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 everything's not lost ≡ scarlett.

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MessageSujet: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeLun 4 Jan 2016 - 3:59

when i'm counting up my demons, saw there was one for every day, with the good ones on my shoulder, i drove the other ones away.
everything's not lost

Solal n’était pas vraiment habitué à avoir un job. La vérité, c’est qu’il n’avait jamais eu de véritable job auparavant. Il avait passé la moitié de sa vie dans un orphelinat, aux frais du gouvernement, puis le reste, il l’avait passé sur la route avec son frère et sa bande d’amis imbécile, à voler de crime en crime comme s’ils étaient les rois du monde. Avoir des responsabilités, ça n’avait jamais trop été son genre, même que ça l’emmerdait un peu. Mais quand il avait connu Zelda, tout avait changé. Elle était sa responsabilité. Il devait s’en occuper comme il se doit, s’assurer qu’elle était en sécurité. Il lui devait au moins ça, après que ce son frère et ses amis lui avait fait. Alors après de longs mois sur la route, ils avaient décidés de s’installer à Radcliff, et pour la première fois de sa vie, Solal avait décidé de trouver un emploi. Un vrai emploi. Bien sûr, il continuerait de faire des boulots plus ou moins légaux sur le côté, parce que le loyer et la bouffe ça coûtait cher à la longue, et un petit boulot à temps partiel sans études n’allait pas lui donner une fortune. Alors un bon matin, il était allé s’acheter un journal et avait parcouru les petites annonces. La restauration, c’était hors de question, tout comme travailler dans un magasin. Il voulait un boulot tranquille, qui ne lui demanderait pas d’être trop social, quelque chose de discret, facile à intégrer et facile à quitter en cas de problème. Donc, il avait décidé de postuler pour un boulot de concierge de nuit à l’hôpital de Radcliff. On l’avait engagé sur le champ, car personne ne voulait qu’un tel travail. Solal avait cru alors que la partie la plus difficile était derrière lui, mais il avait eu tort. Gérer des horaires, ce n’était vraiment pas aussi facile qu’il le pensait. Après tout, il était habitué de faire les choses à son rythme, quand il le voulait. Mais il ne pouvait pas vraiment faire cela à l’hôpital – il devait respecter ses quarts de travail, s’assurer d’être là à l’heure et également de partir à l’heure. Il s’en sortait plutôt bien, pour l’instant. Ce n’était pas un boulot particulièrement passionnant, mais ça lui donnait l’occasion de rencontrer toutes sortes de monde, et de voir des trucs parfois très chouettes, parfois pas du tout. Il aurait pensé qu’un hôpital était un endroit chaotique, où tout bougeait sans cesse – mais c’était en fait plutôt tranquille, tant qu’il ne s’aventurait pas dans les urgences. Rapidement, il avait réussi à obtenir des quarts de jour tout comme de soir, afin de pouvoir passer un peu de temps avec Zelda, puisqu’elle aussi travaillait dans un petit restaurant.

Solal nettoyait donc le carrelage du cinquième étage, ce jour-là, la tête un peu dans les nuages. Il ne pensait à rien quand il travaillait – il faisait ce qu’il fallait, et puis il repartait, voilà tout. Ça lui apportait une certaine paix, de pouvoir faire un véritable boulot. Certes, ce n’était pas passionant, mais au moins c’était honnête. Il n’avait jamais particulièrement aimé la vie qu’il avait vécu avec son frère, il n’aimait pas être un hors la loi. Il avait toujours préféré la tranquilité, Solal, il était juste comme ça. Le silence ne le dérangeait pas. Il termina donc de nettoyer le couloir et se mit ensuite au boulot de passer dans les bureaux des médecins, chose qu’il devait faire une fois par semaine pour s’assurer que tout était propre. L’hôpital était silencieux à cette heure-ci, à part les patients, presque tout le monde était parti. Les spécialistes étaient chez eux, à profiter d’un bon repas, probablement. Solal ouvrit donc le premier bureau sans trop y penser – vide. Il passa quelques minutes à tout nettoyer, puis se dirigea vers le deuxième – il ouvrit la porte en passant en trouver un autre vide, plongé dans la noirceur – mais ce n’était pas le cas. Il se figea en réalisant que non seulement la lumière était toujours allumée, mais qu’il y avait bien quelqu’un à l’intérieur – une femme était assise à son bureau, ses cheveux roux étendus autour de son visage. “Oh, pardon –“ Solal la dévisagea, surpris, et allait s’excuser de nouveau avant de tout simplement refermer la porte derrière lui pour repartir quand il vit l’expression sur le visage de la femme. Il n’avait sans doute aucun droit de lui demander quoi que ce soit – elle était probablement occupée, ces gens-là l’étaient toujours.

Mais quelque chose dans les yeux de la femme attira son regard, et l’empêcha de faire demi-tour. Une douceur incroyable, certes, mais également une grande, grande tristesse. Elle était très belle, ça c’était certain, mais elle paraissait aussi très triste. Il crut même apercevoir des larmes dans ses yeux. Solal n’était pas très doué avec les sentiments, ou la consolation – quand Zelda devenait émotive, il ne savait jamais trop comment réagir, et souvent, ne faisait que la fixer bêtement tout en tentant de la réconforter de manière extrêmement maladroite. Mais c’était Zelda, au moins il la connaissait. Il ne connaissait pas du tout cette femme, ou pourquoi elle semblait si triste, et sans doute ne voulait-elle pas être dérangée. Rarement, les gens tristes voulaient être dérangés. Mais Solal n’avait pas non plus envie de simplement repartir – elle semblait trop triste, trop vulnérable pour qu’il la laisse seule comme ça. Il resta immobile quelques secondes, se demandant de ce qu’il pouvait bien lui dire. Puis il passa une main dans sa barbe, plissant des yeux. “Tout va bien ?” Comme ça, si elle ne voulait rien savoir de lui, elle n’aurait qu’à lui dire de partir. Il en aurait l’esprit clair. Il la regarda, attendant sa réponse, ne s’attendant à rien de moins qu’une insulte et au revoir bien senti de sa part.
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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeMer 6 Jan 2016 - 12:25

everything's not lost
YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. HOW LIGHT CARRIES ON ENDLESSLY, EVEN AFTER DEATH. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST. I COULDN’T HELP BUT ASK FOR YOU TO SAY IT ALL AGAIN. I TRIED TO WRITE IT DOWN, BUT I COULD NEVER FIND A PEN. I’D GIVE ANYTHING TO HEAR YOU SAY IT ONE MORE TIME, THAT THE UNIVERSE WAS MADE JUST TO BE SEEN BY MY EYES (ambiance).

Ça n'aurait pas dû lui arriver. Pas à elle. C'était injuste.
C'était injuste.

La plupart de son temps, Scarlett le passait à aider les autres. Ses patientes, leurs enfants, ses collègues, ses voisins, des inconnus... Elle aurait même été du genre à faire du volontariat au refuge pour animaux de la ville si son emploi du temps lui en avait laissé l'opportunité. Elle donnait toujours sans rien demander en retour, sans s'attendre à recevoir quoi que ce soit en échange. Altruiste à l'extrême, elle l'avait toujours été, c'était purement instinctif. Comme une sorte d'instinct maternel étendu à toute l'humanité, sans aucune distinction. Scarlett, elle accordait le bénéfice du doute à tous – même à ces  Hunters qui faisaient de la vie de ses semblables un véritable enfer. Les conflits qui agitaient Radcliff, elle ne s'en mêlait pas, elle restait partisane de la neutralité, parce qu'il était évident qu'il n'était pas dans son caractère de s'engager dans quoi que ce soit de potentiellement violent et illégal.  L'accident ayant coûté la vie à ses parents mis à part, Scarlett n'avait jamais fait de mal à personne, elle était un modèle de douceur, de patience et de tolérance. Elle menait une vie tranquille, en apparence parfaite sous tous les angles. Un métier gratifiant, un bon cercle d'amis, un petit-ami exceptionnel, un appartement magnifique... Même le chien adorable faisait partie de l'équation. Et puis elle était tombée enceinte. Elle était tombée enceinte, et elle avait sincèrement cru être plus heureuse que jamais lorsque ses analyses sanguines avaient confirmé sa grossesse. Scarlett avait sauté de joie, Caleb tout autant, ils avaient commencé à parler mariage, maison familiale... Et elle s'était réveillée avec des douleurs abdominales au beau milieu d'une nuit, avait cru à des contractions prématurées, puis elle avait commencé à saigner et Caleb l'avait conduite aux urgences de l'hôpital. Instinctivement, elle avait su. Elle avait su qu'elle était tout simplement en train de perdre leur bébé, à près de cinq mois de grossesse. Et à ce stade de la grossesse, il fallait accoucher. Scarlett le savait, c'était son métier, elle faisait face à de tels drames régulièrement... De médecin elle était passée à patiente, et ça l'avait traumatisée. Elle avait pleuré, hurlé, était devenue complètement hystérique ; les paroles rassurantes de Caleb et les traitements des médecins n'y avaient rien fait. Ça n'aurait pas dû lui arriver. Pas à elle. C'était injuste.

