Carpe diem. Il s’agit là dans le sens littéral de cueillir le jour, savourer l’instant. Et pourtant, le futur n’est jamais loin dans un coin des pensées de chacun. C’est une notion inquiétante qu’on essaie de souvent de dissiper afin de profiter du moment présent. Et pourtant on en rêve de l’avenir autant qu’on le craint ; en tout cas, a-t-on appris à le craindre parfois en vue des expériences qui ont jalonné la vie. Mais dans la tête neuve d’un enfant, cet esprit en quête d’aventures s’impatiente en attendant l’avenir, il est avide et plein de rêves. C’est bien là la force des adultes ayant réussi à garder cette part de désir et candeur, se faisant de plus en plus rare.

Et lorsqu’on demandait à la jeune Brooke Hudson ce qu’elle voulait faire plus tard de sa vie, la fillette répondait qu’elle voulait changer le monde. Voilà qui était un projet ambitieux devant lequel on avait tendance à sourire lorsqu’il est énoncé par une gamine de six ans, un grand sourire collé aux lèvres. Et il fallait bien avouer que c’était plutôt insolite de la traiter ainsi avec tendresse, puisqu’on passait souvent son temps à réprimander Brooke Hudson. C’était une enfant turbulente et pleine d’énergie. Et si elle était passée maitre dans l’art de s’attirer des ennuis elle avait heureusement la chance d’être dotée d’une grande curiosité qui qui la poussait à s’intéresser à chaque chose, bonifiant son esprit devenu altruiste et observateur. C’est une excellente élève mais qui aime bien tester ses limites et celles de l’autorité.

Pourtant, en matière d’autorité Brooke a le don d’être copieusement servie. Son père est policier à Chicago, c’est un homme consciencieux et passionné de voyages. C’est d’ailleurs en Argentine qu’il rencontre la mère de la fillette, brillante avocate avec qui il finit par se marier avant de donner naissance quelques années plus tard à celle qui restera fille unique. Brooke Hudson est un portrait craché de sa mère. Volcanique et déterminée, c’est une gamine tout aussi attachante qu’elle peut être détestable si on vient à la contrarier. Et en l’occurrence Isabella Hudson est une femme accomplie qui rêve de justice, qu’elle essaie d’appliquer avec la plus grande fermeté. Peu après son arrivée à Chicago, l’avocate s’est fait un plaisir de prendre en charge un dossier monté par une famille victime des cartels de drogue, se faisant un nom en ville du fait de son combat assumé contre la mafia et les gangs. Si elle perd certains procès, elle arrive néanmoins à causer des torts aux cartels, de sorte d’envoyer certains de leurs sbires en prison. La mère de Brooke était inflexible, ne se laissant pas émouvoir par les menaces et les conseils de plus en plus sévères de son mari afin qu’elle agisse avec davantage de prudence.

Cet entêtement finit par lui coûter la vie. Elle fut sommairement exécutée d’une balle dans la tête à la sortie du tribunal, abattue comme un vulgaire gibier sous les yeux de son mari. L’affaire fit grand bruit, et il fallut qu’un drame pareil se produise pour décider le gouvernement à lancer une opération massive afin d’épurer Chicago de ses réseaux sanguinaires.


Brooke avait alors dix-neuf ans. La fillette turbulente s’était transformée en une jeune adulte pleine d’énergie mais cependant beaucoup plus docile, bien que son impulsivité naturelle ne fût jamais loin. Etudiante dans une université de Washington en criminologie, la jeune femme apprend le décès de sa mère alors qu’elle est là-bas. Ce drame change radicalement sa vie. Dévastée et hagarde, Brooke s’assombrit et devient plus introverti. Lunatique et pleine de colère, elle en veut au monde entier. Changer le monde qu’elle voulait faire de sa vie ? Et bien le monde, elle l’emmerdait, il pouvait bien se détruire seul ce putain de monde.

