La porte d’entrée claqua avec violence alors qu’il s’apprêtait à porter son verre à ses lèvres. «
Ton ex-fiancée et son pote psychopathe son en ville. Ils ont du nous retrouver, il faut qu’on parte. » Tu parles. Ils n’en avaient plus rien à foutre d’eux deux. Ils n’étaient que deux péquenots qui s’étaient barrés d’écosse sous leur nez, deux péquenots parmi tant d’autres. Ils n’avaient retrouvé personne, c’était plutôt l’inverse, mais il avait légèrement oublié (volontairement) de le dire à son cadet. Il laissa échapper un soupire avant d’avaler cul-sec le contenu de son verre, il savait qu’il en aurait bien besoin. «
Tu devrais t’assoir et prendre un verre toi aussi. » Il paraissait sans doute trop décontracté, il était probablement plus bourré que décontracté mais pas assez pour que la différence soit vraiment notable. Il ne savait plus combien de fois il avait rempli ce verre, mais il l’avait fait au moins une fois de trop et pourtant, ça ne l’empêcha pas de recommencer encore. «
Je ne suis pas sûr qu’on ait le temps. » Eremon haussa les épaules. Ils l’avaient à ses yeux. «
Ils ne nous ont pas retrouvés, je les ai retrouvé. » Évidemment, il n’avait pas eu soudainement envie de s’enterrer au fond de la ville la plus pourrie du Kentucky et sûrement des États-Unis eux-mêmes sans raison. Certainement pas pour devenir barman dans un bar miteux ou pour côtoyer des abrutis qui semblaient ne jurer que par Dieu. Encore moins pour rencontrer
Talisa Lancaster. Il n’était même pas assez bourré pour l’insulter dans son propre esprit cela-dit, dommage, il en aurait presque besoin.
Lancaster. Un nom qu’il entendait un peu trop souvent que ce soit sur Talisa ou sur ce mec qui se présentait à la présidence du comté. Il avait en revanche bu assez de verre pour se dire qu’avec un nom pareil, il avait plus de chance de réussir dans la maroquinerie que dans la politique, en témoignent les français. Nom de merde. «
Est-ce qu’il y a une quelconque logique autre qu’une poussée suicidaire dans ta façon de penser ? » Il lui accorda un énième haussement d’épaules. Il y avait bien une logique, celle qu’il aurait du partager avec lui, mais apparemment, ce n’était pas le cas. «
Ils doivent payer. » C’était un fait. Peut-être même que s’il en avait l’occasion il les tuerait de ses mains tiens, au lieu de laisser faire cette fichue justice qui ne servait à rien. Au moins comme ça Talisa aura une
véritable raison de le fuir. «
Qu’est-ce que tu comptes faire ? » Le regard posé sur son verre, comme absorbé par le liquide dedans, il aurait presque pu hausser une nouvelle fois les épaules. Il n’en savait rien, alors ça aurait été la réponse idéale. «
Jsais pas. » Il avala encore son verre pour le remplir à nouveau, après quoi son frère attrapa la bouteille pour la maintenir hors de portée. «
Tu es bourré en plus. Brillant. » Il leva les yeux au ciel, comme si c’était le moment de picoler. Il ne pouvait pas comprendre, il n’avait pas sauvé la vie d’une nana pour la voir s’enfuir comme une voleuse après comme si elle avait eu Jason Voorhees en face d’elle. «
Absolument pas. » c’était le propre du mec bourré cependant de nier qu’il était bourré. Enfin, il faisait ce qu’il voulait, il avait vingt-six ans, il était majeur et vacciné, largement en âge de boire si ça lui faisait plaisir. «
Je ne sais pas ce que tu as l’intention de faire, mais ce sera sans moi, je me casse de cette ville. » Il avait toujours été le plus raisonnable des deux, le plus malin. Pas celui qui avait était à deux doigts d’épouser la personne ayant causé la mort de leur petite sœur. Il le lui avait souvent reproché ça d’ailleurs. Dans ses excès de colères toutes les fois où ils avaient pu se disputer. Ça arrivait plus souvent qu’ils ne l’auraient souhaité, depuis la mort de Lyanna en tous cas. Il s’excusait tout le temps, mais sans doute qu’une partie de lui le pensait vraiment au final, sinon il ne l’aurait pas répété tant de fois. «
Tu t’enfuies aussi ? Est-ce que je te fais peur ? » Il leva les yeux vers son frère pour la première fois depuis qu’il était entré dans la pièce. Un silence un peu trop long à son gout s’installa avant que son cadet ne prenne enfin la parole. «
Quand tu es bourré, un peu oui. Quand tu as des idées aussi stupides que de venir retrouver des timbrés, carrément ouais. » Il commençait à s’énerver. Tout ce qu’Eremon trouva à faire, c’était de rire comme un imbécile comme si ça pouvait avoir quelque chose de drôle. «
On avait dit qu’on resterait ensemble. Parce qu’on est tout ce qui reste de la famille. » Leurs parents étaient morts dans un accident bien des années plus tôt, Lyanna était encore vivante à cette époque. Lui, il était le seul à être majeur, celui qui s’était retrouvé responsable de ses frangins. Il n’avait pas beaucoup assuré. «
On restera pas ensemble si on se fait tuer. Alors fait ce que tu veux, je m’en vais. » En un rien de temps, il avait rassemblé ses affaires, prêt à quitter la ville, laissant son frère là, avec comme seule compagnie, celle de cette bouteille qu’il avait quand même daigné lui rendre. C’était peut-être mieux comme ça, de toute façon, ils n’arrêtaient pas de s’engueuler.