheveux d’un mouvement rapide en sortant de la salle de bain. Sophie a l’habitude de toute manière, je ne suis plus à ça…
« Moira ? » Ma voix, incrédule, articule avant que mon cerveau ne se mette à fonctionner. Mon regard file à ma chambre, penche la tête en direction de la chambre de Martial elle aussi grande ouverte, parcourt le salon à la recherche de Sophie. Mais non. Il n’y a que Moira dans mon appart. « Bordel, mais qu’est-ce que tu fous là ? » Ma main indemne, en mode automatique, continue d’ébouriffer mes cheveux pour les sécher. J’ai assisté à son enterrement. Officiellement la journée la pire de ma vie, d’ailleurs. « T’es pas censée être morte ? Je veux dire… t’as eu droit à une sortie spéciale pour ton anniversaire ou t’as subitement décidé que la mort, ça craignait un max et t’as plié bagage ? »
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Dim 28 Fév 2016 - 13:09
You believe what you see...
Moira & Marius
C'était étrange de voir l'appartement de Marius aussi bien rangé... Habituellement, c'était un peu comme si Taz était passé par là et avait refait la déco. D'ailleurs, blondie n'en était pas loin, du diable de Tasmanie ! Pour m'occuper, je jetais un coup d'oeil à l'incroyable collection de jeux vidéo qui trônait sur une étagère, et m'attardais avec amusement sur le premier bouquin posé sur la table basse. « Être père en vingt leçons ». A chaque fois que je me rappelais que Marius avait un petit bout, je prenais un coup de vieux monumental, mais ne pouvais m'empêcher de sourire avec un air niais. C'est que ça l'avait fait grandir, l'arrivée de Sam ! J'ouvrais le bouquin et y trouvais un marque page au chapitre « Comment nourrir un nouveau-né ? »... Ok... Là j'avais l'impression de lire un manuel pour élever un chiot ou un cochon d'inde, mais soit. Je reposais finalement le livre là où je l'avais trouvé et continuais ma petite visite.
J'étais en train de faire une connerie monumentale. Tu es morte, Moira, fous-toi ça dans le crâne, me hurlait ma conscience. Oui j'étais morte... Techniquement, seulement. Mais c'était ce que croyait Marius, il avait assisté à mon enterrement, reçu le faire-part de décès... J'étais morte et j'allais brusquement revenir dans sa vie, briser son deuil en lui faisant « surpriiiiiise ! »... Je me souvenais encore de ces messages que j'avais reçu, que je n'avais pu me résoudre à effacer et que je relisais tous les soirs en pleurant lamentablement. Marius me détestait, voilà ce que j'avais retenu. Je me doutais que le contrecoup avait dû jouer, mais je n'arrivais pas à m'ôter de la tête le fait qu'il me détestait. Et c'était justifié, quelque part. Il allait me passer un savon, c'était certain... Peut-être même qu'il me foutrait dehors sans plus de cérémonie... Que d'optimisme, Moira !
Je me tournais vers ce grand tableau qui trônait toujours au milieu du salon. J'avais grandi entourée de scientifiques et de matheux, moi la musicienne, l'artiste, l'allergique aux nombres... Si bien que je trouvais ces rangées d'équations et de symboles angoissantes et austères. Je ne m'étais jamais intéressée aux maths et à la physique que pour deux choses : Le nombre d'or dans le calcul des intervalles musicaux, et les fréquences sonores. Point barre. Entre Artur, mon père et Marius, j'avais l'impression d'être entourée de cerveaux et me sentais franchement bête à côté. Oh ça ne m'empêchais pas de dormir, loin de là ! Je relativisais en me disant que mon frère aurait fait du petit bois de mon violon plutôt que de tenter d'en sortir un son juste.
A cet instant, je n'avais qu'une envie : Prendre le feutre noir et dessiner un énorme smiley au milieu de tous ces chiffres. Ou une tête de Mickey, tiens ! Mais je me ravisais, me disant que Marius n'apprécierait certainement pas cette plaisanterie. Finalement, je me contentais de poser le sac que j'avais amené à moi, lequel teinta en touchant le sol. Je n'étais pas venue les mains vides, je n'étais pas téméraire à ce point là! Finalement, la porte de la salle de bain coupa court à mes réflexions, et je me tournais pour me retrouver face à... Un Marius à poil. Enfin, presque à poil. Si l'on faisait abstraction du ravissant caleçon Mickey qui habillait son petit popotin d'athlète, il était quand même foutrement à poil ! Je buguais un moment mais ne rougis pas. Après tout, des hommes en tenue d'Adam, j'en avais vu plus d'un, et il en fallait bien plus pour me choquer ! Seulement... La vache, qu'il était bien foutu, ce con ! Pas un gramme de graisse, pas une irrégularité dans ses abdos absolument parfaits et... Minute... C'était quoi, cette cicatrice ? Elle était encore rouge et je devinais les points de suture à la surface de sa peau. Bon sang Marius, qu'as-tu encore fais ? Incapable de relever les yeux, je laissais échapper un malencontreux :
« Wouaw... Marius, tes abdos c'est du bonbon pour les yeux, t'as pas idée... »
Je fronçais alors les sourcils et relevais les yeux, croisant son regard.
« J'ai pensé ça à voix haute, hin ? »
Belle entrée en matière, Moira... Vas donc le tripoter, tant que t'y es ! Seulement Marius ne me laissa pas me battre plus longtemps avec ma conscience. Son agressivité me fit reculer d'un pas, et je sentis alors la terreur me broyer les entrailles une fois de plus. Ne pas paniquer, ne pas paniquer... Je paniquais, c'était certain. Bon sang que je détestais cette peur viscérale, j'en venais à craindre mon meilleur ami.
« Je... Je voulais juste te... »
Ma voix s'était faite chevrotante et je peinais à la contrôler. Tout en me triturant maladroitement les mains, je cherchais mes mots pour formuler une phrase correcte et sensée.
« T’es pas censée être morte ? Je veux dire… t’as eu droit à une sortie spéciale pour ton anniversaire ou t’as subitement décidé que la mort, ça craignait un max et t’as plié bagage ? »
Je levais les yeux vers Marius, incapable de prononcer le moindre mot. Qu'est ce que je pouvais lui dire, après tout ? Les yeux brillant de larmes d'une angoisse que je ne contrôlais pas, mais aussi de joie tant j'étais heureuse de le revoir, je m'approchais doucement, timidement.
« Je suis vraiment, sincèrement désolée, Marius... Je... J'aurais pas dû venir, c'était une bêtises. »
Je m'éloignais à nouveau, lui tournant le dos pour aller me planter devant la baie vitrée la plus proche et respirer. Je ne pouvais plus reculer ni m'enfuir, il fallait que j'affronte la responsabilité de mes actes. Mais je n'avais pas envie de raconter mon histoire, pas envie de la revivre par procuration. Je voulais juste oublier tout ça pour passer à autre chose.
« Je devrais être morte. Et la mort, ça craint, ouais. T'es tout seul comme un con, t'attends... La mort c'est crade et ça n'a pas de fin. Alors ouais, j'ai plié bagage. »
Je me tournais à nouveau vers Marius, sans pour autant être capable d'affronter son regard.
« Je suis désolée, Marius... Je ne voulais pas ça... Il... Il m'est arrivé un truc pas cool du tout, mon père a organisé ce petit stratagème pour qu'on me croit morte parce que c'était selon lui la meilleure chose à faire. Mais je peux pas... Je peux pas continuer à vivre en sachant qu'il vous a mentit, que je vous ai menti... Vous me manquez trop, tous, et... Tu veux bien me pardonner ? »
Moira, huit ans et demi, prise en flagrant délit en train de faire une connerie quelconque. C'était l'impression que je donnais, à peu de choses près. Je fis un pas, puis deux, et me retrouvais face à Marius. L'envie de lui demander ce qu'il lui était arrivé me démangeait, mais j'avais le sentiment qu'il fallait avant que l'on éclaircisse un peu cette histoire de mort/non mort.
« Alors voilà... Je suis pas morte, comme tu peux le voir... Et je sais pas si je vais bien, ça dépend des moments. » , murmurais-je tandis que les larmes commençaient à couler sur mes joues sans que je puisse les arrêter.
Je n'avais qu'une envie, le prendre dans mes bras. Je m'en foutais qu'il soit à moitié trempé, qu'il porte un caleçon Mickey ou qu'il m'en veuille, je voulais juste un câlin de mon meilleur ami. Je voulais juste sentir son contact contre moi, avoir la certitude qu'il était là et que ça n'était pas une nouvelle illusion.
« J'peux t'faire un câlin ? »
Bah oui, autant être polie et demander, même si ça me faisait passer pour une andouille. J'avais déjà les joues rouges et les yeux gonflés, je pouvais difficilement avoir l'air plus conne, de toute manière. Ça faisait bien trop d'émotion pour mon petit cœur déjà bien malmené ces derniers temps.
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Dim 28 Fév 2016 - 13:10
You believe what you see...
Moira & Marius
Le jet d’eau me détend, dégringole mes mèches blondes, chatouille ma nuque, chute dans le bas des reins dans une cascade ininterrompue. Mes muscles tremblent encore de l’effort physique produit, de mon échec aussi. Treize jours. Le compte s’impose à mon esprit, des larmes tracent malgré moi leur chemin, je ferme les yeux et m’imagine sous la pluie, sous une mousson asiatique, aussi brûlante qu’abondante, vestige d’un voyage fait au Cambodge il y a un paquet d’années maintenant. Voyage avec Martial, d’ailleurs, qui faisait la conversation dans un anglais impeccable et un tâtonnement de la langue locale, alors qu’hyperactif je sautais de partout en demandant ça et là dans mon anglais un peu plus bancale et mon cambodgien acquis à la va-vite s’il était possible de monter sur un éléphant et où se trouvait le premier guide pour aller dans la jungle. Je ferme les yeux, me force à partir dans mes pensées loin de Radcliff, loin des Etats-Unis et plus loin encore de ce tiraillement incessant à mon côté. Un murmure, je commence à chanter pour me changer les idées. A chanter le premier air qui me vient. Et rapidement une voix m’interrompt. Sophie ? Je fronce les sourcils, m’interromps, abrège ma douche pour rapidement enfilé un caleçon qu’elle vient de déposer et me sécher les cheveux. Pas besoin de faire plus de chichi, le reste de mes habits sont dans ma chambre et vu le nombre de fois que Sophie m’a vu au sortir de la douche, je ne vais pas non plus… je me fige instantanément lorsque je croise le regard de ma meilleure amie. Ma voix incrédule commence par un murmure étonné. Et paumé. Aussitôt, je pars à la recherche de ma femme de ménage, aka ma grand-mère par procuration, mais je dois rapidement me rendre à l’évidence : j’ai troqué Sophie contre Moira pendant ma douche. Et si je ne m’en plains pas, mon cerveau peine à aligner deux pensées cohérentes. « Wouaw... Marius, tes abdos c'est du bonbon pour les yeux, t'as pas idée... » Machinalement, je commence à articuler un « Ouais, je sais mais… » rapidement coupé par son regard. Et accessoirement ses mots. « J'ai pensé ça à voix haute, hin ? » Un sourire timide pur commencer. Puis je me rends compte de la situation.