Son premier traumatisme, Scarlett l'avait exprimé par un silence obstiné et un refus de s'alimenter. Elle avait cinq ans. Son second traumatisme, Scarlett l'avait manifesté en quittant sa vie new-yorkaise pour venir s'installer à Radcliff. Elle avait vingt et un an. À pas encore tout à fait trente quatre ans, Scarlett ne gérait pas ce plus récent traumatisme avec brio. Elle était devenue infecte, insupportable. Les semaines de repos forcé auxquelles on l'avait condamnée n'avaient aidé en rien. Seule dans l'appartement, elle avait passé ses journées recroquevillée sur le canapé du salon, Daisy couchée auprès d'elle, la chienne glapissant nerveusement à chaque fois qu'elle fondait en larmes. Et quand Caleb s'adressait à elle, ne serait-ce que pour tenter de la convaincre d'avaler quelque chose, elle l'envoyait paître sans aucune considération ni raison valable, refusait qu'il la touche et l'incendiait à la moindre remarque. Il lui avait fallu un certain temps pour comprendre qu'elle avait touché le fond et qu'en agissant de la sorte, elle ne faisait que creuser un peu plus sa tombe. Alors elle avait pris une décision radicale – un coup de tête plus qu'un choix rationnel – et avait tout simplement rompu avec Caleb. Sans lui laisser le choix, ni même l'opportunité de discuter, elle avait quitté leur appartement, comme si s'éloigner de lui l'aiderait à faire le deuil de leur enfant. Mais bien sûr. Puis il avait bien fallu qu'elle se décide à retourner travailler, et les premiers jours avaient été synonyme de calvaire. Voir toutes ces femmes enceintes défiler, ces poupons aux joues bien rondes... C'était l'équivalent d'être poignardée encore et encore en pleine poitrine, ça faisait un mal de chien, lui donnait envie de s'arracher les cheveux et de hurler à s'en faire éclater les poumons. C'était injuste. Parfois, entre deux consultations, elle disparaissait dans les toilettes pour pleurer quelques minutes, les bras enroulés autour de son estomac vidé prématurément de toute vie. Quand elle en ressortait, c'était toujours après avoir retouché son maquillage et sa coiffure, comme si de rien n'était. Comme si elle n'avait pas le cœur en lambeaux. Elle se forçait à afficher un radieux sourire, persuadée que si elle feignait d'aller bien suffisamment longtemps, son état finirait forcément par s'améliorer.

Mais ce jour là... Ce jour là elle n'y arrivait tout simplement pas. Parce que c'était une date bien particulière, celle où son bébé – sa petite fille – aurait dû voir le jour. Quand elle l'avait réalisé, elle avait eu l'impression qu'on l'étranglait. Pourtant elle l'avait presque atteinte, cette cinquième et ultime étape de son deuil ; l'acceptation. Presque, et il avait suffi qu'elle ouvre les yeux et voit la date du jour sur son téléphone pour faire un bond en arrière dans le temps de quatre mois, tout lui était revenu en plein visage. Elle avait dû prendre sur elle toute la journée pour ne pas s'effondrer, pour ne pas dire à l'une de ses patientes qu'elle se foutait bien de savoir de quelle couleur elle allait peindre la chambre de ses jumeaux, pour ne pas se précipiter au bureau de Caleb en sanglotant bêtement... Les heures s'étaient écoulées lentement, et si elle avait cru avoir hâte de pouvoir rentrer chez elle, elle s'était retrouvée totalement pétrifiée dans son bureau, incapable de faire deux pas, et certainement pas en état de prendre le volant. Alors elle s'était assise dans son fauteuil, le regard vide... Du moins jusqu'à ce que les larmes montent brusquement, elle avait commencé par pleurer doucement, presque silencieusement. Les violents sanglots avaient suivi, sans qu'elle ne parvienne à les contenir. Alors elle s'était accoudée à son bureau et avait longuement pleuré, trouvant une certaine forme de confort à tout évacuer de la sorte. Ses cheveux défaits faisaient comme un rideau autour de sa mine affligée, ses yeux étaient irrités par le sel de ses larmes, qui avaient laissé de longs sillons humides sur ses joues pâles. Elle aurait pu passer la nuit à déverser littéralement sa peine sur les papiers éparpillés sur son bureau si quelqu'un n'avait pas ouvert la porte de la pièce de façon absolument inattendue. Par réflexe, elle avait relevé la tête, et avait observé d'un drôle d'œil l'homme – probablement le concierge. Il avait certainement cru qu'il n'y avait plus personne, il était tard... Elle avait perdu toute notion du temps, elle ignorait quelle heure de la nuit il pouvait bien être, et ça lui était complètement égal. Ils auraient pu en rester là, à n'échanger qu'un regard gêné, alors la mère endeuillée qu'était Scarlett dut afficher une expression surprise lorsque l'homme lui demanda tout simplement si "tout allait bien". C'était le genre de question que tout le monde avait posé au moins une fois tout en sachant que la réponse était tout ce qu'il y avait de plus négatif, parce que c'était un moyen aisé de voir dans quel état d'esprit était la personne concernée, ouverte à la discussion et aux tentatives de consolation ou non.

Ça lui fit tout drôle à Scarlett, parce que cette question, on ne la lui avait pas posée depuis un moment. Oh, Evelyn s'inquiétait toujours pour elle, mais Scarlett refusait de l'ennuyer avec ses tracas, son mari venait tout juste de sortir de prison alors elle avait d'autres chats à fouetter. Elle ne laissait pas Caleb l'approcher, et tous les autres s'imaginaient qu'elle allait mieux parce qu'elle le prétendait trop bien pour qu'ils puissent s'imaginer à quel point elle souffrait. Alors pendant d'interminables secondes, elle se contenta de fixer l'intrus de ses grands yeux rougis par les larmes, les lèvres tremblotantes. « Non... non », finit-elle par balbutier entre deux hoquets, avec l'expression d'une gamine terrifiée. « Je suis chirurgienne... chirurgienne en néonatalogie... je vois des femmes enceintes et des bébés tous les jours. Et je... » C'était tellement ironique, quand elle y songeait. Tellement cruel, aussi. « Mon bébé... j'ai perdu mon bébé. » Et tout le reste, accessoirement. Comme si elle avait honte, Scarlett baissa le regard, renifla bruyamment de façon bien peu élégante, tête entre les mains. « Elle aurait dû naître aujourd'hui... » Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle lui racontait ça, il avait sans doute posé la question par politesse et ne devait pas se soucier de la réponse. Mais elle était déjà dans une position bien peu flatteuse, alors ça ne lui faisait pas grand chose d'être mortifiée un peu plus ou un peu moins. Sans compter que l'avis d'un étranger, ça ne lui importait pas le moins du monde. Pas alors que cette journée aurait dû être la plus heureuse de sa vie, pas alors qu'elle aurait dû être en train de serrer sa fille contre elle... Au lieu de ça, elle se retrouvait à pleurer toutes les larmes de son corps seule, dans son bureau, sans son bébé, sans Caleb, sans rien d'autre que l'amertume d'avoir effleuré le bonheur du bout des doigts pour se le voir retiré aussitôt et être ensuite giflée par la cruauté de la réalité.
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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeLun 25 Jan 2016 - 23:02

when i'm counting up my demons, saw there was one for every day, with the good ones on my shoulder, i drove the other ones away.
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Ça ne servait à rien de le nier, Solal n’était un être très social. Ce n’était pas qu’il ne voulait pas parler aux gens, ou qu’il ne voulait pas apprendre à les connaître, ou qu’il était profondément asocial ou impoli – il avait tout simplement toujours été ce qu’il était, un homme discret, un homme tranquille, un homme silencieux. S’il se retrouvait seul dans un ascenseur avec un inconnu, il n’allait certainement pas commencer une quelconque conversation – mais si l’autre parti le faisait, il pouvait suivre, la plupart du temps. Bien sûr, ça lui arrivait d’être de mauvaise humeur, comme tout le monde, et si cet autre parti était Thaddeus Lancaster, il ne lui rendrait aucune politesse – mais ça, c’était une toute autre histoire. Tout ça pour dire que ce n’était généralement pas le genre de Solal de demander aux gens comment ils allaient – vraiment pas. Même que si Zelda était présente, elle l’aurait regardée avec des yeux ronds, et lui aurait demandé s’il avait mangé quelque chose de douteux pendant la journée. Et si Solal n’était pas particulièrement social, ou particulièrement loquace, il était rare que les gens s’attendent cela de lui – son apparence pouvait parfois être trompeuse, il l’avait souvent appris à ses dépends. Il était imposant, il le savait, et il ne souriat pas beaucoup – ça pouvait intimider, ça pouvai rebuter. Zelda lui avait un jour dit qu’il ressemblait à un gros ours – et personne n’allait commenter à un ours qu’il faisait particulièrement froid dehors. Donc, les interactions sociales de Solal étaient habituellement relativement limitées – la seule personne à qui il parlait vraiment, librement et sans relâche (ou presque), c’était Zelda. Mais Zelda était l’exception à toutes les règles. Généralement, donc, si Solal serait entré dans un bureau comme il l’avait fait, et y avait trouvé quelqu’un, il aurait grogné une excuse rapide et serait reparti sans demander son reste. Voilà comment ça se serait passé, normalement.  Mais Solal avait rapidement constaté que la situation n’était pas normale, elle était même loin de l’être. Après tout, ce n’était pas n’importe qui qui se trouvait dans ce bureau – c’était une femme, une femme magnifique même, et elle ne faisait pas que travailler, ou parler au téléphone, ou même jouer au Solitaire sur son ordinateur – elle pleurait. Et elle ne pleurait pas silencieusement, doucement, comme si elle regardait un film triste – non, elle sanglotait, étendue sur son bureau comme s’il s’agissait de la dépouille d’un proche, ses épaules bougeant au rythme de ses sanglots comme sur une harmonie déchirante. Solal ne pouvait pas rester indifférent à cela – il avait beau être un ours, comme Zelda aimait le dire, il avait beau ne pas être très doué avec le réconfort, il avait beau avoir de la difficulté à converser avec des inconnus, il savait reconnaître quand quelqu’un n’allait pas, quand quelqu’un n’allait vraiment pas, mais alors pas du tout. Fixant les cheveux roux de la femme inconnue, il se sentit comme transporté en arrière, à voilà plusieurs années, une éternité il lui semblait. Des épaules secouées de sanglots, des cheveux emmêlés, c’était un spectacle à lequel il n’était pas inconnu – ça lui rappela ce fameux jour, cet horrible jour, où sa vie avait totalement basculée, où il avait compris ce que son frère était capable de faire – non seulement ce qu’il était capable de faire, mais ce qu’il avait fait. Pendant un instant, Solal se retrouvait à nouveau dans cette forêt dense, sa mâchoire contractée à cause du vent glacial, à observer le petit corps frêle sur le sol, les cheveux d’un blond aveuglant, les bras couverts d’ecchymoses, les sourires arrogants de son frère et de ses amis, il revoyait tout, et ça lui donna mal au coeur. Solal n’était pas resté indifférent devant un tel spectacle, et il ne le serait pas aujourd’hui non plus – comment pouvait-il rester indifférent face à autant de tristesse, après tout ? Évidemment, les circonstances étaient différentes, extrêmement différentes, il  ne connaissait rien de cette femme – elle pouvait bien pleurer parce que son hamster était mort, il n’en savait rien – mais son instinct lui disait qu’elle avait besoin d’aide, qu’elle avait besoin de réconfort, qu’elle avait besoin que quelqu’un lui dise ‘tout va bien?’

