i. comment êtes-vous entré parmi les hunters?
  chez les malone, c'est hunter de père en fils. Chacun enseigne à son aîné l'art et la manière de chasser et de traquer. A l'époque où les mutants n'existaient pas encore, les Malone chassaient le gibier et s'en faisaient des trophées. Chasser l'homme comme ils chassaient l'animal, voilà ce qu'on enseigne chez lui et ce qu'on lui a appris depuis son plus jeune âge. Il n'a pas eu le choix, on ne l'a pas forcé non plus, il aurait pu partir, il a choisi de rester. Il n'est pas plus fier qu'il n'a honte d'être un chasseur aujourd'hui, il est ce qu'il est, il croit faire ce qui est juste et il a de bonnes raisons de le croire. Declan était prédestiné à devenir un hunter et il en est un fier représentant aujourd'hui.

   ii. avez-vous déjà effectué votre devoir de chasseur ?
   Plus d'une fois, il a aujourd'hui vingt-sept ans et sa première fois, il s'en souvient comme si c'était hier. On ne risque pas d'oublier son premier meurtre, alors qu'il était âgé de seulement dix-huit ans, encore gringalé, son père voulait le tester et voir s'il avait suffisamment de courage, de tempérament et de force pour abattre froidement un autre être humain, tout mutant qu'il soit. Il fallait la force de caractère nécessaire pour faire ce qu'il a fait et il en est ressorti complètement ébranlé et incapable de recommencer. Jusqu'à ce que la tragédie se produise. Depuis, il n'a plus aucun souci avec son devoir de chasseur, il y prend parfois même un certain plaisir.

   iii. les mesures du traité de protection des mutants vous font-elles peur ?
   C'est à cause de ce traité que Declan a souhaité stoper ses chasses. Il n'avait pas peur mais il pensait que si le gouvernement protégeait les mutants, il n'y avait plus rien à faire et comme il allait se fiancer, il n'était pas question pour lui d'aller en prison pour de simples bêtises. Il a donc arrêté ses activités de chasseur pendant trois ans mais il est revenu sur le devant de la scène un an plus tôt et le traité, il s'en fiche pas mal. Il passe au dessus des lois pour trouver sa vengeance. Sa vie est emplie de colère et de remords, il n'a plus le temps de s'arrêter à quelques lois qui ne sont pas prêtes de faire bouger les choses puisque les hunters se développent de plus en plus.

   iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
   la politique n'a jamais intéressé le jeune homme et il se fiche bien de savoir qui gouverne la ville ou le comté. Ce qui l'intéresse, c'est de vivre sa vie et de consacrer son existence à éliminer les menaces potentielles. Il n'est pas un extrémiste, il ne recherche que la justice, il n'est ni pour cet homme, ni contre, il s'en fiche, il laisse faire. Il sait que son élection est un avantage pour les chasseurs mais ça ne veut pas dire qu'il approuvera tout ce qu'il décidera. Les hommes politiques sont tous influencés, ils n'ont aucune puissance, pas quand la population se soulève, personne n'arrêtera les transmutants et personne ne stoppera les hunters, pas même thaddeus lancaster.

