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 we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh

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MessageSujet: we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh   we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh Icon_minitimeVen 8 Avr 2016 - 23:41

We died and were reborn
And then mysteriously saved

Noeh Callahan & Pietra Nelson-Byrd

Pietra avait senties les balles traverser son corps à l’instant même où Isobel appuyait sur la détente. Une, deux, trois – le début d’une comptine macabre qui résonnait dans ses oreilles tandis que le bruit de l’arme à feu déchirait ses tympans malgré le silencieux qui lui était apposée. La douleur la transportait en arrière, à cette altercation avec Alexander Callahan et la balle qui avait manqué de faire éclater sa clavicule ; aux dizaines de balles qui l’avaient frôlées depuis, à l’odeur brûlée de la chair et du sang qui mêlait son odeur de métal à celle de l’objet logé dans son épaule, brûlant et glaçant à la fois. Sauf que cette fois, au lieu de la porter vers la sortie, ses jambes s’affaissaient, un cri de surprise s’échappant de ses lèvres tandis qu’elle tentait de faire volte-face. Elle avait beau tenter, plus aucun de ses muscles ne lui répondaient, et elle finissait par tomber à terre, son sang s’étalant déjà en larges flaques sur le goudron de la rue. De son assaillante elle ne voyait plus que les pieds qui s’approchaient, puis une main froide sur son visage tandis qu’on la forçait à tourner la tête. Elle n’eut jamais le temps de s’interroger quant à l’expression déçue, presque énervée qui se traça sur le visage de la Hunter ; l’obscurité, appelée par le vide béant que ces balles avaient laissées en elle, accourait pour obscurcir sa vue. Sa dernière pensa glissa hors de son esprit, emportée par le liquide chaud qui s’échappait de son corps. Puis plus rien, rien qu’un vide atroce jusqu’à ce qu’elle se réveille en hurlant. Car au final, ce n’était pas Pietra qui s’était retrouvée à vider son sang dans la rue, ce jour-là. Ce n’était pas son corps qui avait été scrupuleusement étudié par une jeune métisse au regard morne, avant d’être emballé et jeté dans la rivière dont il ne sortirait que quelques jours plus tard. Elle n’avait jamais vu l’intérieur de ce sac poubelle noir dans lequel on l’avait retrouvée.

Elle, son autre soi. Sa jumelle, son double, celle qui avait pris sa première inspiration, poussé son premier cri à ses côtés. Celle qui avait laissé son dernier souffle quitter ses poumons seule, sans personne pour l’accompagner. Pietra n’avait jamais pensé qu’elle pourrait sentir rupture plus intense que le jour où cette seringue de NH25 l’avait définitivement coupée de sa jumelle, faisant rebondir sur elle leur mutation partagée. Elle avait eu tort ; la douleur d’il y avait quelques mois, elle l’aurait vécue sans sourciller cent fois encore, si cela aurait pu lui épargner celle-ci. Puis une sensation de solitude absolue remplaça progressivement le déchirement imaginé de ses muscles, la confirmation que quelque chose d’inimaginable venait de se produire. La mutante avait tout laissé tomber, courant dans les rues sans prendre garde à qui pourrait la voir, forçant Hunter après Hunter à lui dire quand ils avaient aperçus Gee’ pour la dernière fois. Trop tard ; le corps de sa sœur n’avait ressurgi que cinq jours après, toute marque pouvant servir à identifier son agresseur ayant été soigneusement nettoyées par le fleuve. Pietra n’avait plus eu qu’à signer les papiers identifiant formellement Giulia, tandis que l’on recouvrait son reflet désormais immobile d’un drap blanc avant de l’emmener au crématoire. Elle n’avait toujours pas annoncée la nouvelle à leurs parents. Sans doute les croyaient-ils déjà toutes deux mortes, ou bien se consolaient-ils en espérant qu’elles aient réussi à s’échapper vers une nation un peu plus accueillante. Comment pouvait-elle leur enlever cette illusion, quand tout ce qui pourrait la remplacer étaient les trois plaies béantes qui marquaient la porte de sortie de la vie de la plus jeune Nelson-Byrd ?

Alors elle se retrouvait là, en cette après-midi ensoleillée qui n’avait pas lieu d’être,  le gazouillement des oiseaux et les cris des enfants sortant des cours. Bientôt, ce serait leurs vacances d’été, et ils n’avaient rien d’autre en tête. Comment pouvaient-ils penser à autre chose, quand leur monde se résumait à de longues heures de cours, tout juste supportable grâce à la promesse de ces deux mois de liberté ? Ils n’avaient pas la moindre idée de la douleur que causaient leurs cris, combien chaque rire faisait resserrer les doigts de la brune sur la gourmette dorée qui ornait autrefois le poignet de sa jumelle. Elle tremblait, tout son corps s’agitait de secousses aussi minuscules qu’incontrôlables. Ses yeux avaient finalement cessés de pleurer, trop rouges et gonflés pour laisser une autre larme couler. Cachée dans l’ombre de ce pavillon abandonné, les restes d’une espèce d’arrêt d’autoroute luxueux jamais fini, elle attendait entre deux hoquets l’arrivée de la seule personne qu’elle souhaitait voir en cet instant. Elle n’était même pas sûre qu’il ait compris pourquoi elle voulait le voir – son message avait été parsemé de sanglots qu’elle tentait tant bien que mal de réprimer, de reniflements, de fêlures dans sa voix qui se refusait à exprimer ce qui était pourtant un fait : Gee’ était morte. Le dire à voix haute lui semblait une hérésie, comme accepter un crime commis à son encontre – et en un sens, c’était cela. On lui avait volée sa sœur, sa petite sœur qui la suivait partout depuis qu’elles avaient appris à marcher. A ce souvenir, les larmes qu’elle avait crues asséchées renflouèrent de plus belle, et ce ne fut que le bruit de pas s’approchant de sa cachette qui les empêcha de déborder. Pietra releva le regard, trop habituée à l’obscurité pour pouvoir encore discerner dans la clarté aveuglante le visage du nouveau venu. « No… Noeh ? » murmura-t-elle, la voix rauque.  




