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 ※ shoot the runner. (altaïr)

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MessageSujet: ※ shoot the runner. (altaïr)   ※ shoot the runner. (altaïr) Icon_minitimeMer 30 Mar 2016 - 18:18



– shoot the runner –
JANIS ET ALTAÏR / Bang, bang away with my Chang, Always know that I can. Get your knee's on the floor : Absinth make you my whore. I'm a king and she's my queen, Bitch. Kings may come and then go By this sword you must know, That all things will come and then pass. Live your days like the last. – KASABIAN.



C’était la sixième soirée sans incident.

Le sixième soir où on lui foutait la paix, la sixième nuit où elle pouvait se laisser aller à sourire de fierté. Pas de poings serrés, pas de rage sifflée entre les dents ; pas de regrettables manques de respect qui auraient conduit à lui faire perdre pied ou de bousculade importunée. Tout s’enlignait pour que la soirée soit belle, calme. Un peu plus tôt dans la journée, rien n’était gagné : elle s’était lentement sentie glisser face à l’arrogance de certaines clientes, mais s’était exercée à garder les poings rangés, à défaut de leur présenter son sourire le plus hypocrite. Les remontrances ne l’avaient même pas effleurée ; son attitude renfermée n’était plus à prouver, et sa supérieure directe n’était même plus sûre de s’étonner de la voir aussi peu aimable avec une clientèle qui ne méritait — selon elle — ni considération ni politesse. La tempête était finalement passée, et le cours de la journée avait repris. Les choses s’étaient bien terminées, et elle avait quitté son poste sans incident de parcours notable.

Et ce soir, c’était la sixième soirée sans incident.

Elle n’avait pas pris le risque de s’asseoir au bar durant les premiers jours. La volonté de se contenir allait avec la raison ; et être raisonnable, c’était rester chez soi pour ne pas tenter la plèbe perverse et avide de violence. Rester chez soi, c’était leur ôter l’envie de prendre un bâton pour piquer l’animal, et de voir la réaction directe que celui-ci était capable d’avoir. Rester chez soi, c’était s’assurer que la bête reste enfermée — et c’était tout ce qu’elle voulait.

Hier, c’était la cinquième soirée sans incident. Hier, une collègue l’avait invitée à sortir, et elle n’avait pas osé refuser. Elle aurait eu peur de lui expliquer, peur de se mettre à dos ce qui ressemblait le plus à une amitié tissée hors des liens de la violence. Toute la soirée, elle s’était concentrée sur le moindre de ses mouvements, la moindre de ses réactions. C’était fière qu’elle était rentrée chez elle : fière de ne pas avoir craqué, fière de ne pas s’être laissée accrocher par les remarques nasillardes de quelque travailleur éméché. L’impression d’avoir passé une bonne soirée l’avait tenue — mais si Georgie lui avait souri, en arrivant ce matin, ça n’avait été que rapidement, et se détournant bien vite. Aucune tentation de demander des explications ; après tout, cette fille n’avait pas idée du mal que sa collègue avait pu se donner pour ne pas clouer au mur la tête de l’imbécile qui les avait si indélicatement abordées. Une fierté qu’elle ne pouvait pas partager — fierté monstrueuse. Alors elle l’avait gardée. Enfermée au fond d’elle, se moquant éperdument de ce que l’autre avait bien pu trouver de bizarre dans son comportement. C’était à croire que les amitiés fondées sur autre chose que le sang n’étaient pas faites pour durer, dans ce bas-monde où seule la violence — des mots comme des armes — prévalait.

Ce soir, c’était la sixième soirée sans rien à signaler. À trop bien se tenir la veille, elle s’était sentie brimée dans sa nature même et sa volonté. Se concentrer pour tenir une conversation cordiale et socialement convenable s’était ajouté à la concentration de ne pas se sentir irritée par tout ce qui l’entourait — et ç’avait été trop. Peut-être cela expliquait-il la distance de Georgie, ce matin. Peut-être était-ce autre chose. À dire vrai, cela ne l’affectait pas outre mesure. Rarement elle avait trouvé soirée plus ennuyeuse ; parler des garçons ne l’animait pas — parler tout court lui demandait trop d’efforts pour qu’elle puisse réellement l’apprécier. Ne pas se voir réinvitée était donc plus un soulagement qu’autre chose. Et ce soir, elle allait profiter de sa soirée seule. Se concentrer pour ne pas virer dans une passe monstrueuse — se surveiller, juste ce qu’il fallait. Un verre ou deux, et le monde et ses conventions deviendraient moins difficiles à vivre. Moins difficile à survivre.

Elle avait choisi l’un de ses établissements préférés. S’était assise au comptoir, avait commandé une grande pinte de bière. Et lorsque ses lèvres s’étaient trempées dans la boisson fraîche, elle n’avait jamais été plus sûre de passer une nouvelle soirée sans incident. Peut-être fut-ce à ce moment précis qu’elle commença à relâcher la garde — trop fière, trop sûre de son coup. Peut-être fut-ce sa plus grosse erreur. La première, bien inconsciente, ayant été de s’asseoir sur ce tabouret.

« C’est ma place. » Elle en aurait presque sursauté, bien loin de s’attendre à une telle agressivité. Son menton se tourna vers l’importun, qu’elle dévisagea rapidement, sans ciller. « Non. » Sa voix était calme et mesurée, bien loin d’abriter toute trace de violence ou d’irritabilité. « C’est ma place, j’te dis. » Ses doigts se resserrèrent un peu plus sur sa bière. La condensation ruisselait sur sa peau, rafraîchissante — rassurante. « Y en a plein d’autres des tabourets. J’ai pas vu vot’ nom marqué sur celui-ci. » Pas de trémolos dans la voix, pas d’hésitation ou d’excitation. Elle est encore sûre de pouvoir se contenir, la bestiole, solidement campée sur son tabouret, et bien décidée à ne pas bouger ou se laisser impressionner. « C’est ça. Y en a plein d’autres, des tabourets. Alors va t’asseoir ailleurs avant que je te déplace moi-même. » « Non. » Ne plus le regarder était devenu une priorité. Elle sentait son calme s’émousser, sa patience s’évaporer plus qu’elle ne l’aurait cru. Mais à sa grande surprise, il en resta là. Il cessa de lui parler, commandant à son tour une pinte de bière. Continuant de siroter la sienne, elle sentit le calme reprendre lentement ses droits. La fumée retomba, la patience se solidifia. Si elle avait cru, l’espace d’un instant, que ces minutes avaient été les dernières de ce décompte de six soirs sans incidents, il s’avérait qu’elle s’était peut-être finalement trompée.