« Il a simplement le pouvoir de traverser les murs ? Pourquoi le tuer alors ? » C'était sa première chasse, celle dont il se souviendrait encore longtemps. Declan avait dix-huit ans et s'entraînait depuis toujours pour ce moment, cet unique moment mais enfant curieux, il ne cessait de poser des questions et notamment celle qui lui brûlait les lèvres sur le pourcentage de dangerosité d'un mutant. Son père lui, avait réponse à tout. « Tu verras, le jour où il ira cambrioler une banque pour piquer tout le fric que tu y as placé ou quand il viendra voler chez toi sans que tu ne puisses rien y faire ! Peu importe le pouvoir Declan, ils sont dangereux. » Dangereux, le mot qu'il répétait sans cesse, le mot que Declan entendait le plus et il avait raison, dans une certaine mesure, il avait parfaitement raison. Ce jeune homme pouvait traverser n'importe quel mur, entrer n'importe où, c'était dangereux s'il avait de mauvaises intentions. Et selon son père, il devait toujours supposer que celui qu'il traque a de mauvaises intentions. Alors, il le tua, comme son père le lui avait demandé, comme il avait appris à le faire. Et lorsqu'il rentra chez lui, il resta ébranlé par ce qu'il venait de faire. « Alors, ça s'est bien passé ? » Sa sœur avait deux ans de moins que lui et appréhendait elle aussi le moment où elle devrait s'y mettre, où elle devrait tuer elle aussi, parce que c'était ce que ses parents faisaient depuis des années. Ils s'entraînaient depuis qu'ils étaient enfants, depuis qu'ils étaient en âge de comprendre qu'un réel danger menaçait la planète, les transmutants pouvaient créer une révolution et vouloir devenir l'espèce dominante sur terre, les croyances des hunters semblaient toujours légitimes quand on comparait ces gens à des démons envoyés par Dieu pour tester l'homme. Mais Declan avait grandi dans cette ville, il était né ici et depuis qu'il était petit, on lui disait de faire attention à ses fréquentations, à qui il cotoyait à l'école et qu'au moindre mouvement suspect, il devait en alerter son père immédiatement. Il avait été élevé, avec sa soeur, dans la paranoïa la plus complète si bien qu'il fut incapable de réellement s'amuser à l'école, se concentrant sur ses études qu'il ne réussissait pas totalement. En même temps, Declan était bien plus doué pour apprendre à traquer, il était d'action, il était hyperactif et supportait mal qu'on le séquestre pour qu'il apprenne des choses aussi inutiles que les fractions. Mais ses résultats importaient peu ses parents, il n'avait pas besoin d'être un génie. Il n'irait pas à l'université, il aurait aimé s'engager dans l'armée mais très jeune, son père lui trouva une place dans un garage pour qu'il répare des voitures, si bien qu'il est devenu un champion de la mécanique avec les années. Mais ainsi, il restait disponible pour la chasse, en tous temps. Et il passait l'autre partie de ses nuits à aider sa soeur qui n'arrivait pas à apprendre aussi bien que lui et qui décevait leur père de jour en jour. Jusqu'à sa toute première chasse.

« Tu l'as tué ! » La fureur faisait trembler le corps de Declan. Il était enragé, il était prêt à sauter au cou de son père d'une seconde à l'autre. Une fois toutes les larmes de son corps versées sur les larmes de sa défunte sœur, Declan n'avait plus que la colère, la fureur, la haine pour s'exprimer. Il n'avait rien d'autre, il ne lui restait rien que le déchirant souvenir de sa petite sœur, joyeuse et heureuse de partir à sa première chasse avec son père et son grand-frère. Une chasse qui avait viré au désastre, par la faute de leur père, l'unique responsable qui leur infligeait ses règles. « Non Declan, ils l'ont tué, ce mutant l'a tué, tu l'as vu toi-même ! » Les idées se bousculaient dans sa tête, ses envies de rébellion, ses désirs de vengeance. Il savait que sauter à la gorge de son père pour lui arracher la tête serait contre-productif et pourtant, son corps en tremblait d'envie. Il l'avait tué, il ne pouvait pas dire le contraire. « Elle n'était pas une menace, elle a vu qu'elle n'était pas assez forte, tu l'as vu poser son arme, tu l'as vu et qu'est-ce qu'il a fait ? » Elle avait rendu les armes, une honte pour une Malone selon son père mais il ne serait pas risqué à ajouter combien l'acte de sa sœur l'avait humilié, il savait que son fils était prêt à le tuer de ses mains. « C'est ce que j'essaye de t'expliquer depuis deux ans ! Ce sont des monstres, ils se servent de leurs pouvoirs pour tuer, ils ne savent faire que ça, même s'ils ne sont plus menacés, ils prennent du plaisir à le faire ! » Il ne voulait pas entendre ça, il aurait aimé se boucher les oreilles et hurler jusqu'à s'épuiser. Il voulait en finir avec tout ça. Il l'avait vu, il avait vu ce mutant faire demi-tour alors que sa sœur avait stoppé la chasse, après qu'elle se soit retournée, rangeant son arme. Il l'avait vu la prendre par derrière avec son pouvoir, pas assez courageux pour l'affronter, trop lâche pour s'en charger lui-même. Le pouvoir qu'il avait utilisé lui avait fait froid dans le dos. Il avait clairement joué avec le sang circulant dans les veines de sa cadette, il lui avait arraché la vie sans même sourciller, sans avoir le courage de la regarder dans les yeux et pour ça, il avait envie de le retrouver, de le traquer, de le tuer. Son père l'avait compris. Après deux ans à tenter de lui faire comprendre l'enjeu de tout ce qu'ils apprenaient, ils tenait l'occasion rêvée de le voir embrasser définitivement leur cause. Il s'approcha de lui tandis que l'éclair de la vengeance traversait son regard, comme allumé par un feu nouveau. Il ne trouverait la paix qu'en vengeant sa sœur qui n'avait pas demandé ce qui venait de lui arriver, qui avait compris qu'elle ne serait pas assez forte pour lutter contre un mutant et qui ne rêvait que d'université et de nouvelles créations. Elle voulait abandonner, elle avait assisté à sa première et dernière chasse, elle allait l'avouer à leur père, une chose que Declan savait déjà mais qu'il l'avait encouragé à dire définitivement. Il l'aurait soutenu, il l'aurait aidé, il serait parti lui aussi. Si seulement ce mutant n'avait pas tué sa sœur de sang-froid, si seulement il avait passé son chemin comme elle avait eu l'intention de le faire. Son père posa une main sur son épaule, tirant à peine Declan des pensées funestes dans lesquelles il venait de plonger. Il repensait à toutes ses choses que sa sœur ne ferait jamais, n'aurait jamais l'occasion de faire et la colère bouillonnait en lui comme un torrent. Il fallait qu'il retrouve ce mutant, il le devait, il en avait besoin. Il se devait de le tuer de ses mains pour accomplir ce pourquoi il s'entraînait depuis des années. Et pour retrouver ce mutant, il lui fallait absolument continuer, il fallait qu'il s'entraîne encore, qu'il acquière plus d'expérience, qu'il prenne des proies moins dangereuses pour pouvoir enfin l'affronter. Pendant trois ans, Declan va consacrer sa vie à la chasse, à la traque et il va devenir un expert en la matière. Un véritable loup parmi les brebis. Il entend encore la voix de son père, chuchotée à son oreille comme un encouragement. « Venges-la. » Ce n'était pas un ordre, seulement une suggestion, la matérialisation de sa pensée la plus profonde.

