Sujet: i want to keep my son ♣ cecily Lun 4 Avr 2016 - 10:45
i want to keep my son
Cecily & Marvin
Allongé sur le lit, j’essaye de m’intéresser au journal le plus récent que j’ai réussi à attraper. Incapable de bouger, ça fait quatre jours que je suis paralysé sur tout le bas du corps, ayant perdu toute sensation au niveau des jambes. Quatre jours, sur les quinze qui nous séparent de notre atterrissage à l’aéroport le plus proche. Quatre jours, et avant cela que j’ai eu qu’une demi-douzaine de jours de répit après la précédente crise. Je me passe une main dans les cheveux, avant de me replonger dans ma lecture. L’inactivité m’insupporte, je n’y suis toujours pas habitué et je doute parvenir un jour à m’y habituer. Un appel, je l’ignore d’un claquement de langue, attisant davantage encore mon intérêt pour l’avancée de l’enquête sur les récents attentats. Alors que bon, soyons honnête, je n’en ai rien à carrer. Quinze jours à Radcliff, dans cette ville qui héberge Helen et Josh depuis huit ans, et déjà elle m’insupporte. Je ne sais pas comment mon ex-femme fait pour supporter cette ville, mais en même temps, je ne sais même pas comment mon ex-femme fait pour se supporter elle-même. Un deuxième appel, je m’obstine à lire les grands titres. Mais forcément… forcément. La porte de la chambre s’ouvre, je fais mine de ne pas m’en apercevoir. Des petits pas, un mouvement du matelas m’apprend que quelqu’un vient de sauter sur le lit. Rapidement une tête surgit au dessus de mon journal. « Papa, Maman, elle t’appelle ! » La garce… elle sait que je ne veux pas la voir, que tant que je n’ai pas trouvé une solution me permettant d’habiter une maison autre que la sienne, la nôtre, je suis contraint de cohabiter avec elle mais que je n’en ai pas la moindre envie. Ces dernières semaines ont détruit le peu qu’il subsistait entre nous depuis notre mariage, une absence complète de confiance s’est installée entre nous. Je ne connais pas ma femme et je n’ai franchement pas envie d’apprendre à la connaître. Oh, je pourrais la dénoncer en tant que Hunter auprès des autorités, elle aurait bien du mal à justifier ses cours de mosaïque maintenant que la petite Saddler est à la mairie mais… mais je sais que ça porterait préjudice à cette bouille qui me regarde. Quinze jours, quinze jours qu’on s’apprivoise maladroitement et qu’Helen ruine nos efforts dans ses petits sourires et en toute simplicité. D’ailleurs, en parlant d’Helen… La voilà qui craque et qui apparaît à la porte. « T’es prêt ? » Son ton sec n’est adoucit que par ce sourire scotché à ses lèvres. Josh sent instinctivement que l’atmosphère vient de se tendre drastiquement. « Pour quoi ? » Je la fixe sans ciller. Elle veut jouer au con ? Pour être prêt, aux dernières nouvelles, j’ai légèrement besoin de son aide. « Le rendez-vous. » Je la vois jeter un regard à Josh qui nous regarde l’un après l’autre, comme s’il assistait à un match de tennis. Il a six ans… il fait un sport ? Une activité extrascolaire ? « Quel rendez-vous ? » Je sais qu’Helen ne veut pas parler de notre futur divorce devant Josh. Déjà parce qu’elle est absolument contre le fait que j’en obtienne la garde mais plus encore parce qu’elle ne compte absolument pas faire en sorte que ce divorce aboutisse. Je n’arrive pas encore à cerner pourquoi mais je sais que notre amour d’adolescent s’est transformé en indifférence, en absence et maintenant en tension électrique. « Maman, vous allez où ? » La petite voix de Josh fait diversion, j’en profite pour me passer une main sur le visage.
Il saute du lit sur un signe de sa mère. Au moins, je ne peux que concéder ça à Helen, elle l’a bien élevé. Sans moi. Six ans de retard, voilà ce que j’ai, six ans de retard et la certitude que je ne la laisserais plus s’occuper de lui maintenant, même si je ne sais pas ce qui me pousse à faire ça. Et pourtant… Helen me fait comprendre d’un regard que je n’ai qu’à me préparer tout seul si je tiens à aller à ce rendez-vous, puisque c’est moi qui l’ai voulu rappelons le, et s’en va expliquer à Josh qu’elle l’emmène chez une amie parce que Papa et Maman doivent aller voir quelqu’un. Charmant euphémisme. J’essaye d’atteindre mon fauteuil, de m’y installer. Je me rends compte en procédant que c’est à ça que va ressembler ma vie, maintenant. Plus de lit de camp, plus d’hélicoptère, plus d’explosion, plus de flingues, plus de blagues graveleuses, plus de barres nutritives mangées à la va-vite entre deux tours de garde, plus de boue, plus de… au moins, j’ai la consolation de savoir que ma paralysie n’est pas définitive, qu’elle va et vient, pour le moment, selon un rythme irrégulier, qu’elle…
Un frisson dégringole ma colonne vertébrale lorsque je me rends compte que ce tee-shirt que je tiens… je ne le sens plus. Ma main répond toujours à mes ordres, mais l’insensibilité de mon épiderme est flagrante : sans mes yeux, je serais incapable de savoir que je tiens quelque chose. Je suis un membre des SAS, des forces spéciales. Je suis même un ancien membre de l’élite de l’élite. Il en faut généralement beaucoup pour me faire perdre mon sang-froid. Mais là… là… c’est comme ça que ça a commencé pour mes jambes. Insensibilité complète avant de perdre totalement leur contrôle et les sensations. C’est comme ça que ça commence toujours pour mes jambes. Mais déjà que gérer une paralysie sur le bas du corps est à la limite de mes capacités, si en plus elle grappille le haut de mon corps… Je secoue ma main, comme si ce mouvement pouvait faire revenir les sensations. Rien, strictement rien. Tout mon côté gauche est engourdi, dans une absence d’information plus que déstabilisante. Mon angoisse difficilement contenue augmente d’un cran encore lorsque je me rends compte que ma seule alliée dans cette ville est celle qui aurait très bien pu vouloir ma mort. Je suis vulnérable face à une chasseuse dont le tableau de chasse m’est totalement inconnu. Je suis… Je sers les dents en empoignant un jean quelconque, et en roulant vers la salle de bain avec une pugnacité rageuse. Du nerf, Marvin. Je marmonne dans ma barbe, cherchant à retrouver la voix bourrue de mon supérieur. Tu es un SAS, tu ne lâches rien, même s’il te manque tes jambes, même s’il te manque tes bras. J’enfile sans souci mon tee-shirt, balançant mon haut de pyjama dans la corbeille à linge. Serrant les dents, je tente de me hisser à la force des bras au lavabo puis au radiateur pour me redresser tant bien que mal. Ce que je fais est risqué, dangereux, joueur, stupide mais… Who dares win, me sifflent les SAS dans les oreilles. Il faut que je devienne indépendant, il faut que je redevienne indépendant. Je ne vais pas pouvoir rester des années dans cette baraque, dans cette ville qui m’est étrangère et qu’Helen connait comme sa poche. Sauf que… ma perte de sensibilité au niveau de la main rend plus difficile la manœuvre, je m’écrase sur le sol de la salle de bain dans un fracas.
La voiture se gare, je pianote sur le rebord de la fenêtre dans un mouvement impatient. De toute manière, ce n’est pas comme si je pouvais sortir de la voiture en gambadant comme un chevreau donc… « Tu me fais un bisou Papa ? » La voix de mon fils me fait sursauter, il me regarde avec plein d’espoirs déçus. J’avais oublié qu’il était là, lui. Et dire qu’on est supposé aller se battre pour avoir sa garde, je ne cesse de m’apercevoir jour après jour, heure après heure que je n’ai strictement aucune chance de gagner et que j’ai tout à perdre. Pourtant… je ne peux pas rester marié à Helen et je refuse de tirer totalement un trait sur Josh. Soit je le perds, soit je reste avec une femme qui n’a en commun avec moi qu’un nom de famille et une dizaine d’année de vie commune. Si on peut appeler vie commune les quelques mois cumulés. Je soupire en faisant un signe de la main à mon fils que sa mère traîne chez une amie. Comment elle a dit qu’elle s’appelait, déjà ? Je suis incapable de m’en souvenir. Ma seule main sensible quitte la fenêtre, gratte ma joue, remonte vers mon arcade sourcilière ouverte, maintenue par des steri-strips. C’est con tout de même. Quinze jours, j’arrive déjà à m’esquinter parce que je suis incapable d’accepter de l’aide la part d’Helen. La portière claque, elle est de retour. Si on conservait jusque là une discussion badine pour faire illusion devant Josh… « Tu aurais pu faire au moins semblant de t’intéresser à lui. » Je lève les yeux au ciel. « Mais je m’intéresse à lui ! Si je n’en avais rien à faire de lui, on aurait pas ce rendez-vous ! » « Si tu t’intéressais à lui, tu ne réclamerais pas le divorce pour cette broutille. » Le ton monte et lorsque la voiture se gare devant le bâtiment. Le ton monte encore lorsqu’elle dégage mon fauteuil du coffre et me laisse me débrouiller pour m’y installer pendant qu’elle consulte son téléphone. « On a une demi-heure de retard, Marvin, ne compte pas sur moi pour te trouver une excuse. Allez, dépêche-toi, qu’on règle vite cette affaire ridicule. » Ridicule ? « Tu ne me prends toujours pas au sérieux, Helen ? »
On arrive dans le couloir, nos voix résonnent et un assistant va aller nous annoncer auprès de Blackwood, le procureur qui va s’occuper de nous. « Mais bien sûr que je ne te prends pas au sérieux ! Qu’est ce que tu crois ? Que tu peux demander le divorce et vivre ta vie comme un grand ? Marvin, tu ne connais même pas ton numéro de sécu… tu en as un au moins ? » Je lève les yeux au ciel en bloquant les roues de mon fauteuil. « Mais bien sûr que j’en ai un, c’est le… là n’est pas la question Helen ! Je ne lâcherai pas l’affaire, un point c’est tout ! » Nos voix résonnent dans tout le couloir maintenant, nous attirant des regards offusqués, curieux, exaspérés. « Mais tu n’en as rien foutre de Josh ! Si je n’étais pas allée le déclarer, tu ne l’aurais même pas reconnu ! » « C’était il y a six ans ! Et demi ! J’étais au Burkina Faso à l’époque, ou aux Maldives, ou au Pakistan ! Quelque part ! Tu le savais quand tu m’as épousé que… » Mon regard se pose sur la blonde qui vient de débarquer. « Blackwood, c’est ça ? »
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Lun 4 Avr 2016 - 10:52
Give me a good reason...
Marvin & Cecily
Depuis des années, mes journées étaient millimétrées, avec un emploi du temps calculé à la minute près pour avoir le temps de tout faire. Je me levais à six heures précises, mangeais en trente minutes, ce qui me laissais juste le temps de lire les premières pages du journal, puis m'accordais une heure pour me préparer, tout cela pour être à 8h30 pétantes au travail. Jamais on ne m'avait vue arriver en retard ni rendre un dossier hors délai. Je me savais maniaque au possible et presque psychorigide, avec cette fixation sur les horaires, mais au moins j'étais sereine.
Ce matin ne dérogeait pas à la règle, et j'arrivais avec suffisamment d'avance au cabinet pour prendre un café et me poser quelques minutes dans mon bureau avant de commencer à travailler. Radcliff... Que c'était ennuyeux, comme ville... J'avais quitté l'Alaska pour Chicago, une ville autrement plus importante et réputée pour son taux de criminalité élevé. J'avais mené des procès pour meurtre, viol, enlèvement, trafic de drogue, baigné dans des affaires sordides et éprouvantes... Mais j'adorais cela. Cette poussée d'adrénaline lorsque je mettais le doigt sur un élément qu'avait relevé tel ou tel enquêteur, ce pouvoir que j'avais entre les mains lorsque j'acculais un accusé en lui mettant le nez dans la fange de ses erreurs... On aurait pu croire qu'avec les années j'aurais cédé au stress, mais là où certains trouvaient leur dose de stress dans les compétitions, sur un champ de bataille ou simplement dans une salle de classe, la mienne se trouvait dans les tribunaux.
Or... Depuis que j'étais venue m'installer à Radcliff – par nécessité et inquiétude plus que par envie – j'avais découvert les non joies de la monotonie d'une petite ville... Si j'avais trouvé facilement un emploi, je m'y ennuyais. Des petits délits, quelques affaires mineures... Il n'y avait finalement que cette histoire d'attentat à la mairie, peu de temps avant mon arrivée, qui avait su stimuler ma curiosité.
Jetant un œil à mon agenda, je soupirais en regardant ce qui m'attendait. Deux dossiers à monter pour des affaires de discordes de voisinage et... Charmant. Une rencontre avec un couple se disputant la garde de leur fils. Il n'en fallait pas plus pour me mettre dans le bain pour la journée. Soupirant à nouveau, je me plongeais dans mon premier dossier pour bien commencer la matinée, ne lâchant pas ma montre du regard pour être à l'heure pour mon rendez-vous.
