Grandir en Alaska, dans une petite ville de surcroît, c’est grandir dans un environnement particulier, coupé de monde d’une certaine manière, « protégé ». Les enfants Blackwood n’ont jamais eu à se plaindre, leur enfance fut un long fleuve tranquille, leur mère y avait veillé. Mais bien sûr, l’adolescence arriva et avec elle son lot de changement de caractère. Cette période marqua le début de la fracture entre lui et son aîné Cecily. S’il se désintéressa de sa grande sœur, il reporta toute son attention sur les jumeaux, qu’il prit soin de couver, enfin jusqu’à son départ…

Il savait depuis toujours que son père ne le laisserait pas choisir sa voie, et comme premier fils, il s’était fait un devoir de toujours lui obéir sans jamais remettre en question ce chemin tout tracé pour lui. Pourtant dans ses rêves, il devenait un simple artiste, certes un artistique un brin particulier, mais il considérait le tatouage comme un art, au même titre que la peinture. Il s’était entrainé pendant des années au dessin, mais il n’avait jamais pu approcher une aiguille de sa vie. À vrai dire, ce n’est pas à White Moutain que l’on trouve un salon de tatouage.

Il avait vécu sa vie d’adolescent en rêvant de cette vie hypothétique où il serait maître de son avenir. Il se voyait rouler sur des routes bien plus ensoleillées et chaudes que l’Alaska, sur une custom qu’il aurait bricolé, en route pour le salon de tatouage de ville où il serait employé, peut-être même aurait-il une copine. Enfin, un rêve reste un rêve, même si vous savez qu’il ne se réalisera jamais, cela reste un point d’ancrage, une bouée à laquelle se tenir quand tout le reste vous attire au fond de l’eau.
Cette bouée, il s’en servit bien plus tôt que quiconque aurait pu le croire. Dès qu’il fut catapulté dans un enfer sur terre. Une guerre pour laquelle il n’était pas prêt. L’Irak … On l’avait parachuté dans la contrée la moins hostile possible et pourtant son immersion dans les combats fut immédiate. À 20 ans, il se retrouvait dans un environnement que jamais il n’aurait pu imaginer, aux antipodes de la vie qu’il avait pu connaître. Et c’est lors de ces courtes pauses entre deux gardes et quelques combats, qu’il s’évadait promptement vers sa vie rêvée.  

Les mois passèrent aussi lentement que des années. Dans son malheur, il prit sur lui pour adopter des chiens errants, deux chiens adultes et un chiot. Aucun des trois de la même race, même s’ils semblaient tous être des mélanges divers et variés. Bizarrement, son initiative ne fut pas rabrouée, bien au contraire tous le « fort » comme il aimait appeler leur camp, s’était vite habitué à la présence des canidés parmi eux.  

Pourquoi parler de ce détail ? Parce que ces chiens rendirent bien plus à Nate qu’il ne leur avait donné. Un jour, alors qu’ils étaient en patrouille le long des murs du fort, les chiens se mirent tout à coup à courir à l’entrée, située à quelques mètres pour se mettre à gronder et aboyer contre l’un des fournisseurs local venant leur livrer de la nourriture. Celui-ci, tête non connue des soldats s’avéra être un kamikaze envoyé pour se faire sauter dans le fort. Mais les chiens qui avaient senti les explosifs finirent par l’attaquer et déclencher l’explosion, sauvant ainsi grand nombre de soldats. Celle de Nate compris, malgré le fait qu’il soit touché et inconscient.

Deux chiens perdirent la vie sur le coup de l’explosion, l’un des adultes et le chiot. Seul, survécu, celui que Nate avait nommé Gardian. Mais cela, Nate ne l’apprit que lorsqu’il sortit du coma, un mois plus tard, aux Etats-Unis. Durant ses semaines de convalescences, il fit des pieds et des mains pour faire rapatrier Gardian, faisant appel à une association de protection animale ainsi qu’à ses supérieurs. Pourquoi cela lui tenait tant à cœur ? Parce que ça l’empêchait de se focaliser sur ce qu’il avait vécu pendant ces 11 mois au sein d’un pays en guerre. Cela ne l’empêchait pas d’être constamment sur les nerfs, notamment frustré que sa convalescence soit si longue. Bien évidemment, on lui avait collé un suivi psychologique aux fesses et bien évidemment, cela ne servait strictement à rien. Il ne parlait que lorsqu’il était question de son chien, rien d’autre. Si on avait le malheur d’insister, il finissait par vous envoyer sur les roses. Sa mère le vécu plutôt mal, pauvre d’elle, c’est sûr que de ne plus pouvoir parler à son fils était au moins aussi traumatisant que ce qu’il avait vécu …