« Talya, tu as encore laissé le chat sortir, si on le retrouve encore chez le voisin, on va finir par avoir des... » Le courrier qu'il tenait à la main lui échappa à l'instant où il entrait dans le séjour. Son cœur fit un bon dans sa poitrine, si fort qu'il eut l'impression qu'il s'était arrêté l'espace d'un instant. La bile lui remonta le long de la gorge et il eut la sensation que tout tournait autour de lui à cet instant. Sa petite amie, Talya, était suspendue dans le vide, inconsciente, du sang s'échappant de la plaie de son front. Il retint sa respiration quand il vit deux hommes pénétrer dans le salon à leur tour. « Doucement Malone, c'est toi qu'on veut, si tu es sage, elle pourra partir ! » Il n'osait pas croire à sa chance, lui qui avait imaginé le pire l'espace d'un instant, n'en revenait pas d'apprendre qu'elle était en vie. Elle, ainsi que l'enfant qu'elle portait et dont ils devaient fêter l'arrivée le soir-même. Un détail qui n'avait pas échappé aux deux mutants. « Elle s'est faite toute belle pour toi Malone on dirait, tu en as de la chance ! » Ils se moquaient de lui, jouaient avec lui et lui les voyait à peine, derrière le voile de larmes qui menaçait de le submerger. Il sentait un malheur approcher mais il ignorait encore lequel. Sa fiancée et sa petite fille à naître étaient en danger, sa vie défilait devant ses yeux comme un mauvais générique de film. L'histoire ne pouvait pas s'arrêter là. Lâchant tout ce qu'il tenait, il leva les mains en signe de reddition. Il n'avait aucun autre choix, il devait se rendre. Il avait bêtement, naïvement cru qu'il pouvait refaire sa vie loin de la ville de son enfance, loin des chasses, de la traque aux mutants, de la paranoïa constante qui l'avait habité des années durant. Son père avait été fier de lui, trois années de suite, il n'avait été qu'un produit de vengeance et il l'avait obtenu, il avait vengé sa sœur, il avait réussi à tuer ce démon qui lui avait pris la vie. Sauf qu'aujourd'hui, la roue tournait, quatre ans après qu'il ait tourné le dos à ses principes, à ses parents et à cette ville qui l'avait vu naître. Il avait rencontré Talya et était tombé amoureux d'elle, elle l'avait encouragé à tout quitter, à s'en aller pour ne plus revenir en arrière. Il aurait dû être plus prudent. L'un des mutants s'avança vers lui, un sourire sadique sur les lèvres. « Tu vas payer ce que tu as fait à notre frère Malone et à tous ceux que tu as traqué. » Il savait que ce jour arriverait et pourtant, il était loin d'y être préparé. « Votre frère adoré a tué ma sœur, ce n'était que justice. » Le regard du mutant s'éclaira de rage et de fureur et d'un simple mouvement de la main, envoya Declan voler à travers la pièce. « Elle le traquait ! Il n'avait pas le choix ! » Il aurait tellement aimé combien ses frères n'avaient pas la bonne version et que sa sœur avait cessé la chasse mais le choc contre le mur lui avait coupé le souffle et le mutant ne lui laissa aucun répit. Ivre de vengeance comme il avait pu l'être, il s'employa à faire souffrir Declan de toutes les manières possibles avant que l'autre entre dans son esprit et lui suggère quelque chose. Le cerveau du jeune homme lutta contre cet ordre mais son corps réagit d'une toute autre façon. « Non, s'il vous plaît, tuez-moi, mais laissez-la ! » Il était prêt à supplier à genoux s'il le fallait mais ils n'écoutaient rien, ils ne voulaient rien entendre et la vengeance leur faisait visiblement perdre la tête. Ou peut-être étaient-ils des criminels, comme tous ceux de leur espèce. Le corps meurtri et crispé, Declan essayait de reculer, horrifié par l'arme qu'il tenait dans sa main droite et dont il ne contrôlait pas la portée. Son cœur s'emballa et une larme roula le long de sa joue quand il comprit qu'il s'était rapproché de Talya sans même s'en apercevoir. « Il serait trop simple de te prendre ta vie Malone, tu vas regretter ce que tu as fait, qu'on ne te reprenne plus à tuer l'un des nôtres. » Son corps transpirait sous l'effort qu'il fournissait, il tremblait de tous ses membres. Il ferma les yeux si forts qu'il s'en fit mal, il sentit sa main se lever sans pouvoir y faire quoi que ce soit, son cœur menaçait de sortir de sa poitrine quand il sentit la chair tendre de sa fiancée céder sous le poids du couteau, à plusieurs reprises. Chaque coup lui donnait l'impression qu'on lui enfonçait se couteau à lui-même, il ressentait chaque entaille comme si elle était la sienne, chaque blessure faisait saigner son cœur un peu plus et quand ce fut enfin terminé, il sentit ses jambes céder sous le poids de son corps et le silence accueillit ses pleurs interminables, comme il avait pleuré sa sœur, il était maintenant forcé d'enterrer sa fiancée et l'enfant qui ne verrait jamais le jour.

