On peut dire que Riley n'a pas eu une vie facile, mais elle ne s'en est jamais plainte. Elle n'a jamais connu ses parents; elle sait juste que ce sont ces derniers qui ont choisi son prénom puisqu'elle portait une couverture brodée à ce nom quand on l'a trouvée, hurlant à la mort et gigotant comme un beau diable dans tous les sens, une photo d'un couple glissée entre deux plis de cette même couverture brodée à son nom. Elle devait avoir à peine un an. La jeune enfant est restée jusqu'à ses quatre ans dans un orphelinat, en Louisiane, à la Nouvelle-Orléans. Elle n'a que des souvenirs flous de cette période; d'autres filles et garçons comme elle, sans père ni mère, qui attendaient qu'une famille vienne les sortir de cet endroit neutre et sombre qui puait le désespoir à plein nez. Heureusement qu'elle ne se souvient pas de tous les détails, sinon son esprit serait beaucoup plus tourmenté; elle ne se souvient pas de ces personnes s'occupant d'elle, qui les grondaient tout le temps et n'était pas tout le temps très gentilles. Ouais, tous les orphelinats ne sont pas des lieux de joie et de bonne humeur; à vrai dire, celui dans lequel était Riley était le cliché de l'orphelinat dans les films dramatiques. Comme vous pouvez vous en douter, l'orphelinat n'avait pas été une partie de plaisir dans sa vie mais... une famille est finalement venue, le 30 décembre 2003 précisément. La famille Silverwood. C'était un couple de noirs très gentils: le mari avait un sourire un peu brut mais un regard tendre, et la mère était un trésor de douceur et d'amour. Il avait fallu à peine quelques secondes pour qu'ils tombent tous les deux sous le charme de cette petite à la peau sombres, aux grands yeux noirs et aux cheveux crépus. Rapidement, la jeune fille à la peu brune avait trouvé une nouvelle famille qui allait l'aimer et la chérir.

Après quelques mois à rester en Louisiane après avoir adopté Riley, les Silverwood prirent la décision de déménager dans le Kentucky, à Bradcliff, pour se rapprocher de la famille d'Amanda. La petite brune n'eut pas grande protestation à clamer, elle était encore jeune et n'avait pas vraiment eut le temps de se faire des amis à l'école; aussi, elle se contenta de suivre ceux qu'elle considérait désormais comme ses parents.

Dans quelques semaines, les vacances d'été seraient de mise. Riley aurait encore le droit à une nouvelle année au jardin d'enfant avant de commencer l'école élémentaire pour de bon; elle avait beau râler tous les matins quand ses parents l'emmenaient à l'école, elle devait avouer qu'elle aimait ça. Et puis, malgré son caractère assez réservé, elle réussissait tout de même à se faire quelques amis (avec qui elle passait les récréations à jouer à chat, à courir après, ou bien à dessiner ensemble). La petite brune était une enfant assez sage, qui se comportait bien avec tout le monde. Polie, aimable, même si elle n'était pas du genre à se jeter dans les bras de tout le monde pour laisser échapper des effusions d'affection, on l'appréciait pour son caractère posé qui contrastait avec celui explosif de la plupart des enfants. Jamais elle ne faisait de caprices pour avoir tel ou tel jouet, certainement parce que son enfance strictement menée à l'orphelinat l'avait rendue consciente de la chance qu'elle avait?

