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 ≈ out of the furnace. (grayda)

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MessageSujet: ≈ out of the furnace. (grayda)   ≈ out of the furnace. (grayda) Icon_minitimeSam 20 Fév 2016 - 23:59


all these things i hate
revolve around me


La majeure partie du temps, ne pas ressentir la douleur était une plaie, plutôt qu’une bénédiction. Contrairement à ce que tous les regards curieux pouvaient croire, à l’inverse de tous ceux qui, eux, avaient la chance d’avoir mal pensaient, ne pas avoir de terminaison nerveuses associées à la souffrance pouvait s’avérer être plus dangereux encore que d’en avoir. Cela éliminait le risque de perdre connaissance face à une douleur trop grande, ou à la torture, c’était un fait ; mais bien au-delà de ça, c’était surtout à une annihilation des limites que l’on assistait. De manière générale, lorsqu’elle avait découvert que son don, poussé à un haut degré d’utilisation, pouvait lui permettre d’avoir des sensations associées de près ou de loin à la douleur, elle en avait profité. Mais il arrivait parfois que son jugement ne se fausse. Que ses envies d’être normale et de respecter ses limites ne disparaissent. Comme aujourd’hui — comme maintenant. Et, alors, plus moyen de revenir à la raison. Plus moyen de s’extirper de la spirale infernale de souvenirs qui la submergeait, à lui en flanquer la migraine et à la rendre folle. Garder autant de secrets était un quotidien auquel elle s’était habituée. Mais une habitude qui, contre toute attente, la rongeait. Tout le monde avait des limites. Et parfois, il ne suffisait que d’une minuscule goutte d’eau pour faire déborder le vase. Il avait suffi d’une remarque un peu salée, sèche et froide. Il avait suffi d’un regard échangé pour tout faire empirer, et pour s’ajouter à la pile des mauvaises choses qui s’étaient déjà accumulées durant sa journée. Et subitement, les digues avaient cédé. Son don s’était emballé à sa manière, et elle l’avait laissé attiser sa colère en la submergeant de souvenirs dont elle aurait voulu pouvoir dire qu’ils n’étaient jamais arrivés. Elle les avait plantés là — « débrouillez-vous, dans c’cas. » —, et elle avait foutu le camp. Elle avait roulé jusqu’à cette petite planque, cette petite salle par laquelle il fallait accéder par derrière, en crochetant à demi une serrure un peu dure. Elle s’était contentée de mettre une brassière et un pantalon de sport noirs, de bander ses mains à la va-vite. Et, bien rapidement, laisser ses nerfs exploser sur le sac de sable était devenu la seule raison pour laquelle son cœur continuait de battre, et ses poumons de respirer.

Elle le haïssait. Sa haine à l’égard d’Aldrich, contrôlée depuis qu’il avait mis les pieds à Radcliff et rejoint Insurgency, était arrivée à maturité. Isolde avait besoin d’être épaulée depuis son accouchement. Il fallait quelqu’un pour l’aider à gérer Insurgency, et à programmer les missions sur le terrain. En tant que bras droit, le Fitzgerald était bien placé pour remplir le poste. Il respectait d’ordinaire les points de vue de la basanée, mettant leurs rancœurs de côté avec autant d’application que ce qu’elle n’en mettait. Mais aujourd’hui, ç’avait sûrement été un mauvais jour pour lui, autant que pour elle. Sauf qu’elle n’avait pas supporté son arrogance, sa suffisance. Et qu’au lieu d’écraser son point sur sa figure, elle avait préféré partir. Les laisser s’organiser comme ils l’entendaient. Ils règleraient leurs comptes avec Isolde après, si comptes il y avait à régler. Mais pour l’heure, elle n’avait pas eu envie de se battre. Pas envie d’avoir, elle, des explications à donner. Un sac de sable n’irait pas se plaindre. Un sac de sable ne ripostait pas. Il se laissait frapper sans discontinuer, sans mot dire. Il accueillait toute la violence qui se dégageait de cette silhouette frêle. Ne faisait de commentaires ni sur sa peau qui crépitait, ni sur ses poings que les bandes ne semblaient plus protéger. Il ne disait rien sur ses traits crispés, ou sur l’acharnement dont elle faisait preuve. La douleur n’existait pas. Elle l’occultait complètement, sous adrénaline ; les souvenirs qui affluaient à la surface de son esprit la mettaient dans un état de rage profonde, repoussaient ses limites. Elle ne sentait même pas la brûlure qui commençait à apparaître sur sa nuque. Elle ne sentait rien. Rien d’autre qu’un besoin désespéré de laisser éclater la frustration d’être une mère privée de sa progéniture, une créature condamnée à rester seule parce qu’elle avait choisi d’épouser la justice et la guerre plutôt que la fuite. Alors, oui : sa tolérance à encaisser était arrivée au point de non-retour. Et elle n’avait nullement l’intention de s’arrêter. Nullement le projet de se calmer. Elle frapperait cette pauvre chose, laissée là pour ça, jusqu’à ce que la fatigue ne la fasse s’effondrer. Mais d’ici là, il y avait le temps. D’ici là, elle laisserait son don se charger de repousser toutes ses limites, sans exceptions.

