Sujet: Fantômes du passé [Eytaloys] Sam 12 Déc 2015 - 15:22
Nous sous-estimons bien trop souvent nos ancêtres
Eytan & Aloys
Eytan était, pour ainsi dire, excédé. Alors qu’il franchissait une énième porte battante de ce foutu hôpital, il ne put s’empêcher de faire un point et, par conséquent, de voir à quel point il avait merdé. Il avait récemment appris qu’un homme, qu’il croisait régulièrement et qui devait habiter son quartier, était un mutant. Une saloperie de mutant, qui vivait proche de lui, et puis quoi encore ! Naturellement, il s’était mis en chasse… tête baissée, comme l’imbécile qu’il était. Résultat ? Des heures de filature, pour finalement le surprendre la nuit, ou plutôt se faire surprendre par le maroufle qu’il croyait chasser alors que celui-ci lui avait tendu un piège avec ses potes mutants, le lâche ! Une expression de dégoût s’imprima sur son visage à cette pensée. Il n’y avait qu’un saligaud de mutant pour ne pas se comporter en tant qu’homme, mais plutôt être aussi vicelard qu’un rat et l’avoir par le nombre. Lui était seul, combat égal, un contre un. Cependant, cet idiot avait changé les règles du jeu, et aussitôt qu’il pourrait se le permettre, il se vengerait, Eytan s’en fit la promesse. Toujours est-il que cet imbécile lui avait tendu, ou du moins avait essayé, un guet-apens. Sauf qu’Eytan s’en était sorti, et il était remonté à bloc, plein de haine et de colère, encore plus que d’habitude. Ce mutant venait de gagner sa place sur la liste spéciale de l’Allemand, celle des exsanguinations obligatoires.
Il porta sa main à son front et ses doigts rencontrèrent quelques steri-strips. Heureusement, aucune de ses blessures n’étaient sérieuses, il n’aurait manqué que cela. Non, cette embuscade avait été bien trop désorganisée pour qu’il soit véritablement blessé, cela s’était terminée en bagarre générale, poings contre poings, coups contre coups. Néanmoins, le hunter avait préféré faire examiner sa tête au cas où, il n’était pas fou et craignait la commotion cérébrale, or il avait besoin de toutes ses capacités cognitives pour planifier sa vengeance. Et la chance lui avait souri. Le médecin, bien qu’étonné, lui avait assuré qu’il n’avait que des blessures mineures, malgré le violent coup qu’il avait reçu à la tête et à la tempe. Un sourire de malice s’étira sur ses lèvres et son cerveau se mit en route, ses rouages se dégrippant et tournant à plein régime. Et alors qu’en marchant d’un bon pas, il commençait déjà à imaginer les clés de son plan diabolique pour entretenir le feu de sa vengeance prochaine, il rencontra un obstacle physique. Ou plutôt, on le percuta avec fracas et on l’aspergea d’un liquide chaud. Très étonné d’abord, Eytan croisa le regard de l’inconnu qui avait osé lui faire cet affront avant de l’apostropher :
- Non, mais c’est pas vrai ! Vous ne pourriez pas faire un minimum attention au lieu d’être dans la lune comme ça ? Non, mais franchement, quel empoté ! D’un grand geste, il épousseta du dos de la main sa chemise. Surtout avec une boisson chaude à la main ! Vous avez de la chance qu’elle ait été déjà tiède ! Et ça se dit médecin dans un hôpital, on aura tout vu…
Il lui jeta un énième regard dédaigneux et se redressa, accentuant sa stature et sa carrure, attendant des excuses. Son regard se durcit alors qu’il détailla la personne en face de lui. Une blouse blanche, avec un badge accroché à une poche, mais il n’arrivait pas à lire l’inscription dessus et il n’allait certainement pas se pencher pour faire l’effort surhumain et inutile de déchiffrer un prénom qu’il ne retiendrait jamais, à moins qu’il n’ait en face de lui un mutant. Si c’était le cas, cela ne l’aurait pas étonné plus que cela, franchement, il n’y avait que les mutants pour être aussi maladroits et peu doués. Il soupira, signe qu’il s’impatientait, mais il n’allait pas s’en aller ainsi et le laisser gagner. Non, pas lui, Eytan Hugo Steiner, le fier Allemand et Américain de surcroit. Il ne permettrait pas à l’homme en face de lui de lui marcher aussi facilement sur les pieds sans qu’il ne dise rien. Parole d’Eytan, ça ne se passerait pas comme cela. Ce jeune sacripant allait connaître la fureur du Hunter. Décidément, qui qu’il fût, l’inconnu n’avait pas eu de chance, absolument aucune, il était tombé sur un Steiner frustré, remonté à bloc, aussi tendu que la corde d’une arbalète et n’attendant qu’une pauvre âme qui vienne croiser son chemin pour le contrarier et ainsi relâcher tout son poison et sa colère sur celle-ci. Et le ciel le lui avait livré sur un plateau d’argent. Cette souris en face de lui était sa nouvelle proie, son nouvel objet de sa contrariété et il n’allait pas se priver de jouer avec lui.