« Tu es revenu ! » Il l'était. Declan franchit la porte de l'ancienne maison de son enfance, respirant profondément ce retour aux sources tandis que sa mère le serrait dans ses bras, comme si trois années ne s'étaient pas écoulées depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Le jeune homme avait coupé les ponts intentionnellement et il savait que son retour serait mal vu par son père. Mais il n'était pas revenu pour lui, il était heureux de pouvoir serrer sa mère à nouveau et la laisser lui embrasser la joue comme s'il avait seize ans à nouveau. Même dix ans après, il appréciait toujours la sensation d'être aimé de quelqu'un. « Comment vont Talya et le bébé ? » Il ne les avait pas vu mais les avait tenu au courant et sa mère s'attendait presque à voir débarquer derrière lui sa fiancée et leur petite fille mais la porte restait close derrière son passage et le silence le ramenait sans cesse à ce jour funeste, cinq mois plus tôt. Il vit apparaître son père dans l'embrasure de la porte et cette étincelle qui avait animé une première fois son regard plus de dix ans auparavant revint s'éclairer. « Elles sont mortes. J'ai besoin d'un coup de main. » Il devait se venger, à nouveau. Il vit son père acquiesçait doucement tandis que sa mère se mettait à pleurer. Il n'en avait pas fini avec les transmutants et ces derniers n'en avaient pas fini avec lui. Il était un chasseur, traquer ou être traqué était à présent sa devise, ce que son père lui avait enseigné et qu'il avait choisi d'oublier. A renoncer à être un chasseur, il avait été chassé et il avait perdu, plus jamais il ne baisserait sa garde de cette manière. Il n'en avait pas le droit.