Eytan Hugo Steiner est né de l’union d’une américaine et d’un allemand. Il ne sait pas grand-chose de la famille de sa mère, Mrs. Jones de son nom de jeune fille. Elle est née en 1947 et avait trente-six ans à la naissance d’Eytan et plus tard, lorsqu’elle est partie, il n’est resté d’une vague correspondance décousue entre la mère et son fils. Son père, Herr Steiner Junior a douze ans de plus que son ex-femme, il est allemand et habite Berlin, mais sa vocation n’était pas à la famille et encore moins aux enfants. De ce côté-là de la famille, encore en vie, il ne reste plus que Herr Steiner Senior, le grand-père d’Eytan, né en 1917, ancien SS. Il y est entré à vingt-deux ans, en 1939 au début de la guerre, laissant derrière lui sa femme et son gamin d’à peine quatre ans. La mère patrie avait besoin de lui disait-il. C’est un grand antisémite qui est resté nazi dans l’âme, car « Bien qu’Hitler soit mort, je continue de croire en sa cause tellement elle était bonne. »

Eytan est né à Berlin, le deux avril 1983. Ses parents étaient alors encore ensemble et l’enfance du petit garçon fut relativement classique malgré le travail prenant de son père et celui contraignant de sa mère qui ne supporte que peu l’Allemagne et qui souffre d’un mal du pays grandissant. C’est d’ailleurs pour cela que quand on lui proposa un job aux Etats-Unis, elle s’empressa d’accepter sans même réfléchir à son mari et à son fils. Elle laissa d’ailleurs ce dernier à Herr Steiner Junior qui lui-même finit par le déléguer à son propre père. Il n’avait que cinq ans, mais déjà on le laissait aux mains de ce pronazi.

Ainsi, son grand-père de soixante et onze ans s’occupa majoritairement de son éducation, lui inculquant ses propres valeurs morales, politiques et humaines. Néanmoins, cela en fit quelqu’un de débrouillard. En effet, à tout juste six ans, il devait rentrer tout seul de l’école et aller directement chez son papy qui ne supportait d’ailleurs pas qu’on l’appelle comme ceci. Non, Eytan devait s’adresser à lui comme « Herr Steiner Senior » ou « Herr » ou encore « Herr Steiner ». Son père disparut peu à peu du paysage. Il rentrait tard et ne venait récupérer son garçon que pour la nuit puis le déposait le matin à l’ouverture de l’école. Et plus le temps passa, plus le petit bonhomme se retrouva à dormir chez son grand-père. Ainsi, le septuagénaire prit la place du paternel dans la vie d’Eytan. Il l’appelait d’ailleurs plus souvent Hugo qu’Eytan car selon lui, c’était trop juif et il n’était pas un youpin, mais un allemand et il devait en être fier. Si son antisémitisme ne lui monta jamais à la tête ce fut tout autre chose du discours qu’il tenait concernant ces autres, ces gens dont on ne parlait pas encore officiellement, dont presque personne ne connaissait encore l’existence, mais qui étaient déjà de la vermine, un poison qui menaçait d’engluer notre société et de se l’approprier « comme l’avait fait les Juifs durant le IIIème Reich » disait-il toujours.

L’année de ses onze ans, année de son entrée au Gymnasium, Herr Steiner Junior décréta qu’il était grand temps qu’Eytan apprenne à être plus autonome et le laissa carrément en pension chez Herr Steiner Senior en échange des frais quotidiens. Il fut donc laissé aux bons soins et à l’influence totale de son grand-père qui insinua en lui la graine de la haine envers les mutants. Durant toute sa jeunesse, en dehors du Gymnasium, il s’inscrivit à beaucoup de sports de combat, mais il n’y restait jamais bien longtemps, deux années tout au plus, se lassant vite. Il en ressortait donc toujours avait les bases, mais pas grand-chose de plus. Il était aussi scout sur ordre de Herr Steiner Senior car « cela forge le caractère et c’est bon pour toi, de mon temps, il y avait les Jeunesses Hitlériennes et il n’y avait rien de mieux pour forger les garçons de ton âge. » Son grand-père le regardait faire d’un air dédaigneux commentant sa versatilité comme étant un manque de rigueur. Et avec une pointe de désappointement il disait : « Ce n’est pas avec autant de frivolité que tu deviendras quelqu’un, jeune homme. » Cependant, la rigueur il n’en manquait pas dans ses études. Ses professeurs disaient qu’il était volontaire et investi, mais véritablement, cela ne l’intéressait pas et s’il se défonçait en cours de sport, ce n’était pas pour faire plaisir au professeur, mais pour se défouler et faire sortir toute la rage que son nouveau paternel amenait en lui. Il passa néanmoins la totalité de sa scolarité sans faire trop de vagues et surtout sans actes de violence délibérée, bien que forte tête. Il obtint son Abitur à l’âge réglementaire de dix-huit ans et sans véritablement se détacher des autres, exception faite en sport et en biologie parce qu’il avait eu de la chance et était tombé sur un sujet touchant au corps humain, or ce dernier avait toujours particulièrement intéressé le garçon, notamment tout le système veineux.

