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| (fst - romarlie) i'll never forget you | |
| Auteur | Message |
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| Sujet: (fst - romarlie) i'll never forget you Lun 25 Avr 2016 - 16:13 | |
| Roman prend une grande inspiration. Le regard rivé sur la porte métallique devant lui, il attend une énième seconde, dans le silence, concentré, avant de s'avancer. Il ne sait pas qui va lui faire face dans cette pièce. Il n'a aperçu qu'une photographie, un visage neutre sur du papier glacé, un vulgaire prénom sur une fiche, celle-là même qu'il tient dans la main droite, rien de plus. Ses supérieurs ont évoqué un désir de neutralité, toujours. Ils recherchaient un homme de confiance pour faire le travail et Roman semblait être leur meilleur élément pour ça. La main sur la poignet, il la soulève vers le haut, débloque la sécurité, qui se désactive dans un claquement sec, avant de la rabaisser à la verticale. Là, la porte s'ouvre sur une pièce grise. Par endroit plus sombre qu'à d'autres. Le silence y règne en maître. Pourtant, un pas de plus permet au jeune Griske de se retrouver confronter à... une enfant. Une petite fille. Elle semble si minuscule, si différente en tout cas de ce visage éteint que lui a renvoyé la photographie un peu plus tôt. Son regard gris capture le sien en un instant. Roman sait que son physique accapare l'attention. Grand, élancé, les traits sévères, le teint presque livide par moment. Il peut faire peur, il déstabilise. Seulement, quelque chose s'est logé au cœur de ses prunelles, juste avant qu'il n'entre, et cette petite émotion qui transperce par son regard sur cette enfant apaise cette image singulière qu'il renvoie : de la curiosité. Depuis qu'il est arrivé dans cette unité, le jeune Griske découvre jour après jour des choses qu'ils ne pensaient pas imaginables. A l'âge de 22 ans, il a été transféré dans une unité inférieure où l'existence de personnes différentes, appelées « mutants », lui a été révélée. Au départ, il n'a pas voulu y croire. Ses supérieurs semblaient juste complètement fous quand ils osaient en parler librement, les traitant soit de tous les noms, soit les qualifiant d'armes inestimables, et dans ce flot continu d'informations et d'opinions contraires, Roman a manqué vite se noyer.
Alors, il a choisi de rester neutre le plus possible. Peu facilement impressionnable, Griske cherche à se faire sa propre idée sur toute cette histoire. Les mutants, les anti-mutants, sa place au centre de toutes ces machinations et de ces mensonges qui ne cessent d'enfler avec le temps qui passe. Il ne peut même pas en parler avec sa famille. Ils ne sont plus en contact. Ce n'est pas comme si ses parents étaient doués de sentiments. Lui non plus. Roman garde tout pour lui en conséquence. Il encaisse tout ce qu'il voit, entend, comprend dans une petite boîte à l'intérieur de son crâne pour être certain d'accumuler assez de données pour, un jour prochain, tout déballer et pouvoir enfin se décider sur quoi penser. Griske est celui qui réfléchit de trop. D'une détermination sans faille, sa tendance à l'obstination peut impressionner comme effrayer. De ça non plus, il n'en a rien à faire. Lorsque Roman veut quelque chose, il l'obtient. Même lorsque cette fameuse chose doit venir de lui. Aujourd'hui, il a l'opportunité de pouvoir adresser la parole à une mutante. Une individue plutôt jeune, qui plus est, ce qui ne peut lui rendre la tâche qu'encore plus simple. Les informations complémentaires à toutes celles qu'il a déjà vont pleuvoir et le jeune homme est fier d'avoir été désigné pour mener à bien cette sorte d'interrogatoire.
“Bonjour.” Car, Roman le sait, il ne s'avance pas vers cette table, cette chaise qui l'attend juste en face de celle où est installée l'enfant, pour rien. Elle a tué des hommes, des scientifiques. Il y a de cela quelques jours, sa mutation a, semble-t-il, pris le dessus avant de blesser mortellement plusieurs de leurs collègues. En tout cas, ce sont les mots plus ou moins employés sur les documents officiels. Le rôle de Roman est à présent de dénouer le vrai du faux. Il veut sa version. En toute transparence et entre quatre yeux. Il veut savoir ce qui s'est passé là-haut, dans les étages, pour qu'elle mérite le traitement ultime d'être placée dans le quartier de haute-sécurité où officie Roman. Il ne demande que des explications, rien d'autre, et ne la blessera pas. Déposant son dossier bien fin sur la table métallique, l'officier prend place. Il s'installe, ouvre son dossier, en étale les différents éléments devant lui (des photographies de la scène du laboratoire, plutôt sanglantes et dérangeantes, la liste des victimes, l'historique des moindres faits et gestes de la mutation depuis son arrivée dans l'établissement il y a plusieurs années de ça, etc), avant de rétablir le contact visuel rompu une minute auparavant. Dorénavant plus proche d'elle, Roman prend le temps détailler ses traits qui paraissent si innocent. Comment a-t-elle pu faire tout ce mal ? Jetant un coup d’œil sur le côté, Roman prend conscience de l'immense vitre de verre qui vient découper leurs tables en deux. Le verre ne touche pas la table au centre, elle l'effleure assez si besoin il y a de faire passer certaines choses par cette minuscule ouverture. Précautionneux, Griske avance un doigt vers la vitre avant de donner deux petits coups dessus. Histoire de s'assurer qu'elle tient en plus. Relevant le regard pour observer l'étendu de la vitre, il remarque qu'elle comble l'espace jusqu'au plafond ainsi que jusqu'aux murs latéraux de l'endroit. “Je me présente : Roman Maksimilian Griske”, qu'il annonce d'un ton avenant. Son regard vient de revenir brusquement dans celui de l'enfant. “Je suis là pour te poser quelques questions. Tu peux te sentir en confiance. Je ne te ferai aucun mal.” Certains de ses collègues leur en font. Il ne peut le nier. D'autres sont plus violents que lui, bien moins modérés, car effrayés par ces capacités spéciales que ces individus peuvent avoir. Roman reconnaît que certains le rebutent. Il s'est retrouvé plus d'une fois dégoûté par ce qu'il a vu sans pour autant se laisser emporter par cet élan d'horreur et de répugnance. Il doit bien être le seul à encore prendre du recul – encore plus dans le bâtiment de haute-sécurité. “Je dois enregistrer”, qu'il déclare soudain, en sortant de sa poche un petit enregistreur. A l'intérieur, une cassette attend le signal d'envoi pour capturer l'instant. “Tu n'y vois pas d'inconvénient ?”, que Roman quémande, arquant un sourcil. Inutile de l'infantiliser, ça n'aidera pas. Griske la place presque comme son égal, une « grande personne », une adulte, malgré le fait qu'elle soit déjà placée dans une catégorie bien particulière aux vues de ses récentes actions – cette Charlotte est dangereuse. Son index vient appuyer sur la touche pour enregistrer sans plus attendre. Posant les coudes sur la table, Roman ne se concentre plus sur elle, cherchant à oublier tout le reste. “Tu veux bien me parler de toi ?” |
| | | | Sujet: Re: (fst - romarlie) i'll never forget you Lun 25 Avr 2016 - 22:30 | |