A l'heure prévue, j'étais prête, mon bureau méticuleusement rangé, prête à recevoir mes visiteurs... Qui se firent désirer. Plus d'une demi-heure. Une minute de plus et ils auraient probablement épuisé le peu de patience qu'il me restait. Tapotant sur le rebord de mon bureau, je me figeais net en entendant des éclats de voix dans le couloir. Intriguée, je me levais et sortis dans le couloir, pour trouver mon fameux couple en train de se disputer violemment. Je comprenais un peu mieux pourquoi ils se disputaient la garde de leur fils... Ces deux là devaient davantage le traumatiser en étant ensemble qu'en se séparant. Quel gâchis... Je leur jetais alors un regard glacial, baissant les yeux vers celui qui venait de me héler. Continue donc à m'appeler comme ça, roulette, et tu pourrais bien malencontreusement chuter de ton fauteuil...
« Cecily Blackwood... Je suis la procureure qui va s'occuper de votre dossier... »
Je leur serrais brièvement la main avant de les inviter à entrer et à s'asseoir face à mon bureau. Je m'installais à mon tour et me saisissais de leur dossier pour le parcourir à nouveau du regard. Monsieur était militaire... Il paraît donc avec un mauvais point d'avance, et ce même si je tentais au mieux d'être impartiale. L'armée, c'était ce qui avait coûté plusieurs années de la vie de mes frères et avait fait de Nathaniel un monstre de violence et de radicalisme. Et à en juger par l'état du type assit en face de moi, je doutais qu'il se soit retrouvé là dans un accident de patins à roulettes. Et quelle éducation donnait-il à son fils ? Marche au pas et file droit ? Coucou chéri, c'est papa, on ne s'est pas vus depuis six mois ? A peine avais-je ouvert le dossier que déjà, ma sympathie penchait en faveur de sa compagne. Seulement, d'elle je ne savais rien, car sa partie du dossier était extrêmement pauvre. Refermant le document, je joignis les doigts sous mon menton.
« Très bien, je vous écoute... Vous êtes là pour savoir lequel de vous deux obtiendra la garde de votre fils Josh et, je suppose, pour mettre en place une procédure de divorce. »
Leur jetant à chacun ce regard froid dont j'avais le secret, je repris.
« Parlez chacun à votre tour et par pitié... Inutile de hausser la voix, je ne suis pas sourde. C'est moi qui aurai la décision finale, aussi je vous conseille gentiment de ne pas réitérer votre petit numéro. »
M'emparant d'un stylo plume et d'un carnet, je pouvais donc commencer l'entretien, maintenant que les bases étaient posées.
« J'ai lu dans votre dossier que vous étiez un ancien membre des forces spéciales, monsieur, c'est cela ? Pouvez-vous m'en dire un peu plus ? Ce sont simplement des questions de routine. Et vous madame ? Je n'ai pratiquement rien d'indiqué, j'aurais besoin d'en savoir un peu plus à votre sujet... Ensuite, nous pourrons parler un peu de Josh... »
Je les voyais déjà venir avec leurs revendications personnelles, leurs « c'est moi qui le connais le mieux »... Et je savais par avance que trancher en la faveur de l'un m'attirerait les foudres de l'autre. Seulement, si j'avais un à priori sur monsieur gâchette facile, j'avais au moins le sentiment d'avoir quelqu'un de transparent en face de moi. Son épouse en revanche... Rien. Et si j'avais les militaires en horreur, je détestais plus encore les hypocrites et les menteurs.
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Lun 4 Avr 2016 - 10:58
i'm his father...
Cecily & Marvin
Je ne suis pas un joueur. Oh, j’ai bien souvent plumé et été plumé au poker mais pour le reste… je ne vais pas être du genre à confier ma vie aux probabilités et je suis plutôt de ceux qui vont aller le plus loin possible dans l’anticipation pour mieux éviter les amères déconvenues et les pertes aussi inutiles qu’évitables. Et donc… on va dire que je sais que mes chances d’obtenir la garde de Josh sont minces. Extrêmement minces, à la hauteur de tous les arguments en ma faveur dans le dossier. Mais il faut que je tente, il faut que je fasse quelque chose. Helen ne me prend pas au sérieux, c’est bien normal, elle ne me connaît pas. Tout comme je ne la connais pas et c’est bien là que se situe, au final, notre principal problème. Mes chances d'obtenir la garde de Josh sont minces, pour ne pas dire inexistantes, celles d'avoir le droit de le voir ne le sont pas davantage et puisqu'on se donne déjà en spectacle dans le couloir, j'ai bien l'impression que rien n'est gagné. On est en retard, le ton monte, monte encore. Je ne suis pas du genre à perdre mon sang-froid, je ne suis même pas du genre à me montrer impulsif. Mais face à Helen, je n'ai aucune patience.
Et face à la procureur qui me fait face, je sens que je ne vais avoir aucune patience non plus. Un regard noir, je ne tente même pas de simuler un sourire, je me contente de la foudroyer avant de regarder Helen qui, elle se pare de tout ce qu'elle peut faire de faux, au même titre que ses seins ou son nez. « Cecily Blackwood... Je suis la procureure qui va s'occuper de votre dossier... » J'arque un sourcil, totalement convaincu de ce qu'elle raconte. S'occuper du dossier, soit. Je lui serre la main sans même faire un effort d'amabilité. « Pardonnez notre retard, Marvin n'est pas encore tout à fait habitué à son handicap et refuse qu'on l'aide, ce qui fait que l'on a mis plus de temps que prévu pour se préparer... » Ah, Helen. Charmante Helen. Souriante Helen. Elle a réponse à tout, elle est jolie, elle présente bien, elle refuse de me mettre en porte-à-faux, m'excuse. Je grommelle un « ça va, pas la peine de lécher son cul non plus... » que je n'essaye même pas de rendre inaudible. Si Blackwood est sensible au fayotage, grand bien lui fasse mais je ne vais pas non plus fermer ma gueule juste pour n'offusquer personne. De toute manière, je n'ai plus grand-chose à perdre, en dehors de Josh, et donc…
Sans faire mine d'être blessée par ma remarque, ni même de l'avoir entendue, Helen me pousse dans la pièce. Je croise les bras, décidant de ne pas l'aider du tout – autant qu'elle assume ses conneries – et la regarde réinstaller les chaises pour que mon fauteuil se cale devant le bureau de la blonde. Me frottant le menton, grattant une nouvelle fois, par réflexe, mon arcade sourcilière blessée, je regarde le bureau pendant qu'Helen s'assoit et que l'autre jette un coup d'oeil au dossier. Elle ferme le dossier, je tente de me concentrer sur elle et sur son attitude. Helen, en bonne enfant sage, polie, bien élevée et tutti quanti, a les mains posées sur ses genoux. Merde alors, elle est ridicule et j'ai bien envie de le lui faire remarquer. Seulement… Blackwood intervient avant moi. « Très bien, je vous écoute... Vous êtes là pour savoir lequel de vous deux obtiendra la garde de votre fils Josh et, je suppose, pour mettre en place une procédure de divorce. » Son regard provoque chez moi une vague de nostalgie. J'ai connu un colonel, comme ça, qui donnait envie de rajouter une polaire sur notre uniforme pour éviter de devenir un glaçon sous ses yeux aussi bleu que l’arctique. Et bien, elle a l'air agréable. Le pire c'est qu'elle a un petit quelque chose, mais… elle a surtout l'amabilité et la gentillesse d'une porte de prison. Et je sens Helen se tendre, se redresser. « Parlez chacun à votre tour et par pitié... Inutile de hausser la voix, je ne suis pas sourde. C'est moi qui aurai la décision finale, aussi je vous conseille gentiment de ne pas réitérer votre petit numéro. »
C'est à mon tour de me tendre. Elle qui émettra la décision finale, vraiment ? Je me réinstalle sur mon fauteuil, brûlant d'envie de me mettre debout quand bien même je n'ai strictement plus aucune sensation dans tout le bas du corps. Je déteste cette sensation de vulnérabilité inhérente à ma paralysie, j'exècre surtout ce petit espoir constant que j'ai de pouvoir remarcher, lorsque les conséquences du vaccin refluent et me rendent mes jambes. Et là, à être presque obligé de lever la tête pour la regarder… « J'ai lu dans votre dossier que vous étiez un ancien membre des forces spéciales, monsieur, c'est cela ? Pouvez-vous m'en dire un peu plus ? Ce sont simplement des questions de routine. Et vous madame ? Je n'ai pratiquement rien d'indiqué, j'aurais besoin d'en savoir un peu plus à votre sujet... Ensuite, nous pourrons parler un peu de Josh... » Je soupire devant les questions qui pointent déjà ce qui est clairement un sujet sensible. Membre des forces spéciales jusqu'il y a un mois, dix ans de ma vie parties en fumée dans un crash. Et un vaccin qui s’applique à réduire encore plus à néant dix ans d’entraînement, d’épuisement, d’adrénaline, d’excellence, d’exigence, de… J’en viens presque à me demander ce que je fais là et pourquoi je le fais. Pour Josh, bien sûr, pour moi, aussi. Par vengeance accessoirement. Et surtout parce que mon fils est la seule personne pour laquelle je peux me battre maintenant, le seul combat que j’ai à mener, le seul point de repère que j’ai dans une vie que je dois intégralement reconstruire, ou presque. « Marvin, tu commences ou je… » « Oh ta gueule, Helen. » Elle m’énerve avec ses simagrées de petite femme parfaite éplorée. Je concentre mon attention sur le procureur face à moi. « Membre des forces spéciales australiennes, ouais, depuis mes vingt-quatre ans. Dans l’idée, partout où l’Australie doit détacher des hommes d’élite je suis allé, que ce soit pour des prises d’otage, des cibles précises sur les différents théâtres d’opération actuel ou pour de la formation de soldats, que ce soit à l’étranger ou sur le territoire. » J’hausse les épaules, « Qu’est ce que vous voulez que je vous dise de plus ? La liste de mes missions, je suis désolé, il faudrait que je vous égorge toutes les deux après vous avoir raconté en détails les informations confidentielles donc… » Helen me regarde avec de grands yeux horrifiés, sa main se posant sur sa bouche entrouverte. « Marvin ! » Le reproche est éloquent, l’hôpital se fout totalement de la gueule de la charité. Si tant est qu’on puisse me surnommer charité. La bonne blague. Je lève les yeux au ciel dans un claquement de langue. « Mais c’est bon, Helen, fais pas ta prude… raconte plutôt ta vie à la dame… » Helen pince immédiatement les lèvres, détourne le regard pour le poser sur la blonde que je détaille moi aussi.
Elle récite son texte, comme un poème appris à l’école, un alibi savamment répété, un texte qu’elle connait par cœur et qu’elle a révisé en prévision de cet entretien. Helen, petite élève parfaite, bien apprêtée, bien polie, bien… « Je suis mère au foyer, depuis la naissance de Josh, il y a six ans. Auparavant, je m’occupais principalement de la maison puisque Marvin n’était jamais là. Il a toujours fait passer sa carrière en priorité, dévoué pour son pays. Marvin est un homme… » « Oh, putain, ta gueule, Helen, tu le savais quand on s’est marié que je serais absent… » « Pitié, Marv’, pas cette discussion maintenant, pas encore… »
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Lun 4 Avr 2016 - 17:15
And she's a bitch, yes, I know. And ?
Marvin & Cecily
Pendant mes études, j'avais vu plusieurs de mes camarades de promo fuir le secteur criminel en soupirant de soulagement. La plupart détestait devoir affronter des histoires sordides, quand bien même nous n'étions pas de ceux qui mettaient les pieds sur les scènes de crime. J'avais fais l'inverse. Ça ne m'intéresserait pas tant que ça de régler les histoires des petites gens, et encore moins de devoir m'occuper de litiges entre tel ou tel mastodonte du milieu financier. J'avais fais partie de cette poignée d'illuminés à préférer les histoires glauques et médiatisées au possible. Mais pas pour la célébrité... Pour une toute autre raison : Un macchabée ne parlait pas. Il était muet, pas contrariant, bref il était mort. Tout ce j'avais à faire par la suite, c'était monter un dossier, m'attarder sur les preuves qu'on m'apportait et faire parler un potentiel coupable.
Mais ça... Devoir gérer deux idiots incapables de s'entendre suffisamment pour ne pas commencer à se chercher des poux d'entrée de jeu, c'était précisément tout ce que je détestais. Je n'étais pas conseillère conjugale, bon sang ! Qu'est ce qu'il ne fallait pas accepter de faire quand on s'installait dans une nouvelle ville... Seigneur que la criminalité de Chicago me manquait... Et que ces deux imbéciles me tapaient déjà sur le système... Ah il était joli, son sourire, à la dame... Bien blanc, fiché sur un joli visage de poupée repulpé à l'extrême... Et qu'il sonnait faux, surtout. C'était probablement ce qui me dérangeait le plus chez elle, elle avait l'air bien trop douce et prévenante pour être honnête. A moins que ce ne soit vraiment une adorable jeune femme qui aurait épousé le pire des cons, je n'oubliais pas cette possibilité là. Car pour le coup, monsieur était ouvertement et délibérément con. Je ne relevais pas la bassesse de son vocabulaire, me contenta de les laisser entrer tous les deux afin de commencer cet entretien qui n'avait que trop tardé. Monsieur avec du mal à s'habituer à sa nouvelle condition de petit bolide monté sur quatre roues ? Ce n'était pas mon problème.