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Noeh Callahan
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MessageSujet: Re: we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh   we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh Icon_minitimeSam 9 Avr 2016 - 11:34

Noeh sait pas où il se rend, mais il y va, le pas rapide, le souvenir de la voix de Pietra à l’autre bout de la conversation téléphonique comme seul guide. Il a retenu chacun de ses mots sans en omettre un seul. Comment faire autrement ? Dès qu'il a prononcé son prénom pour pouvoir découvrir quelle était l'origine de son appel, l'ancien pianiste a été confronté à un phénomène impensable pour lui auparavant. Une Pietra distante, ailleurs, une Pietra qui n'arrivait pas à lui souffler deux mots sans que sa voix ne se brouille. De nervosité ? De tristesse ? D'autre chose ? Noeh ne le sait toujours pas et c'est ce qui l'angoisse le plus. La première veste qui lui est passée sous la main sur le dos, l'étudiant est sorti du manoir en espérant ne croiser ni son père, ni sa mère et encore moins Matthias revenant d'une chasse dans les environs. Sinon l'un des trois aurait compris au regard fuyant de l'étudiant qu'un truc déconne dans son attitude à lui aussi, à l'image de Pietra qui ne va pas bien (c'est ce dont Noeh est persuadé), affecté par ce qu'il croit savoir et ce qu'il ne sait pas encore, le doute motivant des interrogations interminables tout au long de son chemin jusqu'à elle. Relevant la tête, il commence à reconnaître les bâtiments des écoles plus loin. Il est déjà venu jusqu'ici, étant gosse, mais en mettant pour sûr deux fois moins de temps. Là, il a l’impression de traîner et ça fait longtemps qu’il n’a pas éprouver une si grande haine à son égard. Pietra ne va pas bien, et plus il veut se presser pour ne pas la laisser seule plus longtemps, plus il sent les muscles de sa jambe handicapée se tétaniser. Elle est supposée aller mieux ces derniers temps, tant, que ses médecins ont signalé à l’étudiant que l’aide d’une béquille pour se déplacer serait bientôt redevenue superflue. Peut-être que cette bonne nouvelle sera remise en cause avec l’effort démesuré qu’il fait aujourd'hui, dans un besoin effréné de réduire au plus vite la distance qui le sépare de la jeune femme, mais tant pis. Il a besoin de savoir ce qui se passe. Sa voix au téléphone n’était pas normale, habituelle, et Noeh a cru l’entendre se brouiller à plusieurs reprises alors que la jeune femme expliquait avoir besoin de le voir. Il avait bien essayé de poser une ou deux questions pour ne pas paniquer, mais elle avait raccroché trop vite pour lui donner la moindre esquisse de réponse. Alors, lorsque Noeh arrive dans le bâtiment qu’elle lui a indiqué, il ne prend pas le temps de calculer la couleur des murs, la pénombre qui y règne, l’air ambiant presque angoissant. Il la cherche du regard, le coeur battant, avant de l’apercevoir grâce à la lumière de l’entrée par laquelle il vient de passer. « C’est moi. » Lui ne murmure pas. Il en est incapable : déjà parce que sa course pour parvenir jusqu’ici l’a malmené, ensuite parce qu’il est soulagé de voir qu’elle est encore là. Succinctement, durant son périple jusqu’à Pietra, sa paranoïa est revenue sur le devant de la scène : et s’il arrivait pour se retrouver seul ? Dans le silence, au cœur de cet entrepôt abandonné, à n’avoir personne d’autre sur qui reporter son incompréhension que lui-même. Mais, au final, ce n’est pas le cas, et Noeh se concentre sur le visage terne de Pietra. « Est-ce que ça va ? » Il sait qu’il aurait pu éviter la question, parce qu’il est évident que ce n’est pas le cas : ses yeux sont vitreux, presque au bord des larmes, ses traits sont fatigués et Noeh n’a pas besoin de se faire médecin pour comprendre qu’elle est faible. Ce n’est pas sa Pietra souriante, taquine, qu’il a devant lui, c’est un fantôme à l’exacte même enveloppe corporelle mais dont l’âme n’est plus tout à fait la même. Plus du tout. Inspirant un grand coup, l’étudiant cherche à apaiser son coeur qui continue à s’emporter dès que son regard tombe sur cette jeune femme qu’il reconnaît à peine. « J’ai pas- j’ai pas réussi à comprendre ce que tu voulais me dire au téléphone. J’ai fait au plus vite. » Le cadet Callahan avoue sa faute à demi-mots. Il sait ne pas être doué pour ce genre de choses, comprendre les problèmes après un échange bref, saisir les sous-entendus dans le regard ou les mots. Si on ne lui explique pas tout clairement, il est paumé, impuissant, jusqu'à ce qu’on prenne le temps de le sortir de l’ombre. En attendant, il se fait des centaines de scénarios : du plus dramatique au plus simple, en passant par le plus con et le plus drôle, l’imagination bien trop débordante de Noeh se charge de lui faire endurer un maximum de situations pour qu’il puisse se préparer à ma plupart d’entre elles. Ça marche rarement. En fin de compte, il n’est jamais prêt. Alors ses quelques mots à l’attention de Pietra sont aussi là pour qu’elle sente qu’il s’excuse d’avoir été si long, et que si elle l’avait appelé à n’importe quelle heure du jour comme de la nuit, il aurait tout fait, comme maintenant, pour être auprès d’elle et pour faire oublier sa lenteur et son inefficacité chronique. Au loin, Noeh entend des cris d’enfants. Des rires, surtout. Fronçant les sourcils, l’ancien pianiste reporte aussitôt son attention sur la mutante, avant qu’une seule expression ne parvienne à passer ses lèvres face au désespoir qu’il distingue dans son regard. « Eh... » Sans plus y faire attention, sa béquille touche terre alors que ses bras viennent encercler les épaules de Pietra. Il ne supporte déjà plus la distance qu’il a imposé entre eux, il y a de ça quelques secondes, pour essayer de savoir ce qui n’allait pas, et il a le sentiment que s’il ne la soutient pas, elle pourrait s’écrouler sous ses yeux. Noeh se sent tellement désarmé, incapable. Il ne saisit pas ce qui est en train de se passer, pourquoi il est là, pourquoi ils sont là, si elle est aussi blessée physiquement qu’elle ne semble l’être mentalement. Et, d’un coup, il se dit qu’il a peut-être fait quelque chose de mal. Peut-être a-t-il fait, pensé à voix haute ou dit une chose qu’il ne voulait pas et qui a blessé Pietra. À cette idée, Noeh sent son coeur se contracter. L’appréhension de la suite le guette. Il s’en veut de ne même pas réussir à changer, pour elle, rien qu’un peu, et que même après leur discussion à la bibliothèque où il s’était dit qu’il était peut-être temps d’arrêter de la faire souffrir, il n’y parvient toujours pas. Noeh est coincé dans un cercle vicieux où atteindre les autres en plein coeur semble n’être devenu qu’un piètre passe-temps, au départ de façon intentionnelle, à présent malgré lui.
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MessageSujet: Re: we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh   we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh Icon_minitimeDim 10 Avr 2016 - 21:18