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Quatre. Elle en avait tué quatre mardi. Mardi ? Oui, il y a deux jours, et aujourd’hui on est jeudi, donc c’était mardi a priori. Enfin, ce n’était qu’une impression, parce qu’ils l’avaient foutu dans une cellule sans fenêtre depuis, alors elle avait un peu de mal à évaluer le temps qui s’était écoulé. Elle avait eu le droit en tout et pour tout à une pauvre gamelle d’eau et un peu de gruau dégueu, et ce n’était que parce qu’elle n’avait pas vu la gueule que ça avait, dans la quasi pénombre, qu’elle avait consenti à s’en nourrir un peu. Ça devait avoir une tronche infâme, en vrai. Pour autant, elle ne regrettait rien : elle les avait réduit en charpie, les autres demeurés, et c’était bien fait pour eux. Il y en avait un dans le lot, qu’elle aimait bien, vaguement, mais il ne valait pas mieux que les trois autres au final, alors elle l’avait tué aussi. Il faut dire qu’ils n’avaient pas été très prudents, aussi, de laisser ce stylo et cette lampe allumée devant elle pendant les examens. D’une main, elle avait aspiré autant d’énergie qu’elle pouvait, de l’autre, elle s’était emparée du stylo pour le cacher dans sa poche. Elle avait pompé assez d’énergie pour un buter un, PAN, comme ça, comme d’une balle dans le crâne, et sa cervelle avait éclaboussé le mur en faisant des coulures avec des formes marrantes. Avant que le seconde n’ait le temps de réagir, il avait subi le même sort, sauf qu’elle avait visé le zizi. Elle l’avait visé là parce que bon, il regardait les filles bizarrement quand elles allaient sous la douche, et elle n’aimait pas ça. Elle ne savait pas qu’on pouvait perdre autant de sang après un coup de lazer entre les jambes. Bien fait pour lui. Après, un des gardes – sa troisième victime donc - , était entré dans la pièce et avait essayé de la taser. C’était complètement con comme idée, quand on y réfléchissait bien, et il s’en était rendu compte en entendant l’arme et la mutante grésiller de concert, avant de se faire trouer, à son tour, sans sommation ni la moindre hésitation. Le quatrième, il était arrivé plus tard, un peu par hasard à son avis. Il était venu surveiller que les examens se passaient bien, ahah, et il avait trouvé Charlie assise à sa place, sur la table au milieu de la pièce à dessiner des trucs sur une feuille blanche du bout de l’index qu’elle trempait dans le sang qui dégoulinait du corps à ses pieds. La petite mutante de dix ans ne savait pas, à l’époque, contenir l’énergie en elle : elle l’aspirait pour la rejeter aussi tôt, tout simplement. Aussi, elle était parfaitement inoffensive, en apparence du moins, quand le maton s’approcha d’elle, totalement effaré, alors qu’elle tendait ses petits bras maigrelets vers lui pour qu’il la ramène à sa cellule, la lippe tremblante. Trop choqué pour comprendre, le garde avait pris la gamine dans ses bras en déclenchant l’alarme d’urgence. Grand mal lui en pris : dans un rire maniaque et incontrôlable, Charlie lui avait enfoncé son stylo, dissimulé dans sa poche depuis le premier meurtre, dans la carotide, et elle le poignarda sauvagement comme ça une, deux, trois fois d’une force hystérique. Au final, elle se laissa attraper par les renforts sans opposer la moindre résistance, observant en s’éloignant le quatrième se vider de son sang sur le sol : elle ne pouvait pas sortir, elle le savait bien, même du haut de ses dix ans. Pour autant, ça ne l’empêchait pas d’avoir envie de les emmerder de temps en temps, puisqu’ils avaient pas le droit de la tuer. Elle avait entendu une docteur le dire, une fois, en anglais, comme si elle avait zappé qu’elle parlait la langue de Shakespeare : la petite est puissante, il faut la garder. Puissante, et sacrément chiante, elle ne manquait pas une occasion de le rappeler à leur bon souvenir. Le noir ne lui faisait pas peur. La faim et le froid non plus, parce que de toute façon, elle n’avait jamais rien connu d’autre. Ils allaient devoir trouver autre chose pour la faire baliser.
Après deux bons jours de jeune, on l’avait tiré de sa geole sans douceur, mais c’est ce qui se passa après qui décontenança un peu la jeune fille : On lui fit prendre une douche chaude, enfin, tiède, avec du vrai savon et du shampoing, qu’une sorte d’infirmière lui étala sur le corps et le crâne alors qu’elle avait toujours les mains attachées dans le dos. On la sécha et lui donna des vêtements … Décents, propres, loin de l’espèce de jogging puant qu’on lui balançait à la figure d’ordinaire. Elle devait avoir l’air presque présentable, Charlie, dans sa petite robe de communiante avec ses cheveux nattés. Quand elle demanda, plusieurs fois, où est ce qu’on l’emmenait, pourquoi on l’habillait ainsi, les gardes l’enjoignaient de se taire sèchement, quand ils ne l’ignoraient pas purement et simplement. Apprétée ainsi, on l’emmena jusqu’à une pièce qu’elle ne connaissait pas, et instinctivement son regard chercha les sources d’énergie dans la pièce. Malheureusement, que des lampes au plafond, pas de prises aux murs zut alors. Elle se laissa guider docilement jusqu’à sa chaise, remerciant doucement le garde qui la fusilla d’un regard dégouté, avant de retourner se poster devant la porte. Elle attendit comme ça quelques minutes, pas suffisamment longtemps pour s’ennuyer, le regard dans le vague, avant que la porte ne s’ouvre de l’autre coté : un grand homme en noir s’avança, et Charlie ne reconnut aucun des interlocuteurs du centre. Il était trop jeune pour être un docteur, trop bien habillé pour être un maton. C’était qui, alors ? Quelqu’un de poli, déjà, parce qu’il lui dit bonjour, ce qui fit sourire la jeune fille. C’était gentil ça, bonjour. Personne ne lui disait jamais ça.
- Bonjour !
Qu’elle répond joyeusement de sa petite voix flutée, plissant les yeux pour essayer de mieux voir l’homme de l’autre coté de la glace. Quand il se présenta, elle pouffa de rire. C’était suuuuper long et chiant comme nom ça. Alors elle le répéta comme un perroquet de sa voix aigue, son sourire étrange faisant dépasser ses petites canines pointues en répétant :
- Bonjours Roman Maksimilian Griskeeeeeee.
Elle plissa le nez, penchant la tête sur le coté devant le ton aussi … Révérencieux de l’homme. En général, on lui parlait comme une demeurée, tout le temps, au point qu’elle s’était déjà demandée si elle était vraiment bête, ou si c’était les autres. La seule adulte qui lui parlait normalement, c’était la psychiatre, celle qu’elle aimait bien et donc qu’elle n’avait jamais cherché à abimer, parce qu’elle voulait bien lui raconter des histoires après les séances. Alors du coup, elle était plus obéissant dans ces conditions. Normal.
- T’peux parler normalement tu sais, c’est pas comme si j’avais pour de vrai le choix.
Qu’elle rajoutait en haussant les épaules, observant le magnéto d’un œil morne. Qu’il enregistre bien tout ce qu’il veut, elle avait pas grand-chose à raconter de toute façon. A moins qu’elle ne décide de s’amuser un peu, une fois qu’elle aurait cerné le personnage. Elle posa son menton dans ses mains, se penchant légèrement vers la vitre pour voir Roman de plus près. Derrière lui, elle vit un des gardes se raidir et raffermir sa prise sur son arme, ce qui étira un peu plus le rictus sur ses lèvres, un sourire torve qui n’avait rien à faire sur les lèvres d’une enfant :
- Je m’appelle Charlotte. Je suis un monstre, il parait. Je tue des gens, quand j’en ai envie. Ça doit être pour ça qu’on dit que je suis un monstre. Et toi Roman, tu es qui ?
