Mon histoire commença il y a un peu plus de vingt ans, alors que ma mère me donnait naissance dans un petit hôpital de Frankfort. Même si je n'en ai aucun souvenir moi-même, j'ai tout de même les photos pour me montrer comment toute la famille était réunie autour du lit, chacun son tour se passant un joli petit poupon aux yeux clairs... Moi, quoi. Voilà comment votre belle et séduisante Amber a vu le jour, emmitouflée dans une couverture bleu très pâle, avec mes petits yeux qui découvraient le monde pour la première fois.

Je ne saurais dire si c'est une mauvaise chose, mais mes parents m'ont toujours traitée comme leur princesse à eux. Étant l'unique enfant d'une famille plutôt aisée, ça a ses petits bonus, après tout. Même si je n'ai jamais vraiment été gâtée-pourrie, très vite, j'ai appris que l'on me donnait sûrement plus que la plupart es autres enfants de mon âge. Bah, de quoi expliquer mon caractère un peu princesse, j'imagine, hmm ?

Le pire, ce fût vers l'âge de quatre ou cinq ans, après l'épisode de la piscine à l'extérieur. Maman est devenue une vraie mère poule depuis, et si jamais je me fâchais, elle faisait tout pour me calmer. Sans doute de peur que ne se produise à l'intérieur ce qu'elle avait vu arriver dehors. Bien sûr, comme n'importe quel enfant, j'en ai abusé pendant un moment, testant à la fois mes capacités et la patience de mes parents, jusqu'à ce que mon père finisse par péter un câble. Fort heureusement, j'ai appris très vite à ne plus rechigner, faute de quoi je crois que je me serais tapée l'un de ces savons… Rien que de me rappeler le ton de mon père, ce soir-là, alors qu'il me disait de monter à ma chambre, la veine presque sur le point d'éclater sur son front… Brr, ça me fait encore froid dans le dos !

Sinon, tout le reste fut des plus normal : je suis allée à l'école publique, où j'ai rencontré quelques amis par-ci, par-là, ou bien fait subir mes petits caprices à d'autres. Pour moi, c'était simple : j'étais la meilleure, alors il me fallait me comporter comme telle, et ne pas trop traîner avec les moins bons. Et puis, avec mon petit plus, ça venait renforcer cette idée encore plus. Certains pourraient dire que je faisais vraiment ma princesse, aux limites de la garce, avec mon air hautain permanent et mes remarques souvent méchantes. Honnêtement, ils auraient peut-être raison. Mais bon, je suis ce que je suis, et si ça les embêtait, je m'en foutais royalement.

Au secondaire, en plus d'un déménagement pour les alentours de Radcliff, j'ai eu un petit changement de ce côté de ma personnalité. Après tout, qui dit adolescence, dit puberté et donc, maturité. J'ai donc restreint mon cercle de "victimes" à quelques personnes à peine, et plus particulièrement sur ce petit nouveau un peu trop nerveux. Un garçon du nom de Liam. Plus grand que moi d'une dizaine de centimètres, tout au plus, il avait de ces airs qu'ont parfois les animaux quand ils se sentent menacés ou nerveux. Et de raison : il en avait pas mal sur son cas. Le pauvre chou, il avait dû en baver, et moi, comme si de rien n'était, j'en ajoutais une couche de temps à autres en lui lançant quelques insultes ou remarques désobligeantes. Avait-il seulement un ami, au fait ?

N'empêche, si je m'étais attendue à trouver en lui le meilleur ami qu'il m'ait été donné d'avoir… Bon, d'accord, au départ, c'était vraiment parce qu'il faisait pitié, le bougre, à pleurnicher tout le temps et à se mettre dans je-ne-savais quels pétrins, le coup de grâce étant donné cette fois où, à ma simple vue, il s'était retourné pour partir dans l'autre sens en braillant, n'allant toutefois pas bien loin avant de percuter un casier ouvert de plein fouet. L'effort que ça m'a prit pour ne pas éclater de rire, je vous jure… Mais c'était vraiment juste pathétique, je ne pouvais plus rester là à ne rien faire, sinon le regarder tout le temps. Et depuis, il me colle aux basques. Joie.

Ça a pris du temps mais, au final, on a fini par s'entendre, et on est devenu un peu le confident de l'autre. Je me souviens encore de quand il m'a surprise entrain d'user de mon don, une fois, parce que j'avais renversé de l'eau sur mon uniforme. Moi qui croyait avoir eu la paix pendant un moment, avec personne pour me regarder, il a fallu qu'il se pointe, lui… Et, fidèle à son habitude, il a eu une réaction beaucoup trop exagérée pour trois fois rien. Une minute, il me traitait presque de sorcière, l'autre, il me posait un tas de questions compliquées tellement vite, que la seule façon que j'ai trouvé pour le faire taire sur le coup, c'était de l'asperger, carrément. Non mais. Au moins, depuis ce temps-là, je n'ai plus à me soucier qu'il me juge, puisqu'il est au courant, et qu'il l'a somme toute plutôt bien pris. J'aurais même envie de dire que ça nous a rapprochés, tous les deux. Puis, lorsqu'on a trouvé que, lui aussi, avait un truc spécial comme moi, nous somme devenus inséparables.

Ma petite vie continua sans trop d'accrocs depuis, sinon une crise de temps à autre de la part de l'autre énervé. J'ai quitté la maison à mes vingt ans pour emménager dans un petit appartement au centre-ville. Un coin tranquille, sans histoires, mais c'est confortable pour moi. Je n'ai pas grand-chose, mais ça ne m'empêche pas de vivre comme je l'entends. À travailler comme réceptionniste dans un hôtel de la ville voisine, je suis capable de garder mon côté princesse sans risquer de me retrouver sur la paille. Certes, je fais tout pour rester le plus discrète possible niveau mutation, à cause des récents agissements de différents groupes pour ou contre les gens comme moi. Avec un peu de chance, j'arriverai à garder un profil suffisamment bas pour ne jamais avoir à m'en inquiéter. Mais ça, il n'y a que le futur pour me le dire.