13 ans « Little lion girl »

Sa main se glissa dans une poche, dans une habilité rodée par l'habitude. Le tout sans que sa victime du jour ne sente quoi que ce soit. Sa prise fut bien vite cachée sous sous ses vêtements. Seul l'argent liquide l'intéressait, voire quelques bijoux aussi. Même si ces derniers se révélaient bien plus rares. Malhonnête, certes, mais ça aidait à mettre de la nourriture sur la table. Alors les policiers avaient beau avoir l'ensemble de la fratrie dans leur ligne de mire, elle s'en fichait, trouvant souvent un moyen de se débarrasser des preuves, ou des objets avant de se faire attraper. Même si  Maria avait déjà eu droit à quelques paires de baffes et des brimades par les officiers. Peut être que son manque de respect avait du jouer aussi. A toujours traîner un peu partout, elle avait croisé assez de personnes méprisant « la sale gosse » qu'elle était, pour posséder un répertoire à l'ironie grinçante. Cela l'avait-elle corrigée ? Non. La rue était une bien plus cruelle maîtresse que ces hommes.

Son regard croisa l'un des adolescents du bidonville et elle releva fièrement le menton, bien loin de se soumettre. D'une manière ou d'une autre, tous les enfants du quartiers se connaissaient, et la réputation de la fratrie la précédait. Seul fille des enfants Velasquez à pouvoir se balader librement, elle ne faisait pas honte à ses frère. Du moins les deux restants, pas celui qui les avait abandonnés trois ans plus tôt. Lui, il pouvait bien aller se faire voir. L'admiration, à la limite de l'adoration qu'elle avait à son égard s'était transformée en rancune. Un sentiment de trahison qu'elle ne parvenait pas à effacer. Sûrement parce qu'elle continuait de l'aimer, dans le déni le plus total. Sa fierté l'empêcherait de le reconnaître de toutes manières.

Malgré son minuscule mètre vingt, la Colombienne savait encaisser et rendre les coups. Une véritable petite  sauvageonne. Des combats inégaux et loin d'être loyaux, toutefois, vu sa carrure de crevette, elle faisait avec ce qu'elle avait sous la main. Enrager ses adversaire, se faire sous-estimer. Comme quoi, être une fille pouvait avoir de sacrés avantages. La séduction et la retenue ? Très peu pour elle, merci bien. Puis, il fallait avouer que pour le moment, elle n'avait rien de très féminin. Il suffirait de lui couper les cheveux à la garçonne, pour que la supercherie marche. Bon, ça donnerait un adolescent au traits plutôt fins, mais ça ne détonnerait pas plus que cela, ni ne soulèverait de questions.

Toutefois, la petite brune s'éloigna rapidement, rejoignant son jumeau à quelques mètres. Il n'y avait aucune raisons de chercher les ennuis, à quoi bon se fatiguer ?  Ils retrouveraient le reste de la famille plus tard. Ce temps à deux lui convenait parfaitement, d'autant plus que Sebastian était le seul au courant de sa particularité. Quand elle comprendrait un peu plus, elle en parlerait à Julian aussi. Mais pour le moment, elle en laissait l'exclusivité à son jumeau, comme d'habitude. Enfin, ce n'était pas comme si elle réussissait à faire léviter quoi que ce soit, ou créer des flammes. Rien d'exceptionnel, un simple mur invisible, aussi fin que du papier qui lui collait à la peau. Une protection qu'elle pouvait étendre un peu, jusqu'à englober son frère, malgré la sensation assez étrange.


17 ans « Well hate is Gasoline, A fire fuelling all my dreams »

Son regard noir tomba sur la silhouette de son frère. A terre. Roué de coups, et recouvert de son propre sang. Ce qui n'avait rien d'un travail propre. Les épaules de la jeune femme tressautèrent dans un tic nerveux. Son monde sembla s'ébranler un moment. Comme un tremblement de terre dévastant sa raison sur son passage. Aussi idiot que cela puisse paraître, Sebastian était son ancre, celui qui l'empêchait de sombrer. Ca paraissait cliché au final, mais terriblement vrai. Tout le long du trajet jusqu'à l'hôpital, la jeune femme récita l'ensemble des prières qu'elle connaissait. Si elle n'était pas une sainte, elle suppliait pour la vie de son frère, que tout puisse redevenir comme avant. Des larmes traîtresses lui piquèrent les yeux, dévalant ses joues sans qu'elle ne puisse contrôler quoi que ce soit. Les frais seraient exorbitants, à n'en pas douter. Mais elle trouverait un moyen, peu importait lequel. Et elle le vengerait. Chaque soir, elle lui rendait visite, se rassurant au son des battements de son coeur. Mais le silence pesant continuait de la broyer, d'alimenter son besoin de violence. 