We died and were reborn
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Noeh Callahan & Pietra Nelson-Byrd

Si l’homme qui venait de la découvrir avait été un tant soit peu mal intentionné, l’histoire de Pietra s’en serait sûrement arrêtée là. La vision du cadavre de sa sœur lui avait dérobée tout instinct de survie, toute capacité à se défendre que ce soit physiquement ou mentalement. Elle n’aurait pas même eue la volonté nécessaire à l’emploi de son don, si bien que le moindre ‘non’ ou ‘arrêtez’ qu’elle ait trouvé la force de murmurer n’aurait été qu’une parole ordinaire, la supplique d’une humaine normale. Il aurait suffi de si peu pour qu’un Hunter ne l’ait aperçue quittant la morgue, et ait vu à son désarroi qu’elle était en cet instant la cible parfaite. Elle n’avait pas même pris ses précautions ordinaires, celles qui lui assuraient de ne pas être suivie, et qui calmaient sa paranoïa plutôt bien développée. Un seul chasseur dans les environs et Noeh serait arrivé à temps pour l’enterrer, un cadavre encore chaud venu tenir compagnie à sa sœur. Si la mutante avait eu le choix, sur le moment, Dieu seul savait ce qu’elle aurait choisi : l’idée de partager une bière avec Giulia, de voir en leur enterrement joint une sorte de retour au ventre maternel qui les avait si longtemps protégé, n’avait rien de désagréable. N’était-ce pas là sa place, aux côtés de sa jumelle ? Comment pouvait-elle continuer à respirer, à haleter malgré la douleur qui lui tordait les entrailles ? Elle avait l’impression que tout son corps ne désirait qu’une chose, rattraper son retard sur celui de Gee’ qui commençait déjà à se composer. Elle s’affaissait, elle s’effondrait, et elle ne savait plus si l’écroulement était à prendre au sens littéral ou figuré. La voix de Noeh lui parvint, distante comme s’il l’appelait depuis l’autre bout d’un tunnel plutôt que de se trouver à quelques mètres d’elle. « C’est moi. » dit-il simplement, et le volume de sa voix eut quelque chose d’assourdissant et de calmant à la fois. Pietra se déplaça de quelques centimètres pour lui laisser la place de s’installer à côté d’elle, tandis qu’elle tentait de calmer sa poitrine encore secouée de sanglots.