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| | | | Sujet: Re: (fst - romarlie) i'll never forget you Ven 29 Avr 2016 - 20:24 | |
| Les réponses de l'enfant ne tardent pas. De ces dernières, Roman dégage une personnalité bien plus pétillante que la sienne. Un instant, il se surprend même à penser qu'une telle fillette ne peut pas avoir faire tout le mal qu'on lui a conté. Elle semble si douce, trop innocente, calme, enfantine jusqu'au bout des ongles, avec ses sourires immenses et sa voix qui file dans l'air et qui rehausse dans le même temps l'atmosphère. Roman l'écoute prononcer ses prénoms et son nom. Il tique un peu, un tout petit peu. Le bord de ses lèvres se retroussent légèrement, de façon imperceptible, plus pour elle que pour lui. Le soldat sent la minuscule contraction de son visage figer un instant le reste de ses traits. Entendre son identité répétée de la sorte par la petite Charlotte a un arrière-goût... d'étrange. Il ne comprend pas comment elle peut être si enthousiaste maintenant, après ce qu'elle a fait. Bien évidemment, cela fait plusieurs jours que les faits se sont produits, sans doute le déni a-t-il fait son chemin depuis ? Roman n'en a aucune idée. Il a vu la Mort sans pour autant la provoquer. Il méconnaît les sensations que l'on peut en éprouver, bien-être ou dégoût, ou même les traumatismes qui peuvent s'en dégager. Le jeune Griske ne connaît rien de tout ça. Pour le moment. S'il avait. S'il pouvait voir le futur, cet avenir qui lui tend les bras et dans lequel il s'acharne à devenir le cauchemar de beaucoup de personnes à la fois. La remarque de la petite mutante le fait sourire. D'une sincérité qui se veut plutôt rare quand on le connaît. La surprise d'être confronté pour la première fois à la lucidité hors du commun d'une enfant, peut-être ? “Tu as raison.” Inutile de la considérer comme ce qu'elle n'est pas. De plus, c'est bien ce qu'il pensait en entrant : il n'a pas affaire à une enfant, une simple petite fille. Griske est en face d'un petit être qu'il veut pouvoir comprendre. Pas encore adulte mais plus tout à fait une enfant. Plus depuis l'autre jour. Lorsqu'elle s'avance vers la fenêtre, Roman ne bouge pas. Il continue de la fixer, de scruter la moindre expression qui tend et détend ses petits traits pâles, avant de remarquer ses prunelles qui dérivent derrière lui. Après tout, qui n'aurait pas remarqué ou entendu la nervosité des deux gardes du corps dans son dos ? S'étant installés derrière la porte une fois qu'il a pris place sur la chaise en face de Charlie, ces derniers ne sont pas là sous les ordres de Roman mais d'un autre supérieur. Il savait que cette présence affecterait son échange avec Charlotte. Un air bienveillant sur les traits, le soldat prend le temps de se retourner pour s'adresser aux deux hommes non loin. “Dehors”, qu'il siffle, d'un ton brusque, sec, aussi aride que son regard se fait sombre dès lors qu'il n'est plus posé sur l'enfant. Il se fout de savoir si ses supérieurs ne vont pas apprécier son initiative, il ne voulait pas d'eux à la base. Il voulait être seul avec Charlotte. Point.
Une fois les deux hommes hors de sa vue, Griske ne perd pas plus de temps et reporte toute son attention sur la mutante. Sa curiosité n'est toujours pas rassasiée, loin de là, et il espère pouvoir enfin en apprendre plus sur la petite blonde. Ses mots le percutent de plein fouet. Roman ne sait même pas s'il peut appeler ça de la franchise. Ses mots semblent être le fruit d'une longue réflexion sur qui elle est, ce qu'elle est, ce qu'elle laisse voir aux autres... Mais Roman ne peut pas croire qu'une telle connaissance de soi soit possible ou perceptible de la part d'une enfant. Elle est trop jeune, elle... Serait-ce sa mutation ? Serait-ce ses capacités hors normes qui lui permettent de pressentir tout ça ? Impossible. Le jeune soldat refuse d'y croire. Ce n'est pas logique, ça n'a rien de logique même. L'air perplexe, Roman garde le silence. Il prend le temps de bien peser chacun terme employé par Charlotte, sans pour autant la quitter des yeux. Il ne veut rien louper ; pas la moindre micro-expression, pas la plus petite attention, rien. En général, Griske n'est pas capable de faire les choses à moitié et cette qualité évidente va sans doute faire ses preuves aujourd'hui. Enfin, il débute sa réponse. S'il veut pouvoir lui poser toutes les questions qu'il désire, il ne doit pas oublier de jouer le jeu. Sinon, Charlotte ne lui donnera rien. Et cette petite a l'air plus futé qu'elle n'en a l'air. “Je ne suis qu'un soldat, Charlotte, rien de plus.” Roman hausse brièvement les épaules, avant d'acquiescer. Son regard vient se poser sur les photographies qui sont étalées devant lui, avant de relever la tête vers elle. “Les personnes qui tuent d'autres personnes sont appelées des monstres, effectivement.” Dans sa voix, Roman n'a pas perçu la moindre once de honte, de dégoût, et il n'est pas certain de vouloir y déceler le plus infime soupçon de fierté. A-t-il peut de la vérité ? De l'affreuse vérité, même ? Griske commence à le réaliser, oui. Seulement, il veut pouvoir encore accorder le bénéfice du doute à Charlotte. Elle doit bien ressentir une forme de culpabilité, d'une manière ou d'une autre, Roman n'imagine pas les choses autrement. Pourtant... “Qui t'a traité de monstre, ici, Charlotte ?”, qu'il tente de savoir. Est-ce que cette idée vient d'elle ? Est-ce que ces scientifiques ont osé prononcer un tel mot devant elle ? Après tout, elle n'est à la base qu'une enfant. Même lui, aussi insensible qu'il puisse se montrer avec certains mutants enfermés dans les étages de cet endroit, n'aurait pas pu le faire. Alors Roman veut comprendre. Il veut saisir ce qui a pu clocher dans la mécanique bien huilée de l'établissement militaire pour que Charlotte en vienne à tuer autant de personnes d'un coup. Détaillant une dernière fois les photographies, Roman choisit l'une d'elle avant de la faire glisser sous la fente entre la table et la vitre. Il souhaite illustrer ses propos avec des images éloquentes de ce qu'elle a fait. “Tu tues des gens quand tu en as envie, ce sont tes mots... Pourquoi ces hommes, Charlotte ? Pourquoi ces médecins ? Ces derniers étaient là pour toi. Qu'ont-ils pu faire pour que tu éprouves l'envie de les tuer ?” |
| | | | Sujet: Re: (fst - romarlie) i'll never forget you Ven 29 Avr 2016 - 23:55 | |
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Charlie prenait toujours un malin plaisir à essayer de mettre mal à l’aise les adultes autour d’elle. En dehors des plus anciens scientifiques du blocos, qui étaient surement les chefs ici ou un truc du genre, les autres étaient tous des crânes d’œufs qui sortaient surement de l’école, et qui venaient se tanner le cuir sur la nouvelle passion de la science : la transmutance. Apparemment, ce qu’elle pouvait faire, ils étaient un nombre minuscule à le pouvoir, et c’était pour ça qu’elle devait rester ici, en attendant d’être grande et de pouvoir enfin sortir. Enfin, sortir, c’était un bien grand mot, et cette perspective, Charlie la voyait s’éloignait à mesure qu’elle vieillissait et appréhendait ce qui se passait autour d’elle d’un œil plus mature, plus cynique aussi. Si on ne l’avait pas déjà tué, c’était surement pas pour la laisser sortir plus tard. Alors elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait, être gentille, méchante, agressive ou douce, ça ne changerait rien : on la laisserait jamais mettre le nez dehors de sa vie, et pis c’est tout. Alors sa seule distraction, en dehors de compter et de recompter les carreaux de la salle d’examen, c’était de faire tourner en bourrique les « officiels » comme ils disent les gardes, les gens de l’extérieur en somme. Le but du gens, c’était soit de les faire flipper, soit vomir. Si en plus elle arrivait à les faire pleurer, ou s’évanouir, c’était jackpot. Quand elle y arrivait, sa voisine de cellule lui passait son dessert. C’était un jeu entre elles, celle qui réussissait à faire le plus de connerie sans être mise au trou gagnait les sucreries de l’autre. Alors elle espérait que ce Roman serait un bon client. Elle haussa un sourcil alors que l’homme congédiait les gardes sans douceur, et la tête de l’un d’entre eux la fit rigoler : il avait l’air aussi atterré que soulager de quitter la pièce, c’était vraiment trop marrant. Elle croisa les mains pour poser son petit menton dessus en écoutant la première réponse de Roman, qui ne la satisfit pas, bien sur.