Solal fixa la femme, la femme le fixait. Le temps semblait suspendu au-dessus de leurs têtes, comme si on avait appuyé sur pause. Elle avait les yeux rouges, les lèvres tremblantes, et même si la tristesse était toujours présente sur son visage, il y avait également une certaine surprise – provoquée par l’arrivée impromptue de Solal, peut-être, ou par sa simple petite question. Solal se sentit soudainement mal à l’aise, et malgré tout son désir d’aider l’inconnue, se demanda s’il ne serait pas mieux qu’il parte, et qu’il la laisse tranquille. Mais alors, au moment où il crut bon de faire demi-tour, son balai à la main, une voix s’éleva dans le silence, une voix brisée, une voix qui semblait suivre le désespoir se lisant sur le visage de la rousse. “Non… nondit-elle. Solal la fixa, incertain de comment réagir. Il ne s’était pas attendu à une telle réponse, mais ça alors pas du tout. Un “oui, ça va merci”, peut-être. Un “allez-vous”, sans doute. Mais un “non”? Ça, c’était inattendu. “Je suis chirurgienne…” continua-t’elle, ses grands yeux plongés dans ceux de Solal, qui ne vacilla pas malgré son air ébahi et légèrement mal à l’aise. “Chirurgienne en néonatologie… je vois des femmes enceintes et des bébés tous les jours. Et je…” Solal n’avait aucune idée de ce qu’était la néonatologie, mais ça devait avoir un lien avec la grossesse, ou un truc du genre. Mais pourquoi la femme lui disait tout cela ? “Mon bébé… j’ai perdu mon bébé.” Le temps suspendu sembla s’écrouler d’un coup, leur tombant sur la tête comme une tonne de briques. Les lèvres de Solal se comprimèrent en un “oh” silencieux, alors qu’il comprit la situation. “Elle aurait dû naître aujourd’hui…” Elle paraissait complètement dévastée, et même si Solal ne pouvait pas vraiment comprendre son désespoir, il pouvait se l’imaginer. Il ignorait ce que c’était, que de porter un enfant, ou même d’en attendre un – il n’avait jamais été en relation assez longtemps avec quelqu’un pour considérer une telle chose – mais il pouvait compatir avec elle.

Solal contempla alors la chose à faire – il ne pouvait pas partir, plus maintenant. Et il ne voulait pas vraiment quitter le bureau, pas après une telle révélation – mais il n’avait aucune idée quoi faire. Réconforter les gens, ce n’était vraiment, mais alors vraiment pas sa tasse de thé. Il fixa l’inconnue quelques secondes, se mordillant la lèvre, débattant de la chose à faire. Il commença donc par lâcher son balai, le déposant contre la porte, et il lâcha la poignée de cette même porte qu’il tenait toujours. Il plongea ensuite ses mains dans ses proches, et se racla la gorge. Il aurait bien aimé que Zelda soit là, pour qu’elle puisse le conseiller sur la prochaine étape – même s’il se doutait que la jeune femme n’aurait fait que prendre l’inconnue dans ses bras pour la serrer très fort – Solal ne s’imaginait pas vraiment faire une telle chose. “J’suis désolé” dit-il simplement. Après tout, il l’était. Il ne la connaissait pas, et il ne connaissait pas sa vie ou les circonstances de sa perte, mais quand même, il avait un coeur. “Ça doit pas être facile” ajouta-t’il lamentablement. Il observa encore la rousse, avant de décider de s’approcher légèrement – il s’empara de la boîte de mouchoirs qui traînait inutilisée sur le coin du bureau et tendit un mouchoir à la rousse. "Tenez." Après lui avoir tendu le mouchoir, il prit place dans une des chaises faisant face à la chirurgienne - il ne voyait pas vraiment autre chose à faire. Elle avait l'air d'avoir besoin de parler à quelqu'un - et Solal était prêt à l'écouter. Il était doué là-dedans, écouter – à défaut d’avoir les bons mots à dire. Car les mots, Solal n’était pas très doué là-dedans.
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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeMar 2 Fév 2016 - 2:36

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YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. HOW LIGHT CARRIES ON ENDLESSLY, EVEN AFTER DEATH. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST. I COULDN’T HELP BUT ASK FOR YOU TO SAY IT ALL AGAIN. I TRIED TO WRITE IT DOWN, BUT I COULD NEVER FIND A PEN. I’D GIVE ANYTHING TO HEAR YOU SAY IT ONE MORE TIME, THAT THE UNIVERSE WAS MADE JUST TO BE SEEN BY MY EYES (ambiance).

Scarlett avait l'impression d'avoir perdu son cœur et son optimisme débordant en même temps qu'elle avait perdu son bébé. Quelque chose s'était brisé en elle, et elle n'était pas certaine de parvenir un jour à recoller les morceaux. Des mois s'étaient écoulés depuis le décès prématuré de Violet, mais rien n'avait changé pour sa mère. La plaie était encore douloureuse et à vif, et certains jours Scarlett avait l'impression qu'en dépit de tous les efforts qu'elle faisait pour tenter d'endiguer l'hémorragie, elle continuait à se vider de son sang. Elle avait mal, parfois trop pour ne pas s'effondrer. Oh, techniquement, cela faisait toujours du bien de se laisser aller un bon coup, cela permettait d'évacuer un peu de tension, de décompresser... Mais que devait-on faire, lorsque l'on ne parvenait plus à s'arrêter ? Lorsque les larmes continuaient à couler, encore et encore et encore, comme si l'on avait ouvert les vannes d'un barrage ? Scarlett avait du mal à respirer, du mal à penser, tout n'était que tristesse et douleur, à tel point que cela l'aveuglait. Elle ne voyait pas d'issue à sa peine, la lumière au bout du tunnel lui échappait. Et elle était désespérément seule, parce qu'elle n'avait pas osé ennuyer quiconque en ce jour si particulier, ce jour qui aurait dû être une source de joie mais était hélas devenu une date fatidique, une date qui année après année continuerait à lui faire l'effet d'un coup de poignard en plein cœur. Elle était bien placée pour savoir qu'il y avait une vie après une fausse couche, elle ne cessait de rassurer ses patientes à ce sujet, mais c'était avec amertume qu'elle réalisait que les choses n'étaient pas aussi simples et évidentes lorsque l'on se retrouvait dans la position de mère endeuillée. Elle ignorait combien de temps il lui faudrait pour qu'elle parvienne à faire son deuil, pour sortir la tête hors de l'eau. Ça lui semblait presque impossible dans l'immédiat, comme si quelque chose la tirait vers le fond, et ce quelque chose menaçait de la noyer. Elle avait besoin d'air ; elle avait besoin d'aide.

Elle aurait voulu que Caleb soit là pour la rassurer, lui dire qu'ils allaient s'en sortir. Elle aurait aimé qu'Evie la prenne dans ses bras sans rien dire, juste parce qu'elle savait qu'une étreinte valait parfois tous les discours du monde. Elle aurait adoré que sa chienne vienne poser sa tête sur ses genoux, comme elle avait pour habitude de le faire lorsqu'elle sentait que sa maîtresse allait mal. Scarlett n'était pas seule, elle était aimée, entourée... Alors pourquoi Diable se sentait-elle si seule ? Pourquoi s'était-elle enfermée dans son bureau au lieu de réclamer l'aide dont elle avait clairement besoin ? Elle n'en savait franchement rien, elle avait juste été incapable de bouger une fois qu'elle s'était assise à son bureau. Dieu seul savait combien de temps elle aurait pu rester là, à sangloter dans la pénombre, si cet homme n'était pas entré sans qu'elle s'y soit attendue, interrompant malgré lui sa crise de nerfs. Sans doute s'agissait-il là d'une intervention bénie, encore que le pauvre ne s'était sans doute pas attendu à trouver une chirurgienne effondrée en entrant dans la pièce. Scarlett, ça l'avait étonnée qu'il lui demande comment elle allait alors qu'il aurait simplement pu faire demi-tour, comme elle s'était surprise à lui avouer les raisons de sa peine plutôt que de lui mentir effrontément en répondait qu'elle « allait bien ». A quoi bon le prétendre ? Ce serait comme s'enfoncer un peu plus, nier les faits ne leur donnait que davantage de poids. Ce n'était pas comme si  se bercer d'illusions changerait quoi que ce soit à la réalité. Sa mutation ne lui permettait pas de revenir dans le temps pour changer les faits, et c'était bien dommage. Elle s'étonnait d'ailleurs de ne rien avoir fait exploser par mégarde, c'était à croire que ce pan de sa personnalité avait choisi de se taire pour l'occasion, pour ne pas risquer d'empirer une situation qui avait déjà des allures de pire.