Le verre de bière se posa sur le comptoir, et le barman s’éloigna immédiatement, empochant l’argent et retournant à ses diverses occupations. Du coin de l’œil, elle vit l’importun lever la boisson à ses lèvres, en absorber une gorgée. Elle aurait voulu l’oublier, se concentrer sur sa soirée ; mais son instinct semblait bien déterminé à l’en empêcher. Et lorsqu’après avoir été allégée d’une gorgée, la pinte se déversa entièrement sur elle, elle comprit pourquoi. Ce fut à peine si elle sursauta. Elle sentit les regards tomber sur eux, mais ne releva pas. Les yeux vrillés vers un point invisible, une longue inspiration gonflant ses poumons. Il attendait, accoudé au comptoir, qu’elle ne se décide à aller chercher aux toilettes de quoi s’essuyer. Et elle dégoulinait, la furie, avec sa colère accrochée au creux du palais, tant bien que mal contenue entre ses dents serrées. Sans un mot, elle cala d’un trait sa bière et se leva du tabouret. T-shirt collé au corps, jean imbibé. Ses chaussures elles-mêmes avaient été aspergées, et ses cheveux dégoulinaient dans son cou et dans son dos sans qu’elle ne prenne la peine de les essorer. Elle s’éloigna d’un pas, laissant l’autre s’approcher de la place nouvellement libérée, sourire fiché aux traits. Il s’épargna tout commentaire, lui tournant le dos pour prendre place ; fier comme un paon et superbement arrogant. Au moment où il se laissa tomber de tout son poids sur le tabouret, celui-ci manqua soudainement à l’appel, tiré vers l’arrière par un habile coup de cheville. Ne pouvant se rattraper entièrement sur le bras qu’il avait laissé appuyé sur le comptoir, l’homme chuta avec un grognement surpris. Des ricanements éclatèrent, un peu plus loin dans la salle. L’espace d’un instant, elle songea à s’emparer du siège tant convoité et à l’écraser sur le crâne de l’effronté. Elle se retint néanmoins, usant de toute sa détermination pour chercher du regard les toilettes du bar. Alors qu’elle s’apprêtait à se détourner, elle sentit du mouvement dans son dos ; un geste, bref, et l’un des deux verres vidés passa par-dessus son épaule, échappant de peu à sa tête, pour aller s’écraser dans le dos d’un tiers buveur, qui aussitôt suspendit sa conversation avec ses camarades de table. Il se leva, toisant d’un air mal-aimable l’insolent qui s’était à demi redressé. Et lorsqu’il l’eut rejoint en quelques pas, lorsque son poing s’écrasa sur le nez de son involontaire assaillant, il sembla que le signal fut donné.

Quand, sous ses yeux, la moitié des clients se levèrent pour prendre parti et se jeter dans la mêlée, la blondinette sentit un violent tiraillement la secouer. Il semblait qu’on l’eut oubliée, prenant le parti de l’un ou l’autre des agressés. Les verres volaient, les coups pleuvaient. Quelques buveurs solitaires se retrouvèrent involontairement frappés par une violence qui ne leur était pas destinée, et se levèrent à leur tour. La petite louve, elle, avait finalement opté pour la suite. L’incident était déjà marqué d’une croix rouge sur son calendrier, annihilant tout le décompte dressé ces derniers jours. Sa soirée était foutue, sa sobriété de sang aussi. Mieux valait ne pas empirer les choses. Mieux valait filer à l’anglaise, comme aurait dit l’autre. Se tenir écarter de ce qui, progressivement, éveillait le monstre en elle. Le cœur palpitant dans la poitrine, la violence pulsant dans ses veines et réclamant un droit d’expression qu’elle n’avait pas pour habitude de lui refuser, elle avait attrapé son porte-monnaie et longé le bar en direction de la sortie. Autour d’elle, le chaos s’épaississait. Le barman n’était pas parvenu à faire revenir l’ordre, et lorsqu’il s’était saisi du téléphone pour appeler la police, il s’était brutalement fait arracher l’appareil des mains. Celui-ci gisait désormais au sol, écrasé par quelque talon désireux de faire durer la folie de l’instant. Et pendant ce temps, la blondinette avait presque réussi à se faire la belle. Avoir semé la zizanie était suffisant pour lui flanquer des nerfs qu’elle aurait préféré ne pas avoir. Mieux valait rentrer avant que les choses empirent. Mieux valait filer, avant que quelqu’un n’ait la bonne idée de–

Une poigne solide s’empara soudain d’une mèche blonde, la tirant solidement vers l’arrière. Et lorsqu’elle trébucha, lorsque ses yeux rencontrèrent le regard dément de l’homme qui lui avait fait le premier affront, toute volonté de garder son calme et se rentrer chez elle sans laisser plus de dégâts dans son sillage s’envola. Elle sentit les mains de l’homme l’attraper au collet et, sans même réfléchir, lui brisa les pouces d’un geste sec. Elle le fit rouler à terre sans qu’il ne puisse riposter, et commença à le marteler. Poings serrés, elle sentait les bagues en acier entamer tant la chair de l’homme que ses propres phalanges. Mais alors, plus rien ne comptait. La raison avait pris le bord en même temps que la lucidité, et l’heure de laisser exploser la frustration de ces six derniers jours était arrivée.