- Je suis pas sure de te croire Romanmaksimiliangriske, parce que tu es drôlement bien habillé pour un soldat-rien-de-plus. J’pense plutôt que tu es un soldat-avec-du-plus. Tu fais quoi en vrai ?
Il était policier ? Politicien ? Ou alors c’était un mélange de plein de trucs qui faisait qu’il était agent secret ? Sa voisine de geole lui avait raconté des histoires d’agent secret un soir, et elle avait adoré, parce que les espions peuvent faire tout ce qu’ils veulent, en gros, et personne les empêche. Ça doit être trop bien comme vie, espion. Même si elle ne sait pas trop à quoi ça correspond réellement. Elle hocha tranquillement la tête alors que Roman lui confirmait la définition du mot Monstre : elle savait tout ça déjà, elle savait pas grand-chose, mais ça, oui. Elle haussa ensuite les épaules comme l’aurait fait un adulte ne quittant pas le regard sombre du sien, étincelant de malice :
- Ben tout le monde, Romanmaksi… Roh, c’est long quand même, Roman, ça peut suffire non ? A part si tu veux que j’te serve du monsieur, mais en général, ça me met de mauvaise humeur. Bref. Tout le monde. Même entre nous des fois pour rigoler, parce que c’est risible .C’est comme ça qu’on dit ? Risible ?
Elle aimait bien ce mot qu’elle avait entendu une fois dans la bouche d’une infirmière, mais personne n’avait réussi à lui donner une définition claire. En gros, c’était quelque chose de marrant qui rendait triste, apparemment. Elle roula des yeux quand Roman lui fit passer les photos sous la vitre de verre, mais elle les prit, par curiosité : elle n’avait jamais eu l’occasion de voir ce que ça donnait, en photo, ses petites bêtises. Alors elle ne répondit pas tout de suite au russe, plonger dans les clichés macabres, un sourire nostalgique sur les lèvres : c’était vraiment, vraiment tellement bien fait pour eux. Au bout de cinq bonnes minutes de silence, elle sembla se rappeler de la présence de l’adulte dans la pièce, et consentit à répondre à sa question avec l’application d’une élève récitant sa leçon.
- Alors déjà, c’était pas tous des médecins. Je vais t’expliquer.
Elle étala les photos devant elle, de telle sorte que Roman les voit bien, lui aussi, puis posa son doigt sur la première :
- Lui c’est …. Pardon, c’était le doc’ Alkoulov. Il était gros et gras et suant comme une motte de saindoux. Beurk. Il faisait les tests de résistance physique, ce qui est drole quand on sait qu’il était essoufflé rien qu’à marcher dans le couloir. Lui il m’a fait des fois courir dans une roue pendant super longtemps, avec une dynamo, pour voir si l’énergie que je pompe revient dans mes muscles ou pas. Ben du coup, c’était pas, et il était un peu déçu. Lui il me regardait jamais dans les yeux, et je crois qu’il savait même pas comment je m’appelle. Il aurait plus l’occasion de me le demande, ce gros tas.
Un sourire, une nouvelle photo :
- Lui, c’était Doc’Iankovski. Il faisait les bilans sanguins et tout, mais c’était un pervers. Parce que je sache, on a pas besoin d’être en culotte pour faire une prise de sang. Pis des fois il venait nous surveiller dans la douche, surtout quand on était que les filles. Si j’avais pu, j’l’aurais tué plus tôt. Mais il était celui qui donnait le plus de sucreries et de récompenses quand on se tenait bien, alors les autres m’ont demandé d’attendre un peu avant de le tuer. Pis il était super prudent d’ordinaire. Jsuis sure que c’est Saintdoux qui l’a déconcentré. Tant pis pour lui.
Nouveau cadavre, nouvelle histoire de la petite fille qui se tapotait les lèvres du bout de l’index.
- Alors lui c’était… J’suis pas certaine de son nom, parce que j’l’ai pas croisé souvent, parce qu’il surveille les garçons d’habitude… C’est un maton hein, pas un doc … Popov, ou un truc comme ça. Lui il a juste eu pas de chance j’crois, pis il était con. Il a essayé de me taser, et pis, ben, c’était pas l’idée de l’année quoi, haha.
Elle fit une pause entre la troisième et la dernière photo, comme si elle réfléchissait un peu plus à ce qu’elle pouvait raconter :
- Lui, c’est Yuri … Je sais pas ce que c’est son nom de famille, mais il était gentil avec moi en général. J’aurais p’t’être pas du le tuer, c’est vrai. Mais j’avais mon crayon, et j’étais curieuse de savoir jusqu’où je pouvais lui enfoncer dans le cou. Tu sais Roman, la mutation comme les docs ils disent, quand elle se déclenche fort, ça rend un peu zinzin… Tu fais des fois des trucs que t’aurais pas fait en temps normal. Ou pt’être bien que si, je sais pas trop.
Elle rangea les photos et les reglissa doucement sous la vitre, avant de murmurer doucement :
- Ils méritaient de mourir. Ils sont méchants, et les méchants meurent toujours à la fin. Et pis Surtout Iankovski et Alkoulov, ils ont pas voulu que j’aille à l’école avec les autres enfants parce que j’aurais tous pu les buter. Mais moi j’veux pas buter les autres enfants. J’veux apprendre à lire et à écrire. Il parait qu’une fois qu’on sait lire, on s’ennuie moins et on devient plus intelligents. Et ils voulaient pas que j’apprenne ça. C’est un bon motif pour être fachée, non ?
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| | | | Sujet: Re: (fst - romarlie) i'll never forget you Ven 6 Mai 2016 - 18:44 | |
| Charlotte est perspicace, Roman est bien obligé de le reconnaître. Lorsque lui parvient sa remarque sur son uniforme, il ne peut empêcher son regard de se confronter à ce dernier. En effet, on comprend sans mal que son rang n'est pas celui des deux hommes postés derrière eux il y a encore deux minutes par exemple. Pas de noir, pas de rouge, ou seulement par endroit. Une chemise blanche, une veste terne, son badge sombre. Une tenue qu'il porte lors d'entretiens comme celui-ci. Quelque chose de neutre, de classe sans l'être trop, quelque chose qui inspire la confiance et qui impose le respect. En tout cas avec les adultes de ce monde. Avec une enfant comme Charlotte, les choses s'avèrent plus complexes. Surtout que, plus Roman écoute ses réponses, plus il comprend qu'elle est encore moins « comme les autres ». Elle est à la fois déstabilisante et attendrissante. Le jeune homme ne saurait même pas comment l'expliquer. Laissant un faible sourire gagner ses traits à sa question, Roman acquiesce doucement. “C'est comme cela. Et Roman suffira.” Pas besoin de lui expliquer qui il est vraiment maintenant. Il préfère attendre des réponses plus concluantes. La plus petite chose susceptible de lui indiquer la marche à suivre. Car c'est bien pour cela qu'il est là, avec elle, n'est-ce pas ? Pour déterminer quoi faire de cette enfant en train de lui décrire pourquoi et comment elle a tué chacun des scientifiques retrouvé au sol dans la salle d'examen il y a de ça plusieurs jours. Et pour le moment, il n'a aucune idée de ce qu'il décidera. Il ne sait pas comment présenter les choses à ses supérieurs, ni quelles informations sont plus importantes que les autres. Roman se retrouve dans un entre-deux, bercé entre fascination et effrois, l'empêchant de faire le point maintenant. Son regard suit les indications de la petite fille sur les différentes photographies, et fait mine de ne pas remarquer son sourire à l'explication de certains détails. C'en est troublant. Elle a cette simplicité qui le pousse dans ses retranchements. Ne devrait-elle pas être plus affectée ? La mort de ces hommes, de ses propres mains, ne devrait-elle pas l'inquiéter, la rendre plus fébrile ? Roman n'a aucune idée de quelle serait sa propre réaction dans un tel moment. Peut-être n'en aurait-il pas, peut-être réagirait-il trop. Il ne sait juste pas si la satisfaction serait aussi omniprésente qu'elle ne l'est chez Charlotte. Et c'est peut-être ce qui l'interroge le plus.