Tout le monde était désolé. C'était la phrase qui revenait toujours, quelques mots prononcés instinctivement, un peu comme si le sentiment culpabilité était général. Et ces quelques mots, pourtant bien pensés, avaient de quoi vous rendre dingue. Je suis désolé. Ça non plus, ça ne changeait rien, et après avoir entendu cette petite phrase de rien du tout un millier de fois, elle devenait difficile à supporter. Cependant, Scarlett ne releva pas, comme toujours consciente de la bonne volonté de l'homme qu'elle avait en face d'elle – un inconnu qui plus était. Il ne la connaissait pas, il ne lui devait rien, et pourtant il n'avait pas encore fichu le camp. Il était toujours là, même si cela semblait évident qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il pouvait faire pour elle. C'était déjà mieux que la majorité des gens, qui préféraient généralement éviter ce genre de confrontation, que ce soit par gêne ou indifférence. Ce n'était pas facile, ni pour elle, ni pour lui. Il s'approcha ensuite pour lui tendre et mouchoir, et Scarlett l'observa d'un drôle d'air avant de s'en saisir pour essuyer les larmes qui trempaient son visage. « Merci... Merci beaucoup. » Parfois, il suffit d'un petit geste de rien du tout, un petit geste qui pouvait faire toute la différence. « Je suis désolée... » Ironie. « Je suis désolée, vous avez certainement mieux à faire que vous occuper de moi et mes états d'âme... » Après tout, il ne la connaissait pas. Elle n'était pas son problème, elle n'était rien qu'une étrangère qu'il avait trouvée en train de sangloter sur son lieu de travail. Il ne lui devait rien du tout, et Scarlett n'aurait rien eu à lui reprocher s'il décidait qu'il en avait assez fait pour la soirée et décidait de s'en aller. Il ne lui devait rien du tout, et quand bien même être seule était la dernière chose dont la jeune femme avait besoin, elle n'avait pas le droit de lui demander de rester. Ça aurait été déplacé, un peu égoïste... Mais il s'était assis sur la chaise en face d'elle. Il s'était assis sur la chaise en face d'elle. Elle ne savait pas pourquoi, mais ça la touchait. Peut-être que tout ce dont elle avait besoin, c'était d'un peu d'humanité et de compassion. Pas de regards navrés plein de pitié.

Scarlett inspira à fond et tendit le bras pour attraper la boite de mouchoirs sur le coin du bureau, et tant pis pour le manque de grâce, elle termina d'essuyer sa figure et se moucha bruyamment – l'élégance féminine, c'était le cadet de ses soucis. « Vous... vous travaillez ici depuis longtemps ? Je ne vous avais jamais vu, avant... » Elle renifla doucement, tentant d'étouffer les sanglots qui la secouaient encore. Détourner la conversation vers cet homme, c'était une façon de s'occuper l'esprit, de se calmer, de reprendre lentement le contrôle de ses émotions et de son corps. Rien ne lui disait que l'inconnu se prêterait à l'exercice, elle ne pouvait que l'espérer, prier silencieusement pour être tombée sur un être humain décent, quelqu'un qui ne la laisserait pas là où elle était, seule avec ses démons. Dans cette ville, c'était beaucoup demander, parce que dans cette ville, les drames étaient monnaie courante et chacun préférait se consacrer à ses propres peines plutôt qu'à celles des autres.
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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeMar 23 Fév 2016 - 0:03

when i'm counting up my demons, saw there was one for every day, with the good ones on my shoulder, i drove the other ones away.
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Elle avait perdu son bébé. On disait souvent que perdre un enfant était la pire épreuve qu’on puisse faire subir à un parent – était-ce le cas même avant que l’enfant ne soit né ? Solal le croyait, alors qu’il observait doucement la rousse assise en face de lui. Le désespoir sur son visage disait tout. Solal se sentait horriblement impuissant. Il n’était déjà pas très doué en matière d’interaction humaine. Mais la douleur qu’il voyait chez la rousse, qu’il ressentait – car il la ressentait, la pièce elle-même en vibrait, tout dans ce petit bureau ne semblait être que douleur. Il ne pouvait pas prétendre savoir comment elle se sentait, mais il en avait une petite idée. Ça se voyait dans ses yeux, dans son visage pâle, dans ses doigts tremblants, dans ses cheveux en bataille. Solal avait eu son lot de malheur dans sa vie – la mort de ses parents, la disparition de son frère, toute cette histoire avec Zelda – et pourtant, il n’avait jamais vu un tel désespoir chez quelqu’un. Ça le bouleversait, tout simplement. Il avait vu Zelda pleurer et trembler, se réveiller d’horribles cauchemars – il avait vu la confusion et la peur dans les yeux de la jeune femme. Et pourtant, ça n’égalait pas cette vive douleur qui émanait de la femme en face de lui. Comment aurait-il pu repartir devant cela ? Comment aurait-il pu tout simplement rebrousser chemin, et reprendre sa vie, en laissant la femme seule ? Il ne pouvait pas. Elle pourrait très bien faire quelque chose de stupide. Et personne ne devrait être seul en un tel moment. Il était peut-être un inconnu, et il ne connaissait peut-être rien d’elle, mais au moins elle ne serait pas seule. Il restait tant qu’elle le voudrait bien. Il était bien décidé, à présent. Assis sur la petite chaise, Solal se promit de faire en sorte qu’au moins la rousse ne se sente pas seule. Il ne pouvait pas prétendre être capable d’atténuer sa douleur ou de consoler son chagrin – certainement pas, il n’en avait certainement pas les moyens. Mais au moins, s’il pouvait lui donner un peu de réconfort en restant avec elle. Un peu de compagnie. Ils ne se connaissaient pas. Elle ne lui devait rien, et vice versa. Et pourtant Solal était incapable de s’en aller. Il ne voulait pas s’en aller. Il ne savait pas ce que c’était exactement, mais quelque chose l’attirait incontestablement vers la femme en face de lui, lui disait que c’était justement sa place d’être là avec elle, comme si sa journée entière, comme si sa vie entière l’avait mené là. Non, ils ne se connaissaient pas, et pourtant Solal avait l’impression de la saisir. Après tout, le chagrin est universel. La douleur était universelle. Qui ne savait pas ce que c’était que d’avoir mal ? Que ce soit physiquement ou psychologiquement, tout le monde avait déjà ressenti de la douleur. Et le meilleur moyen de faire face à cette douleur était simplement de la constater. Appuyer une compresse d’eau froide sur la plaie, que ce soit par confronter sa source ou par s’appuyant sur le bras d’un ami. Et même si Solal n’était pas son ami, il voulait lui apporter son aide. Être ce bras, même si ce n’était que l’espace de quelques minutes passées dans un bureau tard le soir dans un hôpital silencieux.

La rousse avait pris les mouchoirs, et avait commencé à essuyer les larmes qui trempaient son visage. Elle ne pleurait plus, c’était déjà ça. “Merci… Merci beaucoup.” Solal ne répondit rien, l’observant simplement silencieusement de son siège. Tenant toujours la boîte de mouchoirs entre ses mains, il la déposa doucement sur le bureau de son interlocutrice, afin qu’elle puisse y accéder au besoin. Son visage était toujours rougi par les larmes, et ses yeux brillaient, mais elle semblait plus calme. “Je suis désolée…” débuta-t’elle doucement. “Je suis désolée, vous avez certainement mieux à faire que vous occuper de moi et mes états d’âme…” Solal répondit d’abord d’un simple haussement d’épaules. S’il était là, c’était parce qu’il voulait rester. Il n’était pas du genre à faire des choses simplement pour faire plaisir aux autres – loin de là. Il avait vécu toute sa vie à faire exactement le contraire. Mais ça, elle ne pouvait pas le savoir. Inconnus. Voilà ce qu’ils étaient. Des étrangers totals, et pourtant, quelque chose semblait les unir. Comme s’ils étaient les deux seuls humains éveillés sur la planète à cet instant-là. “Vous excusez pas. J’ai rien de mieux à faire” répondit-il maladroitement. Il se racla la gorge, réalisant qu’il avait parlé un peu mal. Il avait vraiment besoin de pratiquer ses aptitudes sociales. “J’veux dire… j’crois bien que les planchers s’en sortiront si je les nettoie pas ce soir. Personne va remarquer.” Solal jeta un coup d’oeil autour du petit bureau – rien d’exceptionnel. Des tonnes de fichier, une plante, quelques photos, un diplôme. Un silence s’installa, tandis que la rousse se mouchait discrètement. Solal la laissa faire, restant silencieux. Il préférait attendre qu’elle ne dise quelque chose. C’était elle qui semblait avoir besoin de parler, après tout. Quelques secondes passèrent, puis elle prit la parole d’une voix légèrement tremblante. Solal lui jeta un coup d’oeil – ses yeux avaient perdus un peu de leur rougeur, laissant place à un bleu percutant. “Vous… vous travaillez ici depuis longtemps ? Je ne vous avais jamais vu, avant…” Solal comprit vite qu’elle avait envie de parler d’autre chose. Peut-être était-ce sa manière de gérer les choses. Se concentrer sur quelqu’un d’autre, et oublier un peu la douleur. Si c’était ce qui était nécessaire pour la réconforter, Solal pouvait bien se prêter au jeu. Lui qui abbhorait parler de lui-même, était prêt à faire une exception pour cette inconnue. “Pas très longtemps, non” répondit-il d’une voix calme. “J’suis seulement arrivé en ville y’a quelques semaines. J’suis pas mal sur la route généralement, mais on…” Il s’interrompit. Il ne voulait pas mentionner Zelda. Malgré tout, Solal restait prudent. Il était comme ça, tout simplement. “J’avais envie d'me poser pour quelques temps” rectifia-t’il.