Elle entend le bruit derrière elle, mais elle ne se retourne pas. Elle se contente d’asséner quelques coups supplémentaires, mobile, tournant autour du sac comme s’il s’agissait d’un adversaire. Elle reconnaît les pas familiers du colosse qui s’approche ; du seul, peut-être, qui ne se ferait pas dire de lui foutre la paix, à ce moment précis. Du moins, pas pour l’instant. Elle ne fait pas de commentaires quant à sa présence, et n’a pas changé sa manière d’agir ou de bouger. Celui qui ne connaîtrait pas ses facultés mutantes pourrait croire qu’elle n’a pas entendu Gray entrer. Mais elle le sait. Elle le sait là, derrière elle. Elle le sent. Et elle finit par arrêter de frapper. Elle recule d’un pas, laisse le sac osciller quelques instants. Menton baissé, poitrine soulevée par saccades. Respiration haletante, bras le long du corps, natte retombée sur l’épaule. Le sang qui tache des bandelettes pas faites pour protéger d’autant de rage, et n’atténuant d’ailleurs plus les coups depuis longtemps. La notion du temps s’est envolée, et elle ignore jusqu’à l’heure qu’il est. La douleur ne revient pas, malgré son don toujours activé. La colère n’est pas assez retombée pour ça. Et quand bien même ç’aurait été le cas, sûrement valait-il mieux qu’elle continue de ne rien ressentir. Pour ce soir, à tout le moins.
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MessageSujet: Re: ≈ out of the furnace. (grayda)   ≈ out of the furnace. (grayda) Icon_minitimeDim 28 Fév 2016 - 19:32

Léda & Grayman
   
La colère. Voilà un sentiment que Grayman n’avait pas ressenti depuis bien longtemps. Pas à cette ampleur en tout cas.
Depuis qu’il avait appris la mort d’Aria, tout ce qu’il avait fait depuis Février lui semblait vain. Ca n’avait servi à rien de  revenir en arrière puisque la personne qu’il cherchait n’était plus qu’un cadavre pourrissant il ne savait où. Ca n’avait servi à rien de se mettre en danger et de se faire vacciner stupidement par un chasseur qu’il n’avait pas vu fondre sur lui alors qu’il dégainait la seringue de NH25 qu’il lui avait enfoncé dans le cou ; le sacrifice de sa mutation, de sa vie à la lumière du jour et des rares heures de sommeil qu’il parvenait à glaner çà et là avait été parfaitement inutile. Se retrouver coincé dans cette ville de malheur parce qu’il ne pouvait plus utiliser les ombres pour voyager à sa guise avait été inutile. Se retrouver à retourner chaque pavé, à fouiller chaque bâtiment, chaque ruine, chaque parcelle de Radcliff dans l’espoir de retrouver un fantôme avait été inutile. Il avait perdu son temps et bien plus encore, et ça, il le vivait particulièrement mal. Il était furieux, contre les assassins de la jeune DeMaggio, contre les créateurs de ce vaccin qui l’avait amputé d’une partie de lui-même, contre la violence et la haine primale à laquelle se laissaient aller les habitants de ce petit coin du Kentucky et, surtout, il était furieux contre lui-même de n’avoir pas eu suffisamment de jugeote pour partir tant qu’il en était encore temps, pour ne pas avoir rejoint Aria plus tôt, pour n’avoir rien pu faire pour elle, pour ne plus pouvoir rien faire maintenant. Il lui arrivait parfois de se réveiller en plein cœur de l’après-midi, terré dans son appartement dont les rideaux étaient toujours tirés, et qu’une bouffée de haine lui monte au nez au moment même où il ouvrait les yeux. Il aurait voulu mettre la main sur un mutant capable de remonter le temps et retourner en arrière, changer des détails, changer le cours des choses, empêcher une mort et une vaccination qui n’avaient servi à rien. Mais ça n’était pas possible et il le savait bien ; aussi traînait-il sa colère comme un boulet à sa cheville, plus agressif, plus violent durant ses combats qu’il l’avait été jusqu’à présent. S’il avait pu modérer la puissance de ses coups, ça faisait quelques semaines qu’il envoyait ses adversaires au tapis avec le nez en sang ou la mâchoire fracturée. Il ne savait pas si ça lui faisait du bien ou si ça ne faisait que l’énerver davantage encore, la frustration de se laisser aller comme il le faisait venant alimenter le brasier de sa rage. Au moins sortait-il de chez lui pour autre chose que traquer des assassins dont il ne connaissait pas le visage.