Les photographies qui reviennent vers lui tirent le jeune Griske de ses réflexions. “Merci”, qu'il souffle, alors que la nouvelle intervention de la fillette lui fait relever le regard dans le sien. Pour être honnête, certaines le méritaient, dans le lot. Roman ne peut pas le nier. Cela devient encore plus évident lorsqu'il se repasse en tête tout ce qu'elle vient d'avouer. Toutefois, son visage est soudain plus fermé. Que ce soit ses prunelles plus sombres ou son sourire plus figé, on devine que l'hésitation s'est logée de façon insidieuse dans l'esprit de Roman pour ne plus le laisser respirer. “C'est un motif”, qu'il confirme brièvement. Regroupant dans un alignement parfait toutes les photographies, il poursuit : “Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il est bon, mais c'en est un.” Il termine de ranger les documents dans le dossier en carton, avant de le fermer brusquement. Un soupir lui échappe. A présent, le russe doit trouver les bons mots. Il doit être compris tout en prouvant qu'il a lui-même écouté tout ce qu'elle a accepté de lui dire à l'instant. Il refuse de se montrer trop dur, trop distant... mais il est peut-être déjà trop tard. Roman sent encore ses muscles se raidir, lorsqu'il exerce un mouvement pour se rehausser sur sa chaise métallique. “Charlotte, est-ce que quelqu'un t'a expliqué où tu as été placée ?” Roman se permet la question car il n'en est pas sûr. Et il est peut-être celui tout désigné pour tout lui expliquer, à présent. Sans doute que ses supérieurs ont préféré compter sur lui pour ne pas l'effrayer. Le jeune homme ne sait pas pourquoi - c'est comme un mauvais pressentiment. Il réalise aussi qu'il n'est pas prêt. Qu'il n'a pas les bons mots, les mots simples, les mots doux, calmes, pour expliquer ce genre de choses à une enfant. Il n'a rien de tout ça. Alors comment est-il supposé faire ? Lui mentir ? Hors de question. De toute manière, il ne sait pas faire. Pas face à une gamine aussi futée que Charlotte. Elle comprendrait ; elle saisirait ce qui se cache véritablement derrière ses fausses explications en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Alors, Roman reprend la parole. Il laisse son regard couler dans le sien, tout doucement, analyse un instant ce qu'il pense y percevoir, puis se lance. Sans filet, sans protection – ni pour lui, ni pour elle. “Je fais partie de l'équipe du département de Haute Sécurité de cet établissement, Charlotte. Mes supérieurs m'ont demandé de déterminer ce qu'il est bon de faire de toi après ce que tu as fait : te tuer ou te garder en vie.” Sa franchise n'a d'égale que celle dont elle a fait preuve juste avant. Croisant les mains sur la table, le jeune russe reprend de l'assurance. Il ne fait que parler de son métier, après tout, il ne fait qu'exposer ce pourquoi il est vraiment dans cette pièce, face à elle – séparés tous deux par une immense vitre de verre. “J'ai fait disparaître des mutants considérés comme « dangereux » pour moins que ça.” Ses mains jointes viennent échouer sur le dossier. Les traits toujours tirés, Roman se met à secouer la tête de droite à gauche, dans un mouvement si lent qu'il pourrait presque passer inaperçu sur le moment. “Alors ne souris plus quand tu évoques ce souvenir, Charlotte.” Il n'arrive plus à sourire. Plus du tout. Son regard grisé se détache du sien. Il vient remarquer une nouvelle fois le petit enregistreur qu'il a mis en place juste avant de débuter cet échange, et qui enregistre chacun de leurs mots. “Tu veux donc apprendre à lire”, qu'il enchaîne sans transition. Se penchant sur la table, Roman décale d'une main les photographies et divers documents qui lui semblent si inutiles tout d'un coup. Il ne va pas plus s'en servir. Il veut savoir ce que Charlotte pense vraiment. Il ne va plus chercher à l'influencer ou à la remettre dans un quelconque contexte. Ils vont se concentrer sur elle, tous les deux, et il réussira enfin à prendre la bonne décision. “Est-ce que tu as réfléchi à ce que tu veux faire plus tard ? Est-ce que tu as des... rêves, par exemple ? Que comptes-tu faire en sortant d'ici ?” |
| | | | Sujet: Re: (fst - romarlie) i'll never forget you Lun 16 Mai 2016 - 22:19 | |
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La petite mutante était presque déçue du peu de réaction de l’officiel en face de lui, mais ça l’intriguait aussi un peu : D’habitude, à ce stade du récit, ils avaient au moins détourné les yeux, le teint verdâtre de nausée ou de dégout. La psy elle n’avait pas pu entendre le récit en entier d’une traite, et lui avait demandé de parler dans un enregistreur, et elle ferait son rapport petit bout par petit bout. Mais Roman, non, apparemment, ça l’émouvait pas plus que ça. Bon, elle avait bien vu que son regard s’était durci, et que ses mâchoires étaient plus serrées, mais bon, c’était bien léger par rapport aux regards de dégout et de répulsion qu’on lui lançait, en général. Elle était pas bête, Charlotte, ça ne voulait dire qu’une chose : si il était si peu ému par la mort de ces types, c’était que lui-même avait du tuer à tour de bras. Du coup, elle se demanda soudain si elle ne venait pas de faire ses aveux les plus complets à son futur bourreau. Peut être bien que finalement, c’était lui qui allait lui faire sauter le caisson une bonne fois pour toute. C’était une expression marrante, sauter le caisson, elle l’avait entendu de la bouche d’un maton, même si elle savait pas trop quel rapport entre enjamber une grosse boite et mourir, mais bon.
- Derien.
Qu’elle répond tout simplement quand Roman récupère les photos en la remerciant. La psy elle dit que c’est important, la politesse, que c’est la base d’une société civilisée. Le type costaud avec des piques de partout dans le dos dit qu’elle fait flipper quand elle demande si elle peut tuer quelqu’un « s’il vous plait ». Y sont jamais d’accord entre eux les adultes de toutes façons, alors elle faisait un peu comme elle l’entendait. Avec Roman, elle avait bien envie d’être polie, pour l’instant du moins. En plus, il semblait presque d’accord avec l’idée qu’elle se faisait du bien fondé de ses gestes. En tout cas il la regardait pas comme une meurtrière. Fin pas vraiment quoi. Elle se redressa en même temps que lui, un peu en miroir, alors qu’il lui posait une question des plus étranges :
- Je suis dans le laboratoire de recherche appliqué à la transmutance de Mourmansk, même si on est pas à Mourmansk même.
Qu’elle récita d’un ton presque atone, comme un robot.
- Je suis ici parce que mon papa était un chercheur australien sur le génôme et que ben pendant une expérience, je l’ai tué quand j’étais toute petite. Depuis je suis ici et on fait d’autres expériences pour comprendre pourquoi moi et les autres on est des monstres. Et euh voilà.