Il gardait ses yeux posés sur la rousse, sans insistance. Il ne voulait pas qu’elle se sente épier – simplement qu’elle sente qu’il était présent avec elle. Pas une surveillance, une présence. Et puis il était difficile de détacher son regard de son visage – elle était magnifique. Intriguante. Sa tristesse le poussait comme à la couver, comme une petite fille. Il gardait un oeil sur elle, comme si elle allait s’évaporer ou s’enfuir. Il se racla la gorge. “C’est pas un emploi très gratifiant, cirer les planchers et nettoyer les toilettes, mais ça paye le motel. Puis ça occupe l’esprit. Et puis de toute façon, c’est pas comme si j’avais un diplôme… Pas comme vous.” Il pointa le diplôme accroché sur le mur. “C't'impressionnant. Faut du courage pour faire ça.” C’était vrai – même si Solal avait eu l’opportunité de faire de grandes études, il doutait qu’il aurait obtenu un diplôme comme celui de la rousse. Jamais il n’aurait eu la détermination ou l’éthique pour compléter des études comme ça. Il aperçut à ce moment le nom inscrit sur le bout de papier. Scarlett Faust. Peut-être était-ce une bonne idée qu’il lui dise son nom. C’était la moindre des choses. “En passant, moi c’est Solal” déclara-t’il, ponctuant ses mots d’un petit sourire, le premier qu’il lui adressait. Il ne souriait pas souvent – et ce sourire n’avait rien de flamboyant, il était passager et discret, une petite courbe de ses lèvres. Et pourtant venant de lui, ça voulait tout dire.
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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeDim 13 Mar 2016 - 21:59

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YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. HOW LIGHT CARRIES ON ENDLESSLY, EVEN AFTER DEATH. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST. I COULDN’T HELP BUT ASK FOR YOU TO SAY IT ALL AGAIN. I TRIED TO WRITE IT DOWN, BUT I COULD NEVER FIND A PEN. I’D GIVE ANYTHING TO HEAR YOU SAY IT ONE MORE TIME, THAT THE UNIVERSE WAS MADE JUST TO BE SEEN BY MY EYES (ambiance).

Inspirer à fond. Expirer à fond. Recommencer. Respirer, ce devait normalement être un exercice simple, un réflexe du corps humain. Mais là, ça demandait à Scarlett un effort presque surhumain. Ses sanglots s'étaient apaisés, mais son cœur battait encore à un rythme exagéré, le sel de ses larmes brûlaient ses yeux et ses joues, et elle avait les poumons en feu. La dernière fois où elle avait tant pleuré, c'était lorsque ses parents adoptifs étaient morts dans les attentats du 11 Septembre. Le reste du temps, et malgré les épreuves, Scarlett faisait de son mieux pour rester forte, pour garder la tête haute. Elle s'autorisait rarement les grandes effusions de sentiments, parce que dans son métier elle avait appris à intérioriser ce qu'elle ressentait. Parce que aussi sensible qu'elle soit, elle ne pouvait pas pleurer à chaque fois qu'elle avait une mauvaise nouvelle à annoncer à des parents ou qu'elle perdait un patient. Elle était loin d'être sans cœur, mais ce n'était tout simplement pas possible. Mais Scarlett avait été confrontée au pire, au cauchemar de tous les parents qu'elle rencontrait. Elle avait perdu son bébé, sa fille, et elle savait pertinemment qu'elle ne s'en remettrait jamais tout à fait. Parce qu'on ne se remettait pas de ce genre de chose, tout simplement. Elle aurait une petite pensée pour Violet à chaque fois qu'elle verrait une femme enceinte ou un nouveau-né – tous les jours. Elle songerait avec amertume à ce que sa vie aurait pu être à chaque fois qu'elle changerait de trottoir pour éviter de rencontrer Caleb. La liste de choses qu'elle ne pourrait plus regarder sans penser à son enfant était longue, et rien que d'y songer Scarlett en avait la nausée. Alors elle préférait détourner le sujet de la conversation, cesser de parler de la peine qui la rongeait comme de l'acide pour se concentrer sur l'inconnu. Détourner ses pensées de ce qui lui donnait envie de s'arracher les cheveux et de s'écorcher vive, même une seule petite minute. Ce serait toujours soixante précieuses secondes de gagnées. Soixante secondes.

Scarlett serrait son mouchoir entre ses doigts tremblotants, et buvait les paroles de l'inconnu comme si sa vie en dépendait. Ce ne serait peut-être pas une conversation très intéressante, rien que quelques mots échangés pour faire connaissance, mais c'était toujours mieux que ses terribles états d'âme. Il n'était donc pas en ville depuis longtemps, il s'y était installé parce qu'il avait eu envie de se poser un moment. Cela arracha un petit sourire à Scarlett, avant qu'elle ne renifle un peu bruyamment. « C'est quand même un drôle d'endroit où s'installer, Radcliff... » Scarlett soupira doucement avant d'essuyer une fois de plus le coin de ses yeux humides, avant de croiser les bras sous sa poitrine comme pour se recroqueviller sur elle-même. « Quand je suis arrivée ici, il y a un peu moins de dix ans, les choses n'étaient pas aussi... compliquées. » Elle haussa les épaules avec une désinvolture feinte ; parce qu'à côté de la perte de son bébé, les conflits qui secouaient Radcliff semblaient n'avoir aucune importance. Néanmoins, ça l'étonnait que quelqu'un choisisse cette petite ville du Kentucky pour s'établir. Il y avait mieux, Scarlett n'en doutait pas. Elle serait certainement déjà partie si elle n'avait pas construit toute sa vie à Radcliff. Et elle n'était pas assez courageuse pour tout plaquer d'un coup et déménager à l'autre bout du pays, pourtant c'était peut-être de cela qu'elle aurait eu besoin. D'un grand changement, d'une bouffée d'air frais... Mais elle était pieds et poings liés à Radcliff. Scarlett se forçait à afficher un petit sourire, aux accents tristes certes, mais un sourire tout de même. C'était déjà un grand pas pour la jeune femme, qui quelques minutes plus tôt était certaine qu'elle ne pourrait plus jamais sourire, encore moins être heureuse.

La jeune femme fronça légèrement les sourcils lorsque l'homme lui parla de son travail à l'hôpital. Par réflexe, elle se retourna pour regarder son diplôme de chirurgienne accroché au mur, avant de secouer doucement la tête. « Vous savez, les diplômes, ça ne fait pas tout... Je ne pense pas qu'il y ait de réelle différence entre vous et moi. » Scarlett ne pensait pas une seule seconde être plus courage ou plus importante que lui parce qu'elle avait fait des études de médecine et était devenue chirurgienne. C'était une idée un peu surfaite et dépassée, parce que tout le monde avait un parcours unique, parce que tout le monde n'avait pas accès aux mêmes possibilités, surtout pas aux États-Unis. Les aléas de la vie poussaient différentes personnes sur différents chemins, c'était tout. « Je connais plus d'une personne avec davantage de diplômes qui auraient passé leur chemin le plus vite possible en me voyant pleurer... » Ça, Scarlett le savait bien. Combien de ses collègues avaient feint ne pas voir la douleur qui la dévorait lentement pour éviter une conversation gênante ? Combien d'autres avaient fait demi-tour discrètement en la voyant à deux doigts d'éclater en sanglots ? La pauvre s'était rendue compte qu'elle était entourée de lâches et d'égoïstes, que sa peine ennuyait plus qu'elle ne les touchait. Il y avait de rares exceptions – comme Emma, sa jeune secrétaire, qui avait au moins la décence de lui demander comment elle allait tous les jours. Oh, Scarlett avait des amis en dehors de l'hôpital, et heureusement pour elle, car elle se sentait bien seule sur son lieu de travail. Voilà pourquoi elle était bien étonnée qu'on ait daigné prendre le temps de s'asseoir avec elle un instant. Si cela avait paru naturel à son interlocuteur, pour elle cela signifiait beaucoup. Elle n'était pas seule, et tout n'était pas encore perdu. Il y avait encore des gens bien à Radcliff, et rien que cela lui redonnait un peu d'espoir.

« Scarlett... Moi c'est Scarlett. » Comme c'était écrit sur son diplôme, réalisa-t-elle après coup. Ça n'avait pas grande importance, au moins les présentations étaient faites. Solal, ce n'était pas un prénom très courant, elle n'aurait aucun mal à s'en souvenir à l'avenir. Non pas qu'elle ait l'intention d'oublier le prénom de l'homme qui avait été là pour elle au moment où elle avait eu le plus besoin d'une présence à ses côtés. « Sans vouloir être indiscrète... vous étiez où, avant de vous décider à rester à Radcliff ? Je ne suis pas la mieux placée pour en parler puisque j'y vis encore malgré tout, mais je... Je trouve ça un peu étrange. » Qui aurait cru que faire la conversation à un parfait étranger puisse avoir des vertus thérapeutiques ? Elle espérait simplement ne pas être gênante, et encore moins indélicate en lui posant des questions d'ordre personnel. Elle essayait simplement de se calmer, de mettre un terme à sa crise de nerfs. « J'ai... Je suis originaire de Londres. Mais j'ai déménagé à New-York quand j'avais cinq ans. D'où l'accent qui dénote un peu avec celui du Kentucky, je suppose. » Un petit rire la secoua, et elle fut la première étonnée de l'avoir laissé échapper. Sans doute était-ce bon signe, le signe que sa stratégie fonctionnait. Et parler un peu d'elle, sans trop en dévoiler ni même faire l'intéressante, c'était peut-être un peu pour prouver qu'elle était davantage qu'une jeune mère qui sanglotait seule dans son bureau après que tout le personnel, ou presque, ait quitté l'hôpital.
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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeLun 25 Avr 2016 - 22:30