Il n’y avait pas eu d’appel de la part de Barry ce soir, pas de combats de prévus, rien pour qu’il puisse se défouler. Et la compagnie des autres était exclue durant les heures à venir, le grand basané avait décidé de faire un tour, profitant de l’obscurité et de la tiédeur de cette nuit d’été pour tenter de se changer les idées. L’entreprise avait l’air perdue d’avance, ses pensées tournant et retournant dans son esprit agité, ses pas de géant le guidant au rythme effréné de ce qui se passait dans son crâne. Il fallait qu’il se calme, qu’il redevienne lui-même. Il faisait son deuil d’Aria complètement dans le désordre : le marchandage d’abord, jusqu’à sa rencontre avec Cesare qui avait enclenché un déni qui n’avait pas duré longtemps ; la tristesse après coup, lorsqu’il avait parlé avec Aspen ; et maintenant, la colère, lancinante, perpétuelle, le hantant comme le hantait le spectre de la jeune femme qu’il avait bien dû aimer un peu pour se retrouver dans un tel état à l’annonce de son meurtre.
Finalement, après deux heures à marcher, il décida que définitivement, il avait besoin de physiquement exprimer sa frustration. Il avait fait le trajet en un temps record jusqu’à un entrepôt où il venait parfois s’entraîner, lorsque la petitesse de son appartement ne lui permettait pas d’entretenir les muscles de son corps gigantesque. Cependant, au moment où il arriva devant les grandes portes de métal, il vit de la lumière filtrer et entendit le bruit de coups qu’on portait, sûrement, à un sac de sable ou bien un mannequin d’entraînement. C’était bien sa veine, lui qui avait envie d’avoir la paix, il était servi. Laissant échapper un soupir agacé, il se résigna malgré tout à entrer dans le bâtiment. Les lumières parvinrent à lui faire plisser les yeux et à tendre ses muscles déjà douloureux, mais d’autres zones du hangar étaient plongés dans la pénombre et lui permettraient de ne pas avoir à subir les effets secondaires du vaccin. Ses yeux ambrés se posèrent sur la personne qui s’y trouvait et il ne lui fallut pas de temps pour la reconnaître.
De tous les rares amis qu’il avait conservé de ses voyages, Léda était certainement l’une de ceux qu’il appréciait le plus. Ils se comprenaient sur bien des points et s’entendaient suffisamment pour savoir où se situaient les limites de l’un et de l’autre. A la voir ainsi, fracassant ses poings contre le sac de sable pendu devant elle, il se dit que ce soir ils partageaient également la colère. Ôtant son grand manteau de cuir et l’accrochant où il le put, il se glissa du côté ombragé de l’entrepôt, son regard tourné vers la jeune femme. Il n’était pas très loin d’elle, aussi put-il voir la grande marque de brûlure dans sa nuque et le sang sur ses phalanges. Depuis quand était-elle là à utiliser son don et laisser sa hargne parler pour elle, il n’en avait aucune idée. Il se contenta simplement de préparer son sac à lui et lança tranquillement :

- A ce rythme, tu es bonne pour la combustion spontanée.