En vérité, elle n’en savait pas plus, ou à peine. Elle était l’une des rares enfants à avoir grandi ici, sa cellule, le froid, les privations de toutes sortes, c’était juste… La normalité, le quotidien pour elle, elle ne trouvait rien d’horrible à tout cela, puisqu’elle n’avait rien connu d’autres. D’ailleurs, c’était souvent ça qui épouvantait les adultes, sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi. Qu’elle ait jamais rien connu d’autre. Aussi, elle hocha simplement sagement la tête quand Roman lui expliqua quel était son véritable rôle au sein du labo. C’était donc un espèce de … Super chef maton ? C’était qui, ses supérieurs ? En tout cas, il avait l’air très sérieux en expliquant tout ça, super grave même, alors que la petite fille rentrait un peu la tête entre les épaules, moins bravache que peu avant. Il avait tué pour moins que ça. Du coup, lui aussi c’était un meurtrier, plus que les matons. Il était plus comme elle que comme eux, au final, mais elle était pas sure que ce soit une bonne nouvelle. Les matons, elle savait les effrayer ou les attendrir, selon. Les monstres et les meurtriers, un peu moins… Le sourire de la gamine avait déjà quitté ses lèvres depuis un moment, alors que Roman finissait de faire pâlir cette dernière :
- Oui Roman, d’accord …
Elle voyait pas trop le rapport, mais si il le disait, c’était donc que c’était surement très important. Sauf que bon, elle souriait et rigolait souvent, alors ça allait pas être facile de plus se marrer comme ça. Elle reposa les poings sur ses genoux, alors qu’il saute du coq à l’ane –encore une drole d’expression que Charlie aime bien- pour lui parler de la lecture. Elle acquiesce de la tête presque timidement, les yeux brillant rien qu’à l’idée, avant de froncer les sourcils, surprise : Roman venait de lui poser une question la plus étrange qu’il soit. Tellement étrange en fait, qu’on ne la lui avait jamais posé encore. Elle entrelaça ses petits doigts sur ses genoux, baissant le nez pour refléchir un moment, en regardant ses pieds. L’avenir … C’était comme le futur, c’était pas très clair dans sa tête. On lui avait juste expliqué que le futur, ça pouvait être dans peu de temps ou dans très longtemps, avec les jours, les années, tout ça. Mais de quoi il parlait au juste ? ça manquait de clarté tout ça.
- Plus tard… Quand je serais grande ?
Elle doutait un jour d’être grande, en fait. Il parait qu’elle est « bien sous la courbe de croissance d’une enfant de son âge », même si elle sait pas trop ce que ça peut vouloir dire, à part qu’elle est ptite. Elle relève le nez enfin avec un air partagé, entre le doute et la curiosité :
- Des rêves j’en fais la nuit, des fois, surtout quand on me donne beaucoup de médicaments, ou quand j’ai de la fièvre, il parait que c’est le cerveau qui fait des trucs bizarres la nuit pour rester en forme le jour … Mais à part ça …
Elle s’imagine bien des trucs dans sa tête des fois, pour passer le temps, mais en général, elle préfère parler à des vrais gens. Rêvasser, on lui a jamais appris. Elle resta un petit moment à ruminer la dernière question de Roman, avec de lui répondre enfin, dans un murmure voilé de ce qui ressemblait presque à de la tristesse :
- Je crois que je sortirai jamais d’ici Roman … Les matons, ils m’ont dit que les monstres il faut pas les laisser en liberté, et comme moi, je suis née comme ça, ben je serais un monstre toute ma vie … Pis tuer les méchants docs, c’est rigolo, mais si un jour je tuais la psy, je serais vachement triste … Alors vaut p ‘t’être mieux pas prendre le risque, non, tu crois pas ?
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| | | | Sujet: Re: (fst - romarlie) i'll never forget you Dim 22 Mai 2016 - 18:15 | |
| Le regard sévère, le visage fermé, Roman attend la réponse de la jeune Charlotte. Il ne bouge pas d'un pouce, à tel point qu'on peut se demander s'il respire encore. Il ne rigole plus, soudain – comme s'il l'avait fait une seule fois depuis son arrivée dans la pièce – patientant pour la suite sans plus en rajouter. Il ne veut plus influencer l'enfant. Il veut juste entendre ce qu'elle a à dire, pour ensuite se montrer le plus impartial possible. Il veut oublier tout ce que les autres ont dit avant qu'il soit choisi pour se charger du cas de Charlotte, il veut se défaire de tous ses souvenirs, de tout ce qu'il a pu voir des mutants depuis que l'armée lui a expliqué beaucoup de choses qu'il ignorait encore il y a de ça deux ans. Lorsqu'enfin l'enfant répond, Roman ne lâche qu'un “Très bien.” sec. Il n'est pas certain qu'elle mesure le poids de la moitié de ses mots, mais elle les connaît. Elle les prononce de façon presque mécanique mais elle les a déjà entendus au moins une fois pour y parvenir aussi proprement. Ce qui rassure le jeune Griske... autant que ça lui glace le sang. Il espère que, plus tard, la blondinette sera capable de saisir que ce quartier de Haute-Sécurité n'est pas à prendre à la légère. Puis, il se dit que ça ne doit être que son jeune âge qui rend ses réactions si innocentes, touchantes. Elle ne doit pas encore avoir conscience que la mort de son père l'a marquée plus qu'elle ne le pense, et que la mort de tous ces scientifiques il y a peu va la marquer tout autant. Elle ne voit que le côté « drôle » de ce dernier instant, l'aspect « rigolo » de la situation, comme elle le soulèvera ensuite. Toutefois, Charlotte sait où elle se trouve. Elle semble même savoir pourquoi elle s'y trouve, mais le manque de réaction flagrant, ou du moins, ses réactions contraires à celles qui pourraient être attendues laissent Roman sceptique. Comment réagir ? Comment lui présenter les choses ? Comment ne pas s'emporter ?
En espérant plus de la suite de la conversation. Alors Roman attend, les mains toujours jointes. Il garde les prunelles rivées sur le visage de l'enfance de l'autre côté de la vitre, et il patiente. “Exactement, quand tu seras plus grande.” Elle va le contredire, elle va les contredire. Elle va lui prouver dans les secondes qui viennent qu'elle peut éprouver une once de remords, en parlant de ces rêves qu'elle voudra peut-être tenter de réaliser plus tard. Seulement, le soldat comprend que cette petite n'est vraiment pas comme les autres. Il réalise que le traitement qui lui est déjà donné est peut-être trop. Trop pour elle, trop pour son gabarit, trop pour ce qu'elle peut avoir en tête. Il décèle les abus à travers son discours mais n'en dit rien. Car Roman n'est pas encore assez important pour dire quelque chose – il hésite, même. Il hésite car il fait toujours partie des jeunes recrues, malgré ses deux ans de service ici, plus récemment en Haute-Sécurité, des recrues que l'on considère comme inférieures, inutiles pour la plupart. Cependant, Roman se sait prometteur. Il a soif d'apprendre, l'envie de découvrir, le besoin de faire tout ce qui est en son pouvoir pour être le meilleur. Quand on lui a confié le dossier de Charlotte, il n'a pas pu refuser. D'où son envie de s'adresser à elle comme à une adulte, au vue de cette maturité étrange qu'elle peut avoir par moment, d'où son besoin de prouver à ses supérieurs qu'il est capable de gérer une situation aussi dangereuse et délicate. Lui aussi, à sa façon, n'est encore qu'un enfant dans ce monde d'adulte qui le dépasse. Les pensées insensibles, les insultes, le rabaissement, il n'est pas encore prêt à les appliquer. A quiconque. Encore moins à Charlotte.
Peut-être a-t-il tort, de se montrer si clément, peut-être est-il dans l'erreur en se faisant passer pour un homme bon : mais c'est ce qu'il est, le jeune Griske, quand il ne veut que ce qu'il a de juste dans ce quartier de Haute-Sécurité plutôt que de suivre aveuglément les comportements stupides des autres soldats. Il a la curiosité qui pulse dans ses veines et les questions qui brûlent le bout de sa langue. Il a encore tout le temps pour obtenir ses réponses, mais rester prudent reste son objectif principal. Sa clémence peut le perdre comme l'élever au plus haut ; à lui d'apprendre aux autres soldats à en faire de même. Si seulement Roman savait comment les choses tourneraient pour lui ensuite, sans doute se montrerait-il soudain moins indécis, plus déterminé. Mais il ne sait pas. Il ne peut connaître l'avenir avant que ce dernier ne devienne présent, et il ne sait pas que Charlotte, comme les autres mutants du quartier de Haute-Sécurité, s'évaderont, en le blessant dans la manœuvre. “Je suis là pour définir si tu es un monstre”, qu'il réplique quand la question de Charlotte lui parvient. En plus des traitements douteux, peut-être va-t-il devoir également gérer les personnes qui encadrent cette enfant. Charlotte est conditionnée depuis trop longtemps avec les mêmes hommes, il doit y remédier. Si ses supérieurs l'avaient fait plus tôt, est-ce que la situation aurait été différente ? Est-ce que Charlotte aurait développé une autre estime d'elle-même ? Roman aimerait avoir les réponses à ces interrogations. Malheureusement, il est trop tard. Trop tard pour revenir en arrière, mais pas trop tard pour améliorer le futur.