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Maxence Sanderson
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Sujet: Re: Fantômes du passé [Eytaloys] Mer 23 Déc 2015 - 15:35
fantômes du passé
Aloys & Eytan
Il suffit d'un pas dans la structure de l'hôpital pour qu'Aloys se sente chez lui. Cette atmosphère, cette agitation, cet empressement qui l'enserrent et le tiraillent de tous les côtés lui sont devenus si familiers aux cours des années qu'il les assimile instantanément à la confiance, l'assurance et la routine salvatrice. Et à la souffrance, bien sûr : la souffrance de ses patients, la souffrance de ceux qui viennent trouver refuge et soin ici et, d'une moindre mesure, sa propre souffrance. Il suffit d'un pas dans le bâtiment pour qu'Aloys soit le chirurgien calme et doux, plein d'assurance et de tempérance, qu'on connaît à Radcliff depuis des années. Son pas s'affirme, il a pour intention de rejoindre sans plus tarder son bureau pour boire un café avant une longue nuit et une longue journée de garde dans divers services. Jamais sa polyvalence n'a été autant sollicitée que depuis sa vaccination et même s'il apprécie être au plus près des patients et des victimes, il doit avouer que tut cela commence non seulement à le fatiguer mais en plus à le mettre mal à l'aise. Et s'il use et abuse de sa polyvalence, il ne se contente pas de cela : il use aussi sa santé, la lime contre la tension, la pression, l'agitation et cet oubli de soi qui risque de lui porter préjudice.
Une blouse sur les épaules, un rapide aller-retour dans son bureau et le voilà prêt à travailler. A ausculter. A aider, comme il se plaît à le formuler. Il ne lui faut guère plus de temps pour rejoindre les urgences où l'on a urgemment besoin de ses services et il se retrouve embarqué dans une activité constante, rapidement mis dans le bain, rapidement embarqué dans la dynamique de l'ensemble. Que lui a dit Ivory, déjà ? Tu dois te reposer ou tu vas te tuer à la tâche Certes. Et bien, il lui dira qu'il a oublié. Une heure passe, deux, trois… le couvre-feu étend son ombre sur la ville mais Aloys ne cesse pas pour autant ses va-et-vient dans les étages, ignorant d'un sourire, toujours d'un sourire, la fatigue qui commence à tirer les traits de son visage. Il ne s'arrête que pour prendre le temps de s'accroupir et de donner une sucrerie à un petit enfant, dans la salle d'attente des urgence, qui attend visiblement avec angoisse qu'on examine une mauvaise plaie à la main. Pendant que le tout petit, sept ans se renseigne-t-il d'ailleurs, est absorbé par le bonbon, Aloys en profite pour discuter avec la mère angoissée et s'occuper aussi de son cas. Une douzaine de minutes, le chirurgien les fait passer en priorité, les confie à une urgentiste qui a bien accepté de les prendre en charge et répond une nouvelle fois à un appel, venant d'un service auxiliaire pour les blessures plus bénignes qui vont néanmoins nécessiter non seulement une autorisation de sortir mais, plus encore, un justificatif en cas de contrôle policier.