Moira. Devant moi. En chair et en os. Et vivante. Je ne veux pas être agressif, vraiment, mais l’incompréhension couplée à la fatigue et à tout ce merdier est bien trop présente pour que je puisse l’empêcher de rendre mes mots aussi brutaux qu’incisifs. Oh, j’élève pas vraiment la voix, juste un peu, normal chez moi. Mais l’incompréhension est là. Et le soulagement. Bordel, oui, le soulagement. « Je... Je voulais juste te... » Elle voulait quoi ? « Tu voulais quoi ? Me faire une bonne blague ? » Je ne lui laisse pas le temps de souffler, ma serviette se loge dans ma main, je la balance en ne me contentant que d’un coup d’œil en direction de la salle de bain. Panier. Elle s’approche, je contracte mes abdos pour m’empêcher de reculer. Seth, Moira, mon père, tous sont les acteurs clés de la pire journée de ma vie. Et je ne peux pas m’empêcher de les lier les uns aux autres et de les relier, surtout, à cette terreur qui me prend immanquablement aux tripes lorsque j’y repense. « Je suis vraiment, sincèrement désolée, Marius... Je... J'aurais pas dû venir, c'était une bêtise. » A nouveau, mon visage est éloquent. Je sais qu’on peut lire en moi comme dans un livre ouvert lorsque je ne fais pas attention. Mon stress, mon anxiété, mon incompréhension, un soupçon de colère et de terreur, le soulagement surtout, cette attente lancinante d’explication, mon impatience, tout est là, codé par un ballet incessant de sourires, de petites rides sur mon front et de froncements de sourcils. « Je devrais être morte. Et la mort, ça craint, ouais. T'es tout seul comme un con, t'attends... La mort c'est crade et ça n'a pas de fin. Alors ouais, j'ai plié bagage. Je suis désolée, Marius... Je ne voulais pas ça... Il... Il m'est arrivé un truc pas cool du tout, mon père a organisé ce petit stratagème pour qu'on me croie morte parce que c'était selon lui la meilleure chose à faire. Mais je peux pas... Je peux pas continuer à vivre en sachant qu'il vous a mentis, que je vous ai mentis... Vous me manquez trop, tous, et... Tu veux bien me pardonner ? » Je l’écoute parler, je l’écoute formuler des phrases qui me paraissent autant chargées d’émotions que vides de sens. Pardonner ? Mais pardonner pour quoi ? Pour nous avoir lâchés ? Pour m’avoir fait pleurer devant un cercueil à la con ? Pour avoir disparu de ma vie si brutalement en me laissant hagard alors que c’était moi qui étais supposé partir en premier ? Pour avoir laissé tomber mon frère ? Pour… Elle fait un pas en avant, deux, elle revient face à moi. Et moi je suis muet, encore. Il faut croire qu’au final, se prendre une balle apprend à écouter sans parler. « Alors voilà... Je suis pas morte, comme tu peux le voir... Et je sais pas si je vais bien, ça dépend des moments. » Là, mon cœur se serre. Vraiment. Je grimace, aussi. Un murmure simple s’échappe, étranglé dans ma gorge. « Je comprends » Oh, oui, Moira, je comprends. Je comprends même plus que ce que tu peux croire. Je comprends, parce que moi non plus ça ne va pas bien, moi aussi ça dépend des moments, moi aussi… je ne suis pas mort mais je ne sais pas si je vais bien non plus. Tu veux bien me pardonner ? Il n’y a rien à pardonner Moira. Tu es là, c’est tout ce qu’il me faut, alors que je refuse de voir les gens, alors que… « J'peux t'faire un câlin ? » Sa voix me prend au dépourvu. Je me rends compte qu’encore une fois, je parle dans mes pensées, je ne les articule plus à haute voix. Ma spontanéité, ma répartie sont atrophiées, complètement endommagées. J’ouvre juste les bras en comblant l’écart qui nous sépare encore. J’en ai rien à foutre d’être presque à poil, j’en ai rien à foutre d’avoir un caleçon Mickey, d’être encore à moitié trempé, j’en ai même rien à foutre de ma cicatrice qui me fait pourtant honte. « Viens là, andouille. » Je l’enlace dans un sourire, certainement l’un de mes premiers vrais sourires si on oublie ceux que j’ai pu offrir à Samuel et Crescentia. L’un de mes premiers vrais sourires, sincère, spontané, naturel. Mais je la relâche rapidement, un courant d’air me glaçant les veines et une pointe de douleur perçant mon côté. « Je… je propose que je m’habille et que… » Et qu’on discute ? Brillante idée, Marius, mais de quoi ?
Je me rends compte que je n’ai pas envie de savoir dans les détails ce qu’il lui est arrivé parce que je ne peux pas lui raconter en détails ce qu’il m’est arrivé. Et que si l’un de nous parle, l’autre se sentira à son tour obligé de parler. En quelques pas, je rejoins ma chambre, enfile mon jean sans fermer ni la braguette, ni la ceinture, avise mon tee-shirt et tout ce qu’il faut, diligemment posé sur le lit par Sophie, pour que je refasse mon bandage. Je n’ai pas envie. Vraiment pas envie. Si ne pas le refaire serait une putain de connerie, j’ai encore moins envie que Moira me regarde faire. Un coup d’œil dans sa direction, mes yeux reviennent sur le pansement et les cotons pour nettoyer ma cicatrice assez moche. Et bien trop marquée. Bien trop présente. Un nouveau coup d’œil en direction de Moira, je prends conscience que… c’est ma meilleure amie. Et qu’elle est là. Vivante. Je finis par prendre une décision, ramasser tout ce qui traîne et revenir dans le salon. Pointant un index dans sa direction, je suis très sérieux. « Bon, faut que je fasse ça, mais t’as droit à deux questions maximum et tu… » Je laisse tomber tee-shirt, compresses et bamboula sur la table basse. Moira est vivante. Je me tourne vers elle. « Tu m’as manquée, putain. Ton enterrement… c’était d’un chiant, s’il te plaît, la prochaine fois propose à ton père une vraie bande son parce que là… » Ma voix s’étrangle dans ma gorge lorsque je m’affale sur le canapé, avant de regarder ce qui traîne sur la table basse. Je sais changer mon pansement. En théorie. J’ai juste du mal à mobiliser mes souvenirs pour reproduire les gestes de l’infirmière et plus encore alors que Moira est là. Moira. « Pourquoi est-ce que ton père a… » Non Marius, ne termine pas cette question. J’inspire. « C’est ton anniversaire aujourd’hui. Tu veux bouffer quelque chose en particulier ? »
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Dim 13 Mar 2016 - 19:25
You believe what you see...
Moira & Marius
J'avais envie de pleurer. Et j'avais envie de rire. En réalité, tout un tas d'envies et d'émotions me submergeaient comme un raz de marée, à tel point que je commençais à me demander si je n'étais pas enceinte... Minutes... Ça remontait à quand, notre dernier strip-twister, avec Seth ? A bien trop longtemps pour que ça soit possible... Non, finalement, ce déferlement d'émotions, il était simplement dû au choc, au traumatisme, à mon incapacité à avancer sereinement sans me sentir angoissée en permanence. J'avais envie de pleurer car les larmes m'aidaient à me sentir mieux, de rire car Marius était ridicule dans son caleçon Mickey – certes, avouons que ses abdos d'Apollon aidaient grandement à penser à autre chose qu'à la souris de Disney – de déblatérer des excuses jusqu'à ce que mort s'ensuive, de lui sauter au cou, de courir partout, de me rouler en boule dans un coin en faisant l'autiste... Ça faisait trop, trop de choses contradictoires qui ne pouvaient marcher de concert dans ma tête. J'avais mal et j'étais euphorique, je n'arrivais pas à sortir de cet état... Pourtant, la joie commençait petit à petit à prendre le pas sur l'angoisse. Marius avait toujours eu ce pouvoir étonnant, cette capacité presque surnaturelle de me faire sourire dans les moments désespérés, de me faire voir les choses en blanc plutôt qu'en noir... Il allait mal, c'était évident et pourtant, il me redonnait le sourire par sa présence. Ce n'est pas pour rien que j'étais aller le voir lui et pas un autre. Pas pour rien que deux semaines, c'était déjà beaucoup trop sans le voir. Bon sang, comment avais-je fais pour passer 15 ans sans parler à ce crétin ?
J'avais envie de lui sauter au cou, mais quelque chose m'en empêchait. Ma spontanéité naturelle s'était envolée quand l'angoisse avait surgit, et j'avais aujourd'hui peur des contacts les plus rassurants, c'était dire ! Et ce type qui m'avait assassinée... Avait-il des remords ? Se souvenait-il de moi, ou bien m'avait-il déjà oubliée pour passer à la victime suivante ? Moi je ne l'avais pas oublié. Je me souvenais de son visage, de sa haine, de l'absence totale de peur dans ses yeux... Il avait rejoint Kingsley au Panthéon de mes démons personnels. J'aurais aimé pouvoir confier tout ça à Marius, lui dire à quel point j'avais eu peur... Lui expliquer tout ça... Mais j'en étais incapable. J'avais besoin d'en parler, mais le simple fait d'y penser me tétanisait et me donnait envie de partir en courant sans me retourner. J'étais lâche et je ne l'assumais absolument pas. Aussi, quand Marius ouvrit les bras, rompant cette barrière invisible qui subsistait entre nous, je me réfugiais dans ses bras comme une enfant terrifiée. Habituellement, on se bâchais, on s'envoyait des vannes, on se donnait des coups sur l'épaule... Le côté bisounours, c'était un peu le cadeau bonus d'une amitié comme la nôtre. Certes ce n'était pas trop confortable de faire un câlin à un bloc de béton armé, mais ça me passait au dessus. J'aurais voulu ne pas le lâcher, rester là avec le sentiment d'être en sécurité, mais je le sentis frissonner sous mon étreinte et reculer. Oui bon certes, c'était un peu étrange sachant qu'il était pratiquement nu comme un ver. Je hochais donc la tête, approuvant sa proposition. Oui oui, Marius... Habille-toi, que j'arrête de te fixer bêtement, parce que ça devient vraiment gênant. Et surtout avant que je te demande pourquoi tu te promènes avec deux énormes cicatrices sur le bide, parce que ça, je suis sûre que ça n'était pas là avant. Lorsqu'il revint, ce fut pour laisser tomber sur la table basse tout son petit kit de premiers secours. Machinalement, j'attrapais les éléments en grimaçant. De la gaz, des compresses, du désinfectant... Tout ce que j'aimais, dis donc ! J'avais donc droit à deux questions... Mais lesquelles ? Je préférais laisser ça de côté pour le moment, me mordillant la lèvre alors qu'il parlait de mon enterrement.
« Tu sais... Le seul enterrement où j'aurais été heureuse de vous voir, c'est si je m'étais mariée. Un enterrement de vie de jeune fille ça a quand même plus de gueule, et on y boit suffisamment d'alcool pour que ça soit intéressant. Là... J'y étais... De loin... Papa avait choisi la musique la plus convenue et tire larmes de l'histoire... »
Rien que d'y repenser, je frissonnais. Il aurait pu choisir un Requiem que ça n'aurait pas été plus cliché.
« J'ai reçu ton sms, tu sais... Et celui de Seth... Papa a dû me confisquer mon téléphone pour m'empêcher d'y répondre. Je... Je comprendrais que tu me détestes, Marius... Vraiment j't'en voudrais pas... Moi aussi j'aurais envie de te fracasser si tu nous f'sais c'coup là... Plus jamais, hin ? On finira tous vieux, grabataire, à manger de la soupe en maison de retraite ! J'compte bien te battre à la course de fauteuil ! »
J'esquissais un sourire triste en déchirant l'emballage d'une compresse, et entrepris de l'imbiber de désinfectant. Je donnais alors une tape sur la main de Marius tandis qu'il tentait de se soigner tout seul.
« Pas touche ! T'as une infirmière à domicile, alors tu restes couché et tu dis rien, sinon j'te mets un thermomètre dans les fesses, c'est clair ? »
C'était difficile pour moi de ne pas tenter de mettre un peu d'humour dans mes paroles... J'étais perturbée et choquée, mais je refusais que ça se sente dans mon comportement. Mon masque était déjà suffisamment fragile et susceptible de se fissurer comme ça. J'étais en train d'appliquer doucement la compresse sur la blessure, tentant de nettoyer la plaie sans lui faire mal, quand Marius commença à me poser cette question qui immédiatement me crispa. Je restais la main en suspend quelques instants, les yeux baissés pour ne pas affronter son regard, et pris le temps de répondre.
« Ah oui... C'est mon anniversaire... J'ai trente ans... Putain Marius j'ai trente ans et ma vie ressemble à une vaste blague... Tu sais ce qui est le plus ironique ? J'ai été enterrée à côté de mon fiancé... Me regarde pas comme ça, j'ai été fiancée y a cinq ans. Je t'en ai pas parlé... Parce que j'crois qu'j'étais pas prête à l'accepter. Maintenant je commence à m'y faire, je... C'est pas la question. Je suis une survivante et tout ce qui me reste en tête c'est la peur de voir de me découvrir des cheveux blancs... »
Je me sentais bête... Vraiment bête. Marius était l'un de mes amis les plus proches, et je me rendais compte que je ne lui confiais pas tant de choses que ça. De peur de l'emmerder avec mes soucis, de faire resurgir des souvenirs, peut-être un peu des deux... Seulement, si je me savais incapable d'évoquer les événements les plus récents, ça c'était ancré, acté... Pour avancer je devais être capable de l'évoquer.