“Si tu ne veux pas tuer la psychologue, tu ne le feras pas”, que le jeune soldat affirme d'une voix plus claire. Il veut que le petit enregistreur capte chaque mot qui passera dorénavant ses lèvres. Pas question qu'il en manque un seul. Lorsque ses supérieurs écouteront, sans doute comprendront-ils au ton changeant de sa voix qu'un regard nouveau, animé d'une lueur d'espoir, d'engouement même, s'est soudain logé dans les prunelles du Griske ? Charlotte l'a-t-elle découverte également ? “Si tu fais ce qu'il faut, tu sortiras d'ici. Tu ne vas plus écouter ce que les matons disent, compris ? Tu ne vas retenir que ce que je vais te dire : si tu fournies les efforts nécessaires pour apprendre à contrôler ta mutation, tu sortiras. Si tu ne tues plus aucune des personnes qui sont là pour observer tes progrès et te soigner, t'accompagner, tu sortiras. Si tu suis les ordres que nous te donnons, Charlotte, tu sortiras.” Roman ne sait pas s'il fait bien d'agir de la sorte. Mais en ranimant un certain espoir, de l'envie chez cette jeune fille, il espère pouvoir confirmer une nouvelle fois ce qu'il avance : qu'elle n'est pas un monstre. Qu'elle peut avant tout décider de ne pas en être un. S'approchant de la vitre de verre, Roman ne pense plus au mouvement de recul qu'il a pu avoir juste avant. Il ne songe plus qu'à lui livrer ce qu'il pense ici et maintenant de tout ça, pour n'obtenir qu'une sincérité pure en retour. “Nous ne sommes pas là pour vous garder enfermés toute votre vie. Certains le disent, le pensent, mais ils se trompent. Nous sommes là pour vous aider à maîtriser ce que les autres, les personnes extérieures à cet établissement, considèrent comme la source de votre monstruosité. Ce n'est pas le cas de tout le monde ici.” Le jeune Griske secoue la tête sans la quitter des yeux. “Ce n'est pas mon cas. Ce n'est pas ce que je crois.” Poussant un soupir, il penche la tête sur le côté, un sourire étrange aux lèvres. “Tu es seule à décider de ton sort.” La responsabilité est sienne. Toute entière. Est-ce que Roman tente de la manipuler ? Poursuit-il le dessein de la mettre au rang des adultes, à sa hauteur à lui, pour qu'elle lui accorde son entière confiance, au bout du compte ? Assurément. Néanmoins, il n'en a pas totalement conscience, pour sa défense. Il ne veut qu'obtenir des indices plus évidents sur ce qu'il doit faire d'elle. Son regard devient un peu plus sévère, alors qu'il enchaîne : “Mais pour cela, nous n'accepterons plus aucune faute de ta part. Aucune. Le moindre écart de comportement, le plus petit mot de travers, Charlotte, et tu reviens dans cette salle pour échanger tes derniers mots avec moi. Je me fais bien comprendre ?” Arquant un sourcil, Roman vient reprendre sa position initiale, le dos contre sa chaise métallique. “Tu respires encore car j'ai persuadé mes supérieurs de te garder en vie. Ne me fais pas regretter mon choix.” |
| | | | Sujet: Re: (fst - romarlie) i'll never forget you Ven 27 Mai 2016 - 11:18 | |
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Charlotte commence à fatiguer. En réalité, il est rare qu’on la fasse parler aussi longtemps le même jour. Il est même rare qu’on lui demande de Penser aussi longtemps le même jour. Elle ne va voir la gentille psychologue que 3 fois par semaine. Le reste du temps, elle est dans sa cellule, elle dort, elle fait de l’exercice, elle babille en racontant des bétises à ses voisins de cage, mais rien qui ne stimule véritablement son intellect comme Roman est en train de le faire. Alors pour une petite fille comme elle, ça fait beaucoup de choses, beaucoup de nouvelles idées à intégrer, beaucoup de grains à moudre, et elle s’impatiente un peu. Il faut dire qu’il se tait pendant un loooong moment, le Griske, et qu’elle, elle aimerait bien retourner dans sa cellule pour aller tout raconter à sa voisine. A moins qu’elle ne dorme, avant, parce qu’autant d’émotions, ça fatigue un peu quand même. Alors quand Roman lui annonce que c’est à lui de décider si elle est un monstre ou pas, et que par-dessus le marché, elle ne fera pas de mal à la psychologue, Elle hausse les épaules, peu convaincue.
- Mouais, si tu le dis.
C’était un peu comme si il venait de lui annoncer tout de go qu’elle n’était pas une fille, mais finalement un garçon. Ou même un labrador ou un perroquet. Il pouvait bien marteler des vérités comme ça, elles ne correspondaient pas à celles dans lesquelles la petite fille avait grandi, alors ça rentrait probablement dans une oreille pour ressortir de l’autre. Alors quand il se lance dans son monologue moralisateur, ça la gonfle. Ses blablablas d’adulte, elle les a entendu, genre, des milliards de fois. Bon, le contenu divergeait surement un peu, mais le ton restait le même. Lui humain, pas elle. Lui intelligent, elle bête. Lui adulte, elle enfant. Lui ordonner, elle obéir. Blablablablabla, voilà comment cela résonnait dans les oreilles de Charlotte qui avait oublié sa crainte des minutes précédentes pour adopter plutôt une posture provocatrice, étendant ses jambes menues contre la vitre, les bras croisés. On aurait dit une gamine qui boude, bien que celle-ci pouvait également vous réduire en charpie si le cœur lui en disait. Elle plissait le nez dans une grimace ennuyé alors que Roman l’agonisait de paroles qui lui paraissaient n’être que des mensonges, au final. Ça en devenait presque marrant.
- Je bien compris, Roman. Mais je crois que c’est toi, qui à pas tout compris.
Elle se releva doucement de sa chaise, secouant ses petites nattes blondes, avant de venir s’assoir sur le bureau, posant la tempe contre la plaque de verre pour fixer Roman de ses deux grands yeux cernés, troublants :
- Si j’avais voulu, Roman, j’aurais pu te tuer, toi aussi. J’aurai fait exploser la vitre, et surement que les bouts de verre se seraient plantés dans ton visage et dans ton cou. Tu serais mort en te noyant dans ton propre sang, glouglouglou, avant même d’avoir le temps de connaitre mon prénom. Mais je l’ai pas fait, parce que bon, tu m’avais rien fait de mal, hein ? Faut pas tuer pour n’importe quoi, la psy elle a dit, que quitte à tuer, il fallait au moins avoir une bonne raison. C’était ce qui distinguait l’homme de l’animal sauvage. Et comme je me nourris pas encore de viande humaine… faut une autre raison que la faim. Et pourtant, souvent, j’ai super faim.