Aloys s'adosse un instant à un mur, pour souffler et respirer quelques secondes. Tu dois te reposer ou tu vas te tuer à la tâche lui a-t-elle dit : parfait, ces quelques respirations calmes rassemblées au détour d'un couloir suffiront en guise de repos, et le café qu'il fait couler au détour d'une salle de repos des infirmiers sera lui aussi amplement suffisant. La tête dans ses pensées, cherchant non sans culpabilité depuis combien de temps il n'a pas fait de nuit complète ou posé plus de deux jours d'affilés ses congés, Aloys ne peut pas voir une personne arriver face à lui. Et s'il ne peut la voir… il ne peut l'éviter. C'est la chaleur du café qui le fait sursauter dans un premier temps, chaleur dispersée sur sa main, chaleur brûlante qui lui fait lâcher son gobelet et un petit cri de surprise. - Non, mais c’est pas vrai ! Vous ne pourriez pas faire un minimum attention au lieu d’être dans la lune comme ça ? Non, mais franchement, quel empoté ! Surtout avec une boisson chaude à la main ! Vous avez de la chance qu’elle ait été déjà tiède ! Et ça se dit médecin dans un hôpital, on aura tout vu… Aussitôt, le regard d'Aloys, un peu assommé de fatigue, se fait affolé et sa respiration s'agite de panique. Par réflexe, le voilà qui s'excuse tout d'abord en français, puis en allemand, puis en anglais et enfin, pour faire bien, en portugais. Ce n'est pas pour étaler son plurilinguisme, heureusement d'ailleurs sinon il se serait senti obligé de communiquer ses plus plates excuses en italien et en flamand aussi ; ce n'est pas par prétention qu'il multiplie ainsi les excuses, c'est plutôt pour être certain d'être compris. « Je suis… je suis tellement désolé, je ne vous ai pas vu arriver, j'étais dans mes pensées et... » Un souvenir lui fait l'effet d'une claque, le souvenir de son précepteur et de sa voix tonitruante. C'est inacceptable, un de Miribel ne s'excuse pas, un de Miribel ne faillit jamais, un de Miribel s'excuse par ses actes et son humilité apparente. Et surtou, un de Miribel, comte qui plus est, ne se met jamais dans de telles situations.
Le regard de l'autre homme, qui vient clairement sortir des urgences bénignes, aurait pu mettre Aloys mal à l'aise s'il n'avait pas été déjà tout désolé. D'un coup d'oeil, le médecin s'assure de la santé de l'autre personne, s'agite et réfléchit. « Si vous le souhaitez, je peux vous proposer un change, ou... » Sa phrase meurt dans sa gorge, nouée par un autre souvenir, tout aussi violent.
Un de ces souvenirs auxquels Aloys n'aime pas penser. Un de ceux qui sont si déplaisants, si difficiles, si pénibles que sa mémoire sélective a préféré les effacer, les occulter et les oublier pour mieux éviter de les ressasser. Pourtant, le visage, l'attitude, le regard… tout lui évoque une vieille connaissance, une connaissance angoissante, une connaissance d'un autre âge. 1942. Dans un allemand dénué de tout accent, l'allemand le plus pur, celui qu'il a appris dans son enfance et réactualisé pendant la deuxième guerre mondiale, Aloys s'exclame, décontenancé : « Herr Steiner ! Est-ce bien vous ? » avec toute la simplicité qu'on lui connaît. Il ne lui vient pas à l'idée que ce ne puisse pas être l'officier allemand qu'il a jadis soigné, il ne lui vient même pas à l'idée que le cours normal des choses devrait faire de sa vieille connaissance une personne plus qu'âgée.