Elle sentit le regard de Noeh sur son visage et essuya tant bien que mal les larmes noircis de maquillage qui coulaient sur ses joues. Plus en proie à la fierté que la vanité, elle ne souhaitait tout de même pas laisser le jeune homme la voir dans un tel état. Dans les quelques semaines depuis leur entrevue à la bibliothèque, elle s’était toujours présentée sous un jour souriant, plein de bonne humeur et de taquineries affectueuses. Ses rendez-vous avec l’étudiant étaient devenus l’occasion de retrouver la jeune femme qu’elle avait été, avant que l’existence des mutants n’éclate au grand jour : avec lui, elle ne pensait plus ni à ses affaires douteuses, ni à Insurgency, ni à tous les Hunters qui voulaient sa mort. Même le patronyme ‘Callahan’ n’était plus synonyme qu’avec le sourire sec et pourtant si charmant du garçon à ses côtés, plutôt qu’une incantation capable de faire hurler sa cicatrice toute neuve à l’épaule. Il avait bien fallu que l’idylle se finisse à un moment ou à un autre, mais de cette façon… C’était d’une cruauté sans nom. Les balles qui avaient fauchées sa sœur avaient également réussi à faire voler en éclats sa petite bulle de paradis, et désormais la réalité qui les entourait s’empressait de se glisser au travers des plaies béantes. « J’ai pas – j’ai pas réussi à comprendre ce que tu voulais me dire au téléphone. J’ai fait au plus vite. » bredouilla Noeh, penaud comme s’il aurait du pouvoir comprendre les gémissements semi-cohérents de sa petite amie, dont le téléphone et l’écho de l’entrepôt devait avoir encore plus compliquée la tâche. Pietra ouvrit de nouveau la bouche, pensant pouvoir répéter ce qu’elle avait pensé dire au téléphone – que Giulia était morte, qu’elle avait été jetée à la rivière comme un déchet dont personne ne voulait, qu’elle n’avait été retrouvée que la veille – mais tout ce qui sortit fut un râle de douleur, suivi de sanglots plus violents encore. « Eh... » entendit-elle le garçon murmurer ; l’instant d’après ses bras l’entouraient, et elle tombait sans plus attendre contre lui, cherchant dans la chaleur de son corps un peu de vie pour ses propres membres frigorifiés.

Elle ne sut pas combien de temps ils restèrent ainsi, son visage enfoui contre le torse de Noeh, ses mains crispées sur sa veste. Cinq minutes, vingt, une heure peut-être – le temps qu’il lui fallut pour pleurer toutes les larmes de son corps, en somme. Elle pensait ne jamais pouvoir s’arrêter de pleurer, mais finalement son cœur dut en avoir assez, et elle se sentit suffisamment calme pour parler. « Ils ont tuée ma sœur. » cracha-t-elle finalement, l’accusation tellement plus facile sur ses lèvres qu’un simple ‘ma sœur est morte’. Parce qu’elle n’était pas tout simplement décédée, Giulia – elle avait été descendue comme une chienne dans la rue, par ceux qu’elle avait brièvement appelés les siens. Comment avaient-ils pu la trahir ainsi, elle qui leur avait vouée une loyauté sans faille depuis sa vaccination ? L’assassinat d’une des leurs n’aurait-il pas dû les remplir de hargne, et n’allaient-ils pas la venger ? Ou bien avait-elle eu raison, lorsqu’elle l’avait mise en garde contre les Hunters, qui ne verraient jamais qu’en elle une ‘dégénérée’ à éliminer. Une dégénérée comme ça sœur, les deux interchangeables aux yeux de beaucoup, et qu’importe les différences qui séparaient Pietra de Giulia. ‘Elle a été prise pour vous’, lui avait tranquillement annoncé la jeune femme dans la morgue, d’un ton qui lui avait donné envie de lui marteler le visage de coups jusqu’à ce qu’elle retire ce qu’elle venait de dire. A la place elle s’était contentée d’envoyer valser tous le matériel de dissection qui trainait à côté, hurlant sa rage jusqu’à ce que l’apparence tétanisée de la métisse lui fasse se rendre compte de sa violence. Elle avait quittée la morgue en murmurant un mot d’excuse, honteuse de la terreur qu’elle venait de créer dans une personne qui n’avait sûrement rien à voir avec ce qui était arrivé à sa sœur. Elle ne se souvenait qu’à peine de la route qui l’avait amenée ici, de son téléphone dans la main tandis qu’elle appelait Noeh, Noeh et qui la soutenait et dont elle ne pouvait pas même affronter le regard. « C’est de ma faute… » souffla-t-elle encore, les yeux dans le vague.




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Noeh Callahan
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MessageSujet: Re: we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh   we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh Icon_minitimeLun 18 Avr 2016 - 14:40