Elle digressait un peu sans s’en rendre compte, profitant d’avoir quelqu’un qui n’avait pas d’autre choix que de l’écouter, pour une fois, capturant son regard dans le sien en continuant d’une voix douce, enfantine, et étonnement dénuée d’agressivité :
- Je veux bien essayer de plus tuer des gens, mais il faut que les gens soient gentils avec moi aussi. Et que j’ai le droit d’aller à l’école, et , et , et que quand je saurais lire, on me donne des livres. Plein. Si on est gentils avec moi et que je peux lire, je serais sage. C’est promis. Par contre si on est méchant, ben le marché il compte plus Roman, t’es d’accord ? Parce que si on me mord, je mords encore plus fort. Pis comme j’ai pas peur de mourir, quitte à ce que tu me tues, autant amener un maximum de gens avec moi, hein ? Plus on est de fous, plus on rigole. Je crois que c’est comme ça l’expression.
Elle sourit à nouveau, dévoilant ses petites canines pointues avant de bailler : c’était fatigant, tous ces bavardages quand même. Elle ne se rendait même pas compte d'à quel point ses mots n'avaient rien à faire dans la bouche d'une enfant si jeune.
- Bon du coup, tu veux que je te montre ce que je fais, ou on a fini de discuter ? Je te conseille de voir, au moins une fois. Ca t’évitera de te faire avoir comme un bleu comme les quatre autres, si on t’envoie me descendre. Ce serait dommage pour toi.
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| | | | Sujet: Re: (fst - romarlie) i'll never forget you Lun 30 Mai 2016 - 17:25 | |
| Dès qu'il achève sa phrase, Roman prend le dossier contenant les photos, les documents et les preuves de la culpabilité de Charlotte dans la mort des scientifiques dans ses mains. Il s'en saisit doucement, avant de les reposer. Une première fois. Puis une seconde. Il cherche à s'occuper. Il veut vraiment s'occuper l'esprit parce que la réponse attendue par ses supérieurs, il ne l'a pas. Il n'a pas réussi à l'obtenir, mais il sent l'impatience de la petite fille derrière la vitre s'aggraver alors il va devoir arrêter. Ses questions et observations vont devoir cesser maintenant. Seulement, la réponse de Charlotte l'oblige à relever le nez de sa nouvelle activité. Elle qui était supposée le détendre un minimum, l'effet vient d'en être totalement annihilé par le regard glaçant de la mutante. Fronçant les sourcils, le jeune Griske l'observe s'asseoir sur le bureau sur lequel ses propres coudes sont appuyés. Il appréhende. Parce qu'il ne sait pas ce qu'elle va bien pouvoir dire, faire, sous-entendre, et qu'il n'a pas besoin de quoi que ce soit pour rendre la situation encore plus délicate pour lui. Du coin de l'oeil, il vérifie que le petit enregistreur n'a pas bougé. Peut-être l'espoir de ne plus le voir, de l'imaginer disparu, a-t-il vaguement traversé ses pensées. Pourtant, il se dit qu'il aurait dû lui-même arrêter l'enregistrement. Quand Charlotte reprend la parole, quand les mots s'enchaînent et prennent un malin plaisir à accélérer le rythme cardiaque du soldat, ce dernier réalise que les choses vont être plus compliquées qu'il ne le pensait.
En entrant dans cette salle un peu plus tôt, Roman pensait que la discussion qu'il entretiendrait avec la jeune mutante serait normale. Que malgré ce qu'elle a fait aux scientifiques, à ses collègues, la plus petite marque de remord pourrait être exagérée par ses soins pour que cette histoire soit oubliée. Roman n'est pas pour la violence envers les mutants ; il ne veut encore que les comprendre, les écouter et les considérer comme ses égaux car ils sont humains avant tout. Ils sont comme lui. Ses collègues ne comprennent pas son point de vue, lui ne veut pas entendre parler du leur. Roman se fait ses propres avis, diriger son unique conscience et ne la laisse pas se faire ronger par les discours des autres. Mais face aux mots qu'emploie soudain l'enfant, le soldat éprouve pour la première fois un doute certain. Il remet en question ce qu'il s'applique à penser depuis qu'il est entré ici il y a deux ans. Et ce n'est pas normal. C'est déstabilisant. Tout autant que ce qu'il continue d'entendre, prononcé de cette toute petite voix derrière la vitre épaisse. Roman a le sentiment d'avoir parlé dans le vent et... Et peut-être que Charlotte a raison, sans doute est-ce lui qui n'a pas tout compris.
Glissant sa main droite sur la table, le soldat la laisse poursuivre tout en gardant son regard bien ancré dans le sien. Il s'applique à éteindre l'enregistreur afin que ce dernier ne capte plus ce qui est en train de se passer. Ses supérieurs comprendront déjà très bien à l'écoute de la bande que la situation s'est comme inversée vers la fin de l'enregistrement. Il n'est pas nécessaire d'étendre sa faiblesse. Roman doit être encore trop gentil pour ce monde, trop naïf alors qu'il cherche à se prétendre fort et robuste à qui veut l'entendre. Sa curiosité lui joue des tours, aujourd'hui. A lui d'en tirer la bonne conclusion lorsque l'idée de se montrer clément repointera, un jour, le bout de son nez. Les conditions tombent sur ses épaules comme des poids morts. Ils pèsent une tonne et Roman prend une grande inspiration, tout en détournant le regard, pour ne pas les laisser remporter la partie. La question de Charlotte lui fait redresser un peu la tête vers elle. Il ne dira pas qu'il est d'accord ; il le pense juste furtivement. La suite ne lui laisse pas le temps de l'affirmer. Sans qu'il ne comprenne comment, ses paumes viennent cogner contre la table métallique dans un bruit sourd. Son corps tout entier s'en relève, pour venir faire face et contrer physiquement à travers la vitre la jeune mutante dont il ne supporte soudain plus d'entendre la voix. “Les gens ne seront pas gentils avec toi si tu menaces de les tuer.” Au moins voit-elle que lui aussi peut s'énerver, et que l'impulsivité, elle n'est pas la seule à la connaître quand quelque chose l'énerver.
Sauf que Roman ne tue pas. Même s'il entend les pires choses, il ne préfère pas encore prendre cette décision à son sujet. Il se retrouve face à son sourire étrange et il ne fait plus le moindre mouvement. Il l'observe, les muscles légèrement tremblants et le souffle court, dans l'espoir qu'elle cesse son petit manège sur-le-champ. Mais Charlotte continue, malgré tout, jusqu'à lui faire une proposition qui interloque Roman. Et qui manque le faire accepter sans plus de réflexion derrière. La curiosité, encore. Toujours. Les secondes s'écoulent. Le silence devient pesant, jusqu'au moment où Roman acquiesce. “Montre-moi.” Autant voir de près ce qu'il n'a pas pu constater lors de l'accident. Juste avant que son dossier ne lui soit confié. Le soldat l'observe faire. Il cille un peu lorsque qu'il croit soudain qu'elle peut véritablement l'atteindre comme elle l'a prétendu juste avant, mais il détourne la tête la minute d'après. Quand le silence retombe sur l'immense pièce, le visage du jeune Griske est fermé. Son regard plus sombre qu'auparavant. Il juge la petite fille d'une mine grave, avant de rassembler l'enregistreur et le dossier dans sa main gauche. “Espère juste qu'on ne se revoie pas vite”, qu'il lui souffle sans plus lui accorder d'attention. Une fois près de la porte de sortie, il ouvre la porte pour se retrouver face aux deux soldats qui attendaient derrière lui dans la salle un peu avant. Roman prend soin de rester au milieu du chemin, à moitié dans la salle et à moitié dans le couloir qui la prolonge, pour que Charlotte puisse entendre ce qu'il va dire en tendant un peu l'oreille. “Laissez-la encore confinée dans sa chambre pour les cinq prochains jours. Après cette date...” Un soupir lui échappe. Il fronce des sourcils sévères en direction de la petite fille. “Nous discuterons d'une ou deux libertés à lui rendre progressivement”, qu'il achève, avant de passer entre les deux gardes. Le russe marche jusqu'à passer une deuxième porte au fond de l'interminable couloir, délaissant cette rencontre derrière lui en ne s'en avouant pas dorénavant marqué à vie. |
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