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Solal ne songeait pas souvent à quel genre de personne il serait devenu s’il avait eu une vie normale. Si ses parents n’étaient pas mort quand il était jeune, s’il n’avait pas passé le plus clair de ses jeunes années dans un orphelinat miteux, s’il n’avait pas ensuite fui l’établissement avec son frère. Si ses parents étaient toujours en vie, et qu’il était resté un petit gamin ordinaire, allant à l’école tous les jours, faisant ses devoirs le soir, jouant peut-être à un sport quelconque le weekend. Non, ça ne lui arrivait jamais de penser à ce genre de choses, parce que ça ne servait à rien – cette vie là ne serait la sienne, c’était inutile d’y songer. Mais surtout parce qu’il ne croyait pas qu’il aurait jamais pu être normal – les ennuis, ils les avait dans la peau. Ça ne l’aurait pas surpris que d’une manière ou d’une autre, son frère l’aurait entraîné dans des affaires pas nettes, et que le destin aurait tout de même fait en sorte qu’il aboutisse ici, à Radcliff, dans le fin fond du Kentucky, à nettoyer les planchers d’un hôpital. Jamais il ne serait devenu quelqu’un d’important. Un avocat, un médecin. Jamais. Ce n’était tout simplement pas Solal – ou bien est-ce que Solal était Solal parce qu’il lui était arrivé ce qu’il lui était arrivé? Sommes nous forgés par notre environnement, par les choses qui nous arrivent? Ou bien est-ce quelque chose d’ancré dans notre peau, dans notre ADN, qui fait en sorte que nous devenons une personne en particulier? Ces questions trop complexes et trop existensielles, ce n’était pas trop le genre de Solal de se les poser, mais ça lui arrivait. Parce que ça lui venait parfois à l’esprit qu’il avait envie d’être plus, plus que le fantôme qu’il était. C’était surtout de la faute à Zelda. C’était elle qui lui remplissait la tête avec des idées et des rêves. Parce qu’elle était comme ça, la jeune femme, elle éclaboussait de vie, d’espérances. On ne l’avait pas brisée encore – du moins, pas à son souvenir. Elle était jeune et elle était tellement pure. Et Solal voulait tellement préserver cela, pour son bien à elle bien sûr, mais aussi un peu pour lui. Parce que ça lui faisait du bien de fréquenter quelqu’un dont la vie ne l’avait pas déjà trahie. Ça faisait du bien d’oublier un peu la douleur du monde – autant que ça faisait parfois du bien de l’affronter en plein visage, et de l’accepter. Solal regardait Scarlett – c’était comme ça qu’elle s’appelait – et il se demandait où elle trouvait la force de se lever tous les jours et de venir au travail. Tellement de gens auraient abandonné face à l’épreuve qu’elle avait vécu – elle était forte, plus forte qu’elle ne le pensait, probablement. Solal se demandait si quelqu’un avait pris la peine de lui dire qu’elle avait le droit de pleurer. Qu’elle n’avait pas besoin de se cacher, ou de rester seule dans un bureau tard le soir pour verser ses larmes. Il n’y avait pas de honte à pleurer, pas de honte à avoir mal. Parce que la vie blesse tout le monde – c’est juste comme ça que ça fonctionne. Pourquoi prétendre y être immunisé? Ça ne fait que blesser encore plus, en enfonçant la plaie sous un bandage, en prétendant que la douleur n’existe pas. La douleur est chez tout le monde – ou presque.

Il ne savait pas trop pourquoi il lui racontait tout ça. Ça ne lui faisait pas du bien de parler à lui, il ne parlait jamais et ça lui allait. Mais ça faisait juste du sens de parler à Scarlett – parce qu’elle écoutait, peut-être. Parce qu’elle avait besoin de ne pas être seule. De comprendre qu’elle ne l’était pas. « Vous savez, les diplômes, ça ne fait pas tout… Je ne pense pas qu’il y ait de réelle différence entre vous et moi. » Solal fronça légèrement des sourcils en écoutant ses paroles. Le pensait-elle vraiment? Si oui, elle était l’une des rares à croire cela. Tellement de gens croyaient qu’être signifiait égalait un diplôme, ou un compte en banque garni. Telle était la société contemporaine, ou une place dans la société rimait avec des billets verts ou un titre. « Je connais plus d’une personne avec davantage de diplômes qui auraient passé leur chemin le plus vite possible en me voyant pleurer… » Solal continuait d’observer Scarlett, avec ses cheveux roux qui tombaient autour de son visage, délicatement, lui effleurant les joues et le cou. Elle avait encore les yeux rouges, mais elle semblait bien plus calme à présent, ce qui le rassurait. Elle avait une expression sur le visage, comme si ses dernières paroles lui rappelait un moment, une image, un souvenir. Est-ce que ça lui était déjà arrivé, que quelqu’un la voit pleurer et ne fasse que la fuir? Dans un monde où les émotions sont souvent considérés comme une faiblesse, Solal n’avait pas de difficulté à imaginer que c’était le cas. Elle se présenta ensuite à nouveau, répétant son nom d’une voix douce, et Solal fit un rappel de son petit sourire. C’était un joli nom, Scarlett – ça rappelait la couleur de ses cheveux. Solal se demanda si c’était intentionnel. « Sans vouloir être indiscrète… vous étiez où, avant de vous décider à rester à Radcliff? Je ne suis pas la mieux placée pour en parler puisque j’y vis encore malgré tout, mais je… Je trouve ça un peu étrange. »

Un autre sourire se dessina sur les lèvres de Solal. Après tout, la médecin avait raison – s’installer à Radcliff, voilà une drôle de décision. « J’ai… Je suis originaire de Londres. Mais j’ai déménagé à New York quand j’avais cinq ans. D’où l’accent qui dénote un peu avec celui du Kentucky, je suppose. » Un petit rire s’échappa des lèvres de la rousse, et le son parvint aux oreilles de Solal qui ne pouvait clairement pas s’arrêter de sourire doucement. C’était agréable de la voir rire après l’avoir vu emplie de tellement de souffrance. Comme un baume au coeur. « C’est sûr que c’est pas l’accent typique du coin » acquiesça Solal d’un air amusé. Mais c’était bien d’entendre d’autres accents, de connaître d’autres origines – lui était un type du Kentucky, alors il n’avait rien d’exotique malgré tout ce temps passé sur la route. Il repensa à la question qu’elle lui avait posé – pourquoi avoir choisi Radcliff ? Après tout, lui et Zelda auraient pu choisir n’importe quelle ville aux États-Unis, ou même se rendre au-delà des frontières. Le monde avait été à leur portée… mais ils avaient choisi cette ville. Par instinct. Juste comme ça.

Il haussa donc les épaules, ignorant un peu comment expliquer tout cela à Scarlett. « Je suis originaire de Bowling Green, c’est une petite ville à environ une heure de route d’ici. J’l’ai quitté quand j’avais environ seize ans… Je vivais dans un orphelinat avec mon frère, et quand il a eu dix-huit ans, on a décidé de partir sur la route. » Il n’avait jamais parlé de tout ça à personne – sauf à Zelda. C’était étrange, mais il sentait qu’il pouvait faire confiance à la rousse. « J’me suis jamais posé nulle part après ça, du moins pas pour longtemps. Puis, récemment, alors que j’repassais dans le coin… J’ai eu envie de m’arrêter. Revenir à la maison, en quelque sorte. » Un retour aux origines. Pour comprendre, peut-être. Pour se retrouver. Pour trouver une meilleure vie à Zelda que celle qu’il lui avait offert jusque là. Un chez soi. « J’me rends compte que c’était peut-être pas le meilleur choix de m’arrêter à Radcliff, mais bon. » Après tout, il ne s’était passé que quelques semaines avant que la quarantaine ne tombe devant leurs yeux. Après ça, ils n’avaient pas eu le choix. « Et vous, si c’est pas indiscret ? Pourquoi vous avez décidé de quitter New York, et de venir dans le trou du monde ? »


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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeDim 8 Mai 2016 - 20:49

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YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. HOW LIGHT CARRIES ON ENDLESSLY, EVEN AFTER DEATH. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST. I COULDN’T HELP BUT ASK FOR YOU TO SAY IT ALL AGAIN. I TRIED TO WRITE IT DOWN, BUT I COULD NEVER FIND A PEN. I’D GIVE ANYTHING TO HEAR YOU SAY IT ONE MORE TIME, THAT THE UNIVERSE WAS MADE JUST TO BE SEEN BY MY EYES (ambiance).

Il était rassurant de constater que quelques personnes étaient encore capables de bonté gratuite. Tout n'était pas noir et froid. La Terre n'avait pas cessé de tourner. La vie continuait. Scarlett était peut-être encore incapable d'envisager un bel avenir alors qu'elle pleurait la mort de sa fille, mais cela viendrait. Il le fallait, pour continuer à vivre. Elle ne pouvait pas continuer à se terrer chez elle et à s'enterrer sous une montagne de travail. Tout ce qu'elle faisait pour oublier la mort de Violet ne faisait que lui enfoncer la tête sous l'eau. Son deuil, elle était incapable de le faire, peut-être bien parce qu'elle n'en avait pas eu envie. Comme si elle risquait de trahir la mémoire de sa fille en s'autorisant à tourner la page. Scarlett ne voulait pas oublier Violet, elle ne voulait pas accepter la dureté de la réalité, celle qui disait qu'elle ne verrait jamais son enfant grandir et s'épanouir. Son optimisme naturel, il lui faudrait un certain temps pour le retrouver. Une chose était certaine, elle avait besoin d'aide ; qu'elle le veuille ou non. Elle avait eu tort de croire pouvoir s'en sortir seule, il était évident qu'elle n'en était pas capable. Et comment aurait-elle pu l'être ? Ce qu'elle venait de vivre, c'était le cauchemar de tous les parents – il n'existait même pas de mot pour qualifier un parent qui avait perdu son enfant. C'était une chose si horrible, qui allait contre les lois de la Nature.  Scarlett savait bien qu'elle n'était pas une exception, elle avait hélas croisé de nombreux parents endeuillés dans le cadre de son travail, et à chaque fois elle s'était posée la même question : comment surmonte-on la perte de l'être qui vous est le plus cher au monde ? À présent, la réponse était évidente – on n'y parvenait pas. Ou alors, cela prenait des années, et la plaie ne se refermait jamais totalement. Et l'on se trimballait le spectre de l'enfant qui n'avait pas vécu, comme un prisonnier son boulet. Des fantômes, Scarlett en avait déjà beaucoup trop, à croire que la vie était déterminée à lui arracher une à une les personnes auxquelles elle tenait le plus. Si elle avait été superstitieuse, elle aurait pu croire avoir été maudite.