Noeh a peur de la briser. Lorsqu'il sent que Pietra dépose sa tête contre son cœur et que les sanglots redoublent, dans une douleur si perceptible que l'étudiant en reste d'abord bouche-bée, il ne peut pas s'empêcher de se raidir un peu. C'est pas tous les jours qu'il est confronté à un tel moment, une telle tristesse, et on peut facilement comprendre qu'il était pas prêt. Son seul moyen de rattraper les choses au plus vite, c'est d'appuyer son étreinte, ce qu'il fait sans attendre la seconde suivante. Il attend, calmement, que Pietra s'apaise. Il est incapable de parler. Pas le moindre mot ne vient forcer la barrière de ses lèvres closes car il ne sait tout simplement pas quoi dire. Il a peur de la faute supplémentaire. Celle qui fera se dire à la jeune femme qu'il est vraiment aussi stupide qu'il en a l'air. Mais s'il... Si c'était lui qui avait fait quelque chose, elle se reposerait pas sur lui comme ça, non ? Elle lui crierait dessus, le fusillerait du regard peut-être, elle l'aurait sans doute repoussé quand il aurait approché. Sauf que Pietra n'a pas fait tout ça. Elle est encore là, près de lui, proche de lui, et Noeh a le cœur au bord des lèvres tant ses lacunes en relations avec les autres sont soudain flappantes. Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'il fait bien, de l'étouffer de ses grands bras plutôt que de lui imposer son regard de chien battu ? Est-ce qu'il fait bien, de ne rien dire alors qu'elle a peut-être besoin de mots rassurants ? Est-ce qu'il fait bien... Toutes ses questions s'évaporent d'un coup. Pietra lui annonce autre chose. Dès qu'elle le fait, son angoisse d'avoir déconné s'envole. C'est pas lui. Ça vient pas de lui, ça vient pas d'eux, ça vient d'autre chose cette tristesse qu'il a aperçu dans son joli regard. Ils ont tué ma sœur. L'ancien pianiste sent son cœur se serrer. Son visage se couvre d'une mimique si peu habituelle pour lui, la surprise, l'incompréhension, le mal-être. Noeh ne répond rien. Il resserre juste ses bras autour de ses épaules, le temps que Pietra se calme. Il est si peu doué pour ça. Apaiser le cœur et lénifier la tourmente. Surtout quand on parle d'un lien détruit entre deux sœurs, comme ça, deux jumelles. Indéniablement, ça le renvoie à Sam. Sam à qui il ne parle plus, Sam à qui il ne donne plus signe de vie, Sam dont il a peur. Sam qui est peut-être morte sans qu'il ne le sache ou veuille le savoir. C'est complètement idiot, son père, sa mère ou Matthias l'auraient prévenu et surtout traîné à l'enterrement si une telle chose était arrivée, mais c'est l'idée qui lui traverse l'esprit alors qu'il arrive pas à empêcher les larmes de se former sous ses paupières. Le choc. L'incapacité de se mettre totalement à la place de Pietra mais l'envie de lui ôter toute sa douleur qui le prend aux tripes. Il aimerait tellement pouvoir faire quelque chose. N'importe quoi. Mais il sait bien que le seul truc qui pourrait soulager la peine de la jeune femme, ce serait de ramener Giulia. Et ça, il peut pas. “Non”, qu'il assène. Peut-être un peu trop brusquement. Mais Noeh supportera pas de l'entendre dire ça. Elle a pas le droit. “Dis pas ça.” Il explique sa réponse dans un souffle bref. Pour le moment, il a encore du mal à parler. Il encaisse ce qu'il vient d'entendre, et il essaye de gérer toutes ces pensées morbides au sujet de Giulia qui l'assaillent, toutes celles aussi que ça éveille sur Sam. Il continue de la tenir tout contre lui. C'est un peu le seul geste rassurant qu'il connaisse. C'est le seul dont il aurait besoin, lui, quand il fait des cauchemars au sujet d'Adriel. C'est l'unique chose qui lui paraît convenir dans un tel moment. Peut-être est-ce aussi un moyen pour lui de tenir debout alors que sa jambe commence à le faire souffrir, mais Noeh veut tellement tenir le coup pour Pietra qu'il se fout bien de la douleur lancinante qui prend de l'ampleur. Elle, elle souffre plus. Elle, elle a le cœur en miettes. Elle, elle a besoin de lui et il tiendra jusqu'au bout s'il le faut, lorsqu'il comprend de lui-même que c'est pas dans un moment tel que celui-ci qu'on songe à son pauvre petit accident et ses pauvres blessures du passé. Celle du présent, la déchirure de Pietra, ce sera pas comme ça qu'il réussira à la panser.