Grâce aux efforts conjoints de tous, Nate obtint gain de cause. Bien que son comportement ne s’améliora pas, personne ne songea à lui refuser de voir Gardian une fois les contrôles passés. Pouvant à peine marcher, il attendait impatiemment l’arrivée de son seul sauveur encore en vie dans le hall de l’hôpital. Lorsqu’il le vit, un sourire s’étala sur ses lèvres, le premier depuis qu’il s’était réveillé. Gardien, qu’on pensait être un labrador croisé berger australien, boitillait sur trois pattes, la quatrième étant encore emprisonnée dans un plâtre. Lorsque leurs regards se croisèrent, le chien se mit à boitiller plus rapidement, alternant entre marche et sauts jusqu’à lui, sa laisse trainant derrière lui. Depuis ce jour, Nate n’a trouvé de véritable réconfort qu’auprès de son chien, qu’il choie comme un enfant pourri gâté. Il avait fini par se trouver une bouée bien réelle et il n’était pas prêt de la lâcher.

Être déclaré inapte arrangea bien le, désormais, ancien militaire, mais revenir à sa vie d’avant était impossible. Il n’avait plus de place dans la société, chose qu’il vécut mal, et c’est dans sa quête qu’il intégra les Prayers, un gang de sa région natale. Il s’était déjà éloigné de sa famille, malgré le fait qu’ils vivaient encore tous sous le même toit, mais son entrée dans le gang marqua la fracture définitive. Il déménagea dans une autre ville, loin d’eux et de leur compassion débile, laissant libre cours à sa rage. Il extériorisait son mal-être en se lovant dans la violence, dans le sang et dans la haine. Ainsi, sa route le mena presque naturellement vers les hunters. Repéré par l’une d’entre eux, celui-ci lui donna l’occasion de voir plus loin qu’un simple gang local, mais aussi des objectifs plus grands. Son mentor ne s’y trompa pas, il était facile de faire grandir la soif de violence et la haine qui animait le jeune homme. Avec un profil d’ancien militaire et vétéran, Nate fut presque du pain béni pour eux, presque … car les ordres, il en avait assez reçu pour obéir sans rien dire encore à longueur de temps.

Sans accroche, ni attache de plus que Gardian qui le suivait comme son ombre, Nate voyagea aux quatre coins du pays. N’échangeant qu’avec son frère et sa sœur cadets, l’un parce qu’ils étaient les seuls à se comprendre, à comprendre ce qu’ils avaient vécu, la seconde parce qu’elle restait son sang et qu’ils se côtoyaient régulièrement via les affaires des hunters. Ces affaires justement l’avaient envoyé quelques fois en Norvège, c’est d’ailleurs lors d’une de ses expéditions dans le pays natal de sa mère qu’il apprit la mort de sa petite sœur.

On avait attaqué son propre sang, cette constatation lui rappela la loyauté qu’il devait à sa famille, cette loyauté qu’il avait trop occultée depuis 9 ans. Il prit le premier avion disponible et retrouva rapidement le décor familier de Radcliff. Il y revit ses parents pour la première fois depuis des années et ne les revit pas par la suite. Sa famille, c’était ses frères et sœurs, à ce titre il aurait dû être un bon grand frère et aider son cadet à faire son deuil, mais il était lui-même en train de se noyer dans une mer de rage et de haine. Tout ce qu’il réussit à faire, c’est d’y entraîner Adrian…

Retrouver la trace des coupables ne fut pas compliqué, d’abord grâce au réseau des hunters, mais surtout parce que ces mutants-là ne savaient pas couvrir leurs traces. Bande d’amateurs de merde, dire que des déchets de l’humanité tels qu’eux avaient osé toucher à sa petite sœur. Le plus dur, serait de couvrir leurs traces à eux, vu l’attention médiatique portée sur l’affaire. Mais les deux frères, aveuglés par leur besoin de vengeance, ne firent pas attention à ce détail, le reléguant très loin dans leurs esprits, avec leurs consciences respectives.

« T'es sûr de ton coup ? » « Certain. Après ce qu'ils ont fait à Amelia, ces pourritures  ne méritent pas mieux. On ne va tout de même pas les laisser avoir droit à un procès ?! Ils n’ont pas laissé la moindre chance de s'en sortir à notre sœur quand ils lui ont collé une balle dans la tête, je ne vois pas pourquoi ils y auraient droit. »

Le discours de Nate avait fini de convaincre son cadet, dont la lucidité était plus éveillée que la sienne depuis très longtemps. Malheureusement pour eux, il aurait mieux fallu qu’il échoue, qu’il soit le seul à rendre justice, comme il le faisait depuis des années. Grâce au poids du réseau des hunters, ils avaient pu extraire les coupables des cellules où ils attendaient gentiment leur procès. On les leur livra directement dans un vieil entrepôt abandonné de la ville, menottés et bâillonnés. Autant qu’ils soient menottés ne dérangeait pas Nate, mais qu’ils soient bâillonnés en revanche … Ils voulaient les entendre crier, sangloter, prier pour leurs vies. Nate les contourna pour se mettre dans leurs dos, d’un coup de pied derrière les genoux, il les fit mettre à genoux avant de leur ôter les bâillons. Il mourrait d’envie de donner le premier coup, mais celui-ci revenait à son cadet. Ils avaient tué sa sœur, mais ils avaient surtout tué sa jumelle. « A toi l'honneur », avait-il dit en désignant d'un geste dédaigneux le meurtrier d’Amelia.