Impossible de se contenir, impossible de s’arrêter. Lorsqu’on l’arrache à sa cible première pour la frapper sans ménagement, elle riposte avec une hargne qu’on n’attendait pas. La violence contenue dans un corps si frêle n’a pas le temps de surprendre que la balance s’est déjà renversée. Un tabouret éclaté contre un crâne. Une épaule démise, une rotule brisée. Et elle voit un couteau lui passer sous le nez, la furie. Elle attrape le poignet, le tord et récupère l’arme. Elle plaque la main sur la table, ferme, et la lame transperce la chair comme du beurre, s’accrochant dans le bois en support. L’autre hurle, mais elle ne l’écoute déjà plus. Ses mains se sont refermées sur une veste abandonnée sur une chaise ; elle laisse un type s’approcher, enroule le vêtement autour de son cou d’un habile mouvement de coude, passant dans son dos pour resserrer sa prise et l’étrangler avant même qu’il n’ait compris ce qui était en train de se passer.

Dents serrées, incapable de s’arrêter, elle assène plusieurs coups de talon dans le creux de ses genoux, le laissant tomber au sol et continuant de serrer. Lorsqu’elle sent le corps se relâcher, inconscient, une main féroce lui agrippe le bras. Un rapide mouvement pour se dégager, un autre pour récupérer son arme d’opportunité, et elle se retourne pour faire face à son nouvel adversaire. Le tissu s’enroule autour du bras, et elle tire. Les os craquent au rythme où son cœur bat. Les cris se mêlent à ceux qui tambourinent au fond de son esprit. Incapable de s’arrêter, incapable de se raisonner. Violence débridée — la démence s’est emparée de la moindre de ses pensées, et le rouge repeint son champ de vision sans qu’elle ne puisse rien y changer.

Ce qu’ils ont fait ou ne lui ont pas fait n’a aucune importance. Le monde ne se résume plus qu’à tuer, ou être tué.
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MessageSujet: Re: ※ shoot the runner. (altaïr)   ※ shoot the runner. (altaïr) Icon_minitimeDim 17 Avr 2016 - 17:38



– underdogs –
JANIS ET ALTAÏR / friends, take control of me Stalking cross' the gallery, All these pills got to operate, The colour quits and all invade us. There he goes again, Take me to the edge again. All I got is a dirty trick. I'm chasin down the wolves to save ya – KASABIAN.



Altaïr avait réussi à mettre Elspeth dehors, enfin. C’est qu’elle était du genre têtue, la demoiselle, aussi têtue que lui l’était, et il avait dû lutter deux bonnes heures pour enfin réussir à lui faire lâcher ses papiers et la renvoyer chez elle. La jeune femme aux longs cheveux blonds comme les blés avait peut-être un visage d’ange, mais elle avait aussi un caractère de chien, et elle se prenait régulièrement la tête avec son patron. Cela dit, c’était de bonne guerre, et le vagabond le lui rendait bien volontiers. Après tout, d’une tête de mule à une autre, ils finissaient par s’entendre – la plupart du temps. Et elle avait tellement pris l’habitude de partir la dernière, tellement l’habitude de sortir du garage en même temps qu’Elias ou bien juste après lui qu’elle avait défendu sa position bec et ongles lorsque le chasseur était venu lui demander de prendre sa soirée ; visiblement, ça ne lui avait pas plu de perdre quelques dollars en heures sup’, mais ça, il n’en avait que faire. Il avait deux trois affaires à régler et il voulait être tranquille pour le faire. La lutte avait été longue, le ton n’était pas passé loin de monter et les autres employés du garage avaient soigneusement évité ces deux grandes perches qui se sifflaient dessus comme des serpents enragés, jusqu’à ce qu’Altaïr arrive enfin à mettre tout ce petit monde à la porte jusqu’au lendemain. Une fois certain qu’il était seul, il avait tout verrouillé, était allé chercher une bâche qu’il avait étalé sous une voiture qu’on lui avait amené le matin même et il avait ouvert le coffre. Un froncement de nez accueilli l’odeur qui s’échappa lorsqu’il révéla le cadavre qui se trouvait dans l’habitacle. Décidément, l’homme qui avait abattu ce mutant n’avait rien trouvé de mieux à faire que de l’oublier dans sa voiture et d’appeler le Downer une petite heure plus tard, paniqué. Heureusement que son nom de famille était un tant soit peu connu en ville – la faute à une sœur particulièrement vindicative et implacable dans la chasse aux dégénérés. Au moins, les autres tueurs du coin savaient qui contacter en cas de problème. Altaïr alla chercher une paire de gants solides et s’attacha les cheveux en catogan, chose rare qu’il ne faisait que lorsqu’il y était obligé, préférant les laisser lâchés ou bien simplement tressés la plupart du temps. Cela dit, pour traîner un corps mort, mieux valait ne rien avoir en travers du visage. Le mort en question, il l’enveloppa soigneusement dans la bâche et scella le tout avec de grandes couches de chatterton, comme un lugubre cadeau parfaitement scellé. Il n’aurait plus manqué que du sang coule de là. Déjà qu’il allait devoir passer un moment à nettoyer l’intérieur de la voiture pour s’assurer qu’il n’y avait plus de trace de sang dans le coffre, il ne voulait pas en plus se cogner le lavage de tout le garage.
Bandant ses muscles, le grand brun jucha la momie des temps modernes sur son épaule et s’éloigna vers l’arrière-boutique, en direction de la porte de sortie donnant sur la casse qui s’étendait derrière le magasin. Quelques carcasses de voiture qui n’attendaient plus que d’être compressées gisaient là, à la merci du temps et des éléments. Se dépêchant d’en choisir une, ne voulant pas prendre le risque d’être surpris par qui que ce soit, Altaïr ouvrit l’un des caissons et y rangea soigneusement le macchabée, puis referma le tout d’un coup sec et s’assura que le battant ne s’ouvrirait pas malencontreusement au plus mauvais moment. Faisant jouer les muscles de ses épaules, le chasseur leva ses yeux clairs vers le ciel. Le soleil commençait à décliner ; la nuit tomberait d’ici deux heures, pas plus. Ca lui laissait largement le temps de faire un peu de ménage avant de pouvoir enfin rentrer chez lui. Ce soir, il ne chasserait pas. Ce soir, il resterait tranquillement dans son appartement pour la première fois depuis longtemps, et rien ni personne ne l’en empêcherait.