Qui ça « ils » ?”, qu'il parvient enfin à demander. Noeh ose le faire alors que son idée sur la question a déjà fait son chemin dans son crâne. Ils. Des gens comme sa famille, des gens comme ceux qu'il côtoie depuis toujours, des gens comme lui, bien qu'il n'en soit pas le meilleur représentant. Des chasseurs. Le seul élément que Noeh n'a pas en main, c'est pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'ils ont fait ça à Giulia ? Est-ce qu'elle était du genre... dangereuse ? Certains chasseurs s'arrêtent pas à ce détail, il le sait bien. L'étudiant ne la connaissait pas très bien, pour ne pas dire pas du tout, mais il n'avait entendu que de bonnes choses à son sujet. De la part de Pietra, généralement, mais ça lui avait suffi à tracer un portrait élégant de cette jumelle qu'il n'a pas eu la chance de rencontrer. Prenant sur lui, l'ancien pianiste inspire doucement avant de réussir à rouvrir la bouche. Il doit pas se laisser abattre. Pas maintenant. Il pourra craquer plus tard, réaliser qu'il est vraiment con avec Sam plus tard, s'énerver aussi un peu plus tard. Pour le moment, Pietra a besoin de lui. Et elle doit avoir envie d'entendre qu'il la laissera pas tomber. C'est vrai. Il sera là le temps qu'il lui faudra pour aller mieux, parce que c'est son rôle, non ? Puis surtout parce qu'il est pas capable de la laisser tomber. Même si ça lui fout la trouille. Même s'il a pas le droit d'être présent pour elle normalement. Même s'il devrait pas être là, auprès d'elle, que ses bras ne devraient pas exercer une nouvelle pression autour de ses épaules pour la soutenir. Noeh fonctionne bizarrement. Il a toujours marché comme ça, à l'inverse des autres, de sa famille, à faire tout ce qui était ou est en son pouvoir pour se jeter corps et âme dans ce qui lui est interdit à la base. Au lieu de détester Adriel, il est devenu son ami, son colocataire. Au lieu de repousser Pietra, il s'y attache. Vraiment. De plus en plus. Il se dit qu'il doit pas voir chez elle ce que son père a bien pu voir. De toute façon, il fait jamais rien comme tout le monde. Le cadet Callahan a ce reproche au travers de la gorge quand il réfléchit une dernière fois à ce qu'il va dire à Pietra. Et le visage de Sam qui réapparaît encore devant son regard fuyant pour lui rappeler qu'elle est la première à souffrir de ses indécisions chroniques. Une larme s'évade. Elle roule tout contre sa peau, et il ne peut même pas la chasser de peur que Pietra s'en rende compte. Quel petit-ami en toc. “J'imagine même pas ce que tu dois ressentir mais tu-t'es pas toute seule, Pietra, d'accord ? Je suis là.” Par chance, son trouble ne s'entend pas dans sa voix. Elle reste d'une maîtrise parfaite et n'image en rien la peine qui l'a envahi dès que la jeune femme lui a annoncé ce qui se passait. Il espère que ses mots sont entendus comme il les a prononcés. Sincères, à cœur ouvert. Noeh préfère souvent que les autres comprennent d'eux-mêmes ce qu'il peut avoir dans la tête. Même s'ils se trompent et qu'il doit rectifier le tir ensuite, au moins ça ne l'oblige pas à sortir lui-même ce qu'il peut avoir sur le cœur. Ce ne sont que quelques mots, à peine une phrase entière, et c'est pourtant au prix d'un certain effort qu'elle a réussi à s'extirper de la forteresse qu'il peut être. Ce qui se met à suivre ensuite, par contre, vient de façon plus naturelle mais surtout dans un murmure qui s'étrangle sur la fin.  “J'aime pas te voir pleurer.” Ça lui rappelle le jour où il est parti. Celui-là même où il a appris pour sa mutation, où il a osé la menacer, où il n'a plus été que le fils de chasseurs qu'il est de par son nom et son sang. Celui où elle s'est confiée, celui où il a eu peur. De méfiant, Noeh est devenu pire qu'agressif jusqu'à l'atteindre en plein cœur et à peine en avoir honte. Du Noeh tout craché. Et ce souvenir est encore si frais dans son esprit que déceler la moindre petite larme de tristesse, sentir le plus petit sanglot qui secoue son corps frêle, ça le confronte à une impuissance toujours plus grande. Aujourd'hui, le mal est tout autre, bien plus ravageur, mais le désir de ne plus la voir comme ça devient vital. D'où ce deuxième aveu. C'est peut-être tout bête, prévisible, mais c'est un pas de géant pour un Noeh qui s'ouvre rarement. Et si ça peut aider Pietra à se reposer encore un peu sur lui pour ne plus porter tout le poids de la perte toute seule, alors l'ancien pianiste ne s'en veut qu'un peu d'avoir poursuivi sur sa lancée.

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MessageSujet: Re: we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh   we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh Icon_minitimeDim 29 Mai 2016 - 16:21

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Noeh Callahan & Pietra Nelson-Byrd

« Non. Dis pas ça. » La réponse de Noeh fut instantanée, prononcée avec une force qui surprit la mutante. Non pas qu’elle se soit attendue à ce qu’il veuille reconnaitre sa part dans la mort de Giulia, mais… Sa réaction avait été instinctive, trahissant une conviction et une émotion d’une intensité qu’elle n’avait pas prévue. Ce fut cette émotion perçue qui l’empêcha de se dégager de lui et laisser sa culpabilité reprendre le dessus. A la place elle se pelotonna encore quelque peu contre lui, souhaitant qu’il l’enserre jusqu’à ce qu’elle disparaisse entièrement en lui, à l’abri du monde entier dans le cœur du garçon. Rien ne l’étonnait plus que la sensation de sécurité que lui procurait l’étreinte du Callahan : même si l’on ignorait le danger de leur relation, de leur appartenance à deux camps opposés de la guerre civile, comment pourrait-il la protéger, même avec toutes les bonnes intentions du monde ? Elle qui savait se battre, utiliser les armes à feux comme les armes blanches, construire une bombe ou lancer un cocktail Molotov, elle qui apprenait lentement des techniques de survie auprès de Bob et de combat avec Mikaël – comment pouvait-elle se sentir en sécurité entre les bras d’un fils de Hunter qui avait même refusé d’apprendre la moindre technique de combat auprès de sa famille ? C’était entièrement illogique, et pourtant… Sa tête posée contre la poitrine du jeune homme, Pietra sentait sa respiration ralentir doucement, son cœur commencer à battre moins douloureusement, comme s’il prenait pour rythme les battements de celui de Noeh plutôt que les fantômes des dernières pulsations du cœur de sa jumelle. Ce n’était pas pareil, ce ne serait jamais pareil que d’avoir quelqu’un dont chaque respiration, chaque instant d’existence avait existé en tandem avec le sien, mais c’était quelque chose.