Riley leva les yeux vers le ciel, plaçant sa main droite en visière au-dessus de sa tête, afin de ne pas être éblouie par le soleil. Ce dernier brillait de mille feu, illuminant la fille de Bradcliff de sa chaleur presque étouffante. Vêtue d'un pantacourt, d'un tee-shirt vert et de baskets, la petite fille était en train de jouer au foot avec son père. A défaut d'avoir adopté un garçon, Franck tentait de stimuler le côte sportif de sa fille, espérant peut-être faire naître en elle une passion pour le foot masculin qu'ils pourraient tous les deux partager. Le moins que l'on pouvait dire, c'était que c'est bien parti; à voir la façon dont l'enfant s'amusait à jouer avec son père, et la vitesse à laquelle elle courrait, on ne doutait pas qu'elle serait une bonne sportive une fois plus âgée. « Allez papa! » s'exclama-t-elle, lassée de voir son père tenter de faire naître un suspense avant de tirer. L'homme sourit à sa fille avant de tirer dans le ballon tellement fort que l'on dut entendre le bruit de l'impact jusque chez les voisins. En voyant la balle fuser vers elle, Riley poussa un cri et cacha son visage derrière ses bras, qu'elle plaça droit devant elle. Fermant les yeux avec force, appréhendant le choc qui ne risquait pas d'être très agréable (en même temps, du haut de son mètre huit, le moindre choc était assez violent pour elle). Cependant, en ne sentant rien venir, et après avoir entendu un bruit, la brune ouvrit les yeux... et sursauta en voyant la sorte de bulle qui l'entourait. Perdue, affolée, elle courut et se cogna contre la paroi presque invisible et tomba sur les fesses. A peine fut-elle tombée que l'espèce de bulle disparut, la laissant seule face à son père aussi décontenancé qu'elle. « ....papa? » Implorante, la gorge serrée par la peur et la crainte, la petite espérait que son père aurait une réponse, quelque chose à lui dire. Du haut de ses cinq ans, elle ne comprenait pas ce que cela voulait dire. Franck courut jusqu'à sa fille et la prit dans ses bras, regardant autour d'eux pour voir si personne n'avait rien vu. D'une petite voix, tout en caressant le sommet du crâne de sa fille éplorée, il souffla; « Qu'est-ce que c'était que ça... » Puis il rentra dans la maison, laissant le ballon sur la pelouse. Riley, elle fixa le ballon jusqu'à ce que son père ne referme la porte d'entrée.

Amanda et Franck Silverwood ne mirent pas longtemps avant de comprendre que leur petit ange n'était pas complètement normale. S'ils ne craignaient pas ses capacités anormales, ils craignaient la réaction de ses camarades de classe et du monde extérieur à son encontre; ils avaient entendu ces rumeurs, vu ces témoignages sur le net, et regardé ces vidéos dans leur fil d'actualité Facebook. Ils étaient bien placés pour savoir que l'Homme était cruel avec ce qu'il ne connaissait pas; ils avaient peur de ce qu'il pourrait arriver à leur fille bien-aimée si cela se savait. Au fil des années, Riley apprit donc à faire en sorte de contrôler rudimentairement son pouvoir, de sorte à ce qu'il ne se manifeste pas en plein public. Ses parents avaient pris l'habitude de la surprendre en lui lançant des oreillers sans prévenir, de sorte à ce qu'elle apprenne à ne pas faire apparaître n'importe quand et à tout bout-de-champ cette espèce de bulle. Inutile de vous dire que, chez les Silverwood, il n'était pas rare de voir des objets se mettre à voler sans prévenir.

Cela faisait depuis le mois de juin que, suite à l'apparition de personnes "anormales", une campagne de dépistage avait été mise en place. Et aujourd'hui, les parents de Riley avaient finalement troué un créneau pour qu'ils puissent tous y aller; tous savaient bien ce qui allait tomber pour l'enfant, tous trois savaient qu'elle faisait partie de ces transmutants... mais que pouvaient-ils y faire? Elle n'allait pas fuir et vivre comme une paria non plus, elle n'avait que onze ans! Boudeuse, l'enfant leva les yeux vers sa mère qui était en train d'arranger son tee-shirt; « Maman, on est obligés d'y aller? J'aime pas les aiguilles! » Comme pour approuver ses dires, sa peau se mit à frémir à peine eut-elle pensé à une prise de sang effectuée sur elle. La petite ne le disait pas à ses parents, mais elle avait peur. Que se passerait-il une fois que les docteurs auraient vu qu'elle n'était pas normale? Amanda sentit le désarrois de sa fille et lui effleura avec douceur la joue tout en lui soufflante; « Oui ma chérie, allez ça ira vite. Il n'y aura pas d'aiguilles! » Une nouvelle fois, Riley recula et s'exclama d'un air horrifié; « Mais Maddie m'a dit que les docteurs lui avaient fait des piqûres! » Commençant à être agacée par le comportement de sa fille, la mère finit par rétorquer d'un ton tranchant; « Eh bien on fera avec mon ange. Allez, ton père nous attend. » A contre coeur, la petite brune emboîta le pas à sa mère et monta à l'arrière de la voiture, s'attachant en silence. Durant le trajet, pas une fois elle n'ouvrit la bouche.