Ce n’était pas un reproche, juste un constat. Si elle ne sentait pas ses blessures, lui pouvait les voir, et si elle ne voulait pas que son corps pâtisse de l’usage intensif de sa mutation, il faudrait qu’elle le jugule un moment, qu’elle laisse sa chair se remettre et ses plaies disparaître.
Attrapant de quoi bander ses mains, il se débarrassa de sa chemise noir et s’occupa de frapper, lui aussi, ce sac d’entraînement, comme s’il était responsable de ses malheurs, comme s’il cristallisait tout ce qui le mettait dans une colère noire depuis près d’un mois.
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MessageSujet: Re: ≈ out of the furnace. (grayda)   ≈ out of the furnace. (grayda) Icon_minitimeSam 26 Mar 2016 - 5:37

Plus les années passaient, moins elle s’entendait complimentée sur son caractère. Les enfants l’adoraient, et leur compagnie la rendait irréprochable ; mais en ce qui concernait les adultes, c’était une toute autre paire de manches. Plus le temps défilait, et plus elle admettait sans se cacher sa difficulté à supporter le reste du monde. Cela n’en faisait pas une femme irrespectueuse, ni ne nuisait à sa diplomatie. Bien au contraire, elle était étonnamment capable de faire la part des choses et de rester à sa place. Tout ce qu’elle demandait, c’était qu’il en soit de même pour les autres. Qu’on ne la fasse pas chier, et qu’on respecte la distance qu’elle imposait et son besoin de calme et de sérénité. Les mots fusaient parfois lorsqu’elle se sentait brusquée, et elle prenait de moins en moins de soin à essayer de les retenir. La sensation de captivité qui l’habitait depuis qu’elle vivait à Radcliff n’arrangeait rien, et avait le chic de la rendre chaque fois plus irritable. Dès qu’elle croisait quelqu’un qui la regardait de travers, dès qu’elle apercevait les gros titres des journaux ou qu’elle allumait la télévision, il lui semblait que le monde tendait le bâton pour se faire battre. Son besoin de justice agonisait face aux injustices qui coulaient à flot dans les veines gangrénées de la ville, et elle se sentait mourir à petit feu, rongée par ses idéaux et ses désirs d’ordre. Les années durant lesquelles elle s’était retirée des diverses causes et de ses divers investissements avaient été les plus heureuses de sa vie. Passées en compagnie de Jules, elle avait laissé l’enfant combler son besoin de s’occuper du monde, prendre une place dans son cœur et dans son quotidien qu’elle n’aurait par la suite échangé pour rien au monde. Mais il avait fallu, encore une fois, que la fatalité ne la rattrape et ne la rappelle à l’ordre. Il avait fallu que Jules passe à deux doigts de la mort, et qu’elle ne se sente obligée de se battre à nouveau. Vouloir faire en sorte que personne d’autre ne connaisse ce genre de frayeur, alors qu’elle avait conscience d’être chanceuse que son fils s’en soit tiré. Beaucoup n’avaient pas cette chance. La guerre était cruelle, sans pitié. Elle arrachait petits aux grands et grands aux petits, et le monde regardait, les bras ballants, persuadé d’être impuissant. Elle n’avait pu regarder ce genre d’injustice dans les yeux sans rien faire. Forcée d’ouvrir les paupières par l’échappée belle de Jules, elle s’était sentie investie du devoir de l’aider, et d’aider tous ceux qui se retrouvaient, bien contre leur gré, entraînés dans ce conflit effréné.

Foutu besoin de justice, foutue générosité. Ça la perdrait, et une part d’elle le savait. Frapper ne lui permettait pas seulement d’évacuer la colère dirigée vers Aldrich. Frapper la soulageait bien plus généralement, évinçant sa haine contre les chasseurs, sa haine contre tous ceux qui se croyaient supérieurs au commun des mortels — et sa haine contre elle-même, également. Elle n’éprouvait néanmoins nul besoin de dresser une liste exhaustive de toutes les choses qui lui auraient fait écraser ses poings contre ce sac de sable. Le faire suffisait, et en cette fin de journée harassante, elle ne demandait rien de plus.

L’arrivée de Grayman aurait pu contrarier ses plans — néanmoins, il n’en fut rien. Elle continua dans un premier temps de mettre son putching-ball à l’épreuve de sa colère, avant de s’en éloigner. Et les mots lui parvinrent sans qu’elle ne lui ait adressé le moindre regard, ne l’agaçant pas comme ceux de n’importe qui d’autres auraient pu le faire. C’était une amicale mise en garde, quelque peu voilée par l’ironie mais bien présente. Sa main se leva pour se poser sur sa nuque, alors qu’elle se forçait à retrouver une respiration contrôlée. Si son don ne voulait pas s’éteindre, il fallait au moins qu’elle le calme : à en croire le nouveau-venu, les brûlures commençaient à apparaître, et repousser ses limites encore au-delà ne lui apporterait probablement rien de bon. « Si seulement ça pouvait emporter quelques indésirables dans la tombe en même temps. » Elle savait que le ton de tout ceci était à la plaisanterie, et qu’elle n’aurait de toute manière jamais pris feu. Néanmoins, il était vrai que jamais l’idée du sacrifice n’avait été bannie de son esprit : si un jour la nécessité se faisait sentir, que les options manquaient et que sa mort était réellement profitable, sûrement n’aurait-elle alors pas grand scrupule à donner sa vie — pour peu que la cause en vaille réellement la peine.