Chassant tous mes à priori, je commençais par leur poser quelques questions de routine pour mettre en place un dialogue entre nous et en savoir un peu plus à leur sujet. Le menton posé sur mon poing fermé, je notais quelques informations. Difficile pour moi d'avoir l'air parfaitement détendue et de masquer cette tension dans ma mâchoire. Ce discours, je l'avais entendu maintes fois de la bouche de mon père et d'autres de ses collègues... Ou plutôt de ses frères, comme il aimait les appeler. Cette façon de bomber le torse en parlant de protéger les populations... Tss... Des meurtriers, des hommes qui revenaient traumatisés et ne parvenaient pas reprendre leur vie en main par la suite, voilà ce qu'ils étaient. Je relevais alors la tête, lançant un regard glacial au dénommé Marvin.
« C'est une menace ? Je vous prierais de revoir un peu votre discours, monsieur... Car pour le moment, la seule image que vous me donnez est purement négative, et je n'ai pas l'intention de signer quoi que ce soit vous autorisant à voir votre fils si j'ai le moindre doute quant à votre équilibre mental... Si c'est pour que vous lui appreniez à tenir une arme à dix ans, je pense que nous serons tous d'accord pour dire que sa mère s'en occupera bien mieux que vous... Est-ce bien clair ? »
Il y avait quelque chose de jouissif dans le fait de pouvoir décider de l'issue de cette affaire. Une signature, un tampon, et je pouvais briser une famille en l'espace de quelques secondes. Malheureusement, ou heureusement pour eux, ce n'était pas dans ma nature de chercher à causer le plus de tort possible. Ce que je voulais avant tout, c'était m'assurer que le pauvre gamin qui se retrouvait pris entre les tranchées creusées par ses parents n'ait pas à subir leur courroux comme un dommage collatéral. Entre une mère qui présentait bien mais avait l'air de cacher quelque chose et un père à l'amabilité inexistante, le développement émotionnel du petit devait être totalement chamboulé. Au premier abord, je n'avais envie de pencher ni en faveur de monsieur ronchon, ni de sa poupée Barbie. Pauvre gosse...
En parlant de madame, elle avait décidé de me raconter enfin son histoire. Un récit finalement assez classique : Comme beaucoup de femmes de militaires, elle était mère au foyer et s'occupait principalement de son fils en l'absence de son mari. Et je ne pouvais pas la juger et encore moins la blâmer pour ça, après tout ma propre mère avait fait une croix sur sa carrière pour nous élever tous les quatre en l'absence de mon père. Seulement... Jamais ma mère n'avait blâmé mon père pour cela, car comme le disait Marvin, elle l'avait épousé en connaissance de cause.
« Oh non je vous en prie ! Continuez donc à vous battre, ça me donne d'autant plus d'éléments à ajouter à votre dossier... Pour commencer, au prochain putain que j'entends dans cette pièce, je vous mets dehors, Mr Smedry. J'ai l'impression d'avoir affaire à un adolescent en pleine crise et non à un père qui souhaite se battre pour la garde de son fils... Ensuite... Je ne suis pas conseillère conjugale, je suis procureure. Si vous avez des choses à régler entre vous, faites-le et vite. »
J'avais presque envie de les amener à cracher ce qu'ils avaient tous deux sur le cœur pour comprendre le fond du problème... Y avait-il seulement eu de l'amour entre eux un jour ? J'avais l'impression de voir deux étrangers enchaînés l'un à l'autre et incapables de se supporter.
« Pour la dernière fois, êtes-vous certains de vouloir vous séparer et d'entamer une longue et stressante procédure ? »
Tournant la page de mon carnet pour ouvrir un nouveau chapitre – celui concernant le petit Josh – j'attendis patiemment qu'ils me répondent avant de poursuivre.
« Bien... Venons en à Josh. Quel âge a-t-il et quand est-il né ? Parlez-moi un peu de lui, il n'est pas avec vous mais donnez-moi l'impression que je le connais... »
Sa date de naissance, son âge, sa taille, la couleur de ses yeux... J'avais tout ça dans mon dossier, mais c'était bien plus intéressant de les voir se battre pour me répondre. D'autant que cette fois, j'étais presque certaine que celle qui aurait les réponses sincères à mes questions, ce serait madame. Une bonne occasion de l'entendre me répondre honnêtement et de voir Marvin se taire un peu.
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Dim 10 Avr 2016 - 12:46
Look at her, she can't take care of my son
Cecily & Marvin
Des champs de bataille, en dix ans, j’en ai connus un certain nombre. La violence, l’attente, l’appréhension, l’adrénaline, tout ça je connais aussi bien que la défaite. Mais là… là… face aux deux mégères, je me sens acculé, pris au piège, en infériorité numérique et surtout engagé dans une lutte totalement vouée à l’échec. Hors de question que je baisse les bras, pourtant. Sur les nerfs, je refuse de faire comme Helen et de m’aplatir pour lécher des bottes, je refuse aussi de me la fermer et de garder pour moi mes commentaires. Qu’elle m’excuse, qu’elle justifie notre retard, qu’elle cherche à caresser l’autre dans le sens du poil si elle veut : moi, tout ce qui m’intéresse, c’est d’obtenir ce que je veux, de gagner cette bataille et de tenir mon fils loin de toute cette merde.
Une chose est sûre dès que Blackwood commence à parler : elle ne va pas nous faire de cadeaux. Et surtout, elle ne va pas chercher à avoir pitié de moi pour mon état, j’ai bien l’impression que ce n’est pas son genre et c’est tant mieux. Le ton est clair, en quelques mots elle a le mérite et de me convaincre que ça va être relativement violent, et de me faire comprendre que ma paralysie, aussi irrégulière soit elle, est une blessure toujours pas cicatrisée. Quelques semaines à peine et je meurs déjà d’envie de me lever pour aller me défouler quelque part. Sans compter le petit numéro de miss parfaite qu’est en train de nous jouer Helen, diplomate et gentille, prévenante et aimante, écœurante dans ses simagrées doucereuses. Qu’elle cesse son petit jeu, c’est à moi qu’on a posé les premières questions, je ne suis pas stupide au point d’ignorer l’ordre de réponse qu’on va s’infliger. Quelques mots, une nonchalance semi-affectée, un sourire insolent aux lèvres, je résume dix ans de ma vie sans la moindre saveur, par des mots aussi mécaniques que répétés. Et d’un haussement d’épaules, je m’amuse à faire remarquer que… et bien que si elle compte en savoir plus sur ce que j’ai fait exactement ces dernières années, il faudrait qu’elle me présente une habilitation secret défense en bonne et due forme. Sans quoi… d’un ton absolument badin je parle d’égorgement, tout à fait au fait de la normalité de la chose. Un peu d’humour ne fait jamais de mal, surtout pas à ma charmante ex-femme qui fait la choquée alors qu’elle m’a déjà entendu dire pire ; un peu d’humour ne fait jamais de mal, surtout pas au regard glacial que me lance le procureur en face de moi. « C'est une menace ? Non, sir, c’est une réalité. Je lève ostensiblement les yeux au ciel sans masquer un sourire blasé par tant que… « Je vous prierais de revoir un peu votre discours, monsieur... Car pour le moment, la seule image que vous me donnez est purement négative, et je n'ai pas l'intention de signer quoi que ce soit vous autorisant à voir votre fils si j'ai le moindre doute quant à votre équilibre mental... » Par tant d’animosité et de connerie. Elle n’a aucun humour ou elle a vraiment quelque chose contre les militaires ? « Si c'est pour que vous lui appreniez à tenir une arme à dix ans, je pense que nous serons tous d'accord pour dire que sa mère s'en occupera bien mieux que vous... Est-ce bien clair ? » Mon regard perd son exaspération pour se durcir instantanément. Foutre une arme dans les mains de mon fils ? En dehors d’un couteau pour qu’il coupe les carottes, il est hors de question que Josh touche au moindre flingue avant sa majorité. Et encore. J’ai plus que conscience qu’à chacune de mes interventions, au lieu de gagner des points, j’en perds. Et je sais qu’Helen en a autant conscience que moi, si ce n’est plus : son silence est et son jeu d’actrice sont éloquents. Mais ce n’est pas pour autant que je vais me la fermer. Nous serons tous d’accord pour dire que sa mère s’en occupera bien mieux que vous… Mais quelle garce, celle là ! Je prends sur moi pour garder mon calme. Sang-froid acquis à la dure, contenance conservée par la violence de ma détermination. « Ah… je vois… C’est votre père ? Votre frère ? Les deux peut-être ? Marine ou officier de l’armée de terre ? » Pour avoir un tel point de vue des militaires, il faut soit en connaître de très près, soit avoir une sacrée rancœur vis-à-vis d’eux. Et la tension qu’elle montre n’est qu’un indice supplémentaire.
J’imagine qu’Helen sent que les choses ne vont pas tarder à dégénérer et que si elle veut régler rapidement cette affaire, il faut qu’elle calme le jeu et l’atmosphère électrique qui va en s’intensifiant entre Blackwood et moi. Gentille Helen, brave Helen… manipulatrice Helen : je ne suis pas de taille pour lutter face à ses minaudages. Lorsqu’elle commence à réciter son texte appris par cœur et sûrement peaufiné hier au soir, je ne cache pas mon scepticisme. Mère au foyer, mère dévouée, épouse aimante, c’est mignon, on pourrait presque y croire si ça ne sonnait pas faux, horriblement faux et si elle n’e profitait pas pour en rajouter une couche sur mes absences. Je l’interromps sans pouvoir en supporter davantage. Chaque fois qu’elle met en avant mon handicap ou ma carrière, c’est pour m’enfoncer davantage vis-à-vis de la garde de Josh, je ne suis pas dupe. Qui irait confier un gosse à un père qu’il n’a jamais vu, qui irait enlever des mains d’une mère au foyer le gosse qu’elle a élevé pour le confier à un père handicapé qui n’est même pas capable de s’occuper tout seul de lui-même, comme le prouve mon arcade sourcilière explosée. Je craque, complètement, la discussion avortée dans le couloir repart pour mieux être interrompue par Blackwood, encore. J’ai une impression de déjà-vu. « Oh non je vous en prie ! Continuez donc à vous battre, ça me donne d'autant plus d'éléments à ajouter à votre dossier... Pour commencer, au prochain putain que j'entends dans cette pièce, je vous mets dehors, Mr Smedry. J'ai l'impression d'avoir affaire à un adolescent en pleine crise et non à un père qui souhaite se battre pour la garde de son fils... Ensuite... Je ne suis pas conseillère conjugale, je suis procureure. Si vous avez des choses à régler entre vous, faites-le et vite. » Mes doigts se serrèrent sur les accoudoirs du fauteuil. Je brûle d’envie de me lever pour partir en claquant la porte. C’est plutôt clair que la partie est déjà jouée, à ce niveau là. Et Helen qui se confond en excuses à côté ne va pas m’aider à éviter un autre putain. « Régler les choses entre nous ? C’est pas pour ça qu’on est là, justement ? Pour signer ce foutu papier une fois que le problème de la garde de Josh sera réglé ? » je siffle, acide, avant de faire partir mon fauteuil en arrière, comme pour me casser. Helen me retient, je vire sa main de mon fauteuil avec un regard aussi mauvais que catégorique.
« Pour la dernière fois, êtes-vous certains de vouloir vous séparer et d'entamer une longue et stressante procédure ? » Un temps de silence, je croise le regard de cette copine de soirée qui est devenue ma femme, la mère de mon gosse et une plaie. Quoiqu’une plaie, elle l’était déjà à la base. Un échange de regard, on fixe tous les deux en même temps Blackwood pour répondre de manière synchronisée. « Absolument certain. » « Je ne veux pas qu’on se sépare » Je me prends la tête entre les mains dans un soupir et des oh, bordel… murmurés à moi-même. On n’est pas sorti de l’auberge, clairement pas sorti de l’auberge. Et vu la sympathie qu’à déjà Blackwood à notre égard… ça va être vraiment folklo. D’ailleurs, Helen semble s’en rendre compte elle aussi parce qu’elle reprend d’une voix qu’elle veut rendre plus ferme mais qui ne fait que paraître aussi criarde que grinçante à mes oreilles. « Mais Marvin insiste alors… continuons à voir toutes les démarches tant qu’il n’en démordra pas. » Elle tente un petit sourire triste à Blackwood, comme pour mieux tenter de l’amadouer avec son numéro de femme amoureuse qui se sacrifie pour… pourquoi d’ailleurs ? Forcément, c’est moi le méchant, forcément, c’est moi le coupable. Pour changer.