La haine balaya le reste. Une vague puissante, destructrice. Pour la première fois, elle perdit complètement les pédales. La traque avait commencé, le prédateur devenant la proie. Le Hunter avait traité Sebastian comme un vulgaire animal, pire même. Maria lui retournerait la pareille avec plaisir. On disait que la vengeance était un plat qui se mangeait froid/ Maria, elle l'avait mitonnée. Elle avait fait les choses lentement, détruisant chacune de ses relations, le rendant paranoïaque. Elle prenait son temps, savourait. Maria le rendait dingue. Pas à pas. Le Hunter subirait la douleur de son jumeau, en démultiplié. Elle serait la comme l'ombre qui hanterait ses cauchemar. La corde qui se resserrerait autour de son cou dans une étreinte mortelle. Cela prit des semaines, et quand elle perdit patience, elle le massacra. Tout simplement. Si tout le procédé pour le mettre aux portes de la folie fut méticuleux, l'acte en lui même releva de la violence pure. Faire dans la dentelle n'avait plus aucune utilité. Julian arriva trop tard, et la retrouva, totalement ensanglantée. Le corps de l'homme à ses pieds, dont le visage était méconnaissable. Elle ne chercha pas à s'expliquer, encore moins à s'excuser. Ses seuls remords allant vers son jumeau, de ne pas avoir été là pour le protéger. Que ce soit elle qui bénéficie de ce bouclier invisible et pas lui. C'était de sa faute à elle, s'il se retrouvait dans un tel état. Une culpabilité qui la bouffait silencieusement.

-Il faut que je rentre. Je dois me préparer pour passer à l'hôpital avant que les visites ne se terminent.  

Elle regardait son aîné avec calme, comme s'ils se retrouvaient devant un repas habituel, et non devant un remake de film d'horreur. La Colombienne fronça légèrement le nez face au sang qui commençait déjà à séché sous la chaleur étouffante malgré la fin de journée qui s'annonçait. Oui, il fallait nettoyer tout ça aussi. Ses vêtements étaient foutus avec toute l'hémoglobine incrustée. C'était... agaçant. Aurait-elle dû ressentir des remords ? De l'aversion pour ce qu'il venait de se passer ? Sûrement aurait dit un psy. Elle, elle ne ressentait pas grand chose. Juste la vague satisfaction d'un travail terminé. Un dernier coup d'oeil vers l'extérieur et un soupir lui échappa. Oui, elle risquait vraiment d'être en retard.


21 ans « One, two, three, four, few step before, you become a soldier »

Sa respiration se ralentit, toute son attention focalisée sur sa cible. Le calme l'envahit. Plus rien d'autre ne comptait. Elle laissa l'homme s'avancer, jusqu'à ce qu'il soit assez dégagé. Puis son doigt s'enroula autour de la gachette, sans hésitation. Une balle en pleine tête, mort immédiate. La Colombienne ne perdit pas de temps à observer les autres s'agiter en contre-bas,rangeant son arme et ne laissant aucune trace derrière elle. La mission accomplie, elle n'avait plus rien à faire là. Le retour à la maison s'annonçait plus proche que jamais, suffisant pour lui arracher un petite sourire satisfait. Si dans son unité, Maria pouvait se retrouver en infiltration pendant de longue périodes, sa préférence se portait vers ses capacités de sniper. Des gestes mécaniques, sûrs. Rassurants. Inconsciemment, elle suivait les traces de son plus vieux frère. Aucun doute que ça l'aurait fait grincer des dents, si quiconque commençait à les comparer. Malgré les années, une petite part d'elle continuait de lui porter rigueur de son absence. Surtout de son silence en fait. L'argent ? Elle s'en foutait royalement. Avec les autres, ils avaient su se débrouiller sans lui. Mais donner des nouvelles ne lui auraient pas arraché un bras non plus. Enfin, surtout pour les parents.

Le rapport qui s'annonçait, en revanche, ne lui plaisait pas plus que cela. Maria tenait la paperasse en horreur. Et encore, le mot était faible. Qu'on l'envoie dans une poudrière, jouer la parfaite petite femme naïve et fragile, d'accord. Mais remplir des papiers qui n'en finissait jamais... Déjà qu'elle avait dû apprendre sur le tard... Toutefois, pour la soirée, elle pouvait bien se permettre de se détendre, non ? Autant aller sur le territoire ou s'étendait l'influence de ses frères.

L'attention se portait rapidement sur la seule femme d'un groupe d'hommes qui occupait le bar. Des anciennes connaissances du quartier. Minuscule, presque maigre si on la comparait à ceux qui l'entourait. On pourrait presque l'oublier, personne ne méfierait d'elle à première vu. Elle ne serait qu'une brindille de plus qui se ferait sûrement briser à la moindre bagarre. Il se demanda l'espace d'un instant ce qu'elle faisait là. Pourtant, son expression l'arrêta net. Ferme, déterminé. Complètement assurée, comme si elle faisait parti de ceux qui possédait cet endroit. Le quartier dans son intégralité. L'attitude d'un prédateur qui analysait tranquillement son environnement. Un fin sourire étira ses lèvres lorsqu'elle croisa le regard de l'homme. Moqueuse, presque amusée par son air étonné. Un nouveau jeu qui s'annonçait.