Lorsque le premier verre se brisa non loin de lui, Altaïr referma les doigts sur le sien, l’air mauvais. Il avait eu l’excellente idée de vouloir boire un verre avant de rentrer chez lui. Il avait commandé une bière, puis une deuxième, et il avait entendu de l’agitation plus loin. Il ne s’était pas retourné pour regarder la scène, n’ayant pas envie de participer à l’énervement général qui commençait à monter de plus en plus – comme le sien, à dire vrai. Il sentait l’agacement poindre le bout de son vilain nez, et il faisait des efforts considérables pour rester calme. Buvant une grande gorgée de boisson fraîche, il laissa les belligérants à leurs affaires qui n’étaient pas les siennes. Qu’ils se battent donc si ça leur chantait, lui avait d’autres choses à faire : terminer son verre, slalomer entre les combattants et s’en retourner vers ses pénates par exemple.
Mais au moment où il reposait son verre, ses plans changèrent drastiquement ; car au moment où il reposait son verre, un autre vint s’écraser à l’arrière de son crâne. Le Downer cligna des yeux, la douleur irradiant depuis le point d’impact. Ses narines frémirent et son expression changea du tout au tout. Il y avait quelque chose de profondément animal au rictus qui se peignit sur son visage, quelque chose d’aussi furieux et inexorable qu’une tempête. Et lorsqu’une ombre entra dans son champ de vision, il ne réfléchit pas davantage. Le lourdaud qui avait tenté de lui mettre la main dessus se retrouva avec la tête écrasée contre la table en un instant à peine. Altaïr lui empoigna les cheveux et le fracassa contre le bois dur jusqu’à ce qu’il s’écroule et ne se relève pas, inconscient ou mort, il s’en fichait royalement. Désormais, c’était chacun pour soi, et le chasseur abandonnait sa subtilité au profit de la force brute ; après tout, il n’était nullement question de combat à la loyale. C’était une bagarre de bar, une parmi tant d’autres, et il savait parfaitement se défendre à la force seule de ses poings. Ses phalanges solides entrèrent en collision avec une mâchoire, ses nombreuses bagues entaillant la peau et les chairs de son nouvel adversaire. D’un coup de genou dans l’estomac, il l’envoya à terre, passant au suivant. En un geste souple, il évita une lame envoyée dans sa direction. Saisissant le poignet de son agresseur, il le retourna vivement et le brisa net, ses iris bleus lançant des éclairs furieux. Sa main libre frappa l’autre à la tempe, une fois, deux fois, jusqu’à ce qu’il s’écroule à son tour. Et Altaïr plongea au cœur de la mêlée, balayant tout sur son passage comme une tornade. Il avait combattu pire, bien pire que quelques ivrognes, et ce soir encore, il savait qu’il serait le dernier debout, emporté par sa colère et sa rage de vivre et de vaincre.
Ce fut un éclair blond qui attira son attention, une mèche claire comme les blés qui lui fit tourner la tête ; et alors, pendant un moment qui lui sembla durer une éternité, le monde entier s’arrêta de tourner. Car la propriétaire de la mèche en question, il ne la connaissait que trop bien. Et en la voyant là, à quelques centimètres de lui à peine, il eut soudainement l’impression de retrouver une part de lui, ici, au beau milieu de ce bar miteux au cœur d’une bataille généralisée. Ce regard fou, cette expression démente au milieu de ce visage aux traits fins, il ne pourrait pas les confondre, jamais. La jeune femme devant lui, c’était sa moitié, son ombre, celle qui avait disparu du jour au lendemain sans laisser de trace et qu’il avait cherché longtemps – en vain. Et pour une fois, il fut absolument ravi que le monde soit plus petit qu’on le prétendait. Lorsqu’il reprit enfin conscience, lorsque le temps reprit son cours, Altaïr ne put empêcher une expression étonnée de s’échapper d’entre ses lèvres.

- Jai ?

Un mouvement sur sa gauche et il eut tout juste le temps de se pousser pour éviter un duo qui se fracassait au sol pour mieux se rouer de coups. Un mouvement sur sa droite et son poing fermé alla s’écraser dans un ventre, encore et encore, jusqu’à ce que l’autre crie grâce et s’effondre. Alors seulement il put tourner les talons et enjamber les blessés au sol, inspirant pour pouvoir hurler à pleins poumons et couvrir le vacarme ambiant.

- JAI !

Il espérait que ce simple nom crié avec tant de conviction parviendrait aux oreilles de sa propriétaire. Mais Jai semblait trop occupée par sa folie meurtrière, trop absorbée par sa soif de sang pour réellement l’entendre. Alors le chasseur avala la distance qui les séparait et la saisit dans ses bras puissants, empêchant par la même occasion à un pauvre hère de finir avec une lame dans la gorge. Resserrant sa prise autour d’elle, il la tira en arrière, l’arrachant au chaos l’espace de quelques secondes.

- Jai, calme !

Il avait déjà été témoin des colères monstrueuses de la jeune femme, et il n’avait jamais eu peur d’elle. Il savait ce dont elle était capable, il savait qu’elle avait fait couler des litres de sang comme lui-même avait pu le faire, et pourtant il n’avait pas peur.
Parce qu’il savait qu’il n’avait et n’aurait jamais rien à craindre d’elle.
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MessageSujet: Re: ※ shoot the runner. (altaïr)   ※ shoot the runner. (altaïr) Icon_minitimeMer 27 Avr 2016 - 20:40

Son tableau du self-control était foutu. Adieu la liste bien rangée des soirées sans incidents. Ramener les compteurs à zéro, et essayer de ne pas en devenir folle : ce serait sûrement la prochaine étape, après avoir passé la serpillère sur le sang qu’elle était en train de répandre autour d’elle. Et pourtant, elle était incapable de s’arrêter. Le type qui avait tenté de se saisir d’elle n’avait plus qu’à payer son affront effronté, l’os de son poignet prenant un bain d’air frais hors de la structure ligamenteuse censée le maintenir en place. Une fois lâché, il se serait recroquevillé à terre sans demander son reste ; mais Jai, elle, ne l’entendait pas de cette oreille. Lorsqu’il tomba à genoux, ce fut sa rotule à elle qui le cueillit sous le menton, férocement. L’homme s’effondra vers l’arrière, et elle ne se préoccupa pas plus de lui, se tournant vers le prochain qui passerait à sa portée.

