D’un violent coup de stylo, la belle barra toute la page, condamnant d’un seul trait des heures de travail. ELle s’était trompée, bêtement. C’était rare pour la brillante scientifique, mais l’erreur était humaine. Cela arrivait pourtant un peu trop souvent au goût de la belle dernièrement. La chasseuse détestait ça, frustrée par cette formule qu’elle n’arrivait pas à mettre au point. Cela faisait maintenant plusieurs mois que le laboratoire Holgersen l’avait embauché pour créer un vaccin contre les mutations, pourtant la Lecter était toujours au point mort. Chaque fois qu’elle pensait avoir trouvé une piste, une erreur venait se glisser dans ses calculs et elle était bonne pour toute recommencer. Et pour la seconde fois ce mois-ci, c’était la désillusion pour Beatrix. Elle attacha la page, avant de la rouler en boule et de la laisser tomber au sol, se remettant directement à griffonner sur son cahier. Au fond d’elle, elle boulonnait, prête à exploser face à tant de frustration ; mais la Lecter se retenait, tentant de rester professionnelle devait celle que son employeur avait envoyé pour superviser les recherches. Entre deux équations, Beatrix leva le regard vers la blonde assise non loin d’elle. Elle aussi griffonnait des pattes de mouches noires sur son carnet, mais d’un tout autre registre. Le regard azur de la Lecter s’éternisa sur la jeune femme qui lui faisait face ; elle était belle, avec ses traits finement sculptés et ses grands yeux bleus dans lesquelles elle aurait pu se noyer. Parfaitement le type de la chasseuse. Avec son tempérament de feu et cette moue arrogante, elle aurait presque pu lui plaire. Presque, puisqu’avant toutes ces choses, Lykke était mutante. Dégénéré. L’un de ces monstres qu’elle chassait, l’un de ceux qu’elle avait enfermé à l’arrière du laboratoire pour lui servir de cobaye lorsqu’elle aurait mis au point le sérum. Ca la dégoutait dans un sens, de devoir travailler avec l’un d’eux. C’était dégradant, de la part de son employeur de lui imposer la présence infâme de cette femme qu’elle aurait déjà abattu dans un contexte différent. Et ce n’était pas l’envie qui lui manquait ; en plus d’être dégénérée, la belle était insupportable. Mais elle ne pouvait pas, à son plus grand malheur. Car la blonde était la raison principale pour laquelle Holgersen finançait ses recherches, dans l’espoir de retrouver sa douce petite fille. Ca amusait Beatrix, cette logique faillible ; Lykke était et resterait toujours une mutante, porteuse du gène X. Mais elle n’allait pas cracher sur le généreux financement de papa Holgersen. Si elle devait supporter le regard arrogant et les commentaires acerbes de la dégénérée, alors elle le ferait. Aussi longtemps qu’elle pourrait.

Beatrix doutait pourtant, de sa capacité à endurer ce calvaire encore longtemps. Lykke semblait mettre toute sa mauvaise volonté pour énerver la chasseuse, et elle réussissait brillamment. Après quelques minutes à endurer le battement rythmé de son style contre son cahier, Beatrix releva un regard assassin. L’azur de ses yeux s’était gelé en deux morceaux de glace, prêt à trancher la gorge de cette femme qui l’énervait tant. « C'pas en me regardant que tu vas travailler plus vite Lecter. » Sourire malin et regard défiant, le tapotement continua, menaçant de faire craquer Beatrix à tout moment. Pour qui se prenait-elle ? La dégénéré n’était qu’un monstre, une grossière erreur dans la mutation du génome humain ; son regard hautain n’avait pas lieu d’être. Elle aurait dû être reconnaissante envers Beatrix, qui faisait de son mieux pour l’aider à retrouver un semblant de normalité. « Ca serait surement plus facile de se concentrer si j'étais tranquille dans mon labo, pour changer. » La belle soutint son regard, refusant de plier face à la vermine qui lui faisait face. « Va jouer ailleurs Lykke. » souffla-t-elle fermement. Plus qu'un conseil, c'était un ordre.