« Y a des choses que je suis pas prête à évoquer. Et je pense que c'est pareil pour toi. Alors je te propose qu'on parle pas de tout ça. J'ai envie de te demander c'qui t'est arrivé, mais j'me doute que tu voudras pas en parler. Et tu sais quoi ? C'est pas ça, le plus important. T'es en vie, tu tiens sur tes deux jambes, c'est ça qui compte. Ce qu'il s'est passé, celui qui t'a fait ça... Au fond ça importe peu. Le jour où on se sentira capable d'en parler, on en parlera, ok ? »
Je ne voulais pas le forcer. Tout comme je ne voulais pas me forcer à parler de tout ça. J'étais prête à parler de William, je l'avais déjà évoqué avec d'autres, mais les derniers événements... Le fait que mon frère et mon père soient des meurtriers... Qui aurait pu me comprendre ? Qui aurait pu ne pas être tenté de les blâmer ou de ne plus voir en eux que des monstres ? Je ne voulais pas qu'on me dise « pauvre petite fille innocente », je ne voulais pas non plus qu'on me comprenne... Simplement qu'on accepte tout ça... C'était plus compliqué encore que des vies brisées. Je reposais la compresse sur la table et attrapais une bande de gaz, avant de me souvenir d'une chose.
« T'as rien contre la médecine douce et naturelle ? Parce que j'ai exactement c'qu'il te faut ! »
Je me relevais et attrapais mon sac, dans lequel je commençais à fouiller. J'en sortis un petit flacon en verre à moitié rempli d'un liquide doré.
« C'est de l'huile d'argan, on utilise ça en général pour nourrir les cheveux et les renforcer... Mais m'a mère di... Sais toujours que ça a bien plus de propriété que ça. Ca participe à régénérer les cellules et ça fait office d'anti douleur... En plus ça sent bon et ça fait la peau douce ! »
Je n'étais pas la futée de la famille ni la pro de la bio comme Artur, mais j'avais bien écouté les conseils de ma mère... Les plantes, la médecine de hippie, ça me connaissait !
« Bon bon bon... J'ai droit à deux questions ? Alors allons-y ! Sur une échelle de 1 à 10 t'as mal genre comment ? Et deuxième question : Comment va la petite famille ? Astrid, Sam, ton frère ? »
Deux questions qui semblaient simples et relativement anodines... Au moins, je ne l'emmerdais pas pour savoir pourquoi il était dans cet état.
« Quant à ce que je veux manger... Je veux un gâteau de guimauves et de bonbons... Pour le reste tu choisis, mais je veux me faire exploser les artères avec du sucre ! »
J'en avais toujours rêvé, de ce gâteau de bonbons... Depuis le jour où j'en avais vu un dans la vitrine d'une pâtisserie française étant gamine... Et puis quitte à devoir fêter ma vieillesse, autant le faire dans les règles de l'art ! Pour l'heure, j'agitais mon petit flacon sous le nez de Marius en attendant qu'il se décide. Autant ne pas commencer à lui tartiner le bide s'il m'envoyait balader avec ça !
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Mer 30 Mar 2016 - 21:12
You believe what you see...
Moira & Marius
J’imagine que tout le monde a un rapport particulier avec la mort. Ouais, dis comme ça, c’est sacrément glauque mais pourtant c’est bien ça. Par exemple, moi, je peux faire des cauchemars à la seule idée que Martial se casse un ongle mais j’envisage ma propre mort avec un je-m’en-foutisme quasi exemplaire, dicté par la fatalité. C’est comme ça, je vais mourir, bientôt. J’ai failli mourir, aussi, il y a treize jours. J’aurais pu mourir il y a six ans, lorsque mon cœur a plus que jamais frôlé l’arrêt complet, il y a un an lorsqu’il a récidivé, il y a vingt-et-un an lorsque je suis tombé du balcon et que je n’ai survécu que par miracle. Ma mort, donc… voilà, elle ne me fait pas peur. Celle de Martial, je ne la conçois même pas. Celle de Moira… putain celle de Moira, je ne l’avais pas vue venir, je ne l’ai acceptée qu’au moment de son enterrement et en la voyant, là, devant moi, en chair, en os, et même pas en zombie… j’ai juste envie de dire okay. Bien sûr qu’elle peut me faire un câlin, bien sûr. Et bien sûr qu’elle ne va pas bien. Elle est morte, elle est en vie. Mon père m’a tiré dessus, je suis en vie. On est des durs à cuire, mais des marshmallow tous les deux et je me doute que si j’ai juste envie d’oublier, ça doit être la même de son côté. Oublier, passer outre, laisser ça derrière nous. Et avancer, parce qu’au final, on n’a que ça à faire maintenant. Je la serre contre moi en fermant les yeux, juste en savourant la présence de ma meilleure amie. J’en ai rien à foutre du reste, j’ai décidé que j’en avais rien à faire qu’elle soit supposée être morte. En fin de compte, si son enterrement ne serait bientôt plus qu’un mauvais souvenir, qui me dit que ce qui l’a suivi ne va pas aussi disparaître, se disperser et cesser de me hanter ? Mais pour le moment, ce n’est pas le cas et la pointe de douleur qui me foudroie le côté me fait remarquer que rien n’a disparu. Je m’éclipse, j’hésite, je m’habille à la va-vite, reviens avec toute la boite à outils qu’on m’a confiée à la sortie de l’hôpital.
Moira est ma meilleure amie, je lui cache finalement suffisamment de choses pour qu’elle ait le droit de… de quoi ? Deux questions, c’est ce que je lui autorise. Mon sérieux me dérange et pourtant il est là, au même titre que ces cicatrices et tout ce fatras. J’enchaîne devant son silence, rendant les armes petit à petit. Son enterrement,… Elle m’a manqué, elle n’imagine même pas à quel point. Et il n’y a pas eu que la musique de craignos, le deux juin. Il y a eu tout le reste, aussi. « Tu sais... Le seul enterrement où j'aurais été heureuse de vous voir, c'est si je m'étais mariée. Un enterrement de vie de jeune fille ça a quand même plus de gueule, et on y boit suffisamment d'alcool pour que ça soit intéressant. Là... J'y étais... De loin... Papa avait choisi la musique la plus convenue et tire larmes de l'histoire... J'ai reçu ton sms, tu sais... » Je me mords la lèvre, je rougis brutalement. Marius qui rougit… aussi rare que de voir mon père s’excuser. « Désolé, c’était con, t’étais pas supposé le lire et… » « Et celui de Seth... » A la mention de Seth, je me crispe et serre les dents. Je ne veux pas entendre parler de lui. Pas tout de suite, pas maintenant. « Papa a dû me confisquer mon téléphone pour m'empêcher d'y répondre. Je... Je comprendrais que tu me détestes, Marius... Vraiment j't'en voudrais pas... Moi aussi j'aurais envie de te fracasser si tu nous f'sais c'coup là... Plus jamais, hin ? On finira tous vieux, grabataire, à manger de la soupe en maison de retraite ! J'compte bien te battre à la course de fauteuil ! » Je me concentre sur les compresses à partir du moment où ses sous-entendus me labourent l’estomac à coup de petits poignards. Elle aurait envie de me fracasser ? J’aurais pu y passer il y a quelques jours, je risque d’y passer dans les mois à venir. Elle va me fracasser. Mais heureusement, je ne serai pas là pour le voir, je ne pourrai pas revenir comme un lapin réapparaissant après un tour de magie. Je me mords la lèvre et me pare de mon sourire triste le plus convaincant. Ça fait six ans que je mens, que je cache ça, hors de question que je fasse un faux pas maintenant. « T’inquiète ! » Mon enthousiasme renforce ma culpabilité. « J’suis solide, moi, solide comme un roc ! Et puis, j’ai bien trop à faire et à vivre pour crever maintenant. » Je lui envoie sans violence mon poing dans l’épaule, juste pour appuyer mes propos tout en souriant. J’ai envie de vomir, je me dégoûte. J’attrape les produits, essayant de déterminer lequel je dois mettre en premier. « Pas touche ! T'as une infirmière à domicile, alors tu restes couché et tu dis rien, sinon j'te mets un thermomètre dans les fesses, c'est clair ? » Je fronce les sourcils, saisissant au vol l’occasion de me changer les idées et surtout de changer de conversation. Je m’allonge sur le canapé, comme un bon soldat discipliné. « Bien chef ! Pitié, pas de thermomètre ! » Je lui tire la langue. Depuis quand je me laisse faire sans combattre ? Depuis que je n’ai pas envie d’être têtu. Il parait que c’est courant, lorsqu’on vient de se faire tirer dessus, de se la boucler un peu et de faire profil bas.
Je frissonne sous le contact de Moira, contractant mes abdos par réflexe, comme un débile. J’essaye de trouver un truc à dire, je dérape, me rattrape in extremis. C’est son anniversaire. C’est toujours joyeux les anniversaires, non ? Ça devrait faire en sorte que la discussion devienne joyeuse, que… je sens Moira s’arrête de bouger. Et merde, bravo Marius, tu as encore dire une connerie. Mes doigts s’enroulent autour de son poignet. « Moira, j’ai dit quelque chose de mal ? » Je me redresse comme je peux pour la regarder mais elle évite mes yeux. « Moira ? » « Ah oui... C'est mon anniversaire... J'ai trente ans... Putain Marius j'ai trente ans et ma vie ressemble à une vaste blague... Tu sais ce qui est le plus ironique ? J'ai été enterrée à côté de mon fiancé... Me regarde pas comme ça, j'ai été fiancée y a cinq ans. Je t'en ai pas parlé... Parce que j'crois qu'j'étais pas prête à l'accepter. Maintenant je commence à m'y faire, je... C'est pas la question. Je suis une survivante et tout ce qui me reste en tête c'est la peur de voir de me découvrir des cheveux blancs... » Et bien pour la discussion joyeuse, je peux repasser. Elle a été fiancée. Putain, Moira fiancée ? Ça ne me semble pas crédible, pas crédible du tout. Mais en même temps… on ne s’est pas vu pendant plus de douze ans, qu’est ce que je croyais, la connaître toujours aussi bien ? Fiancée il y a cinq ans. Moira. Honnêtement… ça me semble aussi plausible que de dire que j’ai voué un culte à mon père pendant trois ans, avec un autel à sa gloire et des offrandes de jus de goyave tous les matins. Mais… « Y a des choses que je suis pas prête à évoquer. Et je pense que c'est pareil pour toi. Alors je te propose qu'on parle pas de tout ça. J'ai envie de te demander c'qui t'est arrivé, mais j'me doute que tu voudras pas en parler. Et tu sais quoi ? C'est pas ça, le plus important. T'es en vie, tu tiens sur tes deux jambes, c'est ça qui compte. Ce qu'il s'est passé, celui qui t'a fait ça... Au fond ça importe peu. Le jour où on se sentira capable d'en parler, on en parlera, ok ? » Une petite moue naît sur mes lèvres, je l’écoute en silence. En silence. Ca ne me ressemble en rien, bien sûr, mais c’est moi. Je l’écoute en silence, j’encaisse. Elle est morte, elle n’est plus morte, elle a été fiancée, son fiancé est mort, elle ne veut pas parler de ce qui m’est arrivé, de ce qui lui est arrivé. « Comme tu veux. T’as raison, je ne veux pas en parler et ça aurait été injuste que j’exige de toi des réponses que je veux pas te donner. Comme tu dis t’es en vie, t’as deux jambes, deux bras, une jolie paire de seins et t’es toujours foutrement rousse, et c’est ça qui compte. » Je regarde le plafond dans un soupir. Le jour où on se sentira capable d’en parler… je doute en être capable un jour. Qu’est ce que je pourrais lui dire, de toute manière ? En fait, mon père a tenté de me tuer de sang-froid, no big deal, j’ai été con d’être traumatisé par ça, ahahahah, ce que ça fait du bien d’en parler. Non, je ne me sentirais jamais capable d’en parler. Jamais. Mais je souris parce que je ne veux pas qu’elle s’en doute. Je l’ai déjà forcée à ressasser de mauvais souvenirs, il est inutile de la déprimer plus encore. Ma main indemne part dans ma nuque, se glisse derrière ma tête, s’intercale entre l’accoudoir du canapé et ma masse de cheveux blonds. Elle retire la compresse. « T'as rien contre la médecine douce et naturelle ? Parce que j'ai exactement c'qu'il te faut ! » Décontenancé, je mets quelques secondes à réagir. « Hein ? » Je me redresse une nouvelle fois, avant de me laisser retomber sur l’accoudoir. Je paie mes tentatives de pompes, je paie mon hyperactivité que je ne cherche pas à calmer. « C'est de l'huile d'argan, on utilise ça en général pour nourrir les cheveux et les renforcer... Mais m'a mère di... sais toujours que ça a bien plus de propriété que ça. Ca participe à régénérer les cellules et ça fait office d'anti douleur... En plus ça sent bon et ça fait la peau douce ! » Je fronce les sourcils. « Attends, t’es en train de me dire que tu veux tartiner le torse avec de l’huile pour les cheveux ? » Je soupire. « Je ne refuse jamais un massage par une jolie rousse, Moira, tu devrais le savoir pourtant, non ? »
« Bon bon bon... J'ai droit à deux questions ? » Je fais une grimace éloquente : j’avais presque espéré qu’elle ait oublié ça. M’enfin… « Alors allons-y ! Sur une échelle de 1 à 10 t'as mal genre comment ? Et deuxième question : Comment va la petite famille ? Astrid, Sam, ton frère ? Quant à ce que je veux manger... Je veux un gâteau de guimauves et de bonbons... Pour le reste tu choisis, mais je veux me faire exploser les artères avec du sucre ! » Je souris, cherchant mes mots. Je tente de sourire, plutôt. Elle ne peut pas savoir mais… « J’ai largué Astrid. » Voilà voilà. Je vais mourir. « Ca fait un peu plus d’un mois maintenant. » Pitié, qu’elle ne me demande pas pourquoi. « Sinon, Samuel va bien, je l’ai vu, Cressy me l’a amené à l’hôpital pour me changer les idées. Il… il est génial. Tu devrais voir ses bouclettes, il va avoir mes cheveux tu vas voir. Et il sourit tout le temps. Il suffit de lui chatouiller la plante du pied et pfiou… il part dans un éclat de rire. » A croire que mon fils est le sujet de discussion qui me déride et me rend mon bavardage habituel. « Martial… ouais, Martial va bien, y’a pas de problème là-dessus. Et pour le gâteau… » Changeons de sujet, changeons donc de sujet. Hop, hop, hop, et que ça saute. « Si tu m’attrapes mon téléphone, je peux t’arranger ça, tiens. Des guimauves, du sucre, des bonbons, ça doit pouvoir se faire. » Je soupire. « Allez tartine moi que je puisse aller remettre mon tee-shirt, pas que ça me dérange de me promener à moitié à poil mais c’est pour toi, hein. Ce serait con que tu fasses un arrêt cardiaque devant le corps d’athlète de ton meilleur ami. » Mon sourire, moqueur, fait apparaître le Marius qui rit tout le temps. « Tu sais ce que tu vas faire maintenant ? » Et le Marius sérieux que mon père a créé dans une détonation revient à l’assaut.