Le monde autour d’elle ne semblait plus qu’une addition de couleurs éclatantes, dominées par le vermeil qui éclatait autour d’elle sans qu’elle ne puisse plus rien faire d’autre qu’y participer. Ses sens étaient décuplés par l’adrénaline et la perspective confortable de cette violence qui l’entourait, et toute trace de raison avait finalement foutu le camp. Sa crise psychotique était en train d’empirer, à mesure que les secondes passaient, et que les clients restaient dans son champ de vision. Ils auraient été ses amis, ses alliés, qu’elle n’en aurait rien eu à secouer. Depuis qu’elle avait été vaccinée, et chaque fois qu’elle se retrouvait les deux pieds dans une altercation comme celle-ci, elle ne savait plus se contrôler. Elle ignorait comment mettre la machine folle à l’arrêt, et se forcer à retomber. Le seul moyen, c’était de fuir. Fuir comme elle l’avait fait, ces six derniers jours. Fuir, n’plus s’arrêter de courir, loin, toujours plus loin. Loin de cette colère qui la faisait pourtant vivre, loin de ce sang qui pourtant l’attirait, l’hypnotisait. Loin de la tentation, loin de cet appel à la monstruosité. Chaque fois qu’elle venait à bout d’une situation comme celle-ci, elle se prenait à se haïr un peu plus encore. Elle n’était plus qu’un chien fou, et lorsque la conscience lui en venait, c’était pour la contraindre à la culpabilité. Mais dans des moments comme celui-ci, elle était libre. Libérée de la raison, libérée de la lucidité. Libérée de la honte, et enfin laissée à être ce que, dans le fond, il lui semblait qu’elle était.

Jai ?

Il lui semble que quelque part, on l’appelle. Quelque part, quelqu’un l’a reconnue, et le lui fait savoir. Mais ce quelque part est trop loin. Quelques mètres, ce n’est pas suffisant pour lui faire retrouver une once de rationalité ; et elle en a attrapé un autre, sourde à toute interpellation. Il se dirigeait vers la sortie, comme elle avait pu le faire quelques minutes auparavant. Un temps qui, désormais, lui semblait si lointain qu’elle peinait à savoir s’il avait réellement existé. Le rouge avait pris beaucoup trop de place dans ses souvenirs pour qu’elle ne puisse chercher à tirer les choses au clair — et elle n’en avait d’ailleurs pas la moindre envie. En se sentant attrapé par les épaules, le type avait sorti un couteau. Il s’était retourné brusquement, et elle n’avait dû d’éviter d’être éventrée qu’à l’un des excellents réflexes dont elle était parée. Néanmoins, le t-shirt encore détrempé de bière se déchire au contact de la lame, et le sang commence à accompagner l’alcool. Elle ne s’en rend pas vraiment compte, trop mise en rogne par ce geste audacieux pour réellement songer à la perspective d’être blessée. Sa main attrape le poignet du type, le lui tord. Elle récupère le couteau, alors que l’homme envoie sa deuxième main vers son visage. Sans réfléchir, elle mord sa main, de toutes ses forces. Refusant de lâcher, arrachant à l’homme un cri des plus féroces.

JAI !

Les dents percent la chair, le goût du sang envahit sa bouche. Et l’autre ne fait plus le fier, tordu de douleur, les yeux habités d’une flamme de terreur pure. Ce fut la vision de la peur qui lui donna l’électrochoc suprême. Ses mâchoires laissèrent leur prise filer, alors qu’elle empoignait le couteau d’une poigne ferme. La lame s’en allait fuser vers la gorge de sa victime, l’achevant sans la moindre pitié, transformant la scène de vulgaire bagarre en une véritable boucherie, lorsque des bras puissants se refermèrent vers elle. Ses lèvres s’entrouvrirent en une expression de surprise, alors que ses yeux s’écarquillaient. Et naturellement, tout son corps se tendit vers l’homme qu’elle n’avait pu achever, et qui rampait vers l’arrière, appuyé sur un bras, tenant son autre main ensanglantée collée contre lui. Pas une seconde elle ne songea à poignarder la silhouette puissante qui l’enserrait ; comme s’il aurait été de toute manière absurde de le faire. Elle ne lâcha pourtant pas son couteau, se tortillant comme une folle. Le sang barbouillant ses joues, son menton. Ses yeux ne lâchant pas cette proie sur laquelle s’était fixée son obsession, alors que son nouvel assaillant l’éloignait fermement du chaos, sans desserrer sa prise un seul instant.

Jai, calme !

Et alors seulement, les mots commencèrent à faire fuir la tempête qui faisait rage dans son esprit. Ses facultés encore annihilées par la psychose quelques secondes auparavant reprirent lentement leur place, faisant reculer la folie de sang qui l’habitait. Son premier mouvement vers la réconciliation fut de lâcher le couteau, qui tinta en tombant au sol. Ses pieds cessèrent de s’agiter, ses bras se détendirent doucement. Ses dents ne se desserrèrent pas, mais ses yeux quittèrent sa cible, papillonnant quelques instants sur le bordel ambiant. Et ce ne fut qu’une fois qu’elle eut retrouvé suffisamment de lucidité sur ce qui était en train de se passer et sur ce qu’elle avait fait que l’information ultime fit surface, empêtrée au milieu des autres. Une petite chose, toute bête, qui expliquait qu’elle ne se soit pas retournée contre la paire de bras qui l’avait enserrée, et n’ait pas cherché à se débattre, ou à blesser l’homme. La voix familière avait fait remonter autant de situation comme celles-ci, où il avait été obligé d’intervenir. Et ce soir encore, c’était ce qu’il avait fait. D’une poigne toujours aussi efficace, ferme mais sans volonté de blesser, il l’avait empêchée d’achever un pauvre type qui n’avait absolument rien demandé à personne, et qui espérait juste pouvoir filer avant de se faire tuer par un coup perdu. Aussitôt, un nuage de culpabilité commença à s’amonceler dans son esprit, bien que temporairement laissé à l’oubli par la vérité qui l’avait cueillie au creux de l’estomac. Altaïr était là.