« Bien... Venons-en à Josh. Quel âge a-t-il et quand est-il né ? Parlez-moi un peu de lui, il n'est pas avec vous mais donnez-moi l'impression que je le connais... » C’est moi le méchant, c’est moi le coupable et ça ne va pas changer maintenant vu le sujet qu’on aborde. Josh… son âge, ça va, je maîtrise. Sa date de naissance ? Déjà, là, ça commence à se complexifier. J’ai presque envie de me tourner vers Helen pour la laisser parler mais… ce serait avouer que je n’ai pas la moindre idée de qui est Josh. Parce que pour en parler suffisamment à Blackwood pour qu’elle ait l’impression de le connaître… En plus de dix ans dans l’armée, j’ai acquis suffisamment d’expérience du combat tactique pour savoir quand une bataille est perdue d’avance et là, je me rends compte que tout ce qu’il me reste à faire, c’est juste de limiter les dégâts et de me débrouiller pour avoir un peu de sursis. « Josh a six ans, il est né le 30 avril 2009 à la maternité de Radcliff. C’est un garçon très curieux, très attentif et affectueux. On est vraiment complice tous les deux même si j’essaye de l’emmener le plus souvent au centre aéré pour qu’il puisse jouer avec d’autres enfants de son âge. Il a une imagination débordante vous savez, et… […] » C’est un réflexe conditionné par l’habitude et les années : lorsqu’Helen commence à raconter sa vie, et en l’occurrence celle de mon fils, j’ai du mal à écouter. J’ai trop l’impression de me retrouver en Syrie, sous une tente, à être enchaîné à mon ordinateur et contraint de l’écouter me parler de sa petite vie tranquille et de la culture des géraniums alors que je n’en avais rien à faire. Elle est bien mignonne, à décrire Josh en long, en large et en travers, à glisser ça et là des allusions à mes absences, mais moi… moi je sais très bien ce que ça veut dire tout ça : le seul argument qui pourrait éventuellement jouer en ma faveur, c’est vaguement qu’Helen est une psychopathe en puissance, mais entre le savoir et être capable de le prouver… « Marvin, tu es d’accord ? » Je sors de mes pensées. « De quoi ? » Je n’ai pas écouté. Je m’attends presque à l’entendre me demander de me dire si sa vie la gonfle, comme au bond vieux temps. Mais non. « Je disais à Mme Blackwood que depuis qu’il a commencé le judo, Josh s’épanouit vraiment dans ce sport et que ça lui apprend efficacement à canaliser son énergie. » Je fronce les sourcils. Depuis quand Josh fait du judo, très exactement ? Parce qu’aux dernières nouvelles, il me semble qu’elle l’a emmené la semaine dernière à un cours de trompette. Et à un autre de… d’un sport, je ne sais plus lequel. Mais pas du judo, non. Ou alors… un regard à notre plus grande fan, je me rends compte qu’à hésiter comme ça, je perds totalement en crédibilité. « Ah oui, désolé, j’étais perdu dans mes pensées. Le judo ? Ouais, totalement, il adore, il… » Le visage d’Helen se pare d’un éclat de victoire. Elle regarde Blackwood comme pour la prendre à parti. J’ai vaguement l’impression qu’elles forment une équipe liguée contre moi. « Vous voyez, il n’écoute pas. Josh ne fait pas de judo, Marvin, il fait du football depuis un an maintenant. » Un soupir, actrice. « Et qu’est ce que tu voulais que j’en sache, hein ? Tu as changé d’avis quinze fois sur le sport que tu voulais le voir faire, je m’en souviens très bien. Oh, et puis merde, ça ne rime à rien tout ça… » Je fais une nouvelle fois reculer mon fauteuil, avec la ferme intention de sortir de cette pièce. « Marvin… » Le ton d’Helen est menaçant. Je ne sais pas si une personne extérieure peut le percevoir mais pour moi, c’est clair. Si je quitte la pièce, non seulement je perds toutes mes chances d’avoir la garde de mon fils mais en plus, elle se débrouillera pour faire de ma vie un enfer le temps que je retrouve un peu d’autonomie et un autre appartement. « Madame la procureure, je ne veux pas divorcer. La seule raison pour laquelle j’ai accepté de commencer de faire les démarches nécessaires, c’est pour faire comprendre à Marvin qu’il n’a aucune chance de s’en sortir sans dommages collatéraux. Est-ce que vous pouvez lui dire à quel point il est stupide de s’entêter ? Il est incapable de s’occuper d’un fils dont il n’a jamais voulu. » « Helen… » C’est à mon tour d’être menaçant. Sauf que forcément, certaine de son avantage, elle continue. « Je ne pense pas me tromper en disant que si on continue plus loin, vous allez m’accorder la garde exclusive de Josh. C’est vraiment ça ce que tu veux, Marvin ? » Je ne réponds pas, je préfère regarder Blackwood. Parce qu’en étant certaine de son avantage, Helen a dévoilé son jeu et vient de faire ce que j’espère être une grossière erreur. Il ne m’aura pas fallu longtemps pour cerner un peu celle qui nous fait face et quelque chose me dit qu’entendre Helen parler en son nom ne va pas trop lui plaire.
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Sam 16 Avr 2016 - 21:58
Neither do you...
Marvin & Cecily
Si j'avais de la rancoeur vis à vis de l'armée ? C'était un euphémisme... Pour tout dire, je me souvenais encore de mon enfance, quand mon père passait des heures à minutieusement polir et nettoyer des médailles militaires qui étaient déjà lustrées et brillantes... Je me souvenais de l'importance presque pathologique qu'il accordait à ses précieuses distinctions. Et je ne l'en avais jamais blâmé, car après tout, il avait pleinement embrassé sa carrière, comme mon grand père, mon arrière grand père et les générations d'avant. En revanche, je ne lui avais toujours pas pardonné l'enrôlement de force de Nathaniel et Adrian. Et j'étais rancunière, horriblement rancunière. Il avait gâché leur vie, fait de mes frères des hommes d'une rare violence... Si Adrian avait été en quelque sorte sauvé par l'amour d'Evelyn, on ne pouvait pas en dire autant de Nathaniel, qui semblait s'épanouir davantage dans la provocation et le corps à corps que dans toute autre activité honnête et respectable.
Alors oui, quand l'idiot en chaise roulante me prenait de haut avec ses airs de petit soldat qui veut jouer les gros durs, je me crispais et prenais inévitablement sa remarque pour de la provocation. Seulement, j'avais négligé ses trois neurones épargnés par les balles... Et je n'avais pas été très discrète. Il avait compris que pour éprouver une telle rancœur à l'égard des militaires, je devais forcément en avoir dans mon entourage proche. Pas si bête, finalement... Je lui lançais un regard glacial et répliquais sèchement.
« Partons du principe que je n'ai pas entendu votre question, et donc que je n'y répondrai pas, voulez-vous... »
Et pourtant, j'avais été à deux doigts de lui répliquer que mon cher paternel occupait fièrement un rang haut placé au sein de l'armée de terre. J'aurais mis tant de mépris et d'animosité dans ma réponse que monsieur se serait probablement sentit offensé. Au lieu de ça, je préférais m'intéresser à ce que madame avait à me dire, gardant le silence un long moment tandis qu'ils se chamaillaient. Bon sang... A quel moment s'étaient-ils dit que se marier était une bonne idée ? Leur couple ressemblait plus à une alliance de convenance, ils étaient un fardeaux l'un pour l'autre, et s'il n'y avait pas eu leur fils entre eux, les choses auraient sûrement pu être réglées bien plus vite et plus tôt. Finalement, le pauvre petit se retrouvait non seulement au cœur d'un combat qui devait le dépasser, mais était aussi et surtout le trophée qu'il voulait tout d'eux subtiliser à l'autre... Pour le bien de Josh ? Ou simplement pour emmerder l'autre ? Plissant les yeux, je jouais avec mon stylo en retenant à grand peine un soupir de consternation. Voilà pourquoi je détestais ce genre d'affaire... Elles rimaient avec chamailleries sans fin et idioties à la chaîne. Seulement, à force de les écouter, je notais une chose. Madame voulait la garde exclusive de son fils sans avancer autre chose que l'absence de son père... Tandis que lui semblait prêt à concéder certaines choses, ou du moins à accepter que ma décision n'aille pas dans son sens. Intéressant... Me redressant dans mon fauteuil, je posais mon stylo et me pinçais l'arrête du nez avec lassitude.
« Arrêtez-moi si je me trompe mais... Madame, comment pouvez-vous souhaiter rester avec un homme qui n'a visiblement qu'une envie : Vous fuir au plus vite. Je sais que l'amour rend aveugle, mais tout de même... Ce sont les sentiments qui vous guide ? Ou la rente d'ancien combattant ? »
Je n'étais pas connue pour mon hypocrisie et encore moins pour mâcher mes mots. Les choses devaient être réglées dans ce bureau, et le seul moyen d'empêcher cette femme de se construire une défense, c'était de mettre les pieds dans le plat directement. Je ne pouvais imaginer qu'une femme souhaite à ce point rester mariée avec un homme qui visiblement ne l'aimait plus... Voire même qui éprouvait tant d'animosité à son égard qu'il la traitait comme une moins que rien. Si je trouvais son attitude détestable et me retenais de ne pas l'envoyer rouler plus loin, je ne pouvais m'empêcher d'être perplexe quant au discours de cette femme.
Finalement, on en vint au terrain de prédilection de madame, et enfin je la sentis honnête. Un discours qu'elle avait certes dû préparer pour ne rien oublier, et je ne pouvais pas l'en blâmer, mais il était indéniable qu'elle aimait son fils et s'attachait beaucoup à son bien être. Je notais quelques éléments en hochant la tête par moment. Elle connaissait tout de son fils, de ses professeurs d'école à ses amis, elle côtoyait leurs parents, s'intéressait à ce que son fils aimait... En apparence, elle avait tout d'une bonne mère, et il était certain que si je ne lui avais pas trouvé un désagréable côté hypocrite et cachottier, je lui aurais accordé sans attendre la garde de son fils. Entre une mère présente et affectueuse et un père absent depuis six ans qui connaît à peine le prénom de son fils.... Le choix était vite fait. Elle se tourna d'ailleurs vers son mari, qui semblait avoir totalement décroché de la conversation, et je haussais un sourcil lorsqu'elle parla de cours de judo. Ne venait-elle pas de me dire que Josh pratiquait le foot ? Suspicieuse, je plissais les yeux, et laissais naître un rictus sur mes lèvres en comprenant qu'il s'agissait d'une ruse. Pris à ton propre jeu, monsieur le brave petit soldat...
Lassé de leur petite joute verbale, je les laissais se battre un moment, pour voir jusqu'où ils étaient prêt à aller. Je détestais ce genre de couple... Un comportement nocif pour l'épanouissement d'un enfant, un étouffement mutuel qui menait à la guerre ouverte et parfois pire... Si personne ne faisait quelque chose pour les séparer, je m'attendais à voir figurer une annonce de meurtre à l'arme blanche dans les jours à venir. Pourquoi ne voulait-elle pas divorcer ? Pourquoi tenait-elle tant à garder auprès d'elle un homme avec qui elle devait sûrement se battre quotidiennement ? Ca n'avait aucun sens... Et puis elle prononça les mots de trop. Je me raidis dans mon fauteuil et jetais à madame un regard si glacial qu'elle du le sentir sans avoir besoin se tourner vers moi. J'étais orgueilleuse, j'en avais parfaitement confiance... Et je ne supportais pas que l'on prétende pouvoir décider à ma place. Qui était-elle pour me dire quoi faire ? Pour qui se prenait-elle à prétendre savoir ce que j'allais décider ? Ma voix se fit sèche, froide et cassante.
« Vous voulez peut-être prendre ma place et faire mon travail, madame ? Après tout, une fois le divorce prononcé, il vous faudra bien quelque chose pour subsister, je peux vous laisser mon fauteuil, si ça vous tient tant à cœur... »
Calme ton acidité, Cecily... Oh et qu'importe ! Elle avait tout intérêt à me lécher les pieds jusqu'à obtenir ce qu'elle voulait...
« Que les choses soient bien claires. Légalement parlant, rien ne pourra empêcher l'un de vous de voir Josh. Si vous obtenez la garde de votre fils, ce qui n'est pas encore gagné, vous n'aurez en aucun cas le droit d'interdire à votre mari de le voir. Il n'y a aucun antécédent de violence ou d'attitude déplacée vis à vis de Josh. On pourrait en effet avancer que le handicap de votre mari est un frein pour s'occuper correctement d'un enfant, mais je doute que ce soit suffisant devant un jury. Alors non, je ne vous accorderai pas la garde exclusive. Ni à vous, ni à votre mari. »
Et Josh ? Lui avait-on demandé son avis ? Avait-on pris le temps de lui demander s'il était d'accord avec tout ça ? Ce qu'il en pensait ? Comment il le vivait ? Il était trop jeune pour pouvoir choisir chez qui vivre, mais bien assez lucide pour savoir ce qui se passait en secret dans son dos.
« Alors je vous repose la question. A tous les deux. Pourquoi voulez-vous divorcer, monsieur ? Et vous, madame, pourquoi tenez-vous à ce point à rester enchaînée à un mariage voué à l'échec ? »
Je me fichais de savoir qu'ils me haïraient probablement pour avoir mis sur le tapis ce qui ne marchait pas entre eux... Et si ça pouvait les rassurer, je détestais le sentiment d'être une conseillère conjugale et non procureure.