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Dim 15 Mai 2016 - 2:38
You believe what you see...
Moira & Marius
« Désolé, c’était con, t’étais pas supposé le lire et… »
D'un geste vif, je posais un doigt sur les lèvres de Marius avec une moue bougonne.
« Ah chut, hin... J'aurais fait pareil, à ta place. Je t'aurais même appelé, j'aurais laissé des messages idiots en pleurant comme une conne parce que j'aurais eu l'impression de te parler encore un peu... Et je... Je suis désolée. Je sais que les excuses ça vaut que dalle, mais je suis vraiment et sincèrement désolée... »
L'ennui, c'est que je risquais de lui envoyer ce genre de message plus vite que prévu. Je risquais de l'appeler pour tomber sur un répondeur désespérément vide, tout ça pour lui dire qu'il était con, irresponsable, que de toute manière c'était bien fait pour sa gueule... Tout ça pour lui dire qu'au bout de dix minutes il m'aurait manqué, que ses blagues idiotes m'aurait manqué, que j'aurais tout donné pour qu'il me jette des bonbons à la figure comme quand nous étions gosses, et que c'était injuste de nous faire ça à tous... De laisser son frère tout seul, de voir son enfoiré de paternel le regarder avec mépris dans sa boîte – parce que je n'imaginais pas le patriarche Caesar en train de pleurer comme une gonzesse – et nous tous, réunis comme une bande de cons en train de pleurer un idiot par foutu capable de faire soigner une putain de pathologie cardiaque dont il avait pourtant connaissance depuis six ans. Mais tout ça, toute cette fatalité, je l'ignorais. Parce qu'en plus d'être une foutue bourrique, Marius mentait bien et refusait catégoriquement de dire à qui que ce soit qu'il pouvait mourir à tout moment. Alors pour le moment, quand il me disait être solide comme un roc, je le croyais et me contentais de sourire. Et de le menacer de lui planter un thermomètre dans les fesses. Après tout, je venais de le voir vêtu d'un caleçon Mickey, entre ça et le cul à l'air, qu'est ce qui était le plus ridicule ?
Passé ce petit moment furtif d'humour, on en vint à parler du fait que j'avais trente ans. Je m'étais pointée chez Marius le jour de mon anniversaire, comme si ça me pesait trop de me retrouver seule pour passer le cap douloureux, comme si nos fêtes d'anniversaire qui se terminaient en carnage me manquaient trop... Alors je déballais tout. De William à l'ironie de mon enterrement en passant par ma frustration d'être trentenaire et d'avoir l'impression de n'avoir rien fais de mon existence. J'aurais pu ajouter que mon fiancé avait tué pour sa mutation, parce qu'il était comme moi, comme Marius, comme des milliers d'autres dans le monde... Mais je n'avais pas envie de relancer ce sujet épineux entre nous. J'étais trop fatiguée et trop heureuse de retrouver mon meilleur ami pour ça. Il parvint à me faire rire, le con, alors que les larmes me montaient aux yeux.
« Ma rousseur t'es pas prêt d'la voir disparaître... Il est pas né celui qui arrivera à me teindre les cheveux en bl... Non... Me regarde pas comme ça et n'envisage même pas cette idée, Marius Caesar, sinon j'te fais la boule à zéro ! Et d'où tu regardes mes seins, tiens ? Pervers ! »
Je fis mine d'avoir l'air outrée, et fronçais le nez. D'un autre côté, je n'étais pas sûre d'avoir envie d'évoquer mon histoire avec Marius un jour. Parce que lorsque nous irions mieux, nous n'aurions certainement pas envie de nous miner le moral en reparlant de ça. Mieux valait se serrer les coudes et s'entraider pour remonter la pente que d'angoisser à l'idée de devoir reparler de tout ça un jour. Plus jamais, c'était bien ce que nous venions de nous promettre. Pour l'heure, ce qui comptait c'était de soigner les blessures de ce grand couillon de casse-cou. Bon sang mais c'était possible de les collectionner à ce point ? Le voyant sceptique face à ma proposition, je lui pokais le nez en faisant la moue.
« Ça sert pas que pour les cheveux, c'est bon pour tout ! Et méfie-toi que j'aille pas te huiler les narines au passage ! Allez sou ! Allonge-toi et plus vite que ça ! La jolie rousse elle va te montrer ses talents d'infirmière ! »
Ah elle avait bon dos, l'infirmière ! Retirant le bouchon du flacon, je lui en étalais quelques gouttes sur le ventre avant d'entreprendre de soigneusement les étaler. La cicatrice encore boursouflée m'arracha une grimace, et un long frisson remonta le long de mon échine tandis que je tentais d'imaginer sa douleur. Je n'avais pas besoin de l'imager, je savais à quel point ça faisait mal d'être blessé dans cette zone. Chassant cette idée de mon esprit, je mesurais chacun de mes gestes pour lui faire le moins mal possible, puis essuyais mes doigts sur une compresse. Maintenant, il ne me restait plus qu'à tenter de faire un bandage correct qui tiendrait suffisamment la blessure sans pour autant lui cisailler les côtes. Je déroulais une longue bande de gaz, posais deux compresses sur la blessure et commençais à le ficeler comme un rôti. Malgré la concentration je l'écoutais, et me figeais dans mon mouvement.
« Attends... Quoi ? T'as largué Astrid ? Mais t'es complètement con ou tu t'entraînes pour les olympiades de la couardise ? Pourquoi t'as fais ça ? J'suis p'tet pas une matheuse comme toi, mais je sais compter jusqu'à neuf... On est en juin, elle en est à plus de six mois, là... T'as abandonné ta nana enceinte ? Comme ça ? Pour le fun ? Pourquoi t'as fais ça, Marius ? Et ne me dis pas que c'est parce que t'es pas assez bien pour elle, qu'elle mérite mieux, blablabla, parce que je sais que tu le penses, et c'est totalement faux, ok ? »
J'étais on ne peut plus sérieuse. Je ne comprenais pas pourquoi Marius avait fait une connerie pareille, et je n'étais pas certaine d'en être capable même s'il m'expliquait les choses calmement. Je me contentais de l'écouter parler de Samuel et poussais un profond soupir.
« T'es quelqu'un de bien, Marius... Vraiment, je dis pas ça pour te faire plaisir, t'es un chic type... Regarde comment tu parles de Sam. T'aurais pu être un de ces salauds qui se barre la queue entre les jambes plutôt que d'assumer d'avoir un gamin... Pas toi... T'es un père génial, alors pourquoi tu t'autorises pas ça avec Astrid ? Pourquoi tu te sabordes délibérément ? On en a déjà discuté, tu te sous estimes tellement que ça frise le ridicule ! »
Je repris rageusement là où j'en était et fixais la bande avec du sparadrap avant de chiffonner les emballages des compresses.
« Pourquoi tu t'autorises pas simplement à vive, Marius ? T'es pas con, tu t'en donnes juste l'air... T'as peur, avoue... T'es pété de trouille du coup tu fuis, mais c'est pas ça qui te fera avancer. T'as mon point de vue sur la question, je veux pas te faire la morale parce que c'est pas mon genre, ni mon rôle, mais... Passe pas à côté d'un bonheur que t'as amplement mérité. »
Je soupirais et lui claquais un baiser sur le front, comme l'aurait fait une sœur avec son petit frère. Comme j'avais si souvent l'habitude de le faire avec Artur par le passé, quand il allait mal... Je n'ajoutais rien concernant Martial, cependant. Je commençais à comprendre que certaines choses avaient changées, entre les jumeaux, qu'il n'y avait plus autant cette dépendance fusionnelles l'un pour l'autre... Même si ça semblait peiner Marius. Je venais de l'engueuler pour Astrid, inutile d'en rajouter une couche. Finalement, j'étais soulagée de l'entendre changer de sujet pour quelque chose d'un peu plus léger, et attrapais son téléphone que je lui lançais avant de me lever pour aller jeter les déchets que j'avais dans les mains.
« Si tu me commandes le cadeau de mes rêves, je t'épouse ! Nan mais ça va, j'ai même pas saigné du nez, t'as vu ? Je suis immunisée contre tes charmes, mais ça m'empêche pas d'me rincer l’œil, tu sais ! » Dis-je en lui faisant un clin d’œil appuyé.
Marius était un bourreau des cœurs qui collectionnait les conquêtes, et j'étais moi-même du genre à collectionner les aventures sans lendemain. Pourtant, nous ne nous étions jamais tourné autour, n'avions jamais cherché à mettre l'autre dans notre lit, et ce malgré les nombreux sous entendus. Marius était mon meilleur ami, quelqu'un pour qui j'aurais tué ou traversé l'Atlantique à la nage, et notre amitié était suffisamment puissante pour que nous n'ayons jamais envisagé de déraper d'une manière ou d'une autre. De toute façon, qu'est ce que ça aurait donné ? Il serait aller voir ailleurs, moi aussi, fin de l'histoire... Et malaise par la suite, non merci !
Sa dernière question en revanche me figea dans mon mouvement. Silencieuse, je terminais de jeter ce que j'avais dans les mains et revins me planter devant lui, les mains dans les poches.
« Honnêtement... J'sais pas. J'ai vendu ma maison, après ce qu'il s'y est passé, j'peux plus y vivre... Ca fait deux semaines que j'alterne entre chez mon père et Malachi, un ami d'enfance, et c'est pas glorieux, c'que j'leur impose. J'ai pris un congé sabbatique, mon agent s'est chargé de faire le relais, mais tôt ou tard faudra que je reprenne... »
Je me laissais tomber dans le canapé à côté de Marius en soupirant.
« Alors voilà... J'suis sans domicile fixe et en congé forcé. T'façon j'me vois pas faire autre chose de ma vie que d'la musique, alors ça reviendra... Mais toi ? Avec le vilain coup que t'as pris, tu penses que ça va le faire, tes cascades et tout ? »
Plissant les yeux, je lui tendis mon poing fermé.
« Aller... On va s'en sortir, hin... T'sais quoi ? J'propose qu'on la remonte ensemble, la pente ! Qu'on emmerde le monde et qu'on aille mieux, quoi qu'il arrive, parce que ça serait dommage de se laisser abattre maintenant. Deal ? »
Un peu de positivisme dans c't'histoire ne nous ferait pas de mal, finalement...
HRP : Désolée pour le retard, n'hésite pas à me dire si quelque chose ne te va pas !
Marius Caesar
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Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Dim 22 Mai 2016 - 9:59
You believe what you see...