Doucement, comme une habitude qu’elle comprit alors n’avoir jamais oubliée, elle tapota l’avant-bras du colosse, ses doigts fins et tachés s’accrochant finalement à son poignet. « C’est bon… C’est bon. » Mais quelque chose, en elle, est loin d’être calme. Elle sent ses muscles la picoter, non plus de violence mais d’anxiété et d’excitation mêlées. La chaleur familière qui la tient enveloppée loin du chaos qui rugit toujours autour d’eux, elle lui a manqué plus qu’elle ne se l’avouera jamais. Et elle n’ose pas tourner la tête, de peur que tout ça s’envole. De peur que ce ne soit que l’aboutissement d’une crise psychotique extrême, qui lui fasse halluciner jusqu’à la présence de l’un des seuls capable de la calmer. Le mot s’échappe d’entre ses lèvres, rauque et pourtant plaintif, petite question perdue, à la fois désireuse de vérité et apeurée par ce qui pourrait l’accompagner. « … Alta ? … » Au milieu du vacarme, c’est presque un murmure. Le murmure d’un animal égaré dans les tréfonds de sa monstruosité, d’une bête perdue lorsque son ombre n’est pas là pour l’empêcher de frapper. Mais au milieu de nulle part, au moment opportun, l’ombre avait finalement surgi. Fugace, efficace. Tiède et puissante, autant que dans son souvenir. Laissant la confusion naître dans son esprit, encore trop peu déblayé du sang qui le noie pour savoir si, oui ou non, cette apparition est le fruit de son imagination.
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MessageSujet: Re: ※ shoot the runner. (altaïr)   ※ shoot the runner. (altaïr) Icon_minitimeMar 12 Juil 2016 - 17:19



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JANIS ET ALTAÏR / friends, take control of me Stalking cross' the gallery, All these pills got to operate, The colour quits and all invade us. There he goes again, Take me to the edge again. All I got is a dirty trick. I'm chasin down the wolves to save ya – KASABIAN.



Le chaos était une chose merveilleuse et terrible à la fois. Il s’immisçait partout, s’infiltrait là où il le pouvait, brisait des situations calmes, mettait tout sens dessus dessous, déclenchait des catastrophes et changeait les plus douces des personnes en bêtes assoiffées de sang.
Le chaos, c’était un élément omniprésent dans la vie d’Altaïr ; chaos dans ses pensées, chaos dans ses road trips, chaos dans ses relations. Le calme n’était pas une chose qu’il appréciait de toute façon, et il avait appris à embrasser l’inattendu et à y faire face avec toute la volonté de fer dont il était doté. Il savait s’adapter, rebondir et atterrir sur ses pattes, et il en aurait fallu beaucoup pour qu’il se laisse submerger par l’imprévu. Ce soir n’y ferait pas exception : les bagarres de bar, il en avait vécu beaucoup, en avait même provoqué certaines, et il se savait capable d’être le dernier debout alors que tous les autres gisaient au sol la tête en sang. Pourtant, toute envie d’en découdre s’était envolée au moment même où ses yeux bleus comme un ciel d’été s’étaient posés sur la silhouette de Jai – cette silhouette qu’il pensait bien ne plus jamais revoir. Elle avait disparu il y avait longtemps et il s’était même dit un jour qu’elle avait dû mourir, avant d’accepter le fait qu’elle était simplement parti sans jamais lui expliquer pourquoi. Il s’était posé énormément de questions qui n’avaient jamais eu de réponses, et il se disait que peut-être, cette fois, il pourrait les avoir ; mais pas tout de suite. D’abord, il y avait plus urgent que satisfaire sa curiosité et ces doutes qui l’avaient hanté depuis le départ de la jeune femme. D’abord, il fallait s’assurer qu’elle, elle irait bien. Et pour ça, il fallait la sortir de cette transe meurtrière dans laquelle elle était plongée, quitte à devoir se prendre un coup ou deux, chose qui n’était plus arrivé depuis très longtemps. Si les débuts de leur relation avaient été un peu houleux, ils en étaient très vite arrivé à s’entendre et se comprendre comme s’ils s’étaient connus depuis toujours, à tel point qu’on aurait pu les prendre pour deux faux jumeaux tant ils se complétaient à la perfection. Deux faces d’une même pièce, deux ombres qui se suivent, et maintenant Altaïr avait enfin retrouvé sa moitié.
Il ne la lâcha pas lorsqu’il la sentit se débattre dans ses bras, gardant sa poigne ferme mais ne lui faisant pas mal pour autant ; il ne voulait pas la blesser, seulement attendre qu’elle se calme assez pour reprendre ses esprits. Lorsqu’il la sentit arrêter de gigoter et que ses doigts vinrent tapoter son bras avant de s’accrocher à son poignet, le Downer se détendit à son tour, gardant la dame dans ses bras, contre lui, sentant son cœur battre contre le dos de Jai. Et l’entendre prononcer son nom le rassura plus encore. Il hocha doucement la tête.

- J’suis là, c’est moi.

Il savait que la jeune femme hallucinait parfois, d’autant plus lorsqu’elle se retrouvait en proie à ses crises de psychose, aussi faisait-il ce qu’il pouvait pour lui assurer que c’était bien lui avec elle et non pas une vision sortie des méandres de son esprit. Il posa la main sur la sienne et la pressa doucement, indifférent au sang qui la maculait – les siennes n’étaient pas beaucoup plus propres non plus.
Peu à peu, autour d’eux, le chaos finissait par se calmer, laissant la place à ses conséquences ; le bar avait triste mine maintenant, ses tables et ses chaises renversées lorsqu’elles n’étaient pas simplement éventrées dans tous les sens. Les blessés gémissaient au sol ou appuyés contre les murs. Quelques irréductibles étaient encore debout mais ne faisaient pas les fiers. La violence avait tout balayé sur son passage et n’avait rien laissé d’intact derrière elle. Altaïr balaya les environs d’un regard, puis tapota doucement le bras de Jai.

- Viens, on sort.