« Si vous voulez que les choses soient réglées rapidement, commencez par vous mettre d'accord. Si aucun accord n'aboutit, et si j'ai le sentiment que votre fils est en danger avec vous, je serais obligé de vous en interdire la garde. A tous les deux. Et j'imagine que personne ne souhaite cela, n'est ce pas ? »
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Sam 30 Avr 2016 - 22:38
So do let him to none of us
Cecily & Marvin
Je crois que j’ai toujours voulu entrer dans l’armée. Depuis mes treize, quatorze ans, quand je regardais, fasciné, tous les films de guerre que je pouvais trouver. Pendant mes temps libres, je chassais dans les steppes australiennes. Dès que je pouvais, je courrais. Je ne voulais pas seulement être militaire, je voulais faire partie de l’élite. Je voulais aller loin, je voulais voyager, je voulais découvrir, je voulais aller au contact des populations, sortir de mon île, parler des langues différentes, rencontrer des cultures différentes, je voulais protéger, je voulais secourir, je voulais me dépenser. Je voulais des sensations fortes, je voulais de la fraternité, je voulais une liberté que je n’avais pas chez moi. Aussi loin que je puisse m’en souvenir, ma vie a été définie par l’armée, par mon avenir si précis dans ma tête. Et je l’ai vécue, cette vie. Pleinement. Sans réserve. J’ai vendu mon âme à mon uniforme, à ma patrie, à mes médailles et mon grade. J’ai embrassé ma carrière sans regard en arrière. Inscrivant dans ma peau mes choix, gravant à l’encre mon allégeance. Le lynx stylisé qui s’étend dans mon dos, sur mon omoplate, est une des marques indélébiles de mon choix de vie. Et un fléau chaque jour lorsque je le vois dans la glace. Alors ses petites remarques sur l’armée, Blackwood peut se les garder. Et si elle a quelque chose contre les militaires, qu’elle me le dise tout de suite ou qu’elle se la ferme. Parce que sans être un premier de la classe, je suis suffisamment malin pour percevoir son animosité gratuite à mon encontre. Et elle ne s’en tirera pas comme ça. J’enchaîne les questions sur un ton de sarcasme, ma colère restant sous le contrôle de mon sang-froid. Son regard glacial ne me fait pas ciller, juste me redresser davantage encore. « Partons du principe que je n'ai pas entendu votre question, et donc que je n'y répondrai pas, voulez-vous... » Ferme là, Marvin. La voix de mon supérieur résonne à mes oreilles, je me compose un sourire et un soupir aussi las que provoquant. Je ne vais pas non plus entrer dans son jeu, qu’elle ne me réponde pas si ça lui chante mais sa seule attitude répond à ma question. Les deux. Père et frère. De toute manière, ce n’est pas la raison de ma présence ici et Helen ne se fait pas prier pour calmer le jeu en répondant aux questions de Blackwood que j’avais presque oubliées.
Brave Helen. Si gentille, si mignonne… elle cache bien son jeu. Même averti, je n’arrive toujours pas à déterminer ce qui est minaudage, ce qui est sincère et ce qui est pure hypocrisie. Mère au foyer, blabla, je la laisse baratiner. Et bien évidement, je suis incapable de garder mon calme. La dispute repart de plus belle quand je l’interromps sauf qu’encore une fois, Blackwood se rappelle à notre bon souvenir, et l’objectif de ce rendez-vous finit par, encore, être mis en avant. C’est Josh. C’est Josh l’enjeu, c’est à lui qu’il faut penser. Je suis à deux doigts de me barrer. Ça m’insupporte. Tout m’insupporte. Du parti clairement pris du procureur à l’attitude d’Helen en passant par mon propre échec. Ma vie était sur le terrain. Pas de prise de tête, juste des choix tactiques. Pas de disputes, juste des ordres, une mission, des outils pour l’accomplir et un parachutage express sur le terrain. Tout était bien plus simple. Sauf que maintenant, je suis coincé sur ce fauteuil et que la garde de Josh, c’est le seul combat que je puisse mener. Si on est certain de vouloir se séparer ? D’une même voix, on articule nos vœux contraires. D’un même mouvement, on se foudroie du regard tout en se mettant l’un l’autre au défi de reculer. On est mal barré. Et dans un cul de sac. Je plains quand même un peu Blackwood. « Arrêtez-moi si je me trompe mais... Madame, comment pouvez-vous souhaiter rester avec un homme qui n'a visiblement qu'une envie : Vous fuir au plus vite. Je sais que l'amour rend aveugle, mais tout de même... Ce sont les sentiments qui vous guident ? Ou la rente d'ancien combattant ? » Je ne peux pas retenir un ricanement. Prends toi ça dans les dents, Helen. Surtout que, bon sang, la question se pose vraiment. De mon côté… je n’aurais jamais dû accepter le mariage. Je n’étais pas amoureux d’Helen. C’était juste une amitié, fragile, une bonne amie, une bonne amante, un bon fourire aussi. On a été complice, oui, on s’est aimé, oui, mais ça n’a duré qu’un été, pour moi. Ou deux, mais guère plus. C’était juste… un point d’attache lorsque je rentrais chez moi, c’était juste… une bonne copine. Mais Helen ? Je crois qu’elle m’a vraiment aimé. De ce que j’en sais, elle ne m’a jamais trompé. Elle a toujours voulu consolider notre couple, elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour le sauver, elle s’est battue comme une forcenée pour maintenir le contact, pour me raccrocher. Je ne sais pas exactement quand est-ce qu’elle a lâché prise mais moi, je sais que ça a été dès ma première mission après le mariage. Elle… elle a passé des années à maintenir notre mariage à flots. Et rien que d’y penser… Je sens venir sa réponse. « Ne faites pas l’erreur de remettre en cause mes motivations, madame. J’aime Marvin et j’aime mon fils. Et ce bouffon peut dire ce qu’il veut, notre mariage signifie quelque chose. » Je me mords la lèvre. Forcément, c’est moi le coupable, forcément c’est moi le méchant. Ca a toujours été ainsi dans le discours d’Helen, même s’il n’en paraît à la première lecture. Sauf que là… je me sens véritablement coupable. C’est d’ailleurs pour ça que je me tais, que je me force à ne rien rétorquer. J’aime Marvin. Oh, c’est tout à fait sincère comme déclaration. Qui aime-t-elle ? Le Marvin d’il y a onze ans ou le Marvin mutant ? Parce que si j’admets qu’elle devait peut être connaître le premier, le second… Nous sommes des étrangers.
Je me rends compte à quel point j’ai merdé. Je n’ai jamais tenté de sauver notre mariage. Je me rends compte à quel point j’ai merdé autant avec Helen et avec Josh. Mais si ça me suffit pour faire volteface et marche arrière ? Ahahahah. Non. Je la laisse parler, me perdant dans mes pensées. Je la laisse parler de mon fils, que je ne connais pas. Je la laisse parler de ses passions, de son caractère, que je ne connais pas. Des étrangers. Que je ne suis pas sûr d’aimer. J’ai de la tendresse pour Josh. C’est mon fils après tout. Mais… je commence à me poser des questions, vraiment. Sur ce qu’on fait là. Sur la légitimité de ma demande. De mon obstination. Sauf que… sauf que il est incapable de s’occuper d’un fils dont il n’a jamais voulu. C’est trop. Mon ton est clairement menaçant. Nous sommes sur la brèche d’une nouvelle dispute, la troisième depuis qu’on est dans le bâtiment. Le silence de Blackwood suffit pour qu’Helen se sente victorieuse. Et s’engouffre dans la brèche. Erreur, grossière erreur. Je suis peut être incapable d’élever Josh, mais elle peut bien parler : si elle tue réellement des mutants, comme j’ai pu le faire, alors elle non plus n’a aucun droit sur notre petit garçon. Un coup d’œil en direction de Blackwood me permet d’assurer mon self-control.
J’en connais une qui n’aime pas trop ça, les Helen qui abattent leurs cartes parce qu’elles ont une composition gagnante. J’analyse le comportement de la blonde. Je ne la connais que depuis quelques minutes, mais lorsque pendant plus de douze ans, on est militaire et au contact d’inconnus, on apprend à décrypter les comportements. Elle se raidit. Son regard glacial heurte Helen qui semble pour la première fois véritablement désarmée. Moi, je souris. Discrètement. « Vous voulez peut-être prendre ma place et faire mon travail, madame ? Après tout, une fois le divorce prononcé, il vous faudra bien quelque chose pour subsister, je peux vous laisser mon fauteuil, si ça vous tient tant à cœur... » Ouuuuch… je ne parviens pas à étouffer mon sourire face à l’acidité de Blackwood. Helen a trouvé à qui parler. D’ailleurs, elle perd brutalement contenance. « Mais… je ne voulais pas d… » Trop tard, tu l’as dit. « Que les choses soient bien claires. Légalement parlant, rien ne pourra empêcher l'un de vous de voir Josh. Si vous obtenez la garde de votre fils, ce qui n'est pas encore gagné, vous n'aurez en aucun cas le droit d'interdire à votre mari de le voir. Il n'y a aucun antécédent de violence ou d'attitude déplacée vis à vis de Josh. On pourrait en effet avancer que le handicap de votre mari est un frein pour s'occuper correctement d'un enfant, mais je doute que ce soit suffisant devant un jury. Alors non, je ne vous accorderai pas la garde exclusive. Ni à vous, ni à votre mari. » Je pince les lèvres. Aucun antécédent de violence ? Je pense à mes quelques excès de colère et à mes fuites pour aller courir lorsqu’elle me portait trop sur les nerfs. Aucune attitude déplacée ? Clairement pas, mais je pense à mes armes, rangées avec précaution dans un placard. Blackwood, fermez là. Ne donnez pas à Helen des armes pour me faire tomber. Parce qu’il serait facile pour elle de mettre un fusil de chasse à portée de main de Josh, et difficile pour moi de démentir par la suite que l’arme n’est pas à moi. Helen croise les bras sur sa poitrine, rompant un instant son image de petite fille bien sage. Et devenant la prédatrice que j’ai découvert à mon réveil. Je me fais la remarque qu’on est pareil, tous les deux. Hostiles. Autant Helen que moi, on sent ce qu’il y a dans la balance. Josh. Et qu’aucun des deux n’acceptera que l’autre s’en occupe. Et on est tous les deux conscient que je suis le moins légitime. « Alors je vous repose la question. A tous les deux. Pourquoi voulez-vous divorcer, monsieur ? Et vous, madame, pourquoi tenez-vous à ce point à rester enchaînée à un mariage voué à l'échec ? Si vous voulez que les choses soient réglées rapidement, commencez par vous mettre d'accord. Si aucun accord n'aboutit, et si j'ai le sentiment que votre fils est en danger avec vous, je serais obligé de vous en interdire la garde. A tous les deux. Et j'imagine que personne ne souhaite cela, n'est ce pas ? » En même temps, on se redresse sur notre fauteuil. En même temps, on décroise les bras. Sans même se regarder. « Vous pouvez vraiment faire ça ? » « Vous n’avez pas le droit de faire ça ». Synchronisation parfaite. Nos regards noirs s’entrechoquent. Et sans que ce ne soit une seule seconde volontaire, on reste parfaitement synchronisé. « On ne va pas pouvoir discuter s’il reste dans la pièce, il est complètement immature. » « Comment voulez vous qu’on discute avec elle qui se fout de la gueule du monde ! » Et finalement, on cède, en même temps, prononçant nos prénoms avec exaspération et agacement. Et l’ombre d’un sourire, quelque part. Ce n’est qu’après ça que nos comportements divergent. Je me prends la tête entre les mains. Pourquoi je veux divorcer ? « Parce que je ne l’aime pas. » Helen le prend mal. C’est normal. Mais… mais son attitude clairement hostile cache autre chose, que Blackwood ne peut pas détecter mais que je ne peux que voir. Une mise en garde. Que je ne parle pas trop. Pas de son vice caché, pas de ma vaccination. Parce qu’elle serait capable de me le faire payer. Je sais que si elle n’a pas encore commencé à faire de chantage, c’est parce qu’elle était sûre de pouvoir gagner et de garder Josh. Et pour que ça m’occupe l’esprit, aussi. Quelle charmante attention. « Cette discussion est complètement stérile avec nous deux dans la même pièce, on est tous les trois d’accord là-dessus j’imagine. Helen, tu peux nous laisser dix minutes, ensuite on échange ? » Un instant d’hésitation, Helen se lève. « Comme tu veux. » Elle se glisse dans mon dos pour effleurer ma colonne vertébrale et me murmurer à l’oreille ce dont j’ai déjà conscience. Hors de question que je parle des Hunters et de ma mutation. Sinon, elle m’assure qu’elle fera de ma vie un enfer, bien plus que maintenant.
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Lun 2 Mai 2016 - 17:08
Neither do you...
Marvin & Cecily
Au cours de ma carrière, j'avais eu à subir tous les profils, à envoyer en prison tous les types de criminel... J'avais même plus d'une fois invoqué la peine de mort, quand bien même trouvais-je cela inhumain. Je l'avais fais parce que c'était mon travail, et que les lois et l'ordre étaient ce en quoi je croyais. Seulement, face à certains individus, il me venais parfois l'envie de transgresser tous les règlements et de leur faire avaler de force le dossier que je tenais en main. Ceux que j'avais en face de moi faisaient partie de cette catégorie. Un couple haineux, qui demandait le divorce tout en étant incapable de se mettre d'accord sur la question, c'était le genre de chose qui me hérissait les cheveux sur le crâne. J'étais presque tentée de les inviter à sortir pour ne revenir que lorsqu'ils se seraient enfin mis d'accord sur la question.