Elle rentre immédiatement à Chicago s’occuper de son père, et y demeure pendant sept ans. La jeune femme découvre peu de temps après son retour en ville l’aïkido, un art martial japonais qui participera à canaliser sa haine et son sentiment d’indignation. Cette activité permet à la jeune femme d’évoluer et de se durcir encore davantage. Changer le monde est peut-être encore possible, même s’il faut recourir à la force. Car ce monde est pervers, et la voix de l’ordre ne peut être entendue qu’à armes égales.

Abandonnant ses études, la jeune femme finit par passer les tests de compétences pour entrer dans la police à l’âge de vingt-deux ans. Très vite, Brooke s’intéresse et s’emploie à continuer l’œuvre de sa mère, mais à son échelle. Si elle est un agent efficace, on dit souvent d’elle qu’elle peut être dure, néanmoins, cela reste encore du domaine du politiquement correct.

Brooke Hudson se fait donc distinguée en de nombreuses reprises, décrite comme un agent de terrain perspicace et particulièrement douée pour son âge. Sa croisade juridique pousse même Brooke a repoussé ses limites. Elle décide de se rendre à Duval, un comté particulièrement violent du Texas. Proche de la frontière mexicaine, le territoire est le théâtre d’activités criminels en tout genre et les forces de l’ordre ploient sous le poids des pots-de-vin et des menaces. Personne ne veut du poste, et bien Brooke se l’octroie. C’est à Duval qu’elle apprend que la force fait indéniablement partie de l’équation ; que pour vaincre le mal, il faut savoir aussi se salir les mains. C’est une guerre et Brooke est décidée à la mener.

Pourtant, son destin change radicalement un matin tout ce qu’il y a de plus normal à première vue. Et quand il s’agit de la normalité pour Brooke, il est évidemment question de crime. La jeune femme vient en effet mener une perquisition dans un supposé laboratoire de méthamphétamine. Malencontreusement, Brooke fera tomber une fiole, inhalant son contenu et cette simple maladresse va pourtant avoir un certain nombre de conséquences inédites.

Brooke s’évanouit. Elle ne tarde pas à reprendre ses esprits cependant, n’accordant guère d’importance à cet événement. Mais les jours suivants sont ponctués de faits étranges. La jeune femme a tendance à se réveiller de ses nuits en des lieux pour le moins insolites… Et inaccessibles pour tout humain normalement constitué. Brooke se découvre également des réflexes insoupçonnés, et ne tarde pas à comprendre ce qui est en train de se passer. Son compagnon avec qui elle partage sa vie depuis deux ans en est le premier apeuré lorsqu’il le découvre, il ne trouve que le moyen de la traiter de monstre et de bien lui signifier qu’il lui laisse la vie sauve pour cette fois, mais que si elle essaie de le revoir elle prendra une balle entre les yeux.

Les mutants, Brooke suit le débat de très près. Elle est tolérante à leur égard et révoltée du sort qu’on leur réserve. Néanmoins, pas une seconde elle avait pu imaginer un jour qu’elle deviendrait elle aussi une dégénérée. Et pourtant, c’était effectivement ce qui était en train de se produire. Et cela n’était pas forcément une bonne nouvelle. Brooke comprenait à quel point elle était en danger désormais et se décida d’abord à quitter la ville pour s’installer en ermite dans les Rocheuses…

… Et tout aussi romanesque que puisse paraître cette épopée, Brooke en décida finalement autrement. Avec le recul nécessaire pour se l’avouer, la jeune femme finit par considérer son don comme une distinction nouvelle, peut-être un réel avantage si elle sait comment s’en servir. C’est ainsi qu’elle décide de quitter ses fonctions, jouant des coudes administrativement pour se faire mutée. Elle est donc fraîchement débarquée depuis quelques semaines dans la ville qui fait le plus débat en ce moment, Radcliff. C’est un nid à chasseurs, mais c’est aussi le lieu où les mutants sont les plus puissants. Brooke est certaine de pouvoir trouver de l’aider, des réponses et du savoir.