« Et voilà qui est fait. » La voix du docteur chargé de prélever le sang de Riley tira cette dernière de ses pensée. Boudeuse, elle pressa sur le coton appuyé contre l'endroit où l'aiguille avait percé sa peau, jusqu'à ce que le médecin ne colle par-dessus un bout de sparadrap. Le docteur était un vieux monsieur à la barbe grisonnante et aux cheveux blanchâtres; il souriait, mais son regard derrière ses lunettes grises était très sérieux. Trop sérieux. « Je peux retourner voir mes parents? » Demanda-t-elle d'une petite voix. En même temps qu'il rangea la fiole contenant son sang, Riley sut que sa nature anormale... de transmutante, serait finalement connue d'autres personnes que ses parents. Et ça, ça lui faisait peur; elle ne voulait pas devenir un rat de laboratoire. Dans sa tête, elle s'imaginait déjà les pires scénarios possibles, et en même temps que le médecin hochait de la tête et la conduisait hors de la sale, la gorge de la petite se noua.

Enfermée dans sa chambre, occupée à traîner sur Facebook, Riley somnolait à moitié. Il était tard, et elle n'allait pas tarder à aller se coucher; cependant, un statut d'un de ses amis attira son attention. Il avait partagé un lien qui intriguait fortement la jeune transmutante; un blog d'un groupe nommé Uprising. Au fil que lignes et mots défilaient sous ses yeux, le regard de la petite se mettait à briller. Elle appela ses parents pour qu'ils viennent lire le premier post sur ce blog, et elle le mit dans ses favoris. A partir de ce jour, elle se mit à suivre assidûment l'actualité sur le blog du groupe rebelle UPRISING.

Franck et Riley étaient tous les deux vautrés sur le canapé devant un match de foot, cannette de coca dans la main. Comme une famille normale. Ils se chamaillaient gentiment tout en insultant l'arbitre qui venait de mettre -à tort- un carton rouge au meilleur joueur de l'équipe qu'ils supportaient. L'adolescente, maintenant âgée de quinze ans, aimait beaucoup ces instants passés avec son père, rien qu'eux sans sa mère. C'était lui qui lui avait légué cette passion pour le sport. Alors qu'une courte page de pub était lancée, un silence s'installa avant d'être brisé par le père; « Tu as entendu parler du NH24? » Surprise, Riley se tourna vers son père. Bien sûr qu'elle avait entendu parler de ce vaccin, et elle avait pâli d'horreur en apprenant ses propriétés! Elle ne voulait pas perdre ce pouvoir qui faisait partie d'elle, et savait très bien ce qu'était en train de lui proposer indirectement son père! « Oui.... mais j'veux pas que vous l'achetiez! J'suis née avec cette capacité, c'est pas pour qu'on me la retire! » Avec véhémence, elle plongea son regard dans celui de son père, qui finit par lui adresser un bref sourire avant de hocher de la tête. D'un côté, elle le comprenait; il voulait la protéger, et avec les hunters qui rôdaient et ces nouvelles mises en place installées par le maire, Thaddeus Lancaster, Riley comprenait qu'il veuille la mettre à l'abri.. mais elle ne voulait pas abandonner ce don. Elle pouvait sauver des gens avec, et elle le ferait!