Au bout de quelques instants elle s’écarta légèrement de l’étudiant, tout juste assez pour pouvoir lever son visage vers le sien. Ce qu’elle vit la désola encore davantage ; Noeh souffrant, les traits tirés par une douleur et un malaise qui faisait sans doute écho à sa propre apparence. Elle le dévisagea quelques instants encore en silence, et s’apprêtait à esquisser un geste vers ses lèvres lorsque celles-ci s’entrouvrirent pour laisser passer une question qui la figea. « Qui ça, ‘ils’ ? » Si Pietra se rétracta légèrement, ce ne fut pas par colère. Elle connaissait désormais suffisamment bien Noeh pour savoir que ce qu’il disait était rarement ce qu’il pensait. Sous la maladresse – parfois même la sottise pure – de ses propos, se cachait le plus souvent de bonnes intentions, une émotion réelle qui l’empêchait de s’exprimer. Par exemple, derrière une question aussi inutile que « Qui ça, ‘ils’ ? » se cachait un désir de communiquer avec elle, de la laisser parler de sa peine, de se confier à lui. Seulement, plutôt que de lui dire simplement « Raconte-moi » ou « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? », l’étudiant n’avait rien trouvé de mieux que de répéter les mots de sa petite amie, sans penser que cela pourrait passer pour une critique ou une remise en doute de sa douleur. Dans d’autres circonstances, cela aurait pu facilement finir en dispute ; heureusement pour eux, Pietra n’avait pas l’énergie de se mettre en colère, même si elle n’avait pas pu correctement interpréter sa question mal formulée. A la place elle se laissa glisser au sol avec un soupir, entrainant Noeh avec elle par la main. Adossés contre le mur, elle se mit à jouer distraitement avec les doigts du garçon, les pliant et dépliant sans vrai but. Une partie de son esprit ainsi occupée, elle put se risquer à répondre à ses questions.

« Elle… Ils l’ont prise pour moi. Ils lui ont tiré dessus parce qu’ils pensaient qu’elle était encore mutante, pas vaccinée. Ils ne lui ont même pas donnée l’occasion de se défendre, de s’expliquer… » La fin de sa phrase disparut dans un étranglement, et elle dû s’arrêter pour reprendre le contrôle de ses émotions. Ses doigts se refermèrent sur la main de Noeh et elle la porta à son visage, appuyant son front contre leurs mains liées, comme si ce contact pourrait faire cesser les images, les éclats de pensées qui assourdissaient son esprit. Elle resta ainsi une dizaine de secondes avant de relever le visage, le regard brûlant. « Ils l’ont abattue comme un animal, parce que c’est tout ce que nous sommes pour eux. Et elle a été assez naïve pour croire qu’être vaccinée la protègerait. » siffla-t-elle d’une voix rauque, la lèvre tremblante dans sa rage. Elle fixait le lointain comme si son regard pourrait percer le mur et lui montrer le ou les responsables du meurtre de sa sœur ; seule la voix du brun à ses côtés put la tirer de ses pensées : « J'imagine même pas ce que tu dois ressentir mais tu-t'es pas toute seule, Pietra, d'accord ? Je suis là. » Contrairement à elle sa voix était calme, paisible comme l’eau d’un port – bien loin de la houle qui s’agitait en elle, et dont elle ne voyait pas la fin. La mutante le dévisagea un instant, silencieuse. L’instant d’après elle explosa de nouveau en sanglots, s’agrippant avec force à la chemise de l’étudiant. « J'aime pas te voir pleurer. » l’entendit-elle murmurer, et son cœur se serra. Elle n’aimait pas qu’il la voit pleurer non plus. Elle n’aimait pas qu’il puisse la voir ainsi, écroulée et si loin de sa résilience habituelle, plus fragile qu’une barque de pêcheur dans la tempête. Pire encore, elle avait vue la larme couler sur le visage de l’étudiant, comme si tous ses pleurs s’étaient échappés de ses yeux pour venir envahir ceux de Noeh à son tour, un cycle de sanglots éternels dans lequel elle l’avait piégée. « Je suis désolée, je ne savais pas qui d’autre appeler… » souffla-t-elle, entre deux hoquets de larmes.




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Noeh Callahan
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MessageSujet: Re: we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh   we grew up together, from the cradle to the grave ft. noeh Icon_minitimeMer 1 Juin 2016 - 0:33

Noeh, il n'est pas bien quand il sent Pietra avoir un léger mouvement de recul. Il sent son visage pâlir, se vider de toute couleur, dès l'instant où il comprend son erreur. Pourtant, à son âge, on sait parler. On sait prononcer un nombre incalculable de mots, et ce depuis le plus jeune âge, on a appris à les entendre de la bouche de nos parents et plus tard de nos propres relations avec les autres. Il les connaît, les mots, le Callahan, il a juste de gros problèmes pour les employer. Et sous le coup du choc, mêlé à l'envie de bien faire, répéter bêtement les propos de Pietra, c'était peut-être se garantir de ne pas être dans l'erreur. Faux. Ce mouvement d'écart lui hurle ce simple mot, en bon retour de bâton qu'il peut être. L'étudiant ne rajoute rien. Ses épaules faiblissent un peu, alors qu'il suit la jolie brune qui part s'adosser contre le mur le plus proche. Il ne la quitte pas des yeux. La peur de manquer la plus petite expression pouvant s'installer sur ses traits le crispe, l'angoisse. Il peut pas se le permettre. Il veut vraiment bien faire. Malgré son silence, malgré son absence d'initiative flagrante, il a encore le désir de dégager des épaules de la jeune femme ce poids trop lourd à porter. Alors qu'elle plie et déplie ses doigts, qu'il la laisse faire en déposant l'arrière de son crâne contre le ciment dans son dos, Noeh se remet à penser qu'il ne sait pas quelle serait sa réaction si Sam lui était arrachée. C'est une idée toute bête, toute simple, mais à laquelle il n'a jamais réfléchi. Parce que pour le Noeh enfant comme pour le Noeh adulte – ou semi-adulte – ça n'est pas envisageable. Sam, elle est indestructible. Elle est la plus forte, la plus douée, la plus intelligente des deux, elle est celle qui réussira mieux dans la vie que les autres et qui aura encore toute sa force même quand ils seront vieux et boiteux. Même l'annonce de sa mutation ne parvient pas à entacher cette image qu'il a d'elle.