Malgré tout, il me semblait déceler quelque chose de plus profond, un malaise qu'ils me cachaient et qui était certainement le nœud du problème. Je n'arrivais pas à dire lequel m'inspirait le plus de sympathie, et lequel au contraire n'éveillait en moi que de l'animosité. Le militaire monté sur roulettes, c'était difficile pour moi de masquer le jugement hâtif que je prononçait à son égard. Des petits soldats à la gâchette facile, qui bombaient le torse comme des coqs en parlant de leur métier, j'en avais vu plus d'un, mais des hypocrites pratiquant à un niveau d'excellence le brossage dans le sens du poil comme sa femme... Ça c'était nouveau. Pourtant, j'avais de la peine pour cette femme. Derrière son masque de gentillesse, elle cachait forcément autre chose... Elle ne tarda d'ailleurs pas à me le prouver en répondant à ma remarque. Je m'étais montrée acide, mais j'avais enfin l'impression d'entendre des paroles sincères et de voir son masque tomber. Épouser un homme que l'on aime mais qui semble n'en avoir rien à faire en retour, je n'osais imaginer quel effet ça pouvait faire. Quel ingrat... Au lieu de la demander en mariage ou d'accepter sa demande à elle, il aurait pu se montrer honnête dès le départ et ne pas briser tous ses espoirs au fur et à mesure. Ce n'était pas à moi de juger de la teneur de leurs sentiments, mais j'étais bien obligée de prendre en compte toutes les variables de leur mariage : Un contrat qui les engageait à s'aimer, à se chérir, et tout un tas de blabla que tout le monde connaissait, mais que Marvin semblait avoir bêtement oblitéré. Sa femme l'aimait tout autant qu'elle aimait son fils, mais ça ne m'empêchait pas de me demander pourquoi elle tenait tant à rester mariée. Avec un minimum d'amour propre, elle aurait fichu le camp depuis longtemps pendant une des missions de son super agent spécial de mari.
Alors bon sang, où était la logique de cette histoire ?
« Et bien puisque ce mariage semble tant signifier à vos yeux... », je me tournais vers Marvin. « Que signifie-t-il pour vous, monsieur ? »
Qu'avait-il retenu de l'engagement sacré ou simplement légal qu'il avait pris ? Et qu'il le veuille ou non, sa réponse serait consignée et pèserait peut-être plus lourd qu'il ne l'imaginait sur la balance. Si le calme était revenu depuis quelques minutes, le ton ne tarda pas à monter à nouveau quand chacun attaqua l'autre sur ses erreurs. Lassée de tout ça, je les observais se battre en me disant que j'aurais eu bien mieux à faire de ma journée, comme trier les innombrables dossiers en attente qu'on m'avait confié à mon arrivée, ou retourner voir Adrian à l'hôpital pour m'assurer qu'il n'était pas déjà en train de courir partout, sa perfusion à la main... Au lieu de ça, j'étais là, à regarder deux individus que rien ne rassemblait se battre. Je restais silencieuse, du moins, jusqu'à ce que miss parfaite se mette à parler pour moi. C'était le genre de chose qui avait le don de m'énerver, et tandis que je la remettais à sa place, mes yeux passaient de l'un à l'autre. Oh tu peux sourire, le bolide ! Tu souriras moins quand le jugement sera rendu ! Et étrangement, son visage se ferma à mesure que je parlais. Ils me cachaient des choses, tous les deux. Je me fichais bien de savoir si madame préférait son thé avec un sucre ou du lait, tout autant que je n'avais rien à faire des goûts de monsieur en matière de programme télé : Ce dont j'avais besoin ne concernait que leur relation et leur attitude vis à vis de Josh pour les juger apte ou non à s'en occuper. Après tout, la victime dans l'histoire, c'était lui. Alors, je fini par les menacer de leur interdire la garde de l'enfant à tous les deux. Et si les voir en désaccord sur ce point là ne m'étonna pas, la réponse de monsieur, en revanche... Qu'est ce que c'était, cette lueur d'espoir dans son regard ? C'était ce qu'il voulait ? Voir son fils séparé de ses parents et ballotté d'une famille à une autre ? Non... Aucun parent n'aurait souhaité cela pour son enfance, à moins de... A moins de chercher à l'éloigner de l'autre. Seulement, sa femme avait tout l'air d'être une bonne mère, c'était à n'y rien comprendre ! Alors ils continuèrent à se chamailler, et je soupirais à nouveau, lassée de toute cette histoire. Je n'avais étudié pendant des années pour ça... Ni ne m'étais battue comme une forcenée pour arriver en tête de classement à chaque fois. Alors le couperet tomba. Il ne l'aimait pas. Si s'en rendre compte était une chose, le dire en était une autre, et c'est bien de la douleur qui passa sur le visage de son épouse l'espace d'un instant. J'allais répliquer quelque chose, mais déjà il demandait à sa femme de sortir, prenant les rênes d'un entretien que j'aurais dû diriger. Lorsque nous fûmes seuls, je fixais un long moment Smedry d'un regard peu amène avant de reprendre.
« Vous avez peur de ne pas pouvoir parler librement si elle est là ? J'aimerais bien savoir quels éléments vous me cachez, tous les deux. »
Je soupirais, me rassérénant en me penchant légèrement en avant.
« Écoutez... Il faut que vous sachiez que cette histoire est compliquée et ne sera pas sans conséquences. Si vous ne me dites pas tout, nous risquons de passer à côté d'éléments cruciaux qui pourraient radicalement changer le jugement final. »
Saisissant à nouveau mon stylo, je tournais la page pour en prendre une vierge.
« Pourquoi préféreriez-vous voir votre fils loin de vous et de votre épouse plutôt qu'avec ses parents ? C'est tout de même paradoxal... Je ne vois qu'une chose qui pourrait vous y conduire : Que votre femme ait des choses à se reprocher. Ou que vous soyez simplement un sadique désireux de voir son épouse souffrir, auquel cas vous ne relever plus de mes compétences mais de celles d'un psychiatre. »
Pas l'ombre d'un sourire, j'étais parfaitement sérieuse et absolument pas prête à rire de tout ça.
« Alors je vous écoute. Convainquez-moi que vous êtes celui qui devrait garder la garde de Josh, bien que vous soyez franchement mal parti, je ne vous le cache pas. Je n'ai pas l'intention de prendre parti pour vous ou votre épouse. Pour le moment je n'ai même pas l'ombre d'un jugement à ce sujet. Soyez simplement honnête, que la vérité vous semble difficile à dire ou non. »
Etant donné la franchise dont il faisait preuve depuis vingt minutes, j'avais comme l'impression que ça ne serait pas trop difficile pour lui de continuer comme ça...
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Dim 8 Mai 2016 - 12:13
Look at her, she can't take care of my son
Cecily & Marvin
Comment ai-je pu l’épouser ? Les bras croisés, j’entends Helen me traiter de bouffon. Gratuitement. C’est mérité, je le sais, mais je pince les lèvres, ma patience et mon sang-froid menaçant de s’effriter. Notre mariage, que signifie-t-il ? Rien, strictement rien contrairement à ce qu’elle peut dire et croire. De base, les dés étaient pipés : je ne l’aimais pas. Oh, je l’aimais, oui, mais je l’aimais bien. Et j’imagine que les gens normaux ne se marient pas avec leur petite amie parce qu’ils l’aiment bien, il y a forcément quelque chose de plus. Mais… « Et bien puisque ce mariage semble tant signifier à vos yeux... Que signifie-t-il pour vous, monsieur ? » Je prends mon inspiration avant de lâcher un soupir qui se veut aussi éloquent que désespéré. Je ne suis pas aussi fin manipulateur qu’Helen et le mensonge, même si j’y ai forcément été confronté à un moment ou à un autre, n’a jamais été dans mes habitudes. J’observe Blackwood. A la recherche d’un indice, à la recherche d’une réponse. Qu’est ce qu’elle veut répondre, hein ? Qu’est ce qu’elle veut que je réponde à ça alors que… clairement… elle veut vraiment que je dise à Helen, en la regardant dans les yeux, que je ne l’aime pas ? Je suis peut être con, je ne suis pas cruel. Je sais que ma femme, mon ex-femme, que la femme à côté de moi m’aime, m’a aimé, a tenté pendant des années de sauver notre mariage, garde l’espoir de combler le fossé entre elle et moi alors que les choses sont définitives de mon point de vue. Je me sens coupable, inévitablement coupable, et s’il n’y avait pas Josh, s’il n’y avait pas ma paralysie, je serais sûrement déjà en train de faire des pas en avant pour tenter de réparer les pots cassés. Mais…
Mais je ne réponds pas, me contentant de regarder Blackwood dans les yeux. Ce que mon mariage signifie pour moi ? Rien. En m’engageant, je savais dans quoi je m’engageais, justement. Le célibat m’aurait convenu et s’il n’y avait pas eu Helen, j’aurais actuellement été toujours aussi célibataire. Je ne suis jamais tombé éperdument amoureux de quelqu’un, j’ai toujours eu ce défaut d’avoir un peu trop la tête sur les épaules et cette capacité à me concentrer sur mon travail en occultant tout le reste. Une vocation, que j’ai embrassée à défaut de vraiment embrasser Helen. Un travail auquel je me suis marié, à défaut de vraiment me marier à Helen. Et mon fils, dans tout ça ? Je n’avais pas le temps pour un enfant, je n’étais pas prêt à faire une croix sur mes missions pour m’autoriser à m’inquiéter pour un gosse, pour m’autoriser à avoir peur de ne pas rentrer. La guerre, les forces spéciales m’ont stérilisé plus sûrement que quoique ce soit. Je me prends la tête entre les mains lorsque je me rends compte qu’Helen joue avec moi comme un chat avec une souris. Elle connait son fils sur le bout des doigts, me mène en bateau pour mieux me décrédibiliser. Soudain, tout s’accélère. Helen fait un faux pas, Blackwood ne le laisse pas passer, la menace de voir Josh n’être confié ni à l’un, ni à l’autre tombe comme une sanction et douche directement notre colère pour nous redonner notre complicité dans une synchronisation qui n’en finit pas. Et une nouvelle sanction tombe lorsque je me prends la tête entre les mains, encore une fois, comme une reddition pour couper court à la discussion.
J’ai dit que je n’étais pas cruel : je me sens odieux lorsque j’énonce l’évidence qui répond à toutes les questions de Blackwood. Pourquoi vouloir divorcer ? Que signifie notre mariage ? Je ne l’aime pas. Du coin de l’œil, j’observe Helen encaisser cette vérité. Mal. Elle le prend mal et j’imagine qu’elle va me le faire payer et durablement. Et ce ne sera que mérité. Ses menaces cachées, cette blessure ouverte que je ne peux que constater dans son regard… tout ça me pousse à prendre une décision, à prendre les choses en main pour que ce rendez-vous finisse par être un minimum constructif. Je suis du regard Helen lorsqu’elle sort de la pièce en faisant glisser dans mon dos un frisson glacé de menaces. Lorsqu’elle ferme la porte, mes épaules se détendent d’elles-mêmes et seulement là, je m’aperçois, une fois de plus, dans quel état de tension sa présence me fout. Je reporte mon regard sur la blonde pour lui redonner les rênes de la conversation. Hors de question que je m’existe d’avoir pris les choses en main, cette façon de gérer les conflits et de ne pas trop les laisser s’envenimer est ancré dans mes veines aussi sûrement que mes cicatrices et que mon grade. Que ma vie, en soi. « Vous avez peur de ne pas pouvoir parler librement si elle est là ? J'aimerais bien savoir quels éléments vous me cachez, tous les deux. » Je reste muet, fronçant les sourcils devant… ses déductions. Perspicace ? Peut être trop. « Écoutez... Il faut que vous sachiez que cette histoire est compliquée et ne sera pas sans conséquences. Si vous ne me dites pas tout, nous risquons de passer à côté d'éléments cruciaux qui pourraient radicalement changer le jugement final. » Je continue de la regarder, sans ouvrir la bouche. Si cette histoire est compliquée… ah… ah… ah. Elle n’imagine même pas à quel point c’est un chaos sans nom dans mon crâne depuis que je me suis réveillé à l’hôpital. Si c’est compliqué ? Il faut voir : découvrir que sa femme qu’on ne connait pas est une Huntress, qui n’hésite pas à tuer, à chasser, à vacciner, qui a explicitement fait comprendre qu’elle avait tous les droits sur leur enfant, qu’elle… « Pourquoi préféreriez-vous voir votre fils loin de vous et de votre épouse plutôt qu'avec ses parents ? C'est tout de même paradoxal... […] » Plus je l’écoute, plus je serre les dents. Plus je l’entends, plus je me rends compte que j’aurais du m’en douter. Il me faut tout mon sang-froid, ou ce qu’il en reste, pour ne pas rouler vers la porte et me barrer de là. Tout mon sang-froid et la conviction qu’Helen m’attend de l’autre côté avec un sourire aux lèvres.