Parler avec quelqu'un, même un inconnu et simplement pour dire des banalités, lui faisait le plus grand bien. Scarlett n'aurait pas dû rester seule à se morfondre, elle aurait au moins prévenir Evelyn, lui dire qu'elle n'allait pas bien et qu'elle avait besoin d'elle. Elle ne l'avait pas fait, pourtant elle savait que la future mère aurait été là pour elle. Peut-être était-ce pour cette raison qu'elle ne l'avait pas appelée ; Evelyn était enceinte et Scarlett ne se sentait pas capable de regarder son ventre rond et plein de vie, pas cette fois. Elle ne jalousait pas la jeune femme, elle savait à quel point elle voulait des enfants et à quel point elle avait eu du mal à tomber enceinte, mais la voir le jour où sa fille aurait dû voir le jour, c'était comme remuer le couteau dans la plaie. Converser avec Solal, c'était plus facile que de le faire avec quelqu'un qu'elle connaissait. Parce qu'il n'avait pas d'idées préconçues sur elle, elle était juste la femme qui pleurait seule dans son bureau. Et lui, il était l'inconnu qui avait agi avec compassion. Leur conversation était peut-être pleine de banalités, mais c'était exactement ce dont Scarlett avait besoin pour se sortir de la spirale infernale dans laquelle elle s'était plongée. Écouter Solal lui raconter comment il avait atterri à Radcliff, d'où il venait, cela lui permettait de reprendre petit à petit le contrôle de ses émotions et de son corps. Si quelques larmes roulaient encore sur ses joues rouges, les sanglots avaient cessé, et les tremblements de son corps étaient de moins en moins violents. Un petit sourire triste étira les lèvres de la jolie rousse quand Solal précisa qu'il était orphelin, et elle soupira doucement. « J'ai moi aussi perdu mes parents assez jeune... » Deux fois. Ses parents, elle les avait perdus en faisant malencontreusement exploser leur voiture. Ses parents adoptifs – son oncle et sa tante – étaient morts dans les attentats du onze septembre. Cette information, elle ne l'avait pas divulguée pour que Solal ait davantage pitié d'elle, mais simplement pour lui dire qu'elle comprenait, qu'elle savait ce que c'était de grandir en supportant cette lourde absence. « Je crois que je ne me suis jamais arrêtée à Bowling Green... J'apprécierais moi aussi un petit retour aux sources... Mais l'Angleterre, c'est un petit peu plus loin. » Elle sourit, essuya ses joues humides avec un mouchoir. Cela faisait des années qu'elle n'était plus retournée chez elle, à Londres. Les choses étaient-elles si laides en Europe ? « Je crois que beaucoup de personnes se demandent pourquoi elles se sont posées à Radcliff. C'est vrai qu'il y a mieux... Bien mieux. Mais si j'en crois ce que racontent les gens qui y vivent depuis toujours, la ville était autrefois charmante. » Quelques années et un terrible Maire avaient suffi pour que les choses empirent de façon presque dramatique.

« Après les attentats de 2001, j'ai préféré quitter la ville. Comme beaucoup de monde, j'ai perdu des proches... » Scarlett soupira longuement en secouant la tête et en levant les yeux au ciel. Sa vie n'était-elle donc qu'un enchaînement de deuils ? Il y aurait bientôt de quoi écrire une tragédie. « J'étais encore en train de faire mes études lorsque j'ai emménagé à Radcliff. Je suis venue ici parce que l'hôpital était en manque de personnel dans le service de néonatalogie. Du coup, j'y ai terminé mes études et j'ai repris la tête du département et de la maternité quand mon chef a pris sa retraite. Je suis toujours là parce que j'aime mon travail et que j'ai beaucoup de personnes qui comptent pour moi ici. » Scarlett n'était pas du genre à tout plaquer pour partir égoïstement. Elle avait le sens des responsabilités, et cela depuis toujours. « Mais je dois avouer que ce n'est pas facile tous les jours de venir travailler, en ce moment. » Elle adorait son travail, mais il n'était pas facile pour elle de voir des femmes enceintes et des nourrissons tous les jours alors qu'elle avait perdu son propre enfant. Plusieurs de ses collègues se demandaient comment elle avait fait pour ne pas s'effondrer devant une patiente. Elle prenait sur elle, peut-être un peu trop, et cela donnait des crises de nerfs comme celle que Solal avait interrompue. « Merci, Solal. Merci beaucoup de vous être arrêté pour moi. » Il ne mesurait sans doute pas l'importance de son geste pour elle. Il l'avait trouvée au bord du gouffre, et au lieu de l'ignorer et de passer son chemin, il avait pris sur lui de l'aider à reculer. Combien de temps aurait duré sa crise s'il n'était pas intervenu ? Quelles bêtises aurait-elle pu commettre sous l'influence du désespoir ? Peut-être qu'il lui avait sauvé la vie, tout simplement.


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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeSam 18 Juin 2016 - 17:26

when i'm counting up my demons, saw there was one for every day, with the good ones on my shoulder, i drove the other ones away.
everything's not lost

C’était décidément étrange pour Solal de se confier de cette manière à une inconnue, et de lui parler avec autant de liberté de son passé. Après tout, il était habituellement si secret à ce sujet, et avec tout le monde, même avec Zelda. Même si elle savait qui il était, il ne lui avait pas tout dit, pour la protéger elle, et pour se protéger lui-même. Car il y avait des choses dans son passé que Solal voulait oublier, ou du moins, qu’il n’avait pas très envie de partager. Des choses qu’il avait fait, des choses que son frère avait fait. Des choses honteuses, criminelles, affreuses. Dès qu’ils avaient quitté l’orphelinat, son frère et lui, Solal savait que ce dernier serait incapable à contrôler – cette nouvelle liberté était trop enivrante pour lui, et un sentiment d’impuissance s’était emparé de lui. Combiné avec son caractère brutal et franc, tout était là pour produire un cocktail explosif. Ce n’était donc pas surprenant qu’il avait passé les années suivantes sur la route à comettre crime sur crime, à semer la peur, à faire des actes qui en ferait frémir plus d’un. Et derrière tout cela, il y avait Solal, son petit frère, impuissant face à l’agitation de son frère, tentant de remettre les choses en ordre et de réparer ce qui avait été cassé derrière lui. C’était ce qu’il avait fait avec Zelda – il s’était assuré de la retrouver, afin qu’elle ne soit pas une autre chose brisée de son passé qu’il n’avait pas essayé de réparer. Il lui mentait peut-être aujourd’hui, et elle ne savait peut-être pas quelle personne elle avait été, mais au moins elle était en sécurité et elle était protégée de l’horrible secret de l’incident. Jamais elle ne le saurait, Solal s’en assurerait – il faudrait lui passer sur le corps bien avant. Parler avec autant de liberté à Scarlett était certes étrange, donc, mais ça lui semblait logique. Elle avait déjà beaucoup partagé avec lui – une confession lourde, d’ailleurs. Solal pouvait bien lui dire quelques petites choses sur lui en retour, de toute manière, il savait qu’elle n’irait pas raconter ça à n’importe qui. Elle semblait véritablement bonne, cette jeune femme rousse devant lui, une bonne âme qui ne pourrait jamais faire de mal aux autres. Évidemment, les apparences étaient trompeuses, mais Solal s’était toujours fié sur son instinct, et son instinct lui disait que Scarlett était le genre de personne à qui on pouvait faire confiance. Elle avoua qu’elle aussi avait perdu ses parents, et la connexion entre les deux sembla se raffermir davantage. Solal lui sourit doucement – pas un sourire de pitié ou de compassion, mais simplement le sourire qu’on offre à une personne quand on apprends qu’ils savent exactement comment on se sent. Perdre ses parents enfant, c’était une épreuve dont Solal avait eu de la difficulé à se remettre. Et ce n’était pas son frère qui l’avait aidé à passer au travers, pas vraiment, lui s’était enfermé dans la violence et le déni. C’était chez les autres, notamment chez une des dames travaillant à l’orphelinat, qui lui avait tout appris sur la mort et le deuil. Puis, alors qu’elle parlait, de son chez soi en Angleterre, et de cette ville où ils étaient tous les deux atteris, Solal eut une petite curiosité, et lui demandant sans insistence pourquoi elle avait décidé de venir dans le Kentucky.