Moira & Marius
« Ah chut, hin... J'aurais fait pareil, à ta place. Je t'aurais même appelé, j'aurais laissé des messages idiots en pleurant comme une conne parce que j'aurais eu l'impression de te parler encore un peu... Et je... Je suis désolée. Je sais que les excuses ça vaut que dalle, mais je suis vraiment et sincèrement désolée... » Je me mords la lèvre. Parce que j’ai envie de m’effondrer, à cet instant, j’ai envie de m’effondrer à mon tour dans ses bras, alors qu’il faudrait, alors qu’il faut que je reste debout, que je reste costaud. Parce que j’aurais eu l’impression de te parler encore un peu. J’ai envie de m’excuser, j’ai envie de lui dire que je suis désolé. D’avance. A parler ainsi avec Moira, j’ai envie, plus que jamais, de lui dire la vérité. Parce que je n’ai pas à lui faire subir ça, parce que je n’ai pas à lui imposer ça à mon tour. Cette impression que j’ai eue, lorsque j’ai appris sa mort, cette impression de mourir, je n’ai pas le droit de leur infliger sans même les y préparer. Mais… non. Je ne peux pas. Je ne veux pas. Je ne sais pas ce qui me retient le plus entre la crainte de leur réaction, la peur de voir leur tristesse, la peur de voir leur colère, la peur de les entendre me dire qu’il faut que je me fasse opérer. Et la peur de devoir leur dire que je refuse et que je ne reviendrai pas sur ma décision, aussi stupide soit elle. Solide, solide comme un roc, c’est ce que je prétends être dans un large sourire enthousiaste. Et le pire c’est que comme tout le monde depuis six ans : elle me croit. Elle continue de me croire, parce qu’elle ne peut pas se douter que je mens, comme un bel enfoiré. J’ai bien trop à faire et à vivre pour crever maintenant. Mensonge, mensonge, mensonge. Il me faut toute ma volonté pour ne pas flancher, pour me raccrocher à mon humour et au sien, pour me raccrocher à son sourire, à son rire. Parce qu’au final, alors qu’elle m’en dit bien plus sur toutes ces années qui nous ont vus perdre contact, mon seul objectif c’est de lui faire comprendre que je reste là pour elle, qu’elle a trente ans mais qu’elle a des amis, la vie devant elle, qu’elle est en un seul morceau, en vie, et qu’au final c’est tout ce qui m’importe. Vraiment. Pas besoin de reparler de ces dernières semaines, le simple fait qu’on se retrouve… c’est l’important. « Ma rousseur t'es pas prêt d'la voir disparaître... Il est pas né celui qui arrivera à me teindre les cheveux en bl... Non... Me regarde pas comme ça et n'envisage même pas cette idée, Marius Caesar, sinon j'te fais la boule à zéro ! Et d'où tu regardes mes seins, tiens ? Pervers ! » Je lève les yeux au ciel, dans un plus que large sourire. « Comme si moi, je pouvais penser à ce genre de chose ! Ne m’insulte pas, Moira, tu sais bien que je ne pense pas, je ne suis pas fou à ce point ! Et puis tes seins… » Je lui lance un petit regard suggestif comme je sais si bien le faire, avec mon sourire de gamin. « Installé comme je suis, je peux te dire que j’ai une belle vue, ce n’est pas être pervers, c’est savoir observer les belles choses. » Je lui tire la langue pour finir, avant de grogner en me réinstallant sur le canapé.
Putain que ça fait mal. On ne dirait pas, lorsqu’on regarde les films et que les héros se relèvent après s’être faits tirés dessus en mode oh, c’est rien, juste une piqûre de moustique, pas d’quoi chialer, mais se prendre une balle dans le corps… c’est une douleur constante, un affaiblissement continu, un épuisement, un traumatisme… ah moins que ce ne soit le combo balle et opération… et pompes et abdos dans la foulée. Dans tous les cas, il faut bien me soigner, il faut bien guérir, et… pardon ? Médecine douce et naturelle, huile pour les cheveux ? « Ça sert pas que pour les cheveux, c'est bon pour tout ! Et méfie-toi que j'aille pas te huiler les narines au passage ! Allez sou ! Allonge-toi et plus vite que ça ! La jolie rousse elle va te montrer ses talents d'infirmière ! » Obéissant, je me rallonge, plus parce que je me sens incapable de tenir assis ou de jouer avec mes abdos plus longtemps que parce que j’ai réellement envie de le faire. « En plus, je ne suis pas excessivement poilu du torse. Et je suis blond, donc ça se voit pas des masses. Et interdiction de faire un brushing à mes poils, hein, je tiens à leur caractère sauvage… » Je raconte de la merde pour endiguer ce frisson qui me surprend au moment où elle touche ma cicatrice. Pour garder le sourire lorsqu’inconsciemment je rentre le ventre et j’inspire. Heureusement qu’elle me pose des questions, même si je ne suis pas trop fan des sujets qu’elle aborde. Sur une échelle de 1 à 10, j’ai mal à quel niveau ? J’esquive la question pour tenter de me précipiter sur les autres. Je ne peux pas toutes les esquiver. Et comme toujours lorsqu’on ne peut pas tout esquiver : l’autre solution est de foncer dans le tas. J’ai largué Astrid. « Attends... Quoi ? T'as largué Astrid ? Mais t'es complètement con ou tu t'entraînes pour les olympiades de la couardise ? Pourquoi t'as fais ça ? J'suis p'tet pas une matheuse comme toi, mais je sais compter jusqu'à neuf... On est en juin, elle en est à plus de six mois, là... T'as abandonné ta nana enceinte ? Comme ça ? Pour le fun ? Pourquoi t'as fais ça, Marius ? Et ne me dis pas que c'est parce que t'es pas assez bien pour elle, qu'elle mérite mieux, blablabla, parce que je sais que tu le penses, et c'est totalement faux, ok ? » Je grimace devant la réaction de Moira et surtout devant son sérieux. « Je préférais la conversation sur ta rousseur et sur la badassitude de ta poitrine, moi… » Je bougonne avec une moue de gros gamin. Pourquoi t’as fait ça. Ah, ah, ah. « Pourquoi ? A ton avis ? J’suis pas amoureux d’elle, ça servait à rien qu’on reste ensemble. Et puis, tu m’imagines ? Moi ? Casé avec la même fille ? » Okay, mon petit rire est peut être un peu trop forcé. « M’enfin, comme je te dis, ça fait un mois maintenant. Et je m’en sors plutôt bien avec Cressy et Sam, avec Astrid et ma fille, ce sera la même chose, tout ira bien. » Je n’ai pas trop l’impression d’être aussi convainquant que lorsque j’ai menti à propos de mon avenir de vieux grabataire mais.. mais chaaaangeons de sujet. Samuel va bien, il est adorable. « T'es quelqu'un de bien, Marius... Vraiment, je dis pas ça pour te faire plaisir, t'es un chic type... Regarde comment tu parles de Sam. T'aurais pu être un de ces salauds qui se barre la queue entre les jambes plutôt que d'assumer d'avoir un gamin... Pas toi... T'es un père génial, alors pourquoi tu t'autorises pas ça avec Astrid ? Pourquoi tu te sabordes délibérément ? On en a déjà discuté, tu te sous estimes tellement que ça frise le ridicule ! » Mon visage se ferme : j’en ai déjà marre qu’on parle de ça. Ça ne frise pas le ridicule, je ne me sous-estime pas. Je suis juste lucide. Très lucide. Je préfère qu’Astrid s’habitude dès maintenant à ce que je ne sois plus là plutôt qu’à devoir le faire après la naissance de notre fille, voilà tout. Et je ne suis pas irremplaçable, loin de là, je suis certain qu’elle trouvera rapidement mieux que moi ; ça ne devrait pas être si difficile à trouver. Je me ferme, donc, je la laisse fixer la bande tout en sentant dans ses mouvements son mécontentement. « Laisse tomber, Moira, okay ? On ne va pas se disputer maintenant, c’est ça qui serait le plus ridicule dans l’affaire ! Je sais ce que je fais et puis c’est tout. Voilà. » Un voilà bien français qui vient clore la conversation. Je sais ce que je fais, je le sais peut être même un peu trop bien, beaucoup plus que tout ce qu’elle peut penser. Et puis, de toute manière, je ne dois pas beaucoup manquer à Astrid. Et elle, elle ne me manque pas trop. Donc tout va bien. « Pourquoi tu t'autorises pas simplement à vivre, Marius ? « Moira ! Ca suffit ! » T'es pas con, tu t'en donnes juste l'air... T'as peur, avoue... T'es pété de trouille du coup tu fuis, mais c'est pas ça qui te fera avancer. T'as mon point de vue sur la question, je veux pas te faire la morale parce que c'est pas mon genre, ni mon rôle, mais... Passe pas à côté d'un bonheur que t'as amplement mérité. » Je serre les dents en la foudroyant du regard et en me retenant de répondre quoique ce soit. Je préfère me concentrer sur un sujet bien plus sympa à savoir mon frère. Sympa, on a dit sympa ? Depuis qu’il est revenu de son mois d’escapade, depuis qu’il m’a annoncé qu’il était un Hunter, qu’il comptait les quitter, que nos parents étaient des Hunters aussi… tout v mal entre lui et moi. Une distance de plus en plus présente, sans que rien ne soit dit. Quelque chose se fissure entre lui et moi. J’ai toujours su que je ne lui étais pas indispensable, contrairement à lui pour moi, ça se confirme. Et j’ai l’impression de retrouver ma mère lorsque je le vois, j’ai l’impression de retrouver mon père lorsque je l’entends. Et j’ai l’impression de le perdre.
Martial va bien, c’est tout ce que je peux dire. J’enchaîne, je réclame mon téléphone que j’attrape au vol alors qu’elle s’éloigne pour aller jeter les compresses. J’envisage un instant de me lever mais mon corps me hurle de rester sagement allongé pour le moment. Les bras tendus au dessus de moi pour voir correctement mon écran, je déverrouille le clavier. « Si tu me commandes le cadeau de mes rêves, je t'épouse ! Nan mais ça va, j'ai même pas saigné du nez, t'as vu ? Je suis immunisée contre tes charmes, mais ça m'empêche pas d'me rincer l’œil, tu sais ! » D’un sourire, je réponds. « J’ai remarqué ça, ouais… j’suis plus efficace que du sérum physio, c’est trop la classe, faudrait que je me reconvertisse là dedans, encore mieux qu’un ophtalmo… » Je cherche sur internet la description du gâteau qu’elle m’a fait avant de me rendre compte que ce genre de connerie ne doit pas se trouver en claquant des doigts. Du moins, pas juste comme ça, il faudrait que j’appelle, que je négocie, que je sorte le nom de famille et le compte en banque pour motiver un traiteur, que… mouais… je vais plutôt commander ça pour dimanche, ce sera mieux. En attendant… un gâteau au chocolat, recouvert de tagada, ça devra faire l’affaire… Tout en pianotant sur mon tel, je laisse mon cerveau s’activer en tâche de fond. Et poser une question que je n’aurais même pas songé à poser avant de me faire tirer dessus. Je lève les yeux de mon tel, pour l’observer : plantée devant le canapé les mains dans les poches. « Honnêtement... J'sais pas. J'ai vendu ma maison, après ce qu'il s'y est passé, j'peux plus y vivre... Ca fait deux semaines que j'alterne entre chez mon père et Malachi, un ami d'enfance, et c'est pas glorieux, c'que j'leur impose. J'ai pris un congé sabbatique, mon agent s'est chargé de faire le relais, mais tôt ou tard faudra que je reprenne... » Malachi… ce prénom m’évoque vaguement quelque chose… Malachi, Mala…Je soulève mes jambes quand elle s’assoit pour mieux les reposer sur les siennes, sans la moindre gêne. « Alors voilà... J'suis sans domicile fixe et en congé forcé. T'façon j'me vois pas faire autre chose de ma vie que d'la musique, alors ça reviendra... Mais toi ? Avec le vilain coup que t'as pris, tu penses que ça va le faire, tes cascades et tout ? » Je réponds dans un haussement d’épaule, avant de verrouiller mon portable et de le poser sur la table basse miraculeusement à portée de main. « Mon agent râle pas mal… entre ma fracture de début d’année et ça, il m’a même demandé si j’étais encore au niveau pour faire des cascades à haut risque… mais ouais, ça pue un peu dans l’ensemble, je pense que ma carrière est fichue… au moins pour six mois. C’est pas tout à fait certain que je retrouve toutes mes capacités, qu’ils ont dit les médecins. » Je grimace avant de faire semblant de n’en avoir rien à faire. Ce n’est pas comme si ce n’était que la deuxième fois que ma carrière était foutue en l’air, hein. Rien de bien grave. Mon poing fermé vient heurter celui de Moira. « Allez... On va s'en sortir, hin... T'sais quoi ? J'propose qu'on la remonte ensemble, la pente ! Qu'on emmerde le monde et qu'on aille mieux, quoi qu'il arrive, parce que ça serait dommage de se laisser abattre maintenant. Deal ? » J’propose qu’on la remonte ensemble, la pente. Je plisse les yeux avec une moue taquine. Comme toujours lorsque je suis en train de penser au mieux à une idée, au pire à une connerie. En général : aux deux en même temps. Parce qu’en soi, elle n’a pas tort. On est tous les deux au fond du trou et vu notre caractère de base, on n’est pas fait pour y rester. A chaque fois qu’un mastodonte m’envoie à terre, je me relève. Et il ne faut pas que parce que mon père a voulu me tuer, mon obstination à bondir sur mes pieds bouge d’un iota. Et si je me relève, il est hors de question que je laisse Moira derrière moi. « Bien sûr qu’on va la remonter, cette foutue pente. » Je me redresse dans un grognement, avant d’enfiler mon tee-shirt un peu trop large, compromis entre la chemise et le vrai tee-shirt. Je passe un bras autour de l’épaule de Moira, pour lui coller un bisou sur la joue. « D’ailleurs, je viens de penser à un truc… à la base, avec Astrid, on pensait emménager ensemble. Du coup, je m’étais vaguement fait à l’idée de faire une colocation avec quelqu’un. Et j’ai bien besoin d’une super infirmière pour m’étaler du shampoing sur le torse… » Tu la vois, Moira, la connerie arriver ? Elle sonne le clairon, fait résonner la grosse caisse pour une arrivée en fanfare. « Je peux te prêter la chambre de Martial, si tu veux. » J’hausse les épaules. « T’façon, il ne passe plus trop en ce moment. » En ce moment. Parce que je garde l’espoir que tout redevienne comme avant, qu’on recommence à se faire des soirées DVD ou console tous les vendredi, que… « Et comme ça, tu m’éviteras de faire des conneries. Et tu pourras te rincer l’œil tous les jours. » Je lui fais un clin d’œil en lui tirant la langue, comme toujours. Avant de me lever dans un énième grognement. Je ne sais pas ce que mon père a foutu sur ses balles, mais j’ai l’impression d’avoir entamé une transformation en troll, c’est plutôt cool. « J’ai commandé un gâteau au fait ! Bon, pas celui de tes rêves, pas trouvé… » Je lui fais une petite moue confuse, additionnée d’un regard de chien battu. « Du coup, le temps qu’il arrive, d’ici une petite heure max, si tu veux boire un truc… » Je me tiens le côté, comme toujours, de ma main gauche, avant de me traîner du côté de la cuisine et de m’appuyer au plan de travail. Brutalement, je me revois face à mon père et un frisson me tétanise. Une fraction de seconde. Juste assez pour que j’en oublie de respirer, pour que j’en tremble de terreur. Juste assez pour que je ferme les yeux. Et ouvre mon frigo. « Bon, j’ai pas grand-chose mais… jus d’orange ? Mayonnaise ? Un peu de reste de sauce wasabi peut être ? Il parait que ça se marie bien avec un café au lait… »
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Jeu 21 Juil 2016 - 13:45
You believe what you see...