26 ans « Go to Hell, for Heaven's sake. »

La colère, de nouveau. A croire que cette émotion devenait une fidèle compagne. Une haine viscérale, qui lui rongeait les entrailles. Sûrement à cause de cet amour qu'elle ressentait encore pour lui, malgré tout. Les pires trahisons venaient de ceux que l'on aimait, et elle n'y échappait pas. Elle n'aurait jamais dû s'attacher à lui, pas de cette manière. Pas autant. Il l'avait doucement apprivoisée, suscitant son admiration, l'avait modeler pour qu'elle ne voit que lui de cette manière. Comment avait-elle pu se laisser avoir ? Tomber amoureuse... Quelle absurdité. Si plusieurs années auparavant, quelqu'un lui avait dit qu'elle souffrirait d'une telle situation, elle aurait franchement rigolé. Puis l'aurait fracassé, pour la forme. Franchement, la vie avait un sens de l'humour qui lui échappait. Mais Maria avait compris la leçon, maintenant, elle mettrait son coeur sous une carapace bien plus solide.

Maria releva ses yeux sombres sur son ancien amant, le traître. Un agent infiltré, spécialement venu des USA pour essayer de démanteler des quartels. Cinq ans sans qu'elle ne découvre qui il était vraiment. Ironique lorsqu'on savait décrypter les mensonges et les émotions. L'amour rendait aveugle, visiblement, ça se révélait véridique. Si seulement il n'avait fait que la tromper, mais non. Il avait visé bien plus haut. Ses frères. Deux des quatre hommes de sa vie. Dont son jumeau. Celui pour qui elle avait déjà commis le pire, sans aucune once de remords. La manipulant pour ses propres intérêts. Son regard traduisait tout son ressentiment. Toute sa douceur, envolée, ne laissant qu'une certaine froideur. Le visage impassible, elle rassembla ses affaires sans un mot, pour une fois sans éclater. Pas de hurlements, ni de crises. Un manque de réactions qui lui ressemblait bien peu.

-Ne t'approche plus de moi. Ni de ma famille. Tu dégages et tu disparais de nos vie.

Avertissement, menace. Du pareil au même. Pourtant le fait qu'elle ne lui ait pas collé une balle en pleine tête dès qu'elle avait appris la nouvelle signifiait beaucoup. Malgré toute sa rancune, une part d'elle l'aimait encore. Même si elle la réprimait et voulait l'effacer. Elle lui laissait une chance de partir, de laisser sa fratrie tranquille. Sinon... Et bien sinon elle devrait éradiquer la menace. Point barre. Maria avait horreur de faire ça, se mêler de ce genre d'affaires. Mais elle n'hésiterait pas pour eux.

Puis la brune tourna les talons. Pas de dernier regard, ni de larmes. Non surtout pas. Elle se raccrochait férocement à sa fierté pour ne pas s'effondrer. Que ce soit devant lui ou ailleurs. Peut être avec Sebastian, personne d'autre. Mais elle ne préférait pas y penser. Faire le vide et retrouver des gestes mécaniques. L'effacer complètement de son existence.

30 ans, « Hello brother, long time no see... »

La jeune femme rejoignit son appartement, bien heureuse du manque de caméra de surveillance dans le hall principal. Pas besoin de cacher son visage au moins. Un avantage sur lequel elle ne crachait pas. Elle ne laissait que peu de traces, prête à disparaître de nouveau dans la nature si le besoin se faisait sentir. Du moins, pour l'instant elle se contentait de tâter le terrain avant de retrouver sa cadette.

Maria alluma sa radio, animant l'appartement par de la musique latine De quoi alléger le silence pesant. Ca la détendait suffisamment, elle qui n'aimait pas tellement la télévision, ayant une mauvaise expérience grâce aux télénovélas. Ca l'avait rapidement faite fuir d'ailleurs. , avant d'abandonner son jean pour rester dans un simple T-shirt bien trop large pour elle. Un miaulement presque indigné attira son attention, et elle attrapa son chat, le calant dans ses bras avec une certaine tendresse. L'un des rares qui avait droit à autant de gestes prouvant son affection. De quoi jurer avec sa réputation dans son quartier natal. Mais bon... Comment résister à Chess aussi ?

Son regard sombre dériva sur l'extérieur. Radcliff, hm ? La Colombienne avait mené quelques recherches. Une politique anti-mutante, une quarantaine, le tout sans compter les dernières actions violentes. Un véritable terrain miné. Et c'était ici que sa petite soeur se trouvait ? Au moins Rosa se retrouvait sous la surveillance d'Alejandro. Enfin, elle l'espérait. La brune avait conscience que sa cadette savait se débrouiller seule, l'indépendance restant un trait commun de la fratrie Velasquez. Pour autant, le danger se faisait bien trop palpable en ville, d'autant plus avec cette concentration de Hunters bien trop élevée. Si d'habitude Maria les ignorait, tout simplement, le fait que des membres de sa famille puissent se retrouver impliqués changeait toute la donne. Pour le moment, la discrétion serait de mise. Elle retrouverait Rosa un peu plus tard. Alejandro aussi, au passage. Les retrouvailles familiales s'annonçait des plus agitées.