Elle releva le nez vers lui, passant le dos de sa main sur son front pour essuyer un filet de sueur. Elle admettait, bien à contrecœur, qu’il lui fallait faire cesser le massacre. À mesure que l’adrénaline retombait, elle sentait son don toujours activé faire parvenir des signaux de douleur à son cerveau. Elle allait encore devoir faire attention, les prochains jours, à ce que ces nouvelles plaies ne s’infectent pas. Les cicatrices allaient continuer de s’ajouter, tristement représentatives de sa propension récente à la perte de contrôle. Elle détestait l’idée d’être rendue si vulnérable émotionnellement par la simple présence d’un salaud dans sa vie, et l’atroce quarantaine qu’un attardé aveuglé par sa haine avait mise en place.

Elle s’éloigna du sac de quelques pas, se forçant à ne pas reprendre les coups de forcenée. Elle se laissa tomber sur le banc, calé dans un coin, et posa ses coudes sur ses genoux, commençant à délacer les bandes qui entouraient ses frêles poings. « On dirait que j’te laisse prendre le relai. » Malgré les maigres protections, ses jointures étaient en sang. Un regard rapide à ses mains, et elle soupira. Il allait falloir s’assurer de ne pas trembler, lorsque la fabrication des bombes reprendrait. Faire attention à ce que les enfants ne puissent poser de question, lorsqu’il lui faudrait se rendre à son lieu de travail. Elle avait été imprudente, déraisonnable. Venir se défouler là était une erreur, et lui causerait sûrement quelque préjudice. Néanmoins, elle ne pouvait le nier : elle se sentait quelque peu soulagée. Ces derniers temps, garder la tête haute malgré les aléas de la tempête était bien la dernière solution qu’elle avait trouvée pour ne pas sombrer — mais n’était pas, et de loin, la plus aisée. Et elle commençait seulement à se rendre compte que la fierté, au même titre que son besoin de justice et sa colère, finirait très certainement, elle aussi, par l’emporter.
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MessageSujet: Re: ≈ out of the furnace. (grayda)   ≈ out of the furnace. (grayda) Icon_minitimeMer 20 Avr 2016 - 1:32