Ce qui suivit, Nate en était coutumier et sur le coup cela ne le dérangea pas de voir le monstre au travers de son frère. Mais cette scène, dès le lendemain, il la regretta, il regretta d’avoir poussé son frère sur la même pente que lui. Si lui était à l’aise avec ce qu’il était devenu, voir son frère dans ce rôle lui brisa le cœur. S’il pensait déjà que vivre avec cette culpabilité serait difficile, ce ne fut rien comparé à ce qu’il commença à vivre dès lors qu’Adrian fut arrêté.

Adrian devait payer pour des actes que Nate lui avait fait faire, son cadet le protégeant au détriment de son propre avenir. Il était responsable de tout ce fiasco, de la destruction complète de la vie de son frère. Il fit ce qu’il put avec les hunters pour minimiser les conséquences, mais au final, c’est Cecily qui fit le plus gros. Sa sœur, qu’il ne supportait plus depuis son adolescence, mutante de surcroit, avait fait plus pour nettoyer le bordel qu’il avait mis, que lui-même. Cette situation, déjà compliquée et insupportable, devint rageante. Il ne voulait pas devoir quelque chose à sa sœur et pourtant… Cecily, sa sœur, son sang, malgré leurs caractères conflictuels, il lui voue un respect et une affection toute particulière.

À partir de là, Nate ne quitta plus vraiment Radcliff, en faisant son point d’amarre, et ce au grand damne de sa belle-sœur qui refusait de le voir. C’était son droit, alors il veilla sur elle de loin pendant les trois ans que durèrent la peine de son frère, ne pouvant plus rien lui refuser. Ce qui ne l’empêcha pas de continuer sa carrière d’hunter en dehors de la ville, mais te manière bien moins assidue. Si les autres savaient qu’il protégeait une mutante … Enfin deux avec sa sœur, il serait renvoyé fissa des rangs de l’organisation. Mais ce n’était qu’une question de temps avant que quelqu’un ne se rende compte que son ralentissement n’était pas que dû à ces affaires familiales… Un jour, quelqu’un se rendrait bien compte qu’il commençait à douter, déchiré entre sa haine pour les mutants et les membres de sa famille mutants et intègres. En attendant, il surveillait ses arrières comme il le pouvait, observant d’un œil mauvais les démarches du maire. Cet homme prenait clairement le contrôle de la ville et cela ne sentait bon pour personne, mis à part les hunters, et encore seulement pour ceux qui n’aiment pas leur liberté d’action et de penser.

Pour s’assurer une activité, Nate a choisi de réaliser son rêve de gamin et s’est fait embaucher dans un garage de la ville comme mécano. Bon, il est loin de bosser sur les motos custom de ses rêves, mais il se contente de la sienne, ce qui est déjà pas mal. Le bouche à oreille l’a mené à devenir les très officieux tatouer de la ville, ce ne sont pas les clients qui se bousculent mais au moins, ces deux activités de couvertures lui permettent de se tenir les mains occupées. Et tant que ses mains sont occupées à ça, c’est qu’elles ne sont pas en train de tuer des mutants aléatoirement.  

Mais la donne venait d’être changée. Si l’arme des hunters était la vaccination, elle était devenue également celle des mutants. Ce nouveau vaccin, terrifiait sincèrement Nate, qui préférerait certainement se coller une balle dans la tête plutôt que de devenir un mutant à son tour. Le seul avantage qu’il voyait à cette situation, était la fin de l’utilisation des bracelets par la gunpowder squad, mettant à l’abri sa famille de ce danger-ci.

Comme si la situation n’était pas déjà assez tendue, voilà qu’Hadley, son mentor de l’époque, était revenue en ville méconnaissable et surtout sans souvenirs. Elle qui était partie pour prendre de la distance avec sa nature de hunter, elle avait pris un bon revers de fortune. Le problème ? C’était elle, le problème. Elle était devenue incontrôlable, tuant tous les mutants qu’elle rencontrait, alors avec le vaccin qui faisait rage, elle était à deux doigts de tuer des hunters également. Devenir la nounou de celle qui fut son mentor n’était pas franchement dans les tops envies du moment de Nate, mais il fallait bien que quelqu’un la surveille avant qu’elle ne fasse un véritable carnage en ville. Au moins, elle semblait lui faire un minimum confiance, même si elle ne le reconnaissait pas, et il comptait bien en tirer avantage.