Après le Gymnasium, Eytan avait prévu de faire l’école de police, mais les attentats du 11 Septembre chamboulèrent tous ses projets. Ces évènements déclenchèrent son patriotisme américain. Ainsi, il se retrouva à partir rejoindre sa mère, avec qui il avait toujours entretenu une sorte de correspondance, aux Etats-Unis et il s’engagea dans l’armée américaine, la Navy, comme beaucoup d’autres. Il y servit six ans durant de 2001 à 2007. Il ne choisit pas lui-même de quitter l’armée, mais on l’y poussa fortement. En effet, 2007 n’est pas seulement l’année de son départ de l’armée américaine, mais aussi l’année de la mort de son grand-père. Il lui fut accordé quatre jours de permission pour aller l’enterrer, certes il avait quatre-vingt-dix ans et il devait s’y attendre, mais Herr Steiner Senior était comme son père à ses yeux et il lui devait beaucoup. C’est d’ailleurs lorsque le cercueil descendait en terre qu’Eytan fit le serment de devenir Hunter en sa mémoire. Et il ne mit pas longtemps à faire ses preuves. Le jour même où il rentra d’Allemagne pour ainsi dire. Cela faisait plusieurs mois qu’il avait une aventure stable avec un certain Thomas, beau comme un dieu aux yeux d’Eytan (chacun ses critères de beauté). Et le jour où il rentra de Berlin, son amant pensa, à tort, qu’il serait disposé à entendre que les mutants n’étaient pas des monstres, loin de là, puisqu’il en aimait un. Ce qu’il se passa fut tout l’inverse. Eytan se sentit surtout trahi et souillé et comme vengeance, pour rétablir l’équilibre, il tua Thomas. Le jeune homme avait été ingénieux et jamais on ne put le lier clairement à son meurtre, mais l’armée le poussa gentiment à les quitter en mettant notamment en lumière le fait qu’il avait proféré maints propos extrémistes à l’encontre des transmutants.

Même s’il ne s’attendait pas à rester dans l’armée, Eytan n’en était pas moins un peu perdu quant à son futur. Il n’avait pas vraiment d’autres expériences que celle de l’armée et n’avait en poche que l’Abitur en tant que diplôme valide. Néanmoins, dire qu’il partait les mains strictement vides aurait été faux puisque durant ses six années de service au sein de l’armée américaine, il avait reçu une formation d’aide-soignant. Ainsi, s’il le souhaitait, il pouvait très bien envisager de se reconvertir dans la médecine, encore lui en fallait-il trouver l’envie, et ce ne fut pas de suite le cas.

En effet, en quittant l’armée, il décida de voyager un peu, de revoir son Allemagne natale surtout. Il y resta pendant près de deux ans, profitant de l’héritage de son grand-père pour ne pas avoir à trouver un boulot fixe et surtout pouvoir pratiquer son nouveau hobby comme il se plaisait à l’appeler, à savoir la chasse aux mutants. C’est d’ailleurs durant ces deux années fabuleuses qu’il perfectionna sa technique et développa son goût pour l’exsanguination. Malheureusement pour lui, il dût bien assez vite se rendre à l’évidence de la limite de ses compétences et c’est pour cette raison et uniquement celle-ci qu’il se décida à finalement reprendre des études et plus exactement des études sur le corps humain. Pour ce faire, il décida de rentrer aux Etats-Unis pour des raisons pratiques d’abord, mais aussi patriotiques. Il avait l’impression, qui était peut-être fausse, que davantage de mutants pullulaient sur cette contrée qu’en Bavière.

Il voulut d’abord entreprendre des études pour devenir légiste, mais il décréta qu’il n’avait pas le temps, ni la patience pour huit ans d’études, surtout qu’il voulait aussi faire d’une pierre deux coups et trouver rapidement un job qui lui permettrait d’assouvir sa quête en même temps d’en vivre, en clair, lier l’utile à l’agréable. C’est ainsi qu’il se tourna avec le plus grand pragmatisme vers des études pour devenir infirmier. Après tout, il avait déjà de solides bases grâce  à l’armée, et même si cette expérience n’était pas valable en tant que diplôme, il n’aurait pas trop à se casser la tête durant ses études qui furent tout de même longues de quatre ans et suivies de deux années de pratique. Néanmoins, une dernière chose venait troubler son équilibre de vie, la ville où il s’était installée. Elle ne lui plaisait pas. Il ne s’y sentait pas à son aise. Il fit donc ses bagages une fois son diplôme en main et après quelques arrêts dans diverses villes, son cœur vrombit pour Radcliff  et il s’y installa. Il postula rapidement dans l’hôpital de ladite ville et obtint un poste en tant qu’infirmier le même jour qu’une étrange rencontre. En somme, la vie roulait pour Eytan Steiner, et plutôt bien.