Je ne sais pas par où commencer. Voir Josh loin de moi ? Honnêtement, je ne sais même pas si j’en souffrirais. A ça me tue de le savoir, de me rendre compte. Elle veut la vérité ? Je ne suis pas un trouillard, je ne suis même pas un lâche, j’ai toujours eu bien trop tendance à observer les choses et les faits sans voile, sans fard, sans modification, sans retouche. Et elle n’avait pas besoin de me dire que c’était mal parti pour que je le sache, bien au contraire… « Vous ne m’aimez pas. » C’est un constat. « J’imagine que je n’attire pas nécessairement la sympathie, donc c’est normal. Et vous essayez d’être la plus impartiale possible, c’est tout à votre honneur. Soyons honnête, ce n’est même pas que je suis mal parti : j’ai… » Je soupire, claquant ma langue contre mon palais. « j’ai strictement aucune raison de me battre pour Josh. Stratégiquement parlant, même, ce serait logique que je ne demande pas le divorce ou que je laisse les choses en plan. Mais je n’aime pas Helen, ça fait des années que je ne l’aime plus. Elle est… c’est pas de sa faute, c’est juste que… » Premier mensonge que je m’autorise, et encore ce n’est pas vraiment de sa faute. « Je ne sais pas ce que vous avez contre les militaires, vous faites ce que vous voulez. Mais… j’ai trente quatre ans. je suis dans l’armée depuis mes dix-huit ans, dans les forces spéciales depuis mes vingt-deux, vingt-quatre ans. Mes déplacements, mes missions, c’était ma vie. Quand Helen m’a demandé en mariage, je me suis juste dit que je l’aimais bien, que ça me tenterait bien qu’elle soit mon port d’attache mais que je ne souffrirai pas éperdument en étant loin d’elle. J’avais juste pas compris que… c’était pas son cas. » Je me mords la lèvre. « Vous m’avez demandé ce que ce mariage signifiait pour moi et bien je vais vous le dire : juste un échange de bons procédés. » Je me rends compte, un peu tard, que je ne réponds pas à sa question.
Que, surtout, je ne lui donne strictement aucune raison de se dire que j’ai envie d’avoir la garde de Josh. Que je tiens à mon fils. Je me passe une main sur le visage, une main sans sensation. Qui me fait l’effet d’une claque. Je ne peux pas lui en parler, bien évidemment, je ne peux pas lui dire qu’Helen tout comme moi ne pouvons pas élever un gosse, que notre influence risque d’être malsaine surtout si elle commence à l’élever dans l’idée que les mutants ne sont pas des êtres humains. « S’il n’y avait pas Josh, j’essayerai bien de reconstruire un truc avec elle mais… » Je prends mon inspiration. « Elle est malsaine. » C’est un constat, là encore. « Non seulement je ne l’aime pas, mais en plus son comportement avec moi, avec le petit, est complètement malsain. On ne dirait pas, je le sais très bien, mais… » J’hausse les épaules. « Je ne suis pas forcément le mieux placer pour élever Josh, mais je préfère sincèrement qu’il soit dans une famille d’accueil plutôt qu’avec elle. Et maintenant j’imagine que non seulement vous ne m’aimez pas, mais qu’en plus votre fibre maternelle et tutti quanti me considère comme un monstre qui n’avait pas son mot à dire puisqu’il n’a pas été là pour voir grandir le petiot. » Je suis lucide. Extrêmement lucide.
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Mar 17 Mai 2016 - 11:11
You wouldn't have married her...
Marvin & Cecily
J'aurais pu éprouver une certaine satisfaction à l'idée d'avoir raison. J'aurais pu avoir ce petit sourire mutin en l'entendant soupirer, incapable de me donner une réponse qui ne le discréditerait pas davantage. Seulement voilà... Je n'étais non seulement pas là pour me payer sa tête – même si à ce stade j'en mourais d'envie – mais je remarquais que leur histoire était bien plus complexe qu'elle n'en avait l'air. Parce qu'il souffrait, lui aussi. Quelque part, le mal-être qui l'accablait était certes différent de celui de son épouse, mais il était tout aussi présent. Après tout, que pouvait-on ressentir en comprenant que l'on s'était enchaîné à une personne que l'on appréciait sans pour autant l'aimer ? De la culpabilité, certainement... De la frustration également, de l'impuissance... Et puis je le connaissais, ce regard. Ce besoin d'être dans le feux de l'action en permanence, ce qui-vive qui le faisait se tenir raide comme un "I" dans son fauteuil... Cette attitude transpirait le militaire drogué à l'adrénaline. Combien de fois avais-je vu cette lueur dans le regard de mon père ? Lorsqu'il quittait la maison, presque extatique à l'idée de retourner au combat ? Smedry me donnait peut-être envie de lui donner des baffes, mais je ne pouvais nier que devoir passer le restant de ses jours cloué dans une chaise avec une femme qu'il n'aimait pas devait lui peser bien plus qu'il ne voulait bien le montrer.
Soupirant à nouveau, je les recadrais avant qu'ils n'en viennent aux mains ou ne ruinent leurs maigres chances d'avoir la garde de leur fils. Car des trois, c'était lui qui souffrirait le plus dans cette histoire. Lui, le gamin innocent, qui n'avait rien demandé et à qui l'on imposait des choses qui le dépassaient certainement. Quelque part, j'avais de la peine pour ce gosse. J'avais beau avoir grandis dans la même ambiance, avec un père absent et sans cesse à me demander s'il allait rentrer ou si l'on n'allait pas nous annoncer qu'il était mort... Il y avait toujours eu ce lien, cet amour impérissable qui l'unissait à la ma mère et nous avait fort heureusement épargné. Malgré mon mépris pour les soldats, j'avais bien compris que ce n'était pas ça, le véritable problème. C'était les sentiments. La non réciprocité de leur amour, l'absence même de cordialité entre eux. Elle l'aimait tout en le haïssant pour ce qu'il lui faisait, et lui la détestait clairement pour lui avoir coupé les ailes, d'une certaine manière. Seigneur, j'avais l'impression de regarder un mauvais feuilleton à l'eau de rose...
Lorsque madame fut sortie, nous laissant seuls avec son mari, je le fixais un moment. La lassitude se lisait son visage, et j'écoutais son petit discours sans broncher. Il y croyait, à son idéal de vie, c'était certain ! Mais comment voulait-il que je le défende ? Il n'y avait strictement rien à défendre ! Pas même une once d'excuse, il tendait le bâton pour se faire battre !
« Je n'ai pas à vous apprécier ou non. Vous ne m'êtes pas plus ou moins sympathie que tous les gens que je vois passer dans ce bureau, et sachez que mon avis vous concernant n'influera en rien sur le verdict final. J'ai peut-être bien des défauts mais comme vous dites, je sais être impartiale. Ensuite, mettons les choses au clair. Mon avis sur les militaires ne concerne que moi, c'est ma vie privée. L'armée m'a pris deux frères qui ont eu énormément de mal à s'en remettre, considérez cela comme le seul aveu que je vous ferais. »
Que le sujet, le débat ou quoi que ce soit d'autre soit clos une bonne fois pour toutes. Je n'avais pas envie de parler d'Adrian ou de Nate, pas plus que je ne voulais lui parler de ma rancoeur vis à vis de notre père. Tout ce qui importait, c'était que je comprenne pourquoi il tenait tant à se battre pour son fils. Je secouais la tête, navrée par ses paroles.
« C'est le monde à l'envers... Vous rendez-vous compte que vous n'avez rien ? Pas le moindre argument susceptible de jouer en votre faveur ? On n'épouse pas une femme parce qu'on l'aime bien, bon sang ! C'est un engagement, une décision qui a une valeur à la fois sentimentale et juridique. Ça ne vous dit rien, les vœux que l'on est censé prononcer ? Votre épouse aurait probablement bien moins souffert si vous aviez décliné sa proposition. Vous vous êtes mis dans de beaux draps... Non seulement il vous faut vous défaire de votre engagement marital, mais il y a Josh, qui vous lie l'un à l'autre de toute manière. Je... Je suis navrée, je ne vois pas comment vous défendre dans un cas comme celui-ci. »
J'étais désarmée, désemparée, et ne voyais ni comment défendre ses intérêts à lui, ni pourquoi il refusait que sa femme ait la garde de leur fils.
« Soyons honnête, vous ne connaissez pas Josh. Vous avez passé ces dernières années sur le terrain, loin de votre domicile... Il a grandi sans vous. Helen a été là à chaque étape de sa vie, c'est une chose qui a un poids énorme dans la balance, soyez-en certain. L'ennui, c'est qu'elle n'aura aucun mal à prouver que vous êtes davantage marié à votre emploi qu'à elle, et qu'à ce titre, par votre absence, Josh ne vous doit rien si ce n'est un apport financier. »
Je ne cherchais pas à le démoraliser, simplement à lui exposer avec franchise ce qui l'attendait. Seulement, je ne comprenais toujours pas pourquoi il refusait que son fils soit confié à sa mère... Et alors que j'allais lui poser la question, il y répondit sans que j'ai à le faire. Malsaine ? Comment ça malsaine ? Je fronçais les sourcils, de plus en plus attentive. Finalement, il m'arracha un sourire à mi chemin entre le mépris et la moquerie. Pour qui se prenait-il, à me juger ainsi ? L'instinct maternel... Je n'en était pas dépourvue, mais ce n'était pas pour autant mon trait de caractère dominant. J'avais toujours mis un point d'honneur à tenir à la perfection mon rôle d'aînée protectrice, mais n'avais pas non plus cette volonté qu'avec Evelyn de fonder une grande famille. Quelque part, monsieur et moi nous ressemblions : mariés à notre boulot, trop occupés pour songer à la génération future !
« Vous dites ça parce que je suis une femme ? Soyez gentil, rangez donc votre machisme de bas étage et occupez-vous de vos oignons. Ce n'est pas une question d'instinct maternel mais de logique. Qu'y a-t-il de malsain chez votre femme pour que vous ne vouliez pas la voir garder votre enfant ? Si vous ne me donnez pas tous les éléments, je ne peux rien pour vous. »
Je reposais mon stylo et posais mon menton sur mes mains jointes.
« Vous n'avez pas été là pour voir votre enfant grandir et pourtant, vous êtes prêt à aller vous défendre devant un tribunal pour empêcher votre femme d'avoir la garde de Josh. Qu'est ce que vous ne me dites pas, monsieur Smedry ? Pourquoi seriez-vous prête à construire quelque chose avec elle s'il n'était pas là ? »
Je marquais un temps de silence et soupirais à nouveau.
« Je ne cherche pas à vous juger... Ni vous, ni votre femme. Je veux simplement vous aider. Et pour cela, il me faut toutes les données, toutes les informations... Comprenez bien qu'à l'heure actuelle, Helen a bien plus d'arguments qui jouent en sa faveur. Et je ne voudrais pas commettre une erreur par manque d'informations... »
Je ne voulais pas voir un enfant se retrouver aux prises avec une psychopathe dégénérée si c'était ça que me cachait son cher et tendre.