Moira & Marius
Marius va mourir. Ce n'est plus une certitude mathématiques ni l'ironie de se dire qu'on est tous mortels, il va mourir. Plus tôt qu'il ne le devrait, avant d'être grabataire, avant d'avoir des cheveux blancs, avant d'avoir l'occasion de perdre la boule et de paumer ses lunettes de vieux... Marius va mourir avant même d'avoir pu vivre.
C'est une réflexion que j'aurais pu me faire, si j'avais su ce qui se tramait derrière ses jolis yeux bleus de lover, si j'avais pu lire dans son esprit et savoir qu'en fin de compte, les blessures physiques qu'il traînait étaient loin d'égaler les cicatrices psychologiques. Depuis que je connaissais Marius, j'avais appris à identifier ses malaises, ce qu'il cherchait à cacher et les sujets qu'il valait mieux éviter. En quinze ans ils n'avaient pas beaucoup changé, ils n'avaient fait que s'exacerber au contraire. Je la voyais la tristesse dans son regard, je la voyais la fadeur dans son sourire... Et je mettais tout ça sur le compte de sa blessure, de son soit disant accident... Inconsciente d'avoir face à moi la face immergée d'un iceberg. Inconsciente d'avoir un mort en sursit que je serais de toute manière incapable de sauver. Marius se tenait au bord d'un précipice, et si personne ne tendait la main pour le retenir, c'est parce qu'il n'en avait pas envie. Chaque main salvatrice qui s'était présentée à lui, il l'avait fuit pour mieux se rapprocher du gouffre et à présent, il s'y trouvait confronté, seul... Incapable de hurler pour montrer qu'il avait besoin d'aide. Si j'avais su, je l'aurais secoué, l'aurait giflé, lui aurait hurlé dessus... Au moins pour qu'il se réveille et se batte. Mais j'ignorais tout, et je préférais encore plaisanter sur le regard qu'il portait à mon décolleté. Levant les yeux au ciel à mon tour, j'éclatais de rire.
« Toutes mes excuses, blondie, je ne voulais surtout pas te vexer en prétendant qu'il t'arrive de penser ! Et puis j't'en prie, t'as qu'à me dire de quel couleur est mon soutif', tant qu'on y est ! Tu sais il paraît que j'ai de jolis eux, aussi... »
A mon tour je lui tirais la langue avant de froncer les sourcils en le voyant grimacer. Sa blessure avait l'air de lui faire sacrément mal. Posant une main sur son bras, je tentais de l'aider au mieux à se réinstaller pour ne pas trop tirer sur les fils qui maintenaient sa blessure fermée. Bon sang mais qui avait pondu une anguille pareille ? Ah oui c'est vrai... La mère de l'année. Une femme détestable qui aurait mérité une palme et le rôle de la méchante dans un film d'horreur. Et tout ça je le gardais pour moi. Car chose paradoxale, Marius se gardait le droit exclusif de dire du mal de ses parents, quand bien même il était évident pour tout le monde qu'ils avaient raté plus d'un truc dans son éducation et celle de son frère.
« C'est vrai ça, elle est où ta toison d'homme viril des caverne ? T'en fais pas, j'ai pas l'intention de te faire des bigoudis, juste de profiter de la situation pour tripoter tes tablettes de chocolat ! »
En règle générale, le sérieux ne faisait pas long feu avec Marius et moi. C'était plus facile et moins prise de tête de raconter des conneries que de... Minute... Larguer Astrid ? Là c'est moi qui me sentais larguée ! J'avais beau tenter de comprendre, je ne trouvais pas la moindre raison logique à son attitude. Et lorsqu'il commença à me baver qu'il n'était pas amoureux, qu'on ne pouvait pas l'imaginer, lui, le grand, le beau, le si fabuleux Marius Caesar casé avec une seule fille, je haussais un sourcil, pas convaincue du tout. Je te connais, Marius. Je sais que ça, c'est l'image que tu veux donner de toi, pas celui que tu es réellement, alors arrête de me baver des conneries. A voir Marius pour la première fois, on aurait pu le qualifier de connard sans cœur ni scrupules, mais il suffisait de le connaître sur le bout des doigts pour savoir que ça cachait un malaise bien plus profond et insidieux. Seulement ce malaise-là, j'aurais bien aimé savoir ce que c'était et pas quoi il avait été provoqué. Et comme d'habitude, ma délicatesse légendaire parlait pour moi. Haussement de ton, incompréhension, je le traitais de tous les noms... Et bien sûr il fini par s'agacer. Sur bien des points, Marius et moi étions fait sur le même moule : sympas, mais valait mieux pas trop nous chercher. Je sais ce que je fais, qu'il me disait... Ça n'avait aucun sens. Pas amoureux, mon cul, oui ! Ça crevait les yeux, qu'il en était dingue, d'Astrid ! Et j'aurais pu continuer longtemps à le sermonner, mais lorsqu'il me demanda d'arrêter, j'achevais ma phrase et le fixais avec une moue renfrognée.
« Ok, ok j'arrête... Désolée, je voulais pas t'énerver... C'est juste que... J'm'inquiète pour toi, voilà. Oui ça fait petit vieille et j'suis pas ta mamie mais je peux te filer des coups de canne quand même ! »
Je terminais alors de le saucissonner avec la dextérité d'une débutante, et m'empressais d'aller jeter les compresses et de laver les mains. J'éclatais de rire suite à sa remarque avant de le rejoindre.
« Méfie-toi, tu risquerais au contraire de rendre tes patientes aveugles, à trop les éblouir ! Quoi que... P'tet bien que la blouse blanche t'irait ? »
Et puis comme depuis le début de la conversation, le sérieux revint à la charge, alors que Marius cherchait le gâteau de mes rêves pour célébrer en grande pompe un anniversaire qui avait pour moi un goût des plus amers. Etant ado, je l'avais un peu visualisé, mon trentième anniversaire. Je m'étais vue sous les projecteurs d'une grande salle de concert à Paris, New-York, Tokyo... Rayonnante, sous la direction de Barenboim ou Abbado, mariée, avec trois gamins sautillant sur leur siège dans le public... Finalement, je n'avais réussi qu'une chose dans tout ça, ma carrière. Sans tout ce bordel cinq ans plus tôt, peut-être que le reste se serait réalisé ? A nouveau, ma haine vis à vis de Moren et l'amertume que j'éprouvais à l'égard d'Artur me firent grimacer. D'une voix atone, je répondis à Marius, plus blasée qu'autre chose. A tout décrire avec des mots, je me rendais compte à quel point ma vie n'avait aucun sens depuis un mois. Obligée de me cacher, d'aller et venir entre l'appartement de mon père et le manoir Porter, terrorisée par tout et n'importe quoi... V'là qu'à trente ans j'allais me retrouver avec plus de cheveux blancs que n'en aurait eu ma mère si elle avait été encore en vie. Amère, écœurée de tout, je préférais à nouveau renvoyer la balle à Marius. Et apparemment, ce n'était pas plus glorieux pour lui. S'il n'avait pas été à ce point réticent vis à vis des mutants et si j'avais eu le sang d'Alec sous la main, je lui en aurait offert une fiole dans un joli petit écrin en velours ! Qu'allait-il faire, s'il se retrouvait à ne plus pouvoir exercer un métier où on bouge dans tous les sens ? Marius dans un bureau ? La bonne blague... C'était un peu comme enfermer un ours enragé dans une cage minuscule.
« Sont chiant les agents, à râler... J'suis sûre qu'ils se liguent ! »
D'autant que si celui de Marius le pensait incapable de bouger sans avoir un accident... Inutile de dire que ça sentait très mauvais pour lui. En guise de soutien, je lui tendais mon poing fermé avec un regard déterminé. On allait la remonter la pente, même si on devait galérer, y aller à petits pas ou se casser la gueule plusieurs fois, on allait y arriver. Suffisait d'avoir foi en nous-même. Et rien que ça, c'était déjà une étape à franchir. Alors que Marius avait posé nonchalamment ses jambes sur les miennes, je tapotais distraitement dessus pour m'occuper les mains. Et le fourbe me retira mon jouet en se redressant, grimace comprise, pour remettre son t-shirt. Alors qu'il me prenait par les épaules pour me coller un baiser sur la joue, je me pelotonnais contre lui sans la moindre pudeur. De toute manière il n'y avait que nous dans cet appartement, et on pouvait bien pensé ce qu'on voulait d'une telle situation : pour Marius et moi, les choses étaient claires et limpides. Et puis il commença à sous entendre la connerie du siècle, les prémices de l'Apocalypse, la fin d'un monde de paix et le début d'une guerre thermonucléaire... Bon sang, Marius Caesar, es-tu en train d'envisager que toi et moi nous vivions sous le même toit ? Je me redressais et lui lançais un regard suspicieux avant de répondre.
« T'es sérieusement en train de me proposer d'habiter chez toi ? Un genre de... Coloc de l'enfer ? Et tu consentirais à me prêter la chambre de ton frère ? Si ça c'est pas un honneur... Je suis flattée ! »
J'esquissais un sourire amusé, tout en réfléchissant aux conséquences d'un tel choix. Je n'avais plus de maison, pas l'intention d'acheter un appartement où je me retrouvais seule tous les soirs, et je culpabilisais d'imposer mes crises d'angoisse à mon père et Malachi. Mais pouvais-je infliger ça à Marius sans culpabiliser à nouveau ? D'un autre côté, il était à peu près dans le même état que moi, alors... Deux abrutis complètement cassés pouvaient peut-être se réparer mutuellement ?