Ce n’était pas vraiment un ordre – il ne lui en avait jamais donné – mais c’était encore la meilleure chose à faire désormais : partir avant que les gens ne commencent à reprendre leurs esprits et se mettent à chercher un coupable contre lequel se liguer. Doucement, le mécanicien passa le bras autour des épaules de la jeune femme et la guida vers la sortie, enjambant les corps et les débris, passant la porte sans regarder en arrière. Il ne s’arrêta pas juste devant l’établissement, préférant parcourir quelques mètres et s’engouffrer dans une petite rue calme avant d’enfin prendre le temps de souffler. Se décalant, il se plaça face à la jeune femme et la détailla. Elle n’avait pas changé – pas radicalement du moins. Peut-être était-elle un peu plus bronzée, ses cheveux légèrement plus longs, mais elle était restée fidèle à la dernière image qu’il avait d’elle. Bien malgré lui, le chasseur sourit légèrement, l’air presque détendu tant il était soulagé de l’avoir retrouvée.

- Ca faisait un bail, hein ?

Il n’y avait aucun reproche dans sa voix, aucune déception. Il n’était pas fâché contre elle, même s’il n’avait jamais compris pourquoi elle était partie. Et il était sincèrement heureux de la revoir, même si ça ne devait durer que quelques pauvres minutes avant qu’elle ne disparaisse à nouveau, portée par des vents qu’il ne connaissait pas.
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MessageSujet: Re: ※ shoot the runner. (altaïr)   ※ shoot the runner. (altaïr) Icon_minitimeLun 18 Juil 2016 - 8:08

Autour d’elle — autour d’eux —, le chaos retombait progressivement. Les blessés gémissaient, les assommés reprenaient leurs esprits. Y en avait qui perdaient plus de sang que d’autres, et certains allaient devoir faire un tour à l’hôpital, et en découdre avec les forces de police après ça. Mais pour l’heure, c’était l’accalmie qui suivait la tempête. Et la petite blonde, elle, prisonnière de deux bras puissants, assistait à cette remise en ordre des choses sans vraiment ciller. Trop occupée à contrôler le flot de souvenirs qui lui revenait, et à sentir sa gorge inexplicablement se serrer. Y avait trop longtemps qu’elle n’avait pas entendu cette voix, trop longtemps qu’elle n’avait pas vu ces mains, senti cette poigne l’empêcher de déraper et de glisser, sombrant sans cesse plus au fond du gouffre. Et il lui fallut quelques longues secondes pour réaliser, après qu’il se fût progressivement détendu, en réponse à ce petit tapotement si significatif sur son avant-bras. C’était lui.

Incapable de poser une date sur la dernière fois où elle l’a vu, incapable de s’arrêter et de se mettre à penser. L’ombre d’une culpabilité au fond de ses tripes, alors qu’elle se souvient être partie comme une voleuse, ne sachant alors trop lequel d’eux deux elle protégeait le plus en fuyant. Et son cœur se serre, dans un sentiment qu’elle commence à mieux connaître, sans pour autant le comprendre. Elle capte sa voix, dans son dos. Et elle ne cherche même pas à lui échapper, cachée dans ces bras familiers, le dos appuyée contre un torse qui, elle le savait, n’hésiterait pas à s’interposer pour empêcher qu’un quelconque uniforme la mette sous les verrous. Parce qu’elle le sait : tout ça, c’est de sa faute. Elle n’a pas été capable de rester à sa place, pas été capable d’éviter de s’attirer des ennuis. Le visage de poupée glacée a encore attiré les moins malins, parfait aimant à ennuis. Fallait croire que c’était marqué weirdo sur son front, et que la propension de l’humanité à cibler les étranges était la même, où que l’on décide de mettre les pieds. Et ça aurait pu l’user, la petite blonde, si elle n’y avait pas été habituée dès la naissance. Mais pour l’heure, tout ce qui lui restait, c’était la peur de se retrouver prisonnière, tenue entre quelques murs trop froids et trop hostiles. Elle voulait rentrer chez elle, voulait dormir dans son lit ce soir. Pas sur un banc, assise, droite comme un i, à regarder droit devant elle, tentant de calmer la bête appréciant si peu d’être enfermée, en espérant que personne ne lève le petit doigt vers elle. Chez elle. Elle voulait être chez elle.

Elle sent les doigts tapoter son avant-bras, la poigne autour de son corps frêle se défaire. Et elle ne se pose pas de questions, la petite sauvage, peu désireuse de s’attarder dans cet endroit. Le bras d’Altaïr passe autour de ses épaules, la conduit tranquillement vers la sortie sans qu’elle ne prononce le moindre mot. Une fois à l’extérieur, il ne s’arrête pourtant pas. Et elle ne se pose pas la moindre question, alors qu’il continue de la faire s’éloigner. S’il avait l’intention de la tuer, il ne l’aurait pas arrêtée. S’il avait voulu lui faire du mal, il l’aurait confrontée au milieu du carnage, aurait prêté sa mort à un coup de travers. Et à dire vrai, l’idée qu’il puisse vouloir porter la main sur elle ne lui passait même pas par la pensée. Et s’il le faisait, elle n’était même pas sûre de l’en empêcher.

Lorsqu’il s’arrête finalement dans une ruelle, un peu plus loin, elle se tourne pour lui faire face. Il s’est stoppé pour la fixer. Et la lueur dans ses yeux, malgré la pénombre, elle la reconnaîtrait entre mille. Altaïr est là. Et elle ne lui sourit pas, bien incapable de manifester les émotions positives qui implosent dans son cœur et son esprit à la fois. Ses grands yeux relevés vers lui, son minois éclaboussé de gouttelettes à la rougeur affreusement familière. « Deux ans. » Un peu plus, même. « C’était long. » Une simple constatation, des plus évidentes. C’était long, et c’était d’sa faute. Pourquoi il avait fallu qu’elle parte ?