La belle détestait ça, servir de baby-sitter pour une dégénérée. La simple idée de devoir travailler sous la supervision d’une telle créature la dégoutait, détestant le fait de dépendre d’une telle … chose. Si le Holgerster n’avait pas été si généreux avec elle, la blonde qui faisait la maligne devant elle n’aurait pas fait long feu. Si ça avait été l’une de ses proies, Beatrix aurait depuis longtemps sortit les griffes, et le corps sans vie de la blonde trônerait surement dans le labo. Lykke la poussait tellement à bout, que même si elle n’avait pas été mutante, la belle aurait connu un sort similaire. Chaque mot qu’elle prononçait, chaque regard qu’elle lui lançait, chaque détail de la danoise lui donnait envie de lui trancher la gorge. Mais Beatrix se retenait, elle devait se retenir. Sans elle, pas de ressources. Sans resources, pas de vaccin. Et depuis qu’elle avait commencé ses études, c’était tout ce qui comptait pour la belle, trouver un sérum pour contrer cette peste moderne, pour réparer ces gènes défaillants. Pour la soigner, elle. La Lecter releva le regard, déposant ses yeux sur les traits fins de la danoise. La chasseuse se demandait souvent, en la détaillant, comment un monstre comme elle pouvait prendre une forme aussi jolie. Comment sous son visage élégant et ce corps parfait, pouvait se cacher une telle abomination. C’était dommage, vraiment. Un gâchis aux yeux de Beatrix, qui malgré la condition de Lykke, ne pouvait s’empêcher des oeillades volées sur cette silhouette séduisante. Sur ce visage concentré, cette expression qui la rendait si séduisante quand la danoise se perdait dans ses pensées en cherchant les mots qu’elle allait déposer sur son carnet. Ca fendait le coeur de la chasseuse, de ne pas pouvoir profiter de la belle. Mais elle était une personne respectable ; travailler avec une dégénéré était déjà assez dégradant comme cela, alors se perdre dans les bras d’un de ces monstre … jamais. Surtout quand la blonde en question lui donnait des envies de meurtres. Son regard assassin plongé dans les yeux joueurs de la mutante, Beatrix soutenait son regard en tâchant de la remettre à sa place. Qu’est ce qu’elle n’aurait pas fait pour faire taire le sourire malin qui déformait les traits de dégénérée. « Malheureusement ma belle, t'es pas payée pour être tranquille. T'es payée pour faire un vaccin qui va me rendre humaine à nouveau. » Ma belle. La Lecter serrait si fort son stylo entre ses doigts qu’elle aurait pu le casser. Comment se permettait-elle une telle familiarité ? Ca enrageait Beatrix, de devoir laisser un monstre lui parler comme ça. Elle tâcha pourtant de garder son calme, de se rappeler la somme d’argent que lui allouait le père de l’insolente. De la raison pour laquelle elle devait supporter une telle chose. Alors elle lui demanda sèchement de la laisser tranquille ; les laboratoires étaient grands, elle trouverait bien quelqu’un d’autre à embêter. Ce foutu tappotement de crayon continuait à rendre folle la scientifique. « Tu veux que j'te rappelle le nom du labo peut-être? » souffla la blonde, plein de malice, en désignant la lourde plaque Laboratoire Holgersen qui trônait sur le mur. Le regard de la danoise croisa celui de Beatrix alors qu’elle roula des yeux. Elle ne pu s’empêcher pourtant de se perdre dans les cheveux de la belle, qui tombèrent en cascade sur son épaule, dans un geste langoureux qu’elle ne pouvait pas ignorer. « Alors les ordres ici, c'est moi qui les donne ma belle. Alors concentre-toi sur tes choses, tu veux ? » C’en était trop. Entre ses doigts, elle sentit son crayon se briser en deux, alors qu’elle sauta sur ses pieds. La brune s’avança, furieuse, s’arrêtant à quelques centimètres de la danoise. Elle se saisit du stylo de la belle, et l’envoya voler à l’autre bout de la pièce. « J’ai pas d’ordre à recevoir de la part d’une sale dégénérée comme toi. » siffla-t-elle, méchante, entre ses dents. Elle se tenait beaucoup trop près de la belle, dans un effort pour paraitre menaçante. A la place, elle sentit simplement son coeur battre plus fort à cause de la proximité. « Si tu veux ton foutu vaccin, va falloir te calmer très vite, parce que j’te rappelle que sans moi, t’as de bonnes chances de rester un monstre toute ta vie. »