« Plus sérieusement... C'est tentant. Ca va te paraître con, mais je peux plus rester dans un appartement vide toute seule plus d'une journée, ça m'angoisse et je me met à paniquer, alors... Puis bon on est dans le même état, toi et moi, on se comprend... Et puis je pense que toi aussi tu m'empêcheras de faire des conneries. Et je sais déjà que tu te rinceras l’œil aussi, parce que je compte pas m'habiller comme une bonne sœur ! »
A mon tour je lui fis un clin d’œil, revigorée par tout ce que nous nous étions dit depuis que j'avais mis les pieds dans son appart. Quelque part, je me sentais déjà mieux à l'idée de pouvoir encore une fois compter sur mon meilleur ami, d'avoir la certitude d'avoir un toit sur la tête le soir venu et de ne pas lui filer la migraine comme à Malachi qui voyait tant d'émotions défiler chez moi que je devais ressembler à une guirlande de Noël pour lui. Je n'eus même pas le temps de remercier Marius pour sa proposition qu'il se relevait et enchaînait sur le gâteau en me proposant à boire. Clignant des yeux à plusieurs reprises, attendant qu'il me dise ce qu'il avait dans son frigo avant de répondre, je me retournais en me mettant à genoux sur le canapé comme une gosse de six ans. C'est en voyant Marius pâlir et se tenir au plan de travail que je me levais d'un bon pour le rejoindre, prête à le réceptionner s'il commençait à perdre l'équilibre. J'allais lui demander s'il était sûr d'aller bien, mais sa question me fit plus rire qu'autre chose.
« Ah berk non ! Pas de mayonnaise ! Y a vraiment qu'un français pour aimer cette horreur ! Nan mais du jus d'orange ça me va bien ! Va donc t'asseoir, j'apporte ça ! »
Je le poussais alors doucement vers le canapé pour qu'il se rassoit au lieu de faire des folies de son corps. Retournant à la cuisine, je commençais à fouiller dans les placards, m'emparais d'un verre Mickey et d'un autre Donald pour les remplir de jus de fruit et les ramener au salon.
« T'as l'air crevé, et puis il faut bien que je commence à me familiariser avec ton chez toi, si j'y vis ! Merci, au fait... Je t'en demande beaucoup, et ça va sûrement te soûler plus d'une fois de m'avoir ici. Promis j'essayerai de me faire toute petite quand tu auras du monde et je ne jouerai pas de violon jusqu'à trois heures du matin. »
Je lui tendis son verre pour trinquer.
« J'espère que le gâteau ne va pas tarder, je meurs de faim ! Il est pas à la fraise, j'espère ? Parce que autant moi j'aime ça, autant toi... Si je me souviens bien tu es allergique non ? »
Ça aurait été paradoxal de sa part, de toute manière. Quoi que Marius était un peu paradoxe, quand on y réfléchissait.
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Jeu 11 Aoû 2016 - 11:49
You believe what you see...
Moira & Marius
Ne pas craquer. Ne pas céder. Ne pas s'effondrer. Et sourire. Et rire. Et se rire de tout, se relever, avancer vers le gouffre sans jamais s'arrêter ou se débattre, ne pas tomber à genoux, continuer à marcher, continuer à courir, continuer à vivre. Il faut que je garde ça en tête, vraiment, il faut que je puise dans ma volonté pour ignorer cet ultimatum qui plane sur ma tête. Parce que me faire tirer dessus par mon père, je peux m'en relever. Il faut que j'y croie. Parce que le jour où j'arrêterai d'y croire… et bien ce sera le jour où j'arrêterai de raconter des conneries. Ce qui n'est clairement pas encore le cas, puisque je complimente avec un aplomb parfaitement mariusien la poitrine de Moira. En même temps, il y a de quoi complimenter, m'est avis, surtout vu mon angle de vue. « Toutes mes excuses, blondie, je ne voulais surtout pas te vexer en prétendant qu'il t'arrive de penser ! Et puis j't'en prie, t'as qu'à me dire de quel couleur est mon soutif', tant qu'on y est ! Tu sais il paraît que j'ai de jolis eux, aussi... » J'éclate de rire, rire qui se transforme en grimace avant que je n'aie pu lui dire que le rouge de son soutif' est tout bonnement ravissant. Mais allez, Marius, n'y pense pas, tu as peut être mal mais ce n'est qu'une douleur passagère, tu vaux mieux que ça, tu vaux mieux que ça. C'est ce dont il faut que je me convainque, parce que je n'ai pas le choix. Alors j'éclate de rire. Parce qu'il n'y a rien d'autre à faire.
Et je la laisse me foutre du truc pour les cheveux sur le torse, parce que ça l'amuse, parce que je n'ai pas vraiment de raison de refuser et parce que ça m'amuse de l'emmerder sur le sujet. Une grimace, je jette un coup d'oeil au carnage qui massacre mon torse à deux emplacements. Là où la balle m'a touché, avec chair déchirée et brûlure, et là où les chirurgiens m'ont opéré pour la retirer, plaie bien plus propre. « C'est vrai ça, elle est où ta toison d'homme viril des caverne ? T'en fais pas, j'ai pas l'intention de te faire des bigoudis, juste de profiter de la situation pour tripoter tes tablettes de chocolat ! » J'hausse les sourcils de manière suggestive dans un « Pourquoi ça ne m'étonne pas, tiens… » agrémenté d'un toujours aussi large sourire.
Large sourire qui ne dure pas lorsque sans que je ne comprenne trop pourquoi, la discussion bascule sur Astrid. Que j'ai plaquée. Larguée. Lâchée. Laissée. Je ne sais pas quel mot convient le mieux, mais je suis certain, ou presque, que ma décision est la meilleure qu'il soit. Eloigner Astrid, c'est agir en adulte responsable, c'est être lucide quant à la tournure des choses dans les vingt-quatre mois à venir. Vas-y Moira, hausse les épaules si tu veux, mais je n'admettrai jamais être de mauvaise foi donc c'est mort. Et si tu insistes… je m'énerve, je commence à m'énerver et ma voix claque lorsqu'elle relance le sujet, avec cette violence verbale que j'ai hérité, semble-t-il, de mon connard de paternel. « Ok, ok j'arrête... Désolée, je voulais pas t'énerver... C'est juste que... J'm'inquiète pour toi, voilà. Oui ça fait petite vieille et j'suis pas ta mamie mais je peux te filer des coups de canne quand même ! » J'hausse les épaules. Elle a compris, c'est le principal, je ne peux pas m'empêcher de bougonner un « Pas grave, c'est juste que tu es pas la première, et que j'aimerais qu'on me fasse un peu confiance là dessus, je sais ce que je fais, vraiment. » Oui, vraiment.
Elle termine de faire mon bandage, on change de sujet et l'affaire est classée. Et on rechange de sujet, parce que je n'ai pas trop envie de parler de Martial maintenant, pas vraiment. Parce que mon frère… je le perds, clairement, sans trop savoir pourquoi ou plutôt sans trop savoir quoi faire pour éviter ça. Alors autant parler de gâteaux, autant parler de cadeaux, autant parler d'anniversaire, de ses trente ans, d'overdose de sucre et de marshmallow en quantité. Et mieux encore, autant revenir sur le sujet intarrisable de mon extrême sexitude, sur laquelle sans trop avoir de doute, j'en fais des tonnes parce qu'il paraît que c'est mon principal atout. Et puis… et puis voilà, à faire exploser des paillettes, on rend moins visible ce qu'il y a derrière. Et à raconter des conneries, on distrait le reste des gens. « Méfie-toi, tu risquerais au contraire de rendre tes patientes aveugles, à trop les éblouir ! Quoi que... P'tet bien que la blouse blanche t'irait ? » La blouse blanche, vraiment ? « J'avoue que je dois être super sexy en blouse blanche ! Tu m'imagines, avec des lunettes, un stéthoscope autour du coup. Alooors ma jolie, on a mal aux yeux ? Ralalah… j'ai loupé ma vocation ! » Je me lamente, je fais semblant de me lamenter plutôt, tout en cherchant sur mon téléphone de quoi commander un gâteau acceptable pour une amie comme Moira. Et, nonchalemment, je laisse mon cerveau de côté et fais l'erreur de poser une question beaucoup trop sérieuse. Comme quoi, mon père a laissé davantage de marque que deux cicatrices, mon cerveau choqué se fait plus raisonnable et plus mature même dans son inconscient. Qu'est ce qu'elle va faire ? Elle a vendu sa maison, tente de se reconstruire. Comme moi. Sauf que je n'ai pas vendu mon appartement. Et moi, qu'est ce que je vais faire ? Haussement d'épaules à l'appui, je préfère ne pas trop m'attarder là dessus. Vraiment. Ce que je vais faire ? Tenter de me reconstruire, aussi, tenter de me relever, tenter de survivre à des parents qui, de toute évidence, veulent ma mort parce que j'ai des gênes défaillants. Sans compter que ma carrière est foutue, et que mon agent râle. Joie. « Sont chiant les agents, à râler... J'suis sûre qu'ils se liguent ! » Je souris, sans trop de conviction mais pour faire bonne figure, avant que mon poing n'aille heurter celui de Moira. Bien sûr qu'on va remonter la pente.
Et ça commence maintenant, avec mon tee-shirt qui glisse à nouveau sur mes abdos pour cacher le pansement, avec un bisou fraternel claqué sur la joue de Moira, avec une proposition qui dépasse ma pensée mais qui, pourtant, tient quand même un peu la route. Je crois. Mais qui sonne aussi, voire surtout, comme les trompettes des anges de l'Apocalypse. « T'es sérieusement en train de me proposer d'habiter chez toi ? Un genre de... Coloc de l'enfer ? Et tu consentirais à me prêter la chambre de ton frère ? Si ça c'est pas un honneur... Je suis flattée ! » Je lui tire la langue. « Je peux toujours revenir sur ma proposition, hein… mais ouais, une coloc de l'enfer, genre cocktail molotov, Moira et Marius sous le même toit, tout ça tout ça… » Ca sent comme une grosse connerie, oui, oui, mais… mais en même temps… je repense à ma discussion avec Aspen et à ma solitude brûlante lorsque je suis rentré de l'hôpital sans avoir voulu prévenir qui que ce soit. « Plus sérieusement... C'est tentant. » J'éclate de rire. « J'espère bien, sinon j'aurais été ultra vexé ! » « Ca va te paraître con, mais je peux plus rester dans un appartement vide toute seule plus d'une journée, ça m'angoisse et je me mets à paniquer, alors... » Je ris bien moins d'un coup, en me mordillant la lèvre. Je ne suis pas tout à fait dans le même état, mais vu mes cauchemars et mes hurlements la nuit… bon jour le cas social… « Puis bon on est dans le même état, toi et moi, on se comprend... Et puis je pense que toi aussi tu m'empêcheras de faire des conneries. Et je sais déjà que tu te rinceras l’œil aussi, parce que je compte pas m'habiller comme une bonne sœur ! » Son clin d'oeil m'arrache un nouvel éclat de rire, Marius-tout-sourire-le-retour, un peu forcé mais bon. « Et pourtant, tu es bonne, pour une presque-sœur... » Je réponds d'un clin d'oeil moi aussi, incapable de me taire et de ne pas saisir une aussi belle perche. « Bref, donc voilà, si ça te dit, bah… le temps que je range un peu et tu pourras emménager. En revanche, je… je suis potentiellement insupportable, hein, garde ça en tête ! » Et je suis extrêmement sérieux dans mon inquiétude à ce propos. Je l'ai dit à Aspen, je ne pense pas être très colocable, dans les faits, mais… on peut toujours essayer. Et si Moira me supporte, peut être que si je survis, si Astrid est toujours là, si… si, si, si, et bien ça pourra coller entre nous. Entre elle et moi. Comme un vrai couple. Moira, je ne te le dis pas, mais tu vas avoir le rôle d'un crash-test, en vrai.