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Dim 29 Mai 2016 - 12:44
i want to keep my son
Cecily & Marvin
Dès qu’Helen disparait hors de la pièce, je sens un poids s’évader de mes épaules. C’est stupide, de la part d’un homme comme moi, d’un ex-soldat des forces spéciales, c’est stupide d’être à ce point tendu en présence d’une civile comme peut l’être ma femme mais… c’est inconscient. Je me sens vulnérable en sa présence, je me sens menacé, je me sens comme une souris blessée entre les pattes d’un chat joueur et sadique qui ne sait pas encore lorsqu’il va se décider à l’achever. Au moins, je suis certain d’une chose : je n’aime pas Helen. Je ne la déteste pas, je la méprise. Je n’ai pas peur d’elle, j’ai peur de ce que je ne sais pas d’elle. Et je suis aussi peut être un peu rancunier. J’aimerais savoir quels éléments vous me cachez. Je préfère rester muet, pendant que Blackwood reprend les rênes de l’entretien, qu’elle me répète ce que je sais déjà. Et surtout, pendant qu’elle me pose une flopée de questions qui fait monter la pression. Je serre les dents, je me crispe, j’ai envie de me casser en me rendant compte que je me mène un combat que je ne peux ni réellement justifier, ni gagner. J’ai envie de me barrer, lorsqu’elle termine son petit baratin. J’ai envie de me casser, mais pas seulement du bâtiment : j’ai envie de me casser de la ville, de ce pays que je n’aime pas plus que ça, j’ai envie de… de tant de choses que je ne sais pas par où commencer. Alors autant rester sur place et répondre à ses questions. Josh. Bien. C’est à mon tour de parler : et bien soit, allons y. Autant être franc, autant être direct. Elle ne m’aime pas. C’est un constat, et je ne vais pas non plus me rouler en boule dans un coin en pleurant de désespoir à cette seule pensée. Je ne suis clairement pas fait pour parader, pour me faire aimer, je n’ai jamais été calibré pour charmer mais plutôt pour être franc, direct, prendre les décisions qui s’imposent, les appliquer même lorsqu’elles ne plaisent pas. Donc qu’elle m’aime ou qu’elle ne m’aime pas, je n’en ai rien à faire surtout qu’elle semble être impartiale. Mais pour le reste… j’essaye de faire le point, maladroitement. Helen, je ne l’aime plus depuis un bout de temps. Notre mariage ? Il n’a jamais réellement eu de signification pour moi en dehors d’un bout de papier signé, d’une grosse bouffe et d’une femme qui vivait sa vie dans son coin et m’offrait un port d’attache à chacune de mes permissions. Mon vrai mariage, au final, je ne le sais que trop bien, c’est lorsque j’ai signé pour entrer dans l’armée, c’est lorsque j’ai resigné pour entrer dans les forces spéciales, c’est lorsque j’ai sué sang et eau pour passer les qualifications, lorsque j’ai rampé dans la boue, lorsque j’ai porté des coups, encore et encore, lorsque j’ai couru sous le soleil, lorsque j’ai dû forger avec mon équipe un lien qui dépassait la simple fraternité. Helen, c’était autre chose. Autre chose que je regrette maintenant. Un soupir. Il faut que je me recentre. « Je n'ai pas à vous apprécier ou non. Vous ne m'êtes pas plus ou moins sympathie que tous les gens que je vois passer dans ce bureau, et sachez que mon avis vous concernant n'influera en rien sur le verdict final. […] » J’hausse un sourcil. C’est bien ce que je disais : elle est impartiale, s’efforce de l’être et je n’ai pas l’impression qu’elle tente de me mentir sur ce plan là. « J'ai peut-être bien des défauts mais comme vous dites, je sais être impartiale. Ensuite, mettons les choses au clair. Mon avis sur les militaires ne concerne que moi, c'est ma vie privée. L'armée m'a pris deux frères qui ont eu énormément de mal à s'en remettre, considérez cela comme le seul aveu que je vous ferai. » J’hausse un sourcil, soudainement intéressé. L’armée lui a pris ses deux frères ? Je n’arrive pas à savoir ce qu’elle entend par là. Est-ce que l’armée m’a pris à ma famille ? C’est plutôt moi qui ai fait le choix de faire une croix sur ma famille pour me donner complètement à l’armée. Et je n’en suis pas mort, loin de là. A moins que justement, ce soit ça le problème : que ses frères soient morts et là… « Trop aimable de votre part » je raille, avant de me reprendre. « Je suis désolé pour vos frères » Je préfère me la fermer tout de suite avant de lui faire remarquer que si ses frères se sont engagés, et bien c’est leur choix, point. Elle n’a pas à râler sûr les autres tout comme je n’ai pas à râler sur toutes les mères au foyer sous prétexte que ma femme en est une et est une garce. Je préfère me la fermer tout de suite, ouais. « C'est le monde à l'envers... Vous rendez-vous compte que vous n'avez rien ? » Je lève instantanément les yeux au ciel. Bon sang, bien sûr que je suis au courant que je n’ai rien. Pire : que tout ce que j’ai, ce sont des éléments qui vont contre. Aucun élément pour jouer en ma faveur, beaucoup d’arguments en ma défaveur. Qu’est ce qu’elle croit me faire découvrir, là ? Ca m’énerve, ça m’agace, je siffle entre mes dents un « Parce que vous pensez que je ne suis pas conscient de ça ? » acide. Qu’est ce qu’elle croit, bon sang ? Je suis partagé entre l’envie de rattraper le coup avec Josh et ma volonté farouche de mettre le plus de distance possible entre Helen et moi, entre Helen et lui, entre Helen et nous. Sauf que… « Soyons honnête, vous ne connaissez pas Josh. Vous avez passé ces dernières années sur le terrain, loin de votre domicile... Il a grandi sans vous. Helen a été là à chaque étape de sa vie, c'est une chose qui a un poids énorme dans la balance, soyez-en certain. L'ennui, c'est qu'elle n'aura aucun mal à prouver que vous êtes davantage marié à votre emploi qu'à elle, et qu'à ce titre, par votre absence, Josh ne vous doit rien si ce n'est un apport financier. » Je me prends la tête entre les mains. « Je sais, putain, je sais tout ça… » J’ai de plus en plus l’impression qu’elle ne comprend pas à quel point je sais ma situation bancale. Le seul problème : c’est que pour qu’elle comprenne tous les tenants et aboutissants de ma démarche, il faudrait que je lui explique l’ensemble. Sauf que je ne peux pas. Je me sens ferré, plus que jamais. Il faut que je tente de trouver un moyen de la convaincre que j’ai une raison de mener cette bataille et que je ne lâcherai pas prise facilement, même si tout joue contre moi. Elle est malsaine. C’est tout ce que je peux lâcher sur Helen. Malsaine : le terme est bien choisi, plus que bien choisi. Malsaine dans son chantage, malsaine dans son hypocrisie, malsaine dans ce don qu’elle a pour me faire constamment passer pour l’ennemi ou le fautif même lorsque ce n’est pas le cas. Surtout lorsque ce n’est pas le cas. Et je ne me fais pas trop d’illusion : mon haussement d’épaule est aussi blasé que lucide. C’est une femme, ça doit être une mère, elle doit me voir comme un monstre et avoir définitivement pris parti pour Helen. « Vous dites ça parce que je suis une femme ? Soyez gentil, rangez donc votre machisme de bas étage et occupez-vous de vos oignons. » Je me crispe. « Dans ma tête ça sonnait presque comme un compliment, mais faites votre susceptible si ça vous chante. » Je rétorque sans pouvoir m’en empêcher. « Ce n'est pas une question d'instinct maternel mais de logique. Qu'y a-t-il de malsain chez votre femme pour que vous ne vouliez pas la voir garder votre enfant ? Si vous ne me donnez pas tous les éléments, je ne peux rien pour vous. Vous n'avez pas été là pour voir votre enfant grandir et pourtant, vous êtes prêt à aller vous défendre devant un tribunal pour empêcher votre femme d'avoir la garde de Josh. Qu'est ce que vous ne me dites pas, monsieur Smedry ? Pourquoi seriez-vous prête à construire quelque chose avec elle s'il n'était pas là ? » Ce que je ne lui dis pas. Je la fixe en gardant, cette fois, obstinément bouche close. Le silence est palpable tout comme mon refus de parler est évident. « Je ne cherche pas à vous juger... Ni vous, ni votre femme. Je veux simplement vous aider. Et pour cela, il me faut toutes les données, toutes les informations... Comprenez bien qu'à l'heure actuelle, Helen a bien plus d'arguments qui jouent en sa faveur. Et je ne voudrais pas commettre une erreur par manque d'informations... » Une erreur ? L’erreur, c’est qu’Helen et moi, nous ayons eu un gosse, aussi adorable que puisse être Josh, à première vue. Je soupire. « Vous voulez pas nous aider. Vous voulez plier cette affaire qui vous fait déjà bien chier parce que vous n’êtes pas conseillère conjugale et que vous préférez largement gérer des dossiers de meurtres ou des affaires un peu plus excitantes que… » Des coups à la porte me coupent dans mon impulsivité épuisée, Helen apparait. « Excusez moi mais…Marvin, Melanie vient de m’appeler, Josh a de la fièvre, on doit rentrer. Je suppose que tu ne seras pas capable de retrouver notre rue donc tu viens avec moi. » Je serre les dents sous la petite attaque gratuite. Avant de me rendre compte que l’inquiétude d’Helen pour Josh est palpable et surtout, qu’elle est suffisamment forte pour tuer l’Helen parfaite et hypocrite et laisser apparaître ce que j’ai découvert que récemment chez elle.
Josh a de la fièvre ? C’est pas courant chez les gosses ? Je suis incapable de m’en inquiéter, mais on va faire tout comme. Je fronce les sourcils. « Oh ? Et euuh… c’est grave ? Il allait bien pourtant ce matin, il… » C’est en croisant le regard d’Helen que je comprends le concept. Bien. Josh va bien. Elle n’a eu aucun coup de fil. Elle a juste écouté à la porte, elle a juste compris que je risquais d’en dire trop, elle a juste voulu avorter cet entretien. Je passe du regard ahuri au visage fermé. Je ne peux pas remettre en question la sincérité d’Helen sans donner encore plus l’impression que je n’ai rien à faire de la santé de mon fils, mais si je me plie à sa petite improvisation, je lui prouve une fois de plus que je suis totalement sous son emprise et que son chantage est efficace. Il est beau, le soldat des forces spéciales, l’officier capable de prendre des décisions difficiles même sous la pression : il est beau et actuellement, il ne sait pas quoi faire. Mon indécision est palpable, alors que chaque seconde rend encore plus évident que je ne suis pas pressé par l’urgence de savoir mon fils fiévreux. Je finis par rendre les armes, à la grande satisfaction d’Helen qui ne parvient même pas à le cacher. « Bon, et bien… je crois que cet entretien va être plus court que prévu. » Je tends une main à Blackwood. « Merci de nous avoir reçu. Je pense que pour la prochaine fois, il faudra prendre des rendez-vous séparés, ce sera plus efficace, au moins, il y aura toujours l’un d’entre nous avec Josh. » Je sens Helen se crisper dans mon dos. Et je sens aussi que je vais regretter ça. Que je vais regretter pas mal de choses, à commencer par mon mariage. Ah, non, c’est vrai : lui je le regrette depuis longtemps.
Sujet: Re: i want to keep my son ♣ cecily Lun 25 Juil 2016 - 20:45
You wouldn't have married her...
Marvin & Cecily
Il commençait sérieusement à m'agacer. Avec cette manie de me prendre de haut et de me répondre avec cynisme qui ressemblait beaucoup trop au mien, j'avais clairement envie de mettre deux paires de baffes à cet idiot. Il était désolé pour mes frères ? Mon cul, oui ! Il n'était pas plus désolé pour eux que pour le pauvre gamin qui se retrouvait pris entre la joute sans queue ni tête qui les opposait, lui et sa femme. C'était peut-être pour ça que je ne m'étais jamais mariée. J'avais du mal à comprendre comment on pouvait s'enchaîner à quelqu'un sans être véritablement sûr d'avoir choisi la bonne personne. Alors oui, dans le cas d'Adrian et Evelyn, ça avait plutôt bien marché. Tellement bien que mon andouille de petit frère en était fou depuis des années, et c'était bien mignon à voir, mais ce n'était absolument pas le cas des Smedry. Ils étaient aux antipodes du couple équilibré, et si madame était la seule à avoir des sentiments dans leur couple, alors elle n'allait pas tarder à avoir des allure de mante religieuse à mes yeux. S'il n'y avait pas eu le petit Josh, j'aurais suggéré à Marvin se fuir en vitesse, au lieu de venir m'emmerder. Et il ajoutait qu'il savait tout ça, que je ne lui apprenais rien, le tout sur un ton d'une agressivité dont je me serais bien passée. Alors, sur le même ton, je lâchais.
« Alors pourquoi ai-je l'impression que vous tombez des nues ? Vous êtes du genre à comprendre vite mais à avoir besoin qu'on vous explique longtemps, c'est ça ? »
Il s'énervait, je m'énervais, et nous n'allions pas tarder à en arriver à un point où nous ne serions plus en mesure de discuter simplement. Alors je soupirais, le fusillant du regard plutôt que de répondre à ce pseudo compliment que je trouvais plus ridicule qu'autre chose et poursuivais mon discours. Et à peine avais-je fini de parlé qu'il recommençait à hausser le ton, allant même jusqu'à prétendre savoir mieux que moi ce que je préférais dans mon métier. Non mais pour qui se prenait-il à me parler ainsi ? Si je préférais traiter des dossiers criminels ? Et comment ! Etrangement, travailler sur la mort de quelqu'un, aussi brutale et injuste soit-elle, avait un avantage : les morts ne parlaient pas. Et n'étaient donc pas en mesure de m'emmerder comme lui. Je m'apprêtais alors à me lever, prête à lui exposer ma façon de penser de la façon la plus calme et diplomate qui soit, mais c'est ce moment que choisi Helen pour frapper à la porte et nous informer que son fils avait de la fièvre.
Je haussais un sourcil, interloquée par l'hésitation de ce père en carton qu'était Marvin, et de cet échange de regards qui semblait vouloir dire beaucoup pour eux mais qui n'avait aucun sens pour moi. Bon sang que je détestais les secrets... Plus encore lorsqu'ils intervenaient dans une affaire juridique. Il y avait quelque chose d'étrange, de pas net entre ces deux là... Quelque chose qui me laissait penser que monsieur tout feu tout flamme ne montait pas sur ses grands chevaux pour rien, et que la dame avait elle aussi des raisons de lui en vouloir. Une thérapie de couple. C'est totalement d'une thérapie de couple dont ils avaient besoin. Je levais, serrais la main tendue de Marvin et hochais la tête sans un regard pour son épouse. Ce n'était même pas une suggestion, c'était une évidence : les prochains rendez-vous se feraient séparément, chacun de son côté et sans l'autre pour influencer les décisions de l'autre. J'étais procureur, pas garde mioche.
« Je pense en effet que ce sera mieux pour tout le monde. Et vous aurez sûrement plus de facilité à discuter avec moi si vous n'êtes pas dans la même pièce. Je vous laisse ma carte, mes coordonnées sont dessus. N'hésitez pas à me recontacter dès que possible pour que nous puissions avancer votre dossier. »
Le plus vite possible, pour que cette histoire soit vite terminée, également. Je les raccompagnais à la porte, serrais la main d'Helen et leur souhaitait à tous les deux une bonne journée, si tant est que dans leur cas elle puisse être bonne...