« Après les attentats de 2001, j’ai préféré quitter la ville. Comme beaucoup de monde, j’ai perdu des proches… » Solal acquiesça, ses yeux posés sur la rousse. Il se souvenait de ce jour, quand il avait appris pour les attentats. Il avait été sur la route, dans un restaurant paumé de l’Ohio, et il avait vu cet avion fracasser les deux tours. Il ne pouvait s’imaginer ce que ça avait été d’avoir perdu des proches dans cette catastrophe. La vie de Scarlett n’avait pas été facile – elle semblait avoir vécu deuil après deuil, et pourtant elle était toujours là devant lui, le regard stable, les épaules droite. C’était admirable à voir, et c’était une énième preuve de sa force – beaucoup de gens auraient craqués bien avant, à sa place. Elle expliqua ensuite ce qui l’avait emmenée à Radcliff – du manque de personnel à l’hôpital. « Du coup, j’y ai terminé mes études et j’ai repris la tête du département et de la maternité quand mon chef a pris sa retraite. Je suis toujours là parce que j’aime mon travail et que j’ai beaucoup de personne qui comptent pour moi ici. » Solal acquiesça – oui, ce fameux sens des responsabilités. Ça l’avait tenu prisonnier toute sa vie, lui aussi, avec son frère. Il aurait été facile pour lui de le laisser derrière, après tout, de le fuir et de mener sa propre vie tranquille quelque part. Mais ce sentiment de culpabilité qu’il aurait eu en sachant ce que son frère faisait et en restant debout sans rien faire – ça aurait été trop pour lui. Même étant le cadet, il était responsible de son frère. Et il l’était toujours, même des années après sa disparition. « Mais je dois avouer que ce n’est pas facile tous les jours de venir travailler, en ce moment. » Solal lui adressa un regard calme. « Vous avez l’droit d’vous sentir comme ça, vous savez. Il faut pas que vous vous sentiez coupable d’être triste. Elles ont le droit à leur bonheur tout comme vous avez le droit à votre tristesse. » C’était vrai. Solal croyait fermement que toutes les émotions étaient valides – et que les nier ne faisait que se faire du mal à soi-même.

« Merci, Solal. Merci beaucoup de vous être arrêté pour moi. » Il secoua la tête, balayant l’air d’un petit geste. « Vous n’avez pas à m’remercier, c’est rien du tout. » C’était vrai – ça n’avait pas pris grand chose, une petite conversation comme ça, et elle paraissait se sentir bien mieux, et étrangement lui aussi. Il ne savait pas si c’était parce que c’était au beau milieu de la nuit, ou quoi que ce soit, mais il semblait s’être passé quelque chose dans cette petite pièce, comme si une véritable connexion s’y était installée. Il sourit à nouveau à Scarlett. « Personne ne devrait être seul dans ces moments-là. » Puis, Solal prit une décision, quelque chose qui ne lui ressemblait pas du tout, mais qui lui paraissait tout à fait logique à cet instant-là. Il attrapa un bloc notes et un stylo sur le bureau, et de quelques coups de stylo, griffonna une série de chiffres, le tendant à Scarlett par la suite. « Je sais qu’on s’connaît pas, mais… Si jamais vous avez b’soin de parler, hésitez pas. » Puis ses yeux tombèrent sur une photo qu’il n’avait pas remarqué – il y avait Scarlett, et un chien à ses côtés. Cela arracha un sourire à Solal, qui pointa la photo tout en retournant son regard pétillant vers Scarlett. « J’en ai un aussi. On pourra les promener ensemble, un bon jour. Le mien adore avoir de la compagnie. » Le chien de Solal, Dexter, était seul la plupart du temps, quoique habitué à ce mode de vie – mais quand il avait de la compagnie, il devenait fou de joie. C’était une suggestion simple, et sans obligation, mais il espérait que ça pourrait peut-être plaire à Scarlett. Un peu de compagnie ça ne faisait de mal à personne.
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MessageSujet: Re: everything's not lost ≡ scarlett.   everything's not lost ≡ scarlett. Icon_minitimeMar 23 Aoû 2016 - 21:23

everything's not lost
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L'impact que pouvait avoir la gentillesse d'un étranger était trop souvent sous-estimé. Si Solal ne s'était pas risqué à lui demander comment elle allait, peut-être Scarlett aurait-elle passé la nuit à pleurer. Peut-être se serait-elle risqué à prendre le volant alors qu'elle n'était pas en état de conduire, peut-être aurait-elle eu un grave accident. Impossible de savoir quel réel impact la bonté de Solal avait eu sur Scarlett, mais il était certain qu'il était intervenu pour le mieux. Parfois, il suffisait de peu de chose pour changer le cours d'une vie ; quelques paroles réconfortantes échangées avec un inconnu... La jeune femme savait qu'il lui faudrait du temps pour faire le deuil de sa fille, mais si elle était entourée correctement, elle y arriverait sans doute. Ou du moins, elle serait capable d'affronter les jours, les semaines, les années à venir. C'était tout ce qu'elle souhaitait, être capable de vivre sans pour autant oublier Violet. Cela, elle n'en serait jamais capable, sa fille ferait partie d'elle à tout jamais... Elle, et Caleb... La rouquine secoua la tête, chassa son ancien fiancé de son esprit, faute de quoi elle risquait d'éclater en sanglot une fois de plus, et à présent qu'elle était enfin calmée, elle n'en avait aucune envie. Elle réalisait à peine à quel point elle était fatiguée, à bout. Afin de ne pas nuire à l'hôpital et à ses patients, elle avait préféré écourter son arrêt maladie et de toute évidence cela avait été une erreur. Mais elle ne supportait plus d'être seule chez elle, alors que le téléphone sonnait tout le temps – Evie, Caleb, Malachi... – et qu'elle refusait obstinément d'y répondre. Elle ne sortait plus que pour promener sa chienne, et elle le faisait sans la moindre volonté. « Je ne me sens pas coupable d'être triste... Je me sens coupable d'avoir perdu ma fille, même s'il n'y avait rien que personne ne puisse faire pour la sauver... Je suppose que c'est le propre des parents qui ont perdu un enfant, la culpabilité étouffante. » Il était difficile de faire taire cette culpabilité alors que des mères débordantes de bonheur et des bambins aux yeux pétillants défilaient dans son bureau. Scarlett n'était pas mère, elle ne se sentait plus femme... Elle n'était plus que médecin, c'était tout. Voilà pourquoi elle était revenue à l'hôpital si vite.

« Non, non, je tiens sincèrement à vous remercier. Ce n'est peut-être pas grand chose pour vous, mais pour moi ça représente beaucoup. » Ce n'était pas parce que cela n'avait pas l'air de grand chose que cela n'avait pas d'importance. Grâce à Solal, elle était parvenue à sortir la tête de l'eau, à songer à autre chose qu'à ce qu'elle avait perdu. Il avait eu assez de courage pour se "mêler de ce qui ne le regardait pas", pour agir humainement alors que tout le monde à l'hôpital avait préféré fermer les yeux et ne pas intervenir. Faire l'autruche face à la douleur d'autrui, c'était hélas l'un des grands talents de la race humaine. Si cela avait été naturel pour Solal, cela ne l'était pas pour la majorité et c'était justement ce qui faisait toute la différence pour Scarlett. « Les gens sont malheureusement souvent seuls dans ce genre de situation... On vous offre une aide psychologique après, mais ça ne dure qu'un temps... Le plus souvent, même la famille ne sait pas quoi faire. » Et ça, c'était quand on avait la chance d'en avoir une, de famille. Scarlett n'avait plus personne, et elle n'aurait jamais osé s'imposer dans la vie de ses amis, surtout pas pour leur demander de l'aide. Elle avait fait exactement ce que les thérapeutes déconseillaient, elle s'était enfermée dans la solitude et avait prétendu que tout allait bien alors qu'elle avait l'impression de mourir de l'intérieur. C'était ce trop-plein de solitude, de fatigue et d'émotions négatives qui avait fini par déclencher cette crise de nerfs, une leçon que Scarlett n'était pas prête d'oublier.

Scarlett battit des paupières, une drôle d'expression confuse sur le visage, lorsque Solal griffonna son numéro de téléphone sur un post-it qu'il lui tendit ensuite. La jeune femme observa la série de chiffres pendant quelques secondes sans dire un mot, et sourit. « Merci. C'est vraiment gentil, Solal. Si je peux vous rendre la pareille, je vous en prie, n'hésitez pas. D'ordinaire, je suis beaucoup plus joviale, c'est promis. » Sans se départir de son sourire, Scarlett tendit sa carte au jeune homme, sur laquelle figurait son numéro de téléphone et une adresse e-mail. C'était plutôt étrange, Scarlett ne connaissait pas du tout Solal et pourtant instinctivement, elle lui faisait confiance. D'autres auraient dit que c'était parce qu'elle était d'un naturel beaucoup trop naïf et crédule, mais Scarlett n'avait pas pour habitude de chercher le pire chez les autres. Un tempérament confiant qui lui avait valu plus d'une déconvenue, sans pour autant qu'elle ne cherche à altérer son comportement – chassez le naturel et il revient au galop. Aller promener son chien avec Solal et le sien ? La suggestion arracha un nouveau sourire à Scarlett, qui hocha la tête. « Ma Daisy aurait bien besoin de compagnie, elle aussi. Depuis que je vis seule, elle tourne un peu en rond, j'ai l'impression de la négliger et je m'en veux un peu... » Pendant deux ans, Daisy avait été habituée à une vie bien active, avec Caleb pour la sortir, la sociabiliser et jouer avec elle lorsque les horaires de sa maîtresse ne lui permettaient pas de faire de même pour elle. Mais depuis que Scarlett avait lâchement quitté son fiancé, sa chienne manquait d'exercice et surtout de compagnie. « J'aimerais beaucoup. Je suis certaine que ça nous ferait beaucoup de bien, à toutes les deux. » Un peu de compagnie n'avait jamais fait de mal à personne, et Scarlett en manquait cruellement. Peut-être était-ce là le début d'une belle amitié, et à présent que Solal avait vu la jeune femme dans un tel état de détresse, l'impression qu'il se faisait d'elle ne pourrait certainement que s'améliorer.


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