Je prends mon inspiration, avant de me lever et de grogner, avant de partir en direction de ma cuisine dans l'espoir de lui trouver quelque chose à boire le temps que son gâteau arrive. Appuyé au plan de travail, je pâlis instantanément, en relevant les yeux vers le coin de la pièce où se trouvait mon père quelques jours plus tôt. Merde. Souffle. Inspire. Expire Marius. Je ferme les yeux avant de me forcer à ouvrir le frigo, sans tenir compte de Moira qui s'est précipitée dans ma direction. Allez, zoup, rien ne s'est passé, on n'a rien vu, buvons du wasabi mélangé à du jus d'orange et tout ira bien. « Ah berk non ! Pas de mayonnaise ! Y a vraiment qu'un français pour aimer cette horreur ! Nan mais du jus d'orange ça me va bien ! Va donc t'asseoir, j'apporte ça ! » Hein ? « Non, non, c'est bon, ça va, laisse… Moira... » Elle me pousse vers le canapé, je n'ai pas la foi de me battre pour ça et la douleur qui a fait suite à mes pompes est bien encore trop présente pour que je me débatte efficacement. Je ne m'assois pas, en revanche, je me contente de m'appuyer au canapé, dos à la télé, face à Moira, pour mieux la regarder fouiller dans mes placards. Non sans que ça me crispe légèrement à la voir ainsi prendre ses aises. Mais je vais m'y habituer. On y croit. « T'as l'air crevé, et puis il faut bien que je commence à me familiariser avec ton chez toi, si j'y vis ! Merci, au fait... Je t'en demande beaucoup, et ça va sûrement te soûler plus d'une fois de m'avoir ici. Promis j'essayerai de me faire toute petite quand tu auras du monde et je ne jouerai pas de violon jusqu'à trois heures du matin. » J'ai un petit sourire lorsqu'elle me tend mon verre et que je l'attrape, non sans jeter un regard plutôt critique à la tronche du jus d'orange… qui a peut être tourné d'ailleurs. « bouarf, j'suis pas crevé, juste un peu… voilà, rien de grave, t'inquiète. Et tu comptais apporter ton instrument de l'horreur ici ? » Je simule l'étonnement et l'effroi les plus complets. Mais pas plus d'une seconde. « Non, je plaisante, si tu n'as rien contre mes excentricités et mes hurlements nocturnes, tu peux apporter ton crincrin. Et puis, je suis immunisé au violon à trois heures du mat', avec Martial même s'il n'a pas touché son archet depuis des années… » J'ai acquis des compétences exceptionnelles pour imiter le cri du cochon qu'on égorge, une technique imparable pour décourager Martial. « J'espère que le gâteau ne va pas tarder, je meurs de faim ! Il est pas à la fraise, j'espère ? Parce que autant moi j'aime ça, autant toi... Si je me souviens bien tu es allergique non ? »
Je la foudroie du regard. Pour commencer à bouder en croisant mes bras sur ma poitrine. « Pas aux fraises, aux fruits rouges… et nan, je ne suis pas stupide à ce point tout de même ! Je viens de sortir de l'hôpital, pas envie d'y retourner maintenant... » Et qu'elle ne s'hasarde pas à en rire, c'est clairement pas drôle. « M'enfin, je t'ai dit, une heure ! Désolé pour le jus d'orange périmé, j'ai vraiment plus rien à bouffer. Mais je te rappelle que... » Je rends mon verre, pas bon, pas bu, à Moira avant de m'appuyer de ma main valide sur le dossier du canapé que je contourne avec précaution. J'accroupis dans une grimace pour ouvrir l'un des tiroirs du meuble et exposer mes – certainement – trop nombreux jeux. « Tu ne voulais pas prendre ta revanche à Marius Kart ? Il paraît qu'il est plutôt sexy comme mec, avec une moustache en plus... » Je lui lance la boite, avant de continuer à parcourir les boites. « Sniper sinon ? Ou on se fait un petit… hum… tu veux jouer à quoi ? »
Je me relève dans une grimace que je tente vraiment de cacher, sans grand succès, avant de me traîner jusqu'au canapé et de m'y allonger. « En fait, vu que c'est ton anniversaire, choisis ! Dans tous les cas je vais t'exploser j'en suis sûr ! Je te parie… euuuh… un massage que je t'explose au premier jeu que tu choisiras ! » Un après-midi devant la console, avec sa meilleure amie ressuscitée et un gâteau au chocolat… c'est tout de même mieux qu'un aprèm devant la console et… et puis c'est tout.
Sujet: Re: You believe what you see |Momorius Dim 11 Sep 2016 - 18:45
You believe what you see...
Moira & Marius
Pourquoi ça ne l'étonnait pas, que je veuille profiter de la situation pour lui tripoter les abdos ? Peut-être parce que cet enfoiré était fichu comme un dieu grec et que ça aurait franchement été du gâchis de me contenter de regarder ? Y avait pas à dire, le hand ça vous sculptait un corps pas dégueu, et ça avait un bien meilleur aspect que le ventre à bières de certains. Pourtant... Ses grimaces ne m'échappaient pas. Marius avait clairement l'air de souffrir de ses blessures, et quelque chose dans son regard me laissait penser qu'il n'y avait pas que la douleur physique qui le faisait grimacer ainsi. Il y avait quelque chose de plus profond, de plus sournois... Quelque chose que je voyais pour l'avoir observé maintes fois quand nous étions gamins. Ça, ce regard-là, c'était celui du Marius qui essaye de jouer les bad boy quand il a juste envie de fondre en larmes mais qu'il ne sait pas dans les bras qui se jeter. Celui d'un gamin qui aurait voulu pouvoir nicher son visage dans le cou de sa mère en pleurant, ou de croiser les bras en affirmant à son paternel qu'il ne se laisserait pas faire. Pourtant, j'étais loin de me douter de ce qui le travaillait vraiment. Naïvement, je pensais qu'il s'agissait de son histoire avec Astrid, que ça devait le remuer, ou que sais-je encore ? Et, parce qu'il m'avait demandé d'en parler, je n'ajoutais rien. Je me contentais de constater avec une certaine tristesse qu'il gardait bien trop de choses pour lui, et qu'un jour il finirait pas exploser.
Ainsi donc, je n'étais pas la première à lui parler ? Ni à lui dire qu'il avait merdé ? Je n'ajoutais rien, mais j'avais un peu de mal à le croire lorsqu'il affirmait savoir ce qu'il faisait. Rompre avec la femme de sa vie et mère de son second enfant, j'avais du mal à comprendre en quoi c'était savoir ce qu'on fait. Et je me disais finalement qu'il valait mieux ne pas le lancer sur le sujet... Amère comme je l'étais, j'aurais pris le risque de lui hurler au visage qu'il avait la chance d'avoir une copine qui l'aimait et d'être père, quand je regrettais chaque jour un peu plus d'avoir perdu l'homme que j'aimais et toutes mes chances de fonder un jour la famille à laquelle je rêvais depuis le jour de ma rencontre avec William. Alors je me contentais de hocher la terme et de terminer son bandage. Autant passer là-dessus, ne pas nous disputer alors que j'étais plus qu'heureuse de l'avoir retrouvé. Raconter des conneries, ça nous allait quand même vachement plus, et j'éclatais de rire.
« Oh mon dieu non... On dirait un personnage cliché dans Grey's Anatomy, reconvertie-toi là-dedans, tu feras un malheur ! »
Et puis, de fil en aiguille, nous en vînmes à parler de... De colocation ? Réellement ? Genre Marius Caesar et Moira Kovalainen sous le même toit ? Etait-ce vraiment une bonne idée pour la survie de l'humanité ? Pas sûr, mais pour nous en tout cas, c'était une sacrément chouette idée. En réalité, maintenant qu'il en parlait, je sentais un poids quitter ma poitrine. Depuis le début du mois de juin, je n'appréhendais qu'une chose : me retrouver seule dans un appartement vide. Je redoutais plus que tout d'aller me coucher en me sachant seule, de me lever sans avoir qui que ce soit à qui parler, de me réveiller en pleine nuit sans que quelqu'un soit là pour me rassurer... C'était bête à dire, mais étant dans le même état que Marius, j'avais le sentiment que vivre ensemble pendant un temps nous aiderait à remonter les pente. Bon... Je savais d'avance qu'il me taperait parfois sur le système, ou que je finirais par le soûler, mais nous étions humains, et avant tout amis à la vie... Comme à la mort, ce qui était plutôt ironique étant donné mon retour d'entre les morts. Et alors que j'ajoutais avec malice que je ne comptais pas m'habiller comme une bonne sœur pour lui, sa réflexion me laissa sans voix. J'écarquillais les yeux, à la fois surprise par une telle spontanéité, et pas le moins du monde étonnée d'entendre Marius dire ça. Je lui donnais une petite tape sur l'épaule en riant à mon tour.
« Mais que t'es con, Caesar ! Et on ne dit pas « t'es bonne », on dit « elle est belle, la dame ! » sois poli, un peu ! »
Une presque sœur... Ça... Fallait bien admettre que ça me touchait, malgré le caractère très humoristique et provocateur de sa réflexion. Ça ma touchait car quelque part, et il valait mieux qu'Artur ne l'apprenne jamais, je considérais un peu Marius comme un deuxième petit frère, le petit frère turbulent, intenable et pour lequel j'aurais sans difficulté remué la Terre entière pour l'aider. Marius, c'est le petit frère que j'aurais pu avoir, avec qui nous aurions fait les 400 coups – quoi qu'à peu de choses près, c'était le cas. Artur... C'est le petit frère que j'avais, que j'aimais sincèrement, et comme personne d'autre, le petit frère que je tentais de protéger, d'approcher, de chérir, sans pouvoir réellement l'atteindre. C'est le petit frère qui me filait entre les doigts ou me brûlait de sa rancœur lorsque je tentais de le prendre dans mes bras. C'est le petit frère que j'aimais malgré nos divergences, malgré sa haine vis à vis de ma mutation... Malgré bien des choses. Parce que je savais qu'au fond se cachait une autre personne que celle qu'il vendait au commun des mortels. Pour chasser mes mauvaises pensées, j'esquissais un sourire.
« Toi ? Potentiellement insupportable ? J'en crois rien du tout, tu es adorable, calme, posé, poli... Un vrai petit ange, quoi ! Donne-moi jusqu'à demain et je débarque avec ma garde robe de princesse et mes peluches ! Et mon violon. Parce que définitivement, t'y couperas pas. »
D'ailleurs, je coupais pas à sa remarque à ce sujet lorsque je lui ramenais à boire. Si j'avais l'intention de ramener mon instrument de l'horreur ? Et comment ? Violoniste, c'était mon métier, et m'acharner sur des traits d'une difficulté à faire pleurer avait quelque chose de cathartique... Lorsque je ne me sentais pas bien, il me suffisait d'aligner quelques notes de Paganini, et mon esprit se vidait, concentré uniquement sur le son, la rigueur des coups d'archet et la régularité de mes doigts. Alors du violon, il allait en bouffer. Heureusement pour lui, j'étais loin, très loin de débuter. Les débuts, c'est Artur qui les avait subit, et il ne devait pas en garder un très bon souvenir...
« T'en fais pas pour les hurlements nocturnes, je pense qu'on se relaiera... Et puis je viendrais te bercer pendant la nuit ! »
Là-dessus, je plaisantais qu'à moitié. J'avais passé mon enfance et mon adolescence à rassurer un petit frère sujet aux terreurs nocturnes, je savais à quel point le contact humain était important dans ces cas-là. Mais bon ça, je ne le précisais pas et me contentais de lui tirer la langue lorsqu'il estima nécessaire de préciser qu'il était allergique aux fruits rouges et pas seulement aux fraises.
« Aux fruits rouges, pardon, Votre Majesté ! T'es vraiment mal fichu, dis donc ! »
Si tu savais Moira... Si tu savais que les fruits rouges sont le cadet de ses soucis à côté de son cœur... Pour l'heure, le plus dramatique restait le jus d'orange périmé... Yeurk ! Y avait donc personne pour lui remplir son frigo ? Il se nourrissait de quoi, le blondin aux abdos d'acier ? D'amour et d'eau fraîche ? Je levais les yeux au ciel, le poussait pour me faire une place dans le canapé et attendis qu'il ramène sa boîte de jeux vidéo, dans laquelle avaient été fichus en vrac une collection de cartouches et disques divers et variés. Eh bah pour le rangement, on verrait plus tard ! Je le regardais en haussant un sourcil avant d'éclater de rire.
« C'est dingue, tu carbures toujours à 1000 kilomètres heure ! Zen, Marius ! Pas besoin de t'exciter, je sais que ça va être difficile d'encaisser une défaite face à une fille, mais ça va bien se passer ! » Répliquais-je avec un clin d'oeil.
J'attrapais les cartouches qu'il m'avait balancé et optais finalement pour le second Street Fighter. Du bon, du old shool, exactement ce qu'il nous fallait.
« Aller hop ! Balance ça, et on verra bien lequel de nous deux l'emportera... Si tu gagnes, j't'envoie au 7ème ciel en te massant les épaules, mais comme j'ai l'intention de gagner... »
J'attrapais une manette, m'installais en tailleur dans le canapé et eus soudain l'impression d'avoir à nouveau quatorze ans. Elle était loin, cette époque ! Celle où mon principal problème était d'apprendre le français, de me faire des amis au collège et d'apprendre le français... Et pour Marius... A cette époque, son principal problème, ça n'avait pas l'air d'être les accidents ou les copines enceintes mais plutôt les parents ratés. Et autant j'avais fini par réussir à me passer du français, autant dans son cas, ça n'avait pas l'air d'avoir trop changé.