Léda & Grayman
   
Avec sa carrure de montagne et son gigantisme qui rendait sa silhouette si exceptionnelle, on aurait pu croire que Grayman était un homme sanguin et impulsif dont il fallait se méfier, du genre à réagir au quart de tour pour une phrase prononcée de travers. En réalité, c’était le contraire : le grand homme possédait une patience qui avait ses limites, certes, mais il fallait ouvertement le provoquer, ou bien ne pas prendre ses mises en garde en considération pour finir par les dépasser. C’était une force de la nature qui avançait calmement, déplaçant son impressionnante carcasse sans se soucier des regards qu’on pouvait lui lancer. Il y était habitué depuis le temps. Il savait qu’il ne passait pas inaperçu et il s’en fichait royalement ; tant qu’on le laissait tranquille et qu’on ne l’attaquait pas ouvertement sans aucune raison, alors il ne se montrerait jamais agressif, jamais méchant. Il fallait qu’il se sente mal pour plonger tête la première dans une colère qui l’aurait rendu nerveux et agressif. Ca lui était rarement arrivé, mais la tempête en laquelle il s’était changé avait tout balayé sur son passage à chaque fois, comme si toute sa rage jaillissait soudain par tous les pores de sa peau. Lorsqu’il possédait encore sa mutation, c’était d’autant plus impressionnant que la lumière semblait le fuir au fur et à mesure que les ombres se rassemblaient autour de lui ; les ténèbres en étaient presque physique dans sa proximité tant son ire décuplait les capacités de son pouvoir, et puisqu’il le maniait si bien, il n’avait aucun mal à venir manipuler la matière au travers des ombres qui lui obéissaient comme s’il était leur roi.
Et même maintenant qu’il avait perdu ce don, qu’il ne pouvait plus utiliser l’obscurité pour agir ou bouger, il restait physiquement plus fort qu’une grande partie de la population. Il n’était peut-être plus mutant mais il restait un colosse à la poigne puissante et aux réflexes aiguisés par des années d’errance et de combats qui lui avaient laissé un certain nombre de cicatrices. Il gardait les marques des mauvais coups qu’il avait reçu au cours de sa vie, ce qui n’était pas plus mal : si jamais l’orgueil venait à se faire trop présent, trop envahissant dans son esprit, il lui suffisait de baisser les yeux sur les marques marbrant sa peau sombre çà et là pour qu’il se rappelle qu’il était loin d’être immortel. Pourtant, ça ne l’empêchait pas de vaquer à ses occupations sans se soucier de sa santé ; après tout, toute vie finissait par se tarir un jour ou l’autre, et tenter frénétiquement de retarder l’inévitable n’avait pas grand intérêt si la destination finale était la même pour tous. Alors il avançait, confiant, presque trop téméraire parfois, ne se laissant pas faire par les aléas de la vie mais n’ayant pas peur de la mort. Celle des autres, en revanche, c’était une autre histoire. S’il savait très bien que tout un chacun finirait entre quatre planches un jour ou l’autre, ça ne rendait pas plus facile pour autant le fait de devoir dire au revoir à un être cher. Jusqu’à présent, Grayman s’en était relativement bien sorti sur ce point : il ne s’était pas attaché à suffisamment de gens pour avoir à porter de trop nombreux deuils ; mais celui qu’il trainait comme un boulet à sa cheville depuis les dernières semaines commençait à sérieusement éroder ses réserves de patience, bien plus qu’il n’aurait voulu l’admettre. Et plus il revivait le moment de cette affreuse révélation, plus il se remémorait sa rencontre avec Cesare et tout ce qui en avait découlé, plus son deuil se muait en une colère sourde, grondante, qui semblait nichée au creux de son ventre pour ne plus en partir. Il était devenu plus nerveux, plus susceptible, plus hargneux dans les combats qu’il menait clandestinement pour gagner de quoi vivre dans cette satanée ville.
La colère, voilà un trait qu’il semblait partager avec Léda. Il avait vu la rage avec laquelle elle s’était acharnée contre son sac de frappe, jusqu’à ce que même son incroyable don n’arrive plus à lui faire sentir une douleur que l’adrénaline avait étouffée. Il se demandait combien de temps il aurait fallu à la jeune femme pour se rendre compte que son épiderme commençait à brûler s’il ne lui en avait pas fait la remarque. Peut-être ne s’en serait-elle même pas occupé, à dire vrai, et il ne pouvait pas vraiment l’en blâmer : à sa place, il en aurait fait autant.
Il la remercia d’un bref signe de tête lorsqu’elle lui céda la place et que vint son tour de s’en donner à cœur joie contre ce sac de sable pendu à son crocher comme une carcasse. Et plus il frappait, plus il sentait la rage revenir. Lui qui avait pensé s’en débarrasser, c’était raté. Il allait falloir trouver autre chose, ou bien continuer à cogner tant qu’il n’aurait pas trouvé une solution de repli. Mais peut-être que sa solution était déjà là, à portée de voix et en train de changer les protections qui enserraient ses mains.

- Je me demande bien contre qui ou quoi tu t’imaginais te battre pour avoir frappé avec tant de force.

Plus que de la force, c’était surtout une certaine obstination que Grayman avait cru sentir chez Léda. Sur ce dernier point, il ne pouvait lui faire aucune critique ; d’une part, ce n’était pas son genre, et d’autre part, lui non plus n’allait pas être tendre avec le matériel. Après tout, ce n’était qu’un sac de jute : il pourrait bien prendre tous les coups du monde qu’il ne se mettrait pas spontanément à hurler de douleur. Mieux valait que ce soit lui qui subisse le courroux des deux combattants plutôt qu’un pauvre hère dans la rue qui aurait eu le malheur de les bousculer au mauvais moment. Car le géant était patient, mais il se connaissait : dans un état comme le sien, il serait capable de mettre toute raison de côté pour mieux laisser cours à tout ce qui le rongeait de l’intérieur depuis le mois passé.


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