La patiente n’avait jamais été l’une des qualités principale de la jeune Lecter. Petite déjà, elle était la première à s’énerver lorsqu’elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait ; colérique, la petite Beatrix était connu par beaucoup à cause de ce mauvais tempérament qui prenait trop souvent le dessus. Avec les années, la brune avait appris à contrôler ses émotions, à ne pas se laisser exploser aussi facilement, mais même avec tout le sang froid du monde, Beatrix se retrouvait dépourvu de bon vouloir lorsqu’elle avait à faire à cette arrogante monstruosité. D’un bon, la belle se retrouva debout, l’air menaçant et le regard noir. Ses yeux étaient emplis de mépris, emplis de haine et de dégout. Devant elle, ce n’était pas une femme ; c’était un monstre. Avec son ADN défectueux et son pouvoir écoeurant, elle n’avait aucun lieu de la regarder avec cet air de défi. Elle était malade, elle avait besoin de la scientifique. A quoi jouait-elle, à lui tenir tête et à la défier ? La chasseuse n’avait qu’à attraper le couteau à sa ceinture, et en un instant elle serait étalée sur le sol, à la supplier de l’épargner. Avec toute la rage que lui inspirait la danoise, Beatrix n’était pas sure de faire preuve de tant de charité. Les mots sortirent de sa bouche, acerbes, ignorant l’insolence de la blonde à quelques centimètres d’elle. « C'est qu'elle connaît des beaux mots la p'tite scientifique. » Beatrix ne tient pas compte de sa remarque, continuant sur sa lancée. La belle n’était pas du genre froussarde, elle ne craignait pas la blonde qui lui faisait face ; elle avait eu à faire à des mutants plus coriaces qu’elle. C’était ce qu’elle avait été élevée pour faire, c’était ce à quoi elle était destinée. Nettoyer la terre de ces vermines, protéger l’humanité. Si le vaccin tenait la promesse d’une purification sans violence, en attendant, elle n’avait pas le choix. La brune n’avait pas peur de s’en prendre à la muante, c’était dans sa nature ; elle en retirerait même un certain plaisir. Mais elle devait rester professionnelle, si elle voulait continuer ses recherches. La Lecter se contenta donc d’une menace acerbe, espérant que la belle ne la pousse pas à bout ; elle ignorait pour combien de temps elle pouvait encore tenir.

« J'suis très calme moi. C'toi qui me semble un peu énervée-là. T'as le visage tout rouge. » La brune suivit des yeux le doigt de Lykke autour de son visage, avant d’arquer l’un de ses sourcils, se demandant en silence ce qu’elle avait fait pour tomber sur un tel fardeau. Holgersen ne pouvait-il pas lui envoyer quelqu’un de sérieux, quelqu’un qui servait réellement à quelque chose ? Beatrix fut forcée de reprendre ses distances alors que la danoise continua. « Et j'te ferais remarquer que t'es probablement pas la seule spécialiste en mutation dans ce trou paumé. Ce serait tellement facile pour moi de te faire exploser et de dire que c'était un accident suite à un de tes tests. » La Lecter s’apprêta à répondre, mais fut coupée par le geste impromptue de Lykke ; quelques instant plus tard, la chaise sur laquelle auparavant explosé dans un bruit sourd. Surprise, Beatrix se retourna vivement, tâchant de ne pas laisser paraitre son étonnement. Elle déglutit, se rendant compte qu’elle aurait pu exploser en même temps que la chaise ; que la blonde ne semblait avoir aucun problème à maîtriser son pouvoir. « Oups. » entendit la brune dans son dos. Beatrix devait reprendre contenance, ne pas la laisser voir le noeud qui venait de se nouer dans son estomac. Elle se retourna, lentement, pour découvrir un large sourire amusé sur les traits de la dégénéré. Beatrix sentit la colère s’emparer d’elle. « Tu penses que c’est un jeu ? » siffla-t-elle, entre ses dents, en pointant du doigt le vide qu’avait laisser la chaise. « Tu penses que tu me fais peur ? » ajouta-t-elle en soutenant le regard de la blonde. « J’ai affronté des dégénérés plus dangereux que toi, t’sais. Tu m’fais pas peur Holgersen. » La Lecter s’approcha à nouveau, doucement, à la manière d’un prédateur qui s’apprêtait à sauter sur sa proie. Elle souleva lentement sa main vers le visage de la danoise, s’emparant délicatement de son menton entre ses doigts. La belle souleva le visage de la blonde, capturant son visage en direction du sien en la forçant à plonger ses yeux dans les siens, emplis de haine. « Tu me dégoutes, tout au mieux. »