Songer à la disparition de Sam, ça n'aide pas le cadet Callahan à encaisser les explications de Pietra. Au contraire. Ça le replace dans ce qu'il a cherché à fuir en la gardant éloignée durant longtemps : elle mutante, lui chasseur – fils de, n'en reste pas moins qu'il en porte le nom. A travers les mots, Noeh imagine la scène. Il voit une copie conforme de la jeune femme qui dépose sa main contre son visage dévoré par les larmes tomber au sol, dont la vie s'échappe doucement de son corps à cause d'une balle fatale. Ça lui serre tellement le cœur, à Noeh, qu'il doit se faire violence pour ne pas laisser sa respiration s'affoler par manque d'afflux sanguin vers ce dernier. Un instant, il arrête de la regarder. C'est trop douloureux. Et même si l'étudiant a déjà traversé pas mal de trucs, ça l'a pas rendu imperméable à la souffrance, surtout pas celle des personnes qui comptent pour lui. Surtout pas celle de Pietra, quand à une époque pas si lointaine c'était lui qui la faisait souffrir. Pour eux. Ses dents se serrent. Il le sait. S'il y a bien une chose à laquelle Noeh n'a pas pu échapper, en dehors des entraînements qu'il n'a cessé de gâcher et d'éviter soigneusement, ce sont les discours anti-mutants. Ceux qui construisent une image malsaine, ceux qui généralisent, ceux qui effraient. De parents à enfants, génération après génération, Noeh a compris que ce que son père et sa mère lui ont répété durant tout ce temps, ils l'ont avant lui entendu très souvent – trop souvent. Alors oui, pour eux, ils ne sont que des animaux. Des personnes à éliminer car des menaces potentielles. Sauf que Noeh, il ne voit plus les choses comme ça depuis longtemps. Il a peur, oui, mais il apprend à canaliser ses appréhensions. Si ce n'était pas le cas, il n'aurait pas envie de la serrer dans ses bras comme il désire le faire encore et encore depuis qu'il est arrivé. Mais il prend aussi l'accusation pour lui, parce que son nom de famille lui colle à la peau, lui collera toujours à la peau, telle une tâche de naissance qu'on ne peut faire disparaître de sa chair, alors qu'parfois on le désire tellement parce qu'elle est beaucoup trop voyante, trop évidente, trop repoussante. Il s'en fout qu'elle dise ça, parce que Noeh c'est pas un chasseur, il n'a jamais été destiné à le devenir malgré l'envie de ses parents, c'est juste que les vieux mécanismes établis durant les deux premières dizaines de son existence refont parfois surface quand il s'y attend le moins.

L'excuse de Pietra fait secouer la tête au Callahan. “Non, eh...”, qu'il la rappelle à lui, alors qu'il voit les larmes se remettre à rouler le long de ses adorables pommettes. Arrachant sa main des siennes, même si ce n'est pas ce qu'il veut vraiment, son bras gauche vient encercler ses épaules tandis que sa main invalide passe sous ses frêles jambes pour venir coller son petit corps contre le sien. Noeh se dit qu'il va peut-être l'étouffer à force, mais si la maintenir contre lui peut lui permettre d'enfin l'autoriser à prendre toute cette tristesse qui la ronge, toute cette douleur qui la paralyse, alors il va continuer de le faire, des heures durant s'il le faut. “T'as pas à t'excuser”, qu'il prononce d'une voix plus assurée. “Tu m'appelles quand tu veux.” Après avoir laissé sa joue venir se déposer contre son front, ce sont ses lèvres qui viennent y déposer un baiser qui se veut rassurant, protecteur. “Dès que t'en as besoin.” Il acquiesce doucement, pour que l'information fasse son chemin, même si elle ne s'en souviendra peut-être que dans un tout autre moment que celui-ci. “Je suis un peu bancal et je connais pas tous les mots rassurants mais je suis avec toi.Et si seulement je pouvais t'arracher toute ta peine, Pietra, je l'ferais sans hésiter.Tu sais que Giulia te quittera jamais”, qu'il murmure, au bout d'un petit silence bienfaiteur. Sa jumelle, elle sera avec elle pour toujours. Elle aura à jamais cette place privilégiée dans son cœur, même si la présence physique vitale qu'elle pouvait apporter à Pietra n'est plus. Il ne peut que comprendre, Noeh, ce que ça fait de savoir que la personne qui a partagé de façon aussi particulière votre vie peut laisser comme trace dans l'existence. C'est juste que, normalement, l'une des deux moitiés ne doit pas partir bien avant l'autre. C'est pas comme ça que ça marche, pour permettre au tout qu'ils forment d'avancer sans s'oublier, sans se perdre de vue. Déposant un nouveau baiser contre sa tempe brûlante, Noeh esquisse un léger sourire. “Si personne reste avec toi ce soir, tu vas devoir me supporter.” Hors de question qu'il la laisse seule. Hors de question qu'il l'imagine seule. Il en a rien à foutre qu'on le voit ou pas rentrer chez elle ou en sortir ; il laissera pas Pietra livrée à elle-même, pas après une telle journée, pas après un tel moment. Noeh est prêt à voir toutes les foudres lui tomber sur le coin de la figure si ça signifie pouvoir veiller sur elle jusqu'à ce que son cœur se soit un peu apaisé.
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