Elle penche légèrement la tête sur le côté, la bestiole, inspectant le Downer avec autant de fascination qu’il ne peut le faire pour elle. Elle le voit — il n’est pas là pour elle. Trop de surprise soulagée sur les traits, trop d’agréable étonnement dans les yeux. « Qu’est-ce que tu buvais ? » Elle ne sait pas pourquoi cette question lui vient avant toutes les autres. Elle pourrait lui demander ce qu’il a fait, toutes ces années. Ce qui l’amène dans les parages, s’il a trouvé une nouvelle acolyte pour voyager. S’il est au courant pour elle, pour cette chose qui avait vécu toutes ces années en elle sous forme d’un foutu gêne étrangement exprimé. Mais rien de tout ça ne vient. Tout ce qu’elle voit, c’est qu’il lui a manqué. Qu’il était assis là, ce soir, dans le même bar qu’elle. Probablement venu pour se changer les idées — et qu’une fois encore, le petit aimant à ennuis qu’elle était avait tout fait déraper. Pour changer.
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MessageSujet: Re: ※ shoot the runner. (altaïr)   ※ shoot the runner. (altaïr) Icon_minitimeLun 25 Juil 2016 - 12:21



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Le chaos laissé dans leur dos, Altaïr garda le bras autour des épaules de Jai tandis qu’ils sortaient du bar. Les yeux clairs du chasseur foudroyaient les curieux qui osaient poser le regard sur eux, les sommant de tourner la tête et de s’éloigner au plus vite. Il n’était pas parti du troquet pour se faire juger de haut en bas, ou pour que qui que ce soit dévisage la jeune femme d’un œil torve attiré par le sang sur son visage et ses vêtements. Ce qu’elle avait fait pour être dans cet état ne regardait personne, ce qu’il aurait fait pour empêcher qu’elle soit inquiétée dans les éventuelles plaintes qui auraient pu être déposées après la bagarre ne regardait que lui. Il savait parfaitement jusqu’où il aurait pu aller pour lui empêcher des soucis supplémentaire ; il l’avait déjà fait par le passer, pas forcément le plus fin des négociateurs mais obstiné et têtu comme une mule, prêt à tirer les quelques cordes qu’il avait en main pour arriver à ses fins.
Tout pourvu qu’on foute la paix à Jai.
Elle n’avait pas besoin que les flics de Radcliff lui tombent dessus, quand bien même elle avait allégrement participé à la mêlée. Le Downer la savait féroce, certes, mais il savait aussi très bien qu’elle n’aurait pas démarré le massacre, à moins d’avoir été ouvertement provoquée. Et si c’était le cas, alors il n’avait aucune compassion, aucune sympathie pour le sombre imbécile qui s’en était pris à elle ; il espérait même qu’il fasse partie des gisants qui baignaient dans leur jus, par terre, entre les tables éventrées et les chaises brisées.

Laissant de côté tout ce qui pourrait arriver après, ne pensant pas à d’éventuelles caméras de sécurité ou des témoins qui auraient tôt fait de donner leur signalement, il se dirigea vers une rue calme qui ne devait plus être fréquentée à une heure pareille. Tant mieux : il voulait retrouver un environnement calme pour profiter de la présence de la grande blonde – cette présence dont elle l’avait brusquement privé bien des années plus tôt et qui avait laissé un vide monstrueux dans son existence. En dehors de sa famille d’adoption, elle était la première à qui il s’était réellement attaché, et il aurait retourné la terre entière pour elle. Il n’était pas amoureux – ne l’avait jamais été – mais elle lui était terriblement chère, comme si avec elle il était soudain entier, comme si elle faisait partie de lui. Comme si elle était son ombre et lui la sienne.
Et maintenant qu’il lui faisait face, il détaillait ces traits qu’il connaissait pourtant par cœur, comme pour s’assurer qu’elle était bien là et que ça n’était pas une illusion, ou un changeur de forme ou que savait-il encore. Mais non, c’était bien Jai, sa Jai, fidèle à elle-même. Altaïr hocha doucement la tête lorsqu’elle lui confirma le temps qui s’était écoulé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Deux ans, un peu plus à dire vrai. Ca commençait à dater.

- Ouais, c’était long.


Il l’avait cherchée lorsqu’elle avait disparu, bien sûr, mais il ne l’avait jamais retrouvée. Il n’avait jamais su s’il lui était arrivé quelque chose, mais il avait fini par se dire qu’elle était plus que capable de se défendre, et que s’il avait dû retrouver son corps, il l’aurait fait depuis longtemps. Haussant un sourcil, il pencha très légèrement la tête sur le côté, ses cheveux longs tombant sur ses épaules.

- Du rhum. Et toi ?


Il avait commencé par un verre de bière, et il avait continué par un verre de rhum qu’il n’avait jamais eu le temps de terminer. Le chaos lui était tombé dessus avant. Cela dit, si c’était le prix à payer pour retrouver la jeune femme, il ne le regrettait pas le moins du monde. Des verres de rhum, il y en aurait d’autres, mais de Jai, il n’y en avait qu’une, et maintenant qu’elle était là, il ne comptait plus la laisser partir de sitôt.
Réalisant qu’ils étaient toujours au milieu de la rue et que les autorités n’allaient sans doute pas tarder à pointer le bout de leur vilain nez pour s’occuper du bar dévasté, le chasseur se dit qu’il était tant de partir.

- T’habites loin ? J’te raccompagne.


La proposition n’en était pas vraiment une : même si elle lui avait dit non, il l’aurait suivie à distance pour s’assurer qu’elle retrouvait son chez-elle sans encombres, quitte à passer pour un stalker pervers aux yeux des autres. Qu’ils pensent ce qu’ils voulaient de lui : lui savait ce qu’il en était réellement et rien d’autre ne comptait.
Lorsque Jai se mit en route, le mécanicien lui emboîta le pas et marcha à ses côtés, silhouette massive guettant les alentours comme pour empêcher une catastrophe quelconque de leur tomber dessus. Ils avaient eu leur dose d’adrénaline pour ce soir, il était temps que le monde les oublie au moins jusqu’au lendemain.
Laissant le silence s’installer un temps, Altaïr se demandait s’il pouvait poser toutes les questions qui lui tournaient dans le crâne. Il aurait voulu savoir pourquoi elle était partie sans rien lui dire, pourquoi elle avait fui, ce qui lui était arrivé, si c’était une chose qu’il avait faite, si elle avait juste voulu faire sa vie de son côté … Oui, il avait beaucoup de choses à demander. Pourtant, ce ne fut aucune de ces questions qui s’échappa de ses lèvres.

- T’es